Chebec

Chebec
Le chébec, avec ses voiles latines, est un navire typiquement méditerranéen aux origines mêlées, arabes et espagnoles.
Combat du chébec espagnol d'Antoine Barcelo (au centre) face à deux galiotes algériennes en 1738. L’Espagne est le pays qui possède le plus de chébecs à usage militaire au XVIIIe siècle.
Suffren, qui connait la gloire lors de la guerre d’Amérique, exerce son premier commandement sur un chébec, en 1764.
Après 1750, de nombreux chébecs sont gréées par commodité à voile carrée, ce qui leur retire leur allure caractéristique.

Le chébec ou chebek est un petit bateau méditerranéen armé de canons, très fin, naviguant à la voile et à l'aviron. Il est gréé en trois-mâts avec des voiles latines.

Sommaire

Un navire aux origines arabo-espagnoles

D’après ce qu'on constate de l'évolution de la navigation en Méditerranée, le chébec est une embarcation maure, pêchant au filet et allant à la rame : le jebega tel qu’on le voit jusqu’au milieu du XXe siècle en Espagne, sur les plages de Málaga[1]. Son type, assez archaïque, comporte aviron de gouverne et forts capions de proue et de poupe. Après le départ des Arabes de la péninsule (1492), l’embarcation et son nom survivent, mais le chébec, sous sa forme définitive, n’apparait qu’au XVIIe chez les raïs barbaresques. Il y remplace la galère et le brigantin pour la course mais, n’ayant pas d’installations permanentes de vogue (rames), il peut porter des canons en batterie. Il devint ainsi beaucoup plus puissant que ces deux navires[1]. Un chébec d’une quarantaine de mètres peut porter une vingtaine de canons servis par 280 hommes d’équipages, ce qui fait du navire une solide unité de guerre et lui permet d’attaquer à l’abordage[2], action encore possible en Méditerranée au XVIIIe siècle.

Sa coque, très fine et d’un échantillonnage faible, s’apparente à celle des galères. Sa voilure est latine, dès l’origine, avec trois « arbres à calcet » : arbre de trinquet, de mestre (grand mât) et de méjane (l’artimon). La surface de voile peut atteindre 800 m2 sur les chébecs de guerre. Le bâtiment, à l’occasion, peut utiliser des rames, de petits sabords étant prévus entre ceