Chapelle Scrovegni

Chapelle Scrovegni

Église de l'Arena de Padoue

L'église de l'Arena ou chapelle Scrovegni, Padoue

L'Église de l'Arena ou Chapelle des Scrovegni de Padoue est une modeste chapelle vaguement gothique construite sur le terrain de l’ancienne arène romaine - l’Arena, amphithéâtre elliptique pour spectacles de gladiateurs, vestige de la Patavium romaine - construite au XIVe siècle, dans le quartier de l’Arena, à Padoue, en Italie.

De nos jours, le quartier verdoyant de l'Arena possède un parc public au milieu duquel est plantée une petite chapelle médiévale. Totalement anodine de l’extérieur, elle renferme un des trésors les plus inestimables de l’humanité, le cycle de fresques de Giotto. Ce chef-d’œuvre de la peinture aux couleurs intenses – le fameux bleu de Giotto - a été commandé au début du XIVe siècle par un riche mécène, Enrico Scrovegni, banquier et homme d'affaires padouan, fils d'un célèbre usurier de Padoue, que Dante avait précipité en enfer, au chant dix-septième de la Divine Comédie.

Sommaire

Histoire

La première pierre de la chapelle a été posée l'année du premier Jubilé (1300). Pour décorer la chapelle qu'il faisait construire, à côté de son palais, Enrico Scrovegni fit appel aux plus grands artistes de l'époque : Jean de Pise reçut commande de trois statues de marbre et Giotto celle de la décoration picturale des murs.

La décoration de la chapelle des Scrovegni par Giotto est une des réalisations les plus magistrales de l’histoire de l’art occidental, qui mériterait - ce n'est pas encore le cas contrairement au Jardin botanique de Padoue - de figurer sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Ce cycle de peintures murales, réalisées au début du XIVe siècle, chef-d'œuvre de la peinture du Trecento italien et européen, présente une unité et une cohérence inouïes, une gamme de couleurs d’une rare vivacité et des figures dotées d’une grande force expressive. Il est considéré comme le cycle de fresques le plus complet réalisé par le grand maître toscan dans sa période de maturité.

La ville de Padoue a acquis la chapelle en 1881 pour éviter la perte des fresques, qui étaient, à cette époque, gravement endommagées. Pour assurer la protection des fresques de Giotto, les autorités italiennes ont pris des précautions dignes de la conquête spatiale. À côté de l'édifice a été greffée une structure en verre moderne rappelant l’architecture de Mies van der Rohe. Cette boîte transparente s’ouvre toutes les trente minutes aux visiteurs ayant retiré un billet d’entrée. Ces derniers peuvent alors s’installer dans des fauteuils et patienter un quart d’heure dans un espace climatisé, aseptisé et pourvu d’écrans vidéo sous le regard ébahi des promeneurs restés dehors car toute personne souhaitant visiter la chapelle des Scrovegni doit passer 15 minutes dans ce sas de décontamination afin que la température de son corps s’aligne sur celle de l’intérieur de la chapelle pour préserver la conservation des fresques.

Une restauration importante des fresques a été entreprise en 2001 pour effectuer des interventions jugées urgentes sur des zones présentant de graves risques de déterioration et pour atténuer le manque d'homogénéité chromatique résultant des précédentes restaurations effectuées à la fin du XIXe siècle et dans les années 1960.

Les fresques de l'Église de l'Arena

Baptême du Christ

La Chapelle Scrovegni est une chapelle à nef unique entièrement tapissée de peintures dont les couleurs sont en remarquable état de conservation. Les dimensions modestes de l’espace permettent aux spectateurs d’avoir un contact assez intime avec les peintures. Giotto a rempli un programme complexe couvrant les ancien et Nouveau Testament. Les scènes se déroulent sur les deux parois latérales, presque symétriques (Giotto a du faire un léger décalage pour jongler avec les fenêtres) de la chapelle et sont découpées en tableaux par des cadres en trompe-l’œil. Cette composition suit une logique chronologique, de la vie d’Anne et de Joachim, les parents de la Vierge Marie à celle du Christ, dans le sens horizontal et de haut en bas, comme une bande dessinée géante.

Giotto - qui a déjà peint les fresques de l'église supérieure de la Basilique Saint-François d'Assise, dans la dernière décennie du siècle qui vient de s'achever - revient de Rome, où il est allé travailler à la demande du cardinal Jacopo Gaetani dei Stefaneschi, neveu du pape Boniface VIII. De 1303 à 1306, il est à Padoue, où il peint les cinquante-trois fresques de la Chapelle Scrovegni ou Chapelle Santa Maria dell'Arena, qui sont considérées comme son chef-d'œuvre et l'un des tournants de l'histoire de la peinture européenne. Il avait probablement autour de quarante ans quand il a commencé la décoration de la chapelle, où il peint des fresques relatant la vie du Christ, qui sont un des sommets de l'art chrétien.

Une tradition fort sérieuse considère que Dante - exilé de Florence en 1302 - se trouvait à Padoue en même temps que Giotto y effectuait ce travail et attribue à son influence le choix d'une partie des compositions dont Giotto décora la chapelle de Santa Maria dell’Arena. Dans l'Enfer de Dante se retrouvaient certains des contemporains que le poète jugeait indignes du salut mais qu'il ne nommait pas expressément, se contentant de les désigner symboliquement par leurs armoiries. Il avait ainsi précipité en enfer, au chant dix-septième de la Divine Comédie, Reginaldo Scrovegni, usurier célèbre de Padoue, en évoquant les armoiries de la famille figurées par « une grosse truie d'azur ».

L'Expulsion des marchands du Temple

Pour réhabiliter la mémoire de son père et de la famille, son fils Enrico - un riche marchand créé patricien de Venise - fit ériger en 1303 à Padoue une chapelle consacrée à la Vierge sous le titre de la Annunziatà, dont il avait confié la décoration à Giotto. Peut-être celui-ci en fut-il également l'architecte avant d'en être le décorateur ; en l'absence de tout document, cette conjecture ne peut s'appuyer que sur l'harmonie parfaite de la forme de l'édifice avec sa décoration intérieure. Ainsi, quatre mots d'un poète auront suffi à susciter l'une des plus hautes réalisations de la peinture occidentale

C'est une simple nef à voûte cintrée, terminée par un grand arc ouvrant sur l'abside. La paroi de droite est percée de six fenêtres, et une triple baie ogivale s'ouvre sur le mur de façade; toute une large surface, où le regard n'est détourné par aucun motif de sculpture, s'offre librement aux inventions de la fresque.

Les scènes sur les murs sont ainsi arrangées en quatre rangées et sont entourées par une structure qui semble former la partie de l'architecture de la chapelle. Les scènes sont séparées verticalement par de larges bandes de marbre qui sont richement décorées. Giotto, se conformant aux antiques usages, divisa les murs de la nef en larges quadrilatères étagés sur trois rangs, où il peignit les histoires de la Vierge et du Christ. Il enveloppa ses compositions de bordures à feuillages variés, d'où se détachent symétriquement des médaillons avec des bustes de personnages évangéliques.

Crucifixion

L'Église étant plus petite qu'à Assise, Giotto a du diviser la surface en panneaux plus petits. Les personnages de la fresque sont peints presque en grandeur nature ce qui donne une grande unité à la fresque et une grande proximité avec les personnages. Comparés aux fresques d'Assise, la couleur et les volumes sont devenus plus doux. Les gestes des figures maintiennent un équilibre entre la « gravitas » de l'Antiquité et le côté gracieux de l'Art gothique. Giotto a divisé les murs en tableaux rectangulaires, séparant ces derniers par des faux cadres. On retrouve dans cette structure tout un langage de formes et de matières. Faux marbres polychromes, entrelacs gothiques, dallages, têtes de prophètes dans des fenêtres polylobées, l’illusion visuelle est complète. Pas un seul centimètre carré n’est laissé en réserve.

Au-dessous, sur un soubassement feint, coupé de pilastres, Giotto a dessiné une bande en imitation de marbre dans laquelle s’insèrent quatorze figures allégoriques - sept de chaque coté - de Vertus et de Vices, peintes en camaïeu. Au sommet de l'arc triomphal - qui ouvre sur le chœur - trône le Sauveur adoré par les anges; sur la paroi d'entrée se déploie le Jugement dernier. La voûte à fond d'azur semé d'étoiles d'or est divisée en deux champs, d'où ressortent dix médaillons circulaires représentant, d'un côté la demi-figure du Christ bénissant, de l'autre celle de la Vierge tenant son fils, parmi des bustes de prophètes. La série des scènes évangéliques commence à droite de l'arc triomphal, se continue sur la paroi qui fait face, recommence et se continue de même par deux fois, pour se terminer à gauche du chœur.

L'influence de Dante se trahit dans la vaste composition du Jugement dernier et mieux encore dans les figures allégoriques en camaïeu, qui simulent à la base des fresques évangéliques deux rangées de bas-reliefs. Ces quatorze figures de Vertus et de Vices qui se font face, les Vertus à droite et les Vices à gauche, comptent parmi les créations les plus parfaites du génie de Giotto. On pourrait leur chercher quelques modèles, soit parmi les miniatures antiques (illustrations de la Psychomachia de Prudence), soit parmi les sculptures du Moyen Âge (statues et bas-reliefs de Nicolas et de Jean de Pise) ; mais il y a un abîme entre l'œuvre du maître et celles de ses devanciers. La simplicité, la dignité merveilleuses de ces figures aux draperies flottantes révèlent en leur auteur non seulement un esprit subtil, habitué aux spéculations morales et philosophiques, mais un œil de peintre et de sculpteur, instruit par la contemplation des chefs-d'œuvre de l'art antique.

Des inscriptions latines

Aujourd'hui presque entièrement détruites, elles éclairaient le symbolisme de ces figures, dont voici l'énumération :

L'Ascension
  • 1° L'Espérance et, sur la paroi opposée, 2° le Désespoir ;
  • 3° La Charité et 4° l'Envie ;
  • 5° La Foi et 6° l'Infidélité ;
  • 7° La Justice et 8° l'Injustice ;
  • 9° La Tempérance et 10° la Colère ;
  • 11° La Force et 12° l'Inconstance ;
  • 13° La Prudence et 14° la Folie.

Les fresques

Elles se répartissent en plusieurs groupes :

Nombreux sont les historiens qui s’accordent à trouver en Giotto l’inventeur de la peinture italienne. Sa peinture se distingue de ce qu’on appelle la « maniera graeca », c’est-à-dire le style byzantin, dans lequel les figures ont l’air de flotter dans un univers céleste où baigne une lumière dorée irréelle. Les personnages de Giotto ont quelque chose de naturel, de profondément humain.

On peut s'en convaincre en observant les personnages de second plan, comme la fileuse de 'L'Annonciation à sainte Anne , ou le buveur de vin dans les Noces de Cana.

Le Baiser de Judas (détail)

Le peintre a cherché à camper ses scènes dans un environnement terrestre qui puisse, tant que possible, être crédible, même si la représentation des architectures semble trop petite par rapport aux personnages. Dans ces scènes, l'architecture joue un rôle de décor théâtral, comme la maison d’Anne, dans l’Annonciation citée plus haut, dont la paroi a été retirée, comme dans une maison de poupée, pour qu’on puisse voir ce qui se passe à l’intérieur.

La scène la plus expressive est sans doute le « Baiser de Judas » (Voir ci-contre), dans laquelle Giotto s’est passé de décor architectural. Une foule de personnages, qui semblent se prolonger dans le ciel par des lances, s’agite autour du couple Christ / Judas. Les deux hommes, de profil, s’affrontent dans un face à face intense. Le Christ, grave mais serein, a le corps enveloppé par la tunique de son fourbe interlocuteur. Giotto ne fait pas que narrer une histoire. Il transmet des émotions.

Giotto acheva de peindre les fresques de la Chapelle Scrovegni dans les premiers mois de l'année 1306.

Bibliographie

  • Giuseppe Basile, Giotto, les fresques de la chapelle Scrovegni de Padoue, éditions du Seuil / Skira, 2002. Monographie officielle, réalisée par l’ICI (l’Institut de restauration de Rome), sur la restauration des fresques de la chapelle Scrovegni de Padoue.
  • André Chastel, L'Italie et Byzance, éditions de Fallois, 1999, notamment les chapitres « Rapport entre la peinture italienne et la Maniera Graeca », p. 71 et « Giotto à Padoue, l'Arena », p. 110.
  • Francesca Flores d’Arcais, Giotto, éditions Actes Sud / Motta, 2000.

Citations

« La voûte entière et le fond des fresques sont si bleus qu'il semble que la radieuse journée ait passé le seuil, elle aussi, avec le visiteur... »

— Marcel Proust dans Albertine disparue

« Il fallait être un grand sculpteur pour dessiner ces fresques, mais il fallait être un grand peintre pour qu'elles ne fussent pas des sculptures... »

— André Malraux dans les Voix du Silence

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