Cernunnos

Cernunnos
Cernunnos
Cernunnos sur le Pilier des Nautes.
Cernunnos sur le Pilier des Nautes.
Famille

Cernunnos est un dieu gaulois. Aucun texte se rapportant à lui n'a été conservé. Les chercheurs en sont réduits à des conjectures fondées sur l'interprétation de l'onomastique et de l'iconographie pour comprendre son rôle dans la religion gauloise puis gallo-romaine.

Sommaire

Onomastique

Son nom est attesté par quatre inscriptions.

  • La plus célèbre est celle du pilier des Nautes de Paris.
  • Une autre, souvent considérée comme fausse, vient de Polenza en Italie.
  • Une troisième, une tablette de cire découverte en Roumanie, atteste de son assimilation à Jupiter et qu'un collège funéraire lui a été consacré.
  • Enfin la plus ancienne est en langue gauloise et donne la forme "Karnonos".

Le nom Cernunnos proviendrait de la racine indo-européenne *kor ou *ker et s'appliquant à des objets protubérants. On la retrouve en français dans cor et corne, en latin dans cervus ("cerf") et cerebrum ("cerveau")[1]. Le nom du dieu peut donc signifier le « Cornu ». De fait, il est systématiquement orné de bois de cerf.

Iconographie

Cernunnos sur le chaudron de Gundestrup

L'iconographie, elle, comporte un dossier d'une soixantaine de représentations. Il est notamment représenté sur le chaudron de Gundestrup (récipient cultuel datant du Ier siècle av. J.-C.) et sur le pilier des Nautes de Lutèce (monument élevé par la corporation des Nautes, sous le règne de Tibère entre 14 et 37 après Jésus-Christ). Son iconographie présente certaines caractéristiques.

  • Cernunnos porte le bijou emblématique des Gaulois, le torque, parfois autour du cou, accrochés à ses bois ou dans une de ses mains.
  • Cernunnos est assis en tailleur, à la manière « bouddhique ». Cette posture est traditionnelle des dieux et des héros celtes[2], représentés en tailleur. On retrouve cette figuration chez les Guerriers accroupis découverts en 1860 à Roquepertuse dans les Bouches-du-Rhône.
  • Cernunnos tient un sac de pièces qu’il répand ou un panier plein de nourriture, deux représentations de l’abondance.
  • Cernunnos est parfois tricéphale ou à trois visages comme dans la stèle aux trois divinités découverte en 1973 aux Bolards, en Côte-d'Or.
  • Cernunnos est tantôt représenté jeune et imberbe, tantôt comme un vieillard à la barbe fournie[3].
  • Cernunnos est parfois entouré d’animaux, ce qui pourrait en faire un Maître du règne animal. Le serpent à tête de bélier lui est souvent associé. Ce serpent à tête "criocéphale" bénéficiait d'une grande popularité dans toute l'Europe celtique et en Gaule, illustrant l'unité culturelle réalisée par les Celtes au terme de leur expansion. On le retrouve dans les Alpes italiennes, sur les gravues rupestres du Val Camonica dès le IVe siècle, sur le chaudron de Gundestrup, sur les monnaies des Séquanes et des Boiens de Bohême[4].

La représentation de Cernunnos, dieu mi-humain, mi-animal, cesse apparemment au IIe siècle de notre ère[5]. A cette date, le panthéon gallo-romain est dominé par les formes classiques anthropomorphiques. Peu de temps après la conquête, la pacification des Gaules passe par un rapprochement avec les valeurs politiques et esthétiques du vainqueur.

Conjectures

Cernunnos sur une gravure rupestre dans le parc national de la Naquane (Capo di Ponte)[6]

Cernunnos est-il le dieu de la prospérité et des saisons ?

On pourrait interpréter le fait qu'il soit représenté tenant un sac de pièces ou un panier plein de nourriture comme le signe qu'il est le dieu de la richesse. Les bois peuvent symboliser la puissance fécondante et les renouvellements cycliques, ils repoussent pendant la saison claire de l’année celtique. Une sculpture de Cernunnos trouvée à Meaux, montre le sommet de son crâne muni de deux protubérances latérales qui suggèrent la repousse prochaine de la ramure[3].

Cernunnos est-il le dieu père des Gaulois ?

Selon l'archiviste paléographe Anne Lombard-Jourdan, le dieu père des Gaulois auquel Jules César donne le nom d'un dieu romain, Dis Pater, nom archaïque de Pluton, pourrait être Cernunnos. Dis Pater est en effet le dieu du monde souterrain et des richesses comme pourrait l'être Cernunnos. Le dieu que Jules César nomme Dis Pater pourrait avoir été honoré sous des formes et des dénominations variées : tel peuple pouvait célébrer son culte sous tel ou tel nom selon des qualités divines mises en avant par les druides locaux[7]. Cernunnos est le seul dieu à porter systématiquement des attributs caractéristiques des peuples des Gaules comme les braies et le torque, ce qui plaide pour en faire un dieu père des Gaulois. Ces appellations ont donné naissance à des dieux plus connus : chacun de ces dieux ne serait en fait qu'une hypostase du dieu Père. Cernunnos pourrait être ainsi une désignation du dieu que Jules César nomme Dis Pater.

Cernunnos est-il une divinité archaïque ?

Plusieurs éléments semblent indiquer que la figure de Cernunnos correspond à une divinité très ancienne.

  • Un homme cornu figure sur une peinture pariétale de la grotte des « Trois frères » en Ariège.
  • Sa posture « bouddhique » et sa présence sur un sceau de la civilisation de l'Indus (représentation d'un dieu à cornes, assis en tailleur, entouré d'animaux) pourrait faire penser à une origine indo-européenne.
  • On peut signaler qu'à l'époque protohittite il existait dans la civilisation du Hatti un culte du cerf. Il persistera d'ailleurs, en Cappadoce un culte similaire, d'où pourrait découler la vision de saint Eustache, général romain amateur de chasse. Ainsi, Placidus se convertit au christianisme et prit le nom d’Eustache après avoir vu apparaître une croix entre les bois d’un cerf[8].

Saint Edern et saint Théleau correspondent-ils à des figures christianisées de Cernunnos ?

Certains voient dans l’association deux saints bretons semi-légendaires, saint Edern et saint Théleau, tous deux traditionnellement représentés comme chevauchant un cerf, un héritage de la religion celte qui tenait la bête en grande vénération. La chute annuelle des bois suivie de repousse passait aux yeux des anciens pour être symbole de mort et de résurrection. Le cerf, on le sait était associé au culte rendu du dieu Cernunnos[9].

Notes et références

  1. Anne Lombard-Jourdan, Alexis Charniguet, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, éd. Larousse, 2009, p. 20.
  2. Anne Lombard-Jourdan, Alexis Charniguet, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, éd. Larousse, 2009, p. 22.
  3. a et b Anne Lombard-Jourdan, Alexis Charniguet, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, éd. Larousse, 2009, p. 23.
  4. Anne Lombard-Jourdan, Alexis Charniguet, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, éd. Larousse, 2009, p. 26.
  5. Anne Lombard-Jourdan, Alexis Charniguet, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, éd. Larousse, 2009, p. 27.
  6. Umberto Sansoni-Silvana Gavaldo, L'arte rupestre del Pià d'Ort : la vicenda di un santuario preistorico alpino, p. 156 ; (it) Ausilio Priuli, Piancogno sur "Itinera". Mis en ligne le 2 avril 2009.
  7. Anne Lombard-Jourdan, Alexis Charniguet, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, éd. Larousse, 2009, p. 19.
  8. Dossiers Histoire et Archéologie, 1987, n°21, p. 62-79.
  9. http://catholique-quimper.cef.fr/decouvrez_notre_patrimoine/les-pardons/bol-d-air-breton/copy_of_saint-edern/

Bibliographie

  • Simone Deyts, Images des dieux de la Gaule, Errance, Paris, 1992, (ISBN 2-87772-067-5)
  • Paul-Marie Duval, Les Dieux de la Gaule, Paris, éditions Payot, février 1993, 169 p. (ISBN 2-228-88621-1).
    Réédition augmentée d'un ouvrage paru initialement en 1957 aux PUF. Paul-Marie Duval distingue la mythologie gauloise celtique du syncrétisme dû à la civilisation gallo-romaine.
     
  • Albert Grenier, Les Gaulois, Paris, Petite bibliothèque Payot, août 1994, 365 p. (ISBN 2-228-88838-9).
    Réédition augmentée d'un ouvrage paru initialement en 1970. Albert Grenier précise l’origine indo-européenne, décrit leur organisation sociale, leur culture et leur religion en faisant le lien avec les Celtes insulaires.
     
  • Christian-J. Guyonvarc'h, Magie, médecine et divination chez les Celtes, Bibliothèque scientifique Payot, Paris, 1997, (ISBN 2-228-89112-6).
  • Christian-J. Guyonvarc'h et Françoise Le Roux :
    • Les Druides, Ouest-France Université, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 1986 (ISBN 2-85882-920-9) ;
    • La Civilisation celtique, Ouest-France Université, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 1990 (ISBN 2-7373-0297-8) ;
    • Les Fêtes celtiques, Rennes, Ouest-France Université, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », avril 1995, 216 p. (ISBN 2-7373-1198-7).
      Ouvrage consacré aux quatre grandes fêtes religieuses : Samain, Imbolc, Beltaine, Lugnasad.
       
  • Philippe Jouët, Aux sources de la mythologie celtique, Yoran embanner, Fouesnant, 2007 (ISBN 978-2-914855-37-0).
  • Venceslas Kruta, Les Celtes, Histoire et Dictionnaire, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins » , Paris, 2000 (ISBN 2-7028-6261-6).
  • Claude Sterckx, Mythologie du monde celte, Paris, Marabout, octobre 2009, 470 p. (ISBN 978-2-501-05410-2) .
  • Consulter aussi la Bibliographie sur la mythologie celtique et la Bibliographie sur la civilisation celtique.


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