Charles Barberot

Charles Barberot
Charles Barberot
Charles Barberot 1915.jpg

Naissance 23 février 1876
Paris, France
Décès 4 août 1915 (à 39 ans) (à 39 ans)
Collet du Linge,Orbey, France
Mort au combat
Origine Drapeau de France France
Allégeance Flag of France.svg Armée française
Grade Chef de Bataillon (1915)
Années de service 1894 - 1915
Conflits Première Guerre mondiale
Commandement 1erBataillon du 133e régiment d'infanterie de ligne
5e bataillon de chasseurs à pied
Distinctions Chevalier de la Légion d'honneur
Croix de Guerre 14-18

Charles Barberot, né le 23 février 1876, mort le 4 août 1915, est un militaire français.

Sommaire

Sa jeunesse et sa vocation militaire

Charles Élysée Barberot nait le 23 février 1876 à Paris, au 28 rue de l'Ouest. Il est le fils de Jules-Joseph Barberot et Marie née Dupont. Son père est originaire de la Haute-Saône et installé à Paris depuis la fin du Second Empire. Ancien militaire, il est d'abord fonctionnaire puis reprend avec son épouse le commerce – une crèmerie – de son beau-père. À partir des années 1890, il développe une activité lucrative de courtage en farine. La famille acquiert rapidement une grande aisance financière mais reste en marge de la grande bourgeoisie. Jules-Joseph Barberot développe une grande indépendance d'esprit et se range dans le camp des Dreyfusards. Ce trait de caractère sera repris par son fils Charles.
Charles a un frère ainé, Alphonse (1875 – 1944). Après lui naîtront deux autres frères, Philippe (1885 – 1960) (père de Roger Barberot) et Lucien, et enfin une sœur Isabelle (1895 – 1982). Jeune, le garçon est turbulent et exprime tôt son souhait de devenir militaire. Ses parents attachent une grande importance à l'éducation et l'ouverture internationale et envoient leurs deux aînées à Leipzig en 1892. A son retour, Charles prépare l'école militaire spéciale de Saint-Cyr au collège de la rue des Postes. Il est admis en 1894. Il sort en 1896 (promotion Alexandre II) et rejoint comme sous-lieutenant au 4e régiment d'infanterie coloniale le 1er octobre 1896.

La Période Coloniale

Charles Barberot est d'abord envoyé en Crète le 22 avril 1897 où la France intervient comme force internationale entre les Grecs et l'Empire Ottoman. Il sert sur place jusqu'au 22 juin 1899, passant lieutenant le 1er octobre 1899. Il retourne en France où il se marie avec Alice Bailly le 11 novembre 1899. De leur union naîtra un fils, Jacques.

Après un stage de tir à Valbonne, il passe au 14e régiment d'infanterie coloniale et part pour Diego Suarez, à Madagascar le 26 mai 1900. Après une escale à Djibouti, son navire atteint Diego Suarez le 14 juin. Dès le 15, son unité est inspectée par le colonel Joffre. En juillet, la base est inspectée par le général Gallieni. Le 27 juillet, il prend le commandement de la 2e compagnie du 15e régiment d'infanterie coloniale. Début août, il est chargé de la construction de la ligne télégraphique Tamatave - Diego Suarez. La colonne Barberot traverse la jungle pendant plusieurs mois, d'abord en reconnaissance puis en pose des lignes télégraphiques. La mission s'achève le 14 novembre 1900 à Antsirabe. À l'issue de la mission, Charles Barberot rédige ses relevés topographiques.

Un temps retenu pour commander un nouveau poste, il part finalement de Diego Suarez pour Tamatave pour une mission de construction de chemin de fer le 13 juin 1901. Après avoir embarqué à bord d'un navire, il atteint Tamatave le 24 juin et rejoint Anivorano le 1er juillet 1901, base de départ de la construction de la nouvelle ligne. Charles Barberot effectue tout au long du chantier des relevés topographiques, ce qui nécessite un parcours éprouvant à travers la jungle. La mission s'achève le 18 janvier 1902. Après une mise au propre de ses croquis, il entame l'exploration de la vallée de Vohipeno jusqu'au 22 avril 1902. Mais en mai 1902, il tombe très gravement malade et quitte Madgascar le 14 juillet 1902. Soigné, il entame une longue convalescence. Il est muté au 23e régiment d'infanterie coloniale mais doit abandonner le service aux colonies. Après le passage au grade de capitaine le 24 mars 1905, il rejoint le 133e régiment d'infanterie de ligne, à Belley.

La vie de Garnison

Cantonné à une vie militaire monotone, le capitaine Barberot s'investit dans l'instruction et la tactique. Passant entre analyse et pratique, il rédige de nombreux carnets et publie en 1913 en deux tomes un ouvrage consacré à la Conduite des Petites Unités dans l'Offensive. Il fait le constat que l'instruction des officiers se concentre sur les mouvements stratégiques, mais n'accorde pas assez d'importance aux déplacements tactiques. Il souligne l'importance d'une instruction approfondie dans ce domaine pour les officiers subalternes, et affirme l'importance du chef. Il développe plusieurs instructions tactiques qui se révéleront prémonitoires par rapport au conflit de 14-18. Il anticipe le conflit avec l'Allemagne et se rend en visite secrète à Mulhouse en 1913, en mission d'observation.

En début de guerre

En août 1914, il entre dans la guerre et rejoint le front dans les Vosges à la tête du 1er Bataillon du 133e régiment d'infanterie (1re Armée, 7e corps d'armée, 41e division) de Belley. En août, Charles participe à l’offensive en Alsace prévue par l’état-major. Dans la nuit du 6 au 7 août 1914, le régiment franchit le tunnel de Bussang et débouche en Alsace, alors terre germanique. Charles pénètre avec ses hommes à Mulhouse et à Cernay. Repoussé par une contre-offensive, son unité reprend le terrain avant d’être ramenée sur la frontière, faisant toutefois pendant cet épisode près de 900 prisonniers. Le 13 septembre 1914, alors que sur la partie est de ce front les premières tranchées commencent à être creusées, il est promu chef de bataillon à titre provisoire. Lorsqu’il écrit à ses parents le 11 septembre, il ne conçoit toujours pas une guerre longue. Il est confiant dans la qualité de préparation des unités, bien supérieure pour lui qu’en 1870 et n’a que le regret de ne pas être sur le front principal de la guerre, dans le Nord.

Le 23 octobre 1914, il est cité à l’ordre no 14 de la 41e Division d'Infanterie (Claret de la Touche), « pour avoir par le développement judicieux et méthodique de ses travaux d’organisation, réussi à faire ramener dans les lignes françaises un canon allemand et un avant-train français qui se trouvaient depuis quelques jours sous le feu des tranchées allemandes ». Le 20 novembre 1914, il obtient la légion d'honneur, « pour sa belle conduite au feu ». En décembre 1914, il est au repos à St Dié (Vosges) où il forme les nouvelles recrues envoyées pour combler ses premières pertes. Il commence à percevoir que la durée de la guerre sera plus longue que prévue et pense reprendre l’offensive au printemps. Il perçoit d’ailleurs à cette date les nouveaux équipements d’hiver (bottes…) ainsi que la nouvelle tenue de campagne bleu horizon. Mais le repos est de courte durée. Il est précipitamment envoyé avec son bataillon sur le front, au Spitzenberg, que des chasseurs d’un régiment de Belfort ont précédemment conquis avec de lourdes pertes (près de 900 hommes).

Il s’agit d’un piton boisé surmonté d’un vieux château, entre la montagne de Saint-Jean-d'Ormont et le village de Saales, avec une vue sur toute la vallée. L’intensité des combats a laissé un paysage de pins déchiquetés ainsi qu’un amoncellement de matériel militaire, capotes et chaussures, enfin de tombes… La zone est redevenue calme et Charles Barberot en profite pour renforcer avec ses hommes sa position et la rendre plus confortable.

Il écrit le 6 janvier 1915 à ses parents : « … Le chef de bataillon est d’ailleurs bien installé dans une gentille cabane sur le revers de la montagne, du côté France. L’air y est pur et sain et ma foi, cela a été un de mes meilleurs séjours. Nous y avons beaucoup travaillé, fait des abris blindés, des cases souterraines également blindées, installé lits de camps et poêles, nettoyé et enterré les derniers cadavres que nous avons réunis dans un beau petit cimetière placé dans une clairière, créé des chemins de communication, placé 6 000 kg de fil de fer d’après un nouveau procédé de mon invention qui réalise une véritable nasse d’acier, d’où l’ennemi une fois pris ne peut plus sortir etc. Et nous avons laissé le secteur parfaitement organisé à un bataillon de réservistes du Midi, qui j’espère, ne lâchera pas ce morceau important. Les Boches d’ailleurs, convaincus de la force de la position n’oseront certes pas l’attaquer. Rien que pour accéder au réseau de fil de fer, il y a 100 mètres à grimper sur une pente abrupte, plantée de sapins clairsemés et qui permet un champ de tir de 100 mètres. Impensable si le défenseur a tant soit peu de valeur ». La nouvelle année est fêtée au champagne et aux cigares. Il sollicite l’arrière pour parfaire son équipement. Sa sœur Isabelle lui envoie à sa demande des couverts pliants que personne n’arrivait à lui trouver. Il ne s’apitoie pas non plus sur son sort et écrit des mots de courage à son neveu Maurice.

Début janvier, après une rapide période de repos, il est redéployé à la droite de son ancienne position. Toujours pas de combats sérieux. Il faut simplement affronter la neige et dégager régulièrement pour éviter l'ensevelissement. Charles Barberot suit toujours son principe de renforcement de ses positions, auquel il essaie de joindre le confort. Il s’est lui-même aménagé sous terre une chambre tapie de bois, lui rappelant sous certains côtés un cercueil. Ses lettres montrent toujours un moral au plus haut : il annonce à ses parents dans sa lettre du 17 janvier un fléchissement de la volonté des « Boches ». 9 hommes se sont rendus aux Français et affirment que d’autres suivraient si cela était possible. Pour tous, la situation n’est pas aussi facile dans l’armée française car leurs familles restées à l’arrière souffrent financièrement. En février, le commandant n’hésite pas à demander à sa sœur Isabelle d’aider la femme de l’un de ses soldats, Madame Alliet, qui réside à Montrouge.

Pourtant, à partir de la mi-janvier, la guerre bascule pour Charles. Au lieu dit de La Fontenelle, le commandement impose une attaque inutile qui se solde par de lourdes pertes : 390 hommes sont tués, avec à leur tête le lieutenant-colonel Dayet, chef de corps du régiment, tué le 27 janvier. Il faut des trésors d’ingéniosité pour récupérer son corps dans le no man's land qui sépare les adversaires. La contre-attaque allemande qui suit cet échec oblige à rappeler le bataillon Barberot. Sous un déluge d’obus, parfois à moins de 30 mètres de l’ennemi, le 1er bataillon tient sa position pendant près de 40 jours ! Charles commence à réaliser l’absurdité de ces combats qui nécessitent pour quelques mètres un nombre de morts sans mesure. L’absence de repos et les tensions entraînent pour lui des hallucinations. Lorsqu’il est relevé, il s’effondre sur son lit. Il passe chef de bataillon à titre définitif.

Après un mois de repos en avril 1915, son bataillon est envoyé sur le front pour réoccuper les tranchées qu’il avait aménagées lui-même en décembre, sur la montagne de Saint-Jean-d'Ormont.

Début mai, la situation est plutôt calme et quelque erreurs tactiques des Allemands permettent des coups efficaces contre les lignes ennemies. Le moral est élevé et la compréhension de cette nouvelle guerre s’affine. Charles va alors montrer son talent de chef de guerre en juin. On lui assigne une mission d’attaque à laquelle peu croient, surtout les chasseurs alpins qui l’entourent, troupes d’élite qui ne cachent pas leur condescendance pour les « biffins ». Pourtant, le commandant prépare minutieusement son assaut. Après une préparation brutale à l’artillerie, ses hommes se lancent à l’assaut le 15 juin 1915 et enlèvent la position adverse. Les Allemands sont submergés et plient sous la charge. Malheureusement, les autres unités ne remportent pas les mêmes succès et l’exploitation de la percée échoue.

Cette victoire vaut à Charles, sur le champ de bataille, la croix de guerre du général Maud’huy, qui lui épingle la sienne. Le bataillon est cité 7 fois à l’ordre de l’armée. Le général Joffre vient lui-même attacher la Croix de Guerre à la hampe du drapeau avant de citer l’unité à l’ordre de l’armée. Charles est personnellement cité le 9 juillet 1915 à l’ordre de la 7e Armée : « Officier supérieur de la plus haute valeur morale et militaire, d’une bravoure allant jusqu’à la témérité, d’une énergie communicative. Le 15 juin 1915, a brillamment enlevé à la baïonnette avec son bataillon une position ennemie formidablement organisée contre laquelle de nombreuses attaques s’étaient déjà brisées. ». Le 31 août, le Journal Officiel publiera au sujet de cette affaire, la citation collective suivante : « Le 1er bataillon (commandant Barberot) et le 2e bataillon (commandant Coipel) du 133e régiment d’infanterie, ont fait preuve d’une incomparable vaillance en enlevant une position très fortement organisée dans laquelle l’ennemi se considérait inexpugnable d’après les déclarations même des officiers prisonniers ; lui ont fait subir des pertes considérables et, malgré un bombardement violent, n’ont cessé de progresser pendant plusieurs journées consécutives pour élargir leurs conquêtes. » Charles ressort par ce fait d’arme comme un chef exceptionnel que l’état-major décide de promouvoir sur le champ. Son jeune âge (39 ans) l’empêche de prendre le commandement d’un régiment mais on lui confie le 5e Bataillon de Chasseurs à Pied, presque équivalent. Il prend aussitôt le commandement mais récupère une unité durement éprouvée par une attaque, avec près d’un tiers des hommes hors de combat.

La prise de commandement dès le 26 juin 1915 se fait à un moment critique. Le commandant Barberot écrit :

« …je trouve mon bataillon à Hilsenfirst où il avait vaillamment combattu perdant son chef et 1/3 de son effectif. Il occupait une ancienne position allemande, mais il était las, démonté, raplapla. Le lendemain de mon arrivée, bombardement de la journée entière, un coup par minute, le surlendemain idem, 105 – 150 – 130 – 210 à intervalles réguliers. Ceci présageait une contre-attaque allemande, et nos troupes que je ne connaissais pas encore étaient sur le plan, éreintés, fourbues – En effet le 3e jour à 4 h 30 du matin ça commence, de 4 h 30 jusqu’à 17 heure 45 coups à la minute avec en plus des calibres pendants du 74 et du 77 fusant, de 17 à 19 h 30, 40 coups à la minute, c’était effroyable. Le centre de ma position est foudroyé, 100 mètres de tranchées disparaissent en ne forment plus que des trous à côté d’autres trous, 3 attaques boches sont repoussées par les résidus ; à la 4e les Allemands garnissent 200 mètres de tranchées, me coupant en deux un moment le restant d’une compagnie, prenant certains éléments de flancs et à revers. J’arrête la progression par 2 mitrailleuses allemandes que j’avais enfouies en arrière et en retrait. La nuit vient. J’avais 2 compagnies réservées, je les porte sur la contre-pente, tout près des Boches. Toute la nuit, ils travaillent, je colle aux Boches à 100 mètres, derrière un mouvement de terrain une tranchée continue qui encercle leur nouvelle position ; je suis renforcé dans la nuit par 2 compagnies du 15e chasseur ; à 6 heures du matin 60 coups de 210 sur la g… des boches, à 7 heures je laisse nos deux compagnies ; je récupère là position perdue la veille au soir ; on s’installe rapidement tant bien que mal ; le boche furieux recommence à 40 coups à la minute jusqu’à 7 heures du soir (12 000 marmites de tous calibres, y compris une quantité de 210) ; on ne bronche pas, je suis dans la tranchée décidé à claquer jusqu’au dernier, je perds 1/3 de mes hommes tués, blessés, ensevelis, fous – je reste – pas un mot, pas un retrait ? Les Boches avancent, fusillade courte, étonnés, les Boches rentrent dans leurs trous ; nous sommes vannés, abrutis, mais nous sommes là. L’attaque allemande mollit, cesse ; la nuit est calme, le lendemain aussi ; les Boches dégoûtés n’en veulent plus. Deux jours après, j’étais relevé par un bataillon du 192, et envoyé me refaire ici à Britfint. Mon Bataillon avait perdu 700 hommes et 18 officiers dont 3 capitaines. »

Le commandant Barberot ne laisse aucun de ses hommes indifférent. Déjà ses exploits dans la bataille de Metzeral sont connus de tous, mais ses qualités militaires et humaines s’imposent très rapidement à l’ensemble de ses troupes. Le sergent Joseph-Auguste Bernardin écrit ainsi dans ses carnets personnels son premier contact le 5 juillet avec le commandant : « Le lendemain, nous transportons non pénates du côté du Trähkopf, dans les baraquements du Breitfirst où nous allons rester jusqu’au 11. C’est là que je vois pour la première fois notre nouveau chef de bataillon, le commandant Barberot, le vainqueur de la cote 830, avec ses « lions du 133 » comme il se plaisait à appeler son ancien R.I. Dès que nous avons reçu les renforts indispensables, que nous amène le capitaine Pérotel, le commandant Barberot entreprend de réorganiser et de remonter le 5e bataillon. Patriote ardent et soldat dans l’âme, il connaît à fond son métier et nous paraît tout de suite d’une valeur bien au-dessus de son grade. Mais il a des idées personnelles, et il fait fi de la routine dont tant d’autres chefs supérieurs ne sont pas encore affranchis. Son franc-parler, que ne tempère aucun souci de plaire a dû nuire à son avancement. À cette date déjà (juillet 1915), il pose en principe que l’artillerie doit conquérir le terrain, et que l’infanterie ne doit que l’occuper. Point de ces attaques non préparées, où l’on fait tuer inutilement des hommes en les lançant contre du matériel intact : réseaux de barbelés, blockhaus, etc. « On doit entrer l’arme à la bretelle dans les 2 premières lignes d’une position ennemie » dit-il . Il est grand partisan aussi du combat à la grenade, et nous enseigne la progression dans les boyaux à peu près telle que la régleront les instructions de 1916. Aussi, malgré ses manières bourrues, sous lesquelles se cache un excellent cœur, il a vite fait de nous conquérir tous, gradés et chasseurs. Avec lui, nous irions au bout du monde. Quant à moi, j’en fais mon idéal du chef, et jusqu’à la fin de la guerre, dans ma petite sphère, je tâcherai de prendre modèle sur lui. En moins d’un mois, le 5e B.C.P. assez mal vu précédemment, devient le bataillon le mieux côté de la division : il va même conquérir le glorieux surnom de « Roi du Linge ». Malheureusement il y perdra son 3e commandant, le meilleur peut-être, le commandant Barberot.

En effet, à partir du 26 juillet s’engage sa dernière action. La pression allemande recommence et il est renvoyé au front. Le sergent Bernardin écrit : « … la cervelle bout ; on étouffe. Impossible d’enlever le képi sous peine d’insolation ; la sueur nous file au bout du nez, inonde les arcades sourcilières, brûle les yeux. Et nous grimpons toujours… Afin de dégager l’entrée de la vallée pour le reste du bataillon nous marchons ainsi 2h30 sans pause. Plusieurs de mes chasseurs, à travers leur capote, font l’écume sous les bretelles du sac, ni plus ni moins que les animaux de trait sous le harnais. Mais il n’y a ni traînards, ni murmures ; car le commandant Barberot, qui a pris la tête de la colonne, à pied comme nous, s’arrête pour nous regarder passer et nous encourager. « Allons, dit-il, courage ! Il y va de la peau des camarades, derrière » Cette seule parole opère mieux que toutes les menaces : tous, nous irons jusqu’à l’extrême limite de nos forces. »

Le général Maud’huy engage le 26 juillet une action dans les conditions suivantes : attaquer successivement le Lingekopf, puis le collet du Linge et enfin l'arête du Schratzmannele. L'attaque est fixée à 18 heures ; mais, débouchant des tranchées huit minutes auparavant, les chasseurs des 14e, 30e bataillons gravissent les pentes occidentales du Linge et atteignent le sommet à 18 heures, en même temps que les derniers obus de 75. Le sommet et toute la crête du Linge sont enlevés. Pour renforcer les unités, une partie du 5e de Charles Barberot et une fraction du 106e sont rappelés sur le front. Le 5e bataillon profite d’une accalmie pour progresser quelque peu vers les pentes ouest du Schratzmannele. À cette occasion, la personnalité de Charles, et notamment son sens de l’observation et de la « créativité tactique » impressionnent l’ensemble du bataillon. Devant traverser une clairière qui entraînerait irrémédiablement des pertes parmi son unité, il invente un stratagème. Le sergent Bernardin raconte : « …le commandant Barberot arrive de son pas tranquille, la canne à la main, la figure impassible derrière ses grosses lunettes noires. Le capitaine Muller (6e Cie) et tous ses chasseurs le suivent à la queue-leu-leu munis chacun d’une branche de sapin : le « portantes ramos olivarum » du dimanche des Rameaux chante en mon imagination… Le premier chasseur s’avance dans le pré, fiche en terre sa branche adossée au mur et s’arrête ; le deuxième fait un pas de plus et dresse une seconde branche ; et ainsi de suite. En moins d’un quart d’heure nous avons une haie artificielle qui dissimule la piste, et le bataillon passe sans recevoir ni un obus ni un coup de fusil. À mesure que les compagnies arrivent sous bois de l’autre côté, le commandant Barberot les accueille avec un demi sourire, et d’un mot fait comprendre qu’il a préféré perdre une demi-heure et ne pas faire massacrer le bataillon. L’on sent qu’il est heureux de son stratagème. Et les mécontents de tout à l’heure sont les premiers à dire : « Hein ! Barberot, c’est un type ! »

Le 29 juillet, le bataillon se lance à l'attaque sur le front « collet du Linge - mamelon du Schratzmannele », après une courte mais intense préparation d'artillerie. Il progresse jusqu'au changement de pente à l'ouest de la crête ; là il est arrêté par le feu des mitrailleuses. L'ennemi lance plusieurs contre-attaques dont la plus furieuse est exécutée à 17 h 30 par les chasseurs de la Garde. Ces réactions échouent toutes et le 5e Bataillon de Chasseurs, cramponné au changement de pente, conserve ses positions.
Les jours suivants, 30 et 31 juillet, le calme règne dans la région du Linge, interrompu parfois par de violents bombardements qui n'empêchent pas les chasseurs de travailler activement à renforcer leurs positions.
Le général Nollet décide, le 1er août, de reprendre l'offensive sur un plus grand front. Charles doit attaquer, côte à côte avec la 3e brigade, sur la crête nord du Schratzmannele, tandis que la 5e brigade attaquera, avec le 15e bataillon, depuis le sommet du Schratzmannele jusqu'aux carrières, et avec le 115e sur le Barrenkopf. Il a obtenu une préparation d’artillerie sérieuse ; les hommes entendent les paroles de Charles à ses capitaines : « Je me f… de votre peau, comme je me f… de la mienne : c’est de la France qu’il s’agit … J’ai besoin des mes commandants de compagnies : par conséquent, je vous défends de vous exposer… Vous marcherez derrière la 2e vague… ». Il maintient en même temps une discipline indispensable dans les rangs. Le sergent Bernardin raconte : « À 15 heures, on ne laisse que quelques guetteurs en 1re ligne, et nous nous abritons dans le fossé qui longe le chemin du Schratz, au pied du talus en déblai. Il faut faire vite et se tasser. Mes hommes ont tout leur barda sur le dos. À mesure qu’ils arrivent, ils débouclent leur sac avant de s’installer : ça va trop lentement. Le commandant Barberot survient derrière moi sans que je le voie, et m’allonge un coup de canne sur un bras, avec cette mortifiante apostrophe : « Quand on ne sait pas faire valoir ses galons, on les rend… » L'attaque a lieu à 19h30 : « commandant est là, la montre à la main ; ses grosses lunettes noires se promènent de droite à gauche ; nous avons les yeux fixés sur lui. Il monte sur une pierre : son buste, dépasse le parapet, le dos tourné à l’ennemi, sans souci de la balle possible. Il lève sa vanne : c’est le signal. » Et là encore, les chasseurs suivant les obus de 75, atteignent facilement les tranchées allemandes et les dépassent même. Mais la droite est arrêtée par des feux d'infanterie et de mitrailleuses, et ils ne peuvent atteindre le sommet du Schratzmannele dont les ouvrages défensifs tiennent toujours. »
Le colonel Brissaud décide de tenter, le 2 août, à 3 heures, une attaque brusquée sur ces ouvrages, constitués par trois blockhaus entourés d'un puissant réseau de fils barbelés. Le 5e chasseurs, ainsi que le 15e bataillon atteignent les réseaux, mais ne peuvent aller plus loin et doivent regagner leurs tranchées de départ : il est nécessaire, pour enlever ces ouvrages, de les faire préalablement écraser par notre artillerie. Les canonniers s'y emploient pendant la journée du 2 août ; mais les événements qui se déroulent ensuite ne permettent pas d'exécuter l'opération projetée.

Le 3 août, jusqu'à 9h30, l'ennemi avait été relativement calme. À partir de 9h30, il commence sur les premières lignes une série de tirs de réglage, en même temps qu'il bombarde les communications avec du 150 et du 210. À 10h30,un ouragan de feu s'abat sur les positions de Charles et l'intensité de cet effroyable bombardement s'accentue au cours de la journée. Les pertes sont graves, surtout au sommet et au collet du Linge où les tranchées sont bouleversées et les abris démolis. À 16h30, les vides sont tels qu'il faut faire renforcer par une compagnie du 14e bataillon de chasseurs, réduite à 70 fusils, et une compagnie du 30e, réduite à 80 fusils, les défenseurs de la position. À ce moment, l'attaque d'infanterie allemande est déclenchée avec une violence inouïe sur le front Collet du Linge - Lingekopf. Ne trouvant plus devant eux que quelques chasseurs encore valides, qui luttent désespérément sur les parapets bouleversés, au milieu des morts et des blessés, les Allemands s'emparent de toute la première ligne, mais échouent devant la seconde. Une contre-attaque tentée par une compagnie du 27e Bataillon de Chasseurs parvient à reprendre la première ligne au collet du Linge ; mais les tentatives pour reprendre le sommet du Lingekopf échouent par suite de l'affaiblissement des troupes. Les débris des unités sont totalement mélangés, les pertes en officiers et en sous-officiers sont énormes. On ne peut plus songer qu'à tenir, mais non à contre-attaquer. Le colonel Brissaud rend compte au général Nollet du danger de cette situation : « Les hommes sont exténués par le bombardement et la fatigue des derniers jours. Les troupes sont arrivées à leur extrême limite de résistance et il est indispensable de les relever cette nuit même par des troupes fraîches. Il faut venir immédiatement au secours des braves gens qui luttent depuis le 20 juillet. »

Le lendemain 4 août 1915[1], les Allemands recommencent leur furieux bombardement à partir de 12h30, et déclenchent, à 17h30, une attaque d'infanterie sur le front du 5e Bataillon de Chasseurs, depuis la crête du Schratzmannele jusqu'au collet du Linge. Surpris un instant, les survivants du 5e bataillon cèdent quelques éléments de leurs tranchées de première ligne et refluent en combattant vers la ligne de soutien. C’est à ce moment que Charles, sortant de son poste de commandement pour aller observer la situation, tombe et meurt aussitôt, touché par un éclat d’obus.

Sa mort lui vaut, le 8 septembre 1915, la citation suivante à l’ordre de la VIIe Armée : « Officier supérieur d'exceptionnelle valeur, inspirant à ses subordonnés la confiance la plus absolue, a été tué à la tête de son bataillon après avoir enlevé une position ennemie formidablement organisée, dont il avait préparé l'attaque avec une remarquable intelligence des choses de la guerre ». Son enterrement a lieu derrière le front le 10 août à Plainfaing, lors de deux cérémonies. N’y assistent que sa femme et son fils, ses parents n’ayant pu s’y rendre, ni ses deux frères mobilisés.

Charles Barberot était promit à une carrière militaire importante et la mort enlève un officier plein de promesses. Chef de guerre aguerri, il était très aimé de ses hommes et ses anciens soldats n’hésiteront pas à écrire à sa famille après la guerre. Aujourd’hui, une stèle sur la zone des combats commémore encore son action.

Décorations

Œuvres

Étude sur la conduite des petites unités dans l’offensive, 2 tomes, 1913

Carnets à Madagascar, publiés dans la revue La Sabretache (n°295 et n°296 de mars et avril 1925), sous l’initiative du Commandant Henri Martin, un de ses anciens lieutenants

Notes et références

Liens externes

Musée mémorial du LINGE


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Charles Barberot de Wikipédia en français (auteurs)

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