Chapelle Notre-Dame du Kreisker

Chapelle Notre-Dame du Kreisker
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Chapelle Notre-Dame du Kreisker
de Saint-Pol-de-Léon
Image illustrative de l'article Chapelle Notre-Dame du Kreisker
Présentation
Nom local Chapelle du Kreisker
Culte Catholique romain
Type Chapelle
Rattaché à Diocèse de Quimper et Léon
Début de la construction XIVe siècle
Fin des travaux XVe siècle
Style(s) dominant(s) Gothique
Protection  Classé MH (1840)[1]
Géographie
Pays Drapeau de France France
Région Bretagne
Département Finistère
Ville Saint-Pol-de-Léon
Coordonnées 48° 41′ 08″ N 3° 59′ 19″ W / 48.68556, -3.9886148° 41′ 08″ Nord
       3° 59′ 19″ Ouest
/ 48.68556, -3.98861
  

Géolocalisation sur la carte : France

(Voir situation sur carte : France)
Chapelle Notre-Dame du Kreiskerde Saint-Pol-de-Léon

La chapelle Notre-Dame du Kreisker (breton: Chapel Itron Varia Kreiskêr), "porte d'entrée" de la ville de Saint-Pol-de-Léon est considérée comme un édifice majeur de l’architecture religieuse bretonne[2]. Son clocher de granit haut de 78 m en fait sa particularité, étant le plus haut de Bretagne. Pour le maréchal Vauban, de passage à Saint-Pol, le Kreisker était "le morceau d’architecture le plus hardi qu’il eût jamais vu"[3]. Le Kreisker est le prototype de nombreux clochers bretons[4]. C'était la chapelle (XIVe - XVe siècles) où se réunissait le conseil de ville. C'est aujourd'hui la chapelle de l'ensemble scolaire Le Kreisker.

Sommaire

Histoire

Le clocher du Kreisker reste un "grand muet", les interrogations étant très nombreuses et il n'existe que peu d'archives, mais aussi parce qu'il a perdu ses cloches à la Révolution ! L'écriture (Creizker, Creisqueur...) et l'origine du mot "Kreisker" est forte controversée. La traduction littérale suggère une implantation de la chapelle au milieu de la ville ; or à l'époque, elle se situait au bord de l'enceinte fortifiée. Pour d'autres chercheurs, le mot indiquerait plutôt le bas de la ville. Et certains le font même dériver de "Krist-kaer", le crucifix de la ville. L'abbé Castel estime que Kreisker désignerait le centre fortifié, non pas spirituellement, mais matériellement, militairement, de par sa position par rapport aux remparts médiévaux.

La fondation primitive de la chapelle remonte au VIe siècle[5]. Une jeune lingère ayant travaillé un dimanche en l'honneur de la Vierge, malgré les remontrances de Saint Kirec (ou Guévroc) fut subitement paralysée de tous ses membres. Après son repentir, le saint la guérit et elle lui donna sa maison pour en faire une chapelle. On lui donna le nom de "Kreis-ker" parce qu'elle était située au centre d'un village voisin, faubourg de la ville[5].
Le premier oratoire en bois consacré à la Vierge Marie ne résista pas aux ravages des Normands en 875 (IXe siècle).

Construite sur l'emplacement de la chapelle antique, Le Kreisker est l'œuvre d'un architecte inconnu, qui selon une certaine tradition locale et en vertu de certains détails de la nef, était anglais. La tradition rapporte que les Anglais, après avoir brûlé la ville le 3 mai 1375, auraient rebâti le Kreisker, certains éléments architecturaux tel le "perpendicular style" à la souche de la tour relevant manifestement d’une influence d’Outre-Manche (gothique perpendiculaire). Installés durablement à Saint-Pol après la guerre de Succession de Bretagne, les Anglais pouvaient en effet transformer la tour en poste de vigie tourné vers la mer et les terres environnantes. La façade occidentale, le transept, l'élévation nord du chœur ainsi que le chevet datent donc de la fin du XIVe siècle. Mais les quatre piliers qui soutiennent la tour appartiennent au XIIe siècle. Une salle médiévale sur le porche nord est un témoin intact d'une mystérieuse chambre qui pouvait être un logement à la fin du XIVe siècle, peut-être logement de garde au XVe siècle, chambre de reclus, salle d'archives, de trésor ou d'armes.

Après le départ des Anglais, la tour fut couronnée au XVe siècle (1439-1472) par Jean IV, duc de Bretagne, d’une flèche fabuleuse et l’édifice sensiblement modifié. Les armes de l'évêque Jean Prigent sculptées dans la clef de voûte du carré du transept permettent de préciser la date du début de ces travaux. La tour de croisée date de 1436-1439. L'étage des cloches et la flèche sont achevés dans la seconde moitié du XVe siècle : la flèche octogonale est cantonnée de quatre clochetons étagés.

Le clocher, qui s’élève à 78 mètres au-dessus du sol[6], est typiquement normand. Il s'inspire d'ailleurs très largement de la flèche de l'église Saint-Pierre de Caen[7] et du modèle de la chapelle de Notre-Dame-du-Mur à Morlaix construite entre 1372 et 1426 et détruite en 1806.

Plusieurs fois détruite par les Normands puis par les Anglais, l’église fut ensuite plusieurs fois restaurée : réparations en 1576, en 1639 à cause du clocher endommagé par la foudre[2], à la fin du XVIIIe siècle car des parties menaçaient de ruine[2], et en 1807 la flèche est sauvé de la démolition par un décret signé par Napoléon Ier au camp de Friedland et restaurée sur l'ordre de l'empereur à cause de son intérêt vital pour la navigation[2] : son clocher servait d’amer aux marins.

Tout au long du Moyen Âge et jusque sous Louis XIV, en l’absence d’une maison commune, les assemblées des ordres de la ville s’y tenaient. Jusqu'au XVIIe siècle elle sera chapelle municipale, abritant les délibérations du corps de ville. La nef a dû servir aussi de bourse de commerce. A l'image d'une galerie marchande, les deux porches se font face et débouchent sur la Grand-Rue... La chapelle sert de chapelle au Grand Séminaire jusqu'à la Révolution, avant d'être celle du collège du Léon au XIXe siècle. Elle restera attachée à l'établissement secondaire jusque vers les années 1970. La chapelle a été rénovée en 1993[8].

Description générale

Le porche nord, l’autel de chêne sculpté et le retable (XVIIe siècle) sont les parties incontournables. Cette "hardie" et élégante[9] construction domine tout ce qui l'entoure et semble menacer le ciel, qui souvent l'a foudroyée, notamment en 1628, 1680, 1770 et 1816.

Reposant sur quatre massifs (piliers de 3,20 m de côté[10]) situés à l'intérieur de la chapelle, le clocher repose tout entier sur ces piliers desquels s'élancent quatre ogives en lancette et composés d'une grande quantité de colonnettes fasciculées. La première partie de la tour est ajourée sur tous ses côtés d'ouvertures rectangulaires. Juste au-dessus de celles-ci se situent des moulures fractionnées et compartimentées dans des cadres rectangulaires qui renforcent son aspect élancé et le sentiment de légèreté. Puis viennent de fines ouvertures fendant la tour sur toute sa longueur (plus de 90), elles-mêmes encadrées de longues arcades et de deux ogives par face. La plate-forme surplombante supporte la flèche de plan octogonal de 32m ainsi que les quatre clochetons de 16m, reliés par une balustrade sculptée et ajourée. Les clochetons à trois niveaux d'arches sont partiellement suspendus dans le vide et reliés à la flèche par des tirants de granit, datants probablement du XIIIe siècle. Les chapiteaux de ces colonnettes se composent en effet de développements en végétaux en forme de crosses, de feuilles d'eau imitées de l'antique et de feuille de lierre. Cela confère à l'édifice entier un certain équilibre et démontre aussi une certaine audace architecturale du fait du paradoxe entre la légèreté apparente des piliers avec le poids et la hauteur de la tour qu’ils soutiennent, comme le soulignait Vauban.

La corniche, aux quatre côtés prolongés par quatre gargouilles, est également parcourue au-dessous et sur tout son pourtour par une bande de "trilobes" qui ajourent de tous côtés la flèche principale et font d'elle une sorte de dentelle de pierre. Il faut aussi noter que la flèche comporte quatre lucarnes sur ses faces Nord, Est, Sud et Ouest d'une hauteur similaire à celle des clochetons.

Une arcature de la nef présente la figure d'un des rares anges souriants. Le désaxement du chœur par rapport à la nef imiterait l’inclinaison de la tête du Christ sur la croix (l'axe s'incline à droite vers le sommet) comme c'est le cas dans la cathédrale de Quimper.

Une autre particularité du Kreisker est sans doute la prudence dont a fait preuve l'architecte avec l'étroit escalier de 169 marches menant au clocher[11]. En effet, celui-ci est réparti à tour de rôle dans chacun des massifs d'angle, ce qui oblige le visiteur à faire le tour du clocher pour éviter de fragiliser l'édifice. La légende assure qu'on aperçoit, du haut du belvédère, le quart des clochers du diocèse (350) et en tout cas un panoramas imprenable sur la baie de Morlaix et les villes alentours.

Le porche nord de style flamboyant, est beaucoup plus travaillé que le porche sud, contrairement à la tradition de l'époque. Il est surmonté d'un fronton triangulaire où se trouvaient autrefois les armoiries des donateurs, détruites à la Révolution. Tout au sommet se dresse une Vierge à l'Enfant du XVe siècle qui a servi de modèle à celle, plus moderne, se trouvant à l'intérieur de cette chapelle qui fut un haut lieu marial (consacrée à Marie). Sur l'arcade de l'entrée on remarque dix statuettes de patriarches déployant un parchemin. Les portes sont surmontées de multiples feuillages, de statuettes, de monstres imaginaires et d’animaux domestiques…[12] Bien que mutilé, il est l'un des plus beaux de l'art au Moyen Âge.

La tour est aujourd'hui muette mais elle a bel et bien abrité plusieurs cloches : il y avait Marie, fondue en 1676, le Grand et le Petit Gabriel, le Jean... Les cordes qui les faisaient sonner étaient tressées à la Madeleine. La dimension de la cloche la plus grande est clairement indiquée par l'ouverture d'une porte qui en a épousé la forme.

L'intérieur, qui comportait jadis plus de vingt chapelles privées ou domestiques, est aujourd'hui bien dépouillé[10]. Vingt autels étaient recensés dans l'édifice, entretenus par les tailleurs, les laboureurs et autres corporations. Il a été dépouillé de ses vitraux armoriés, de ses statues, ses cloches et de ses pierres tombales. Sont toujours visibles à l'intérieur : l'autel baroque de Notre-Dame, un tableau du XVIIe siècle et un retable qui date de 1684 ayants pour sujet la Visitation, le vitrail moderne de Labouret, une chaire à prêcher (XVIIe siècle) provenant de la cathédrale, l'autel récent du Tro Breizh et les sept saints fondateurs, une pierre ciselé vestige du couvent des Carmes... Des expositions y sont régulièrement organisées.

Détruits à la Révolution, les vitraux autrefois colorés et armoriés ont cédé la place à un verre blanc sans âme, à l'exception du vitrail derrière le maître-autel, redessinée au milieu du XXe siècle. Le pignon de cette "maitresse vitre" est composé de cinq meneaux verticaux, coupés par un meneau horizontal, qui vont s'épanouir au sommet en trilobés, trèfles, quintefeuilles et roses. En 2012, l'artiste Kim En Joong réalisera le nouveau vitrail de la rosace du pignon ouest. Il cherche à engendrer la nouveauté avec une symbolique des couleurs et le mystère divin.

Photos

Citations

La chanson du conscrit.jpg

« Un beau jour d’été à Saint-Pol-de-Léon [...] le clocher de Creizker, le géant des clochers bretons, baignant dans le ciel bleu, en pleine lumière, ses fines découpures grises marbrées de lichens jaunes. [...] Nous montâmes au clocher de Creizker ; naturellement, c’était haut, cela n’en finissait plus, cette pointe dans l’air. Nous dérangions beaucoup les vieilles corneilles nichées dans le granit. Une merveilleuse dentelle de pierre grise, qui montait, qui montait toujours, et qui était légère à donner le vertige. Nous nous élevions là dedans par une spirale étroite et rapide, découvrant par toutes les découpures du clocher à jour des échappées infinies. » Mon frère Yves, Pierre Loti, 1883

« Le clocher est, sans contredit, le plus bel ouvrage de ce genre que nous possédions en France. » Voyage en Bretagne, Édouard Vallin, 1859

« M. Hersart ne peut entendre parler de Saint-Pol sans laisser échapper son admiration pour le Kreisker : son style très-pur du XIVe siècle, sa hauteur prodigieuse, la hardiesse de sa construction, tout concourt à en faire un des plus beaux monuments qu'il y ait. » Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes, 1859

Bibliographie

  • Saint-Pol-de-Léon, la cathédrale - le Kreisker, Lucien-Th. Lécureux, H. Laurens, 1909, 96 p.
  • Notre-Dame du Kreisker, Le marchepied du ciel, par Philippe Abjean, Léon'Art éditions, avril 2011, 171 p.
  • A L'ombre du Kreisker, Notes et souvenirs, Job de Roincé, Broché. 42 p.

Notes et références

Sur les autres projets Wikimedia :

  1. Notice no PA00090427, sur la base Mérimée, ministère de la Culture
  2. a, b, c et d Actuacity
  3. La Bretagne, par Jules Janin. citation selon Piganiol en 1754
  4. Anarvorig "Le Kreisker ou quand la copie surpasse le modèle..."
  5. a et b Info Bretagne "La fondation de la chapelle primitive remonte au VIème siècle."
  6. Info Bretagne "La tour mesure 78 m de haut. La flèche de granit est un octogone percé de 80 ouvertures en rosaces..."
  7. Pierre Chirol, « Le pays normand et son architecture », dans La construction moderne, 45e année, n°3, 20 octobre 1929, p. 38
  8. doc ipernity
  9. Dont le clocher est le plus élégant qui soit en France, "L'Eglise de Bretagne", Dom Morice, Tresvaux, 1839
  10. a et b Saint-Pol-de-Léon, Cité Capitale en Bretagne
  11. Le Télégramme "La foule à l'assaut du clocher du Kreisker"
  12. Bulletin journées du patrimoine

Liens externes


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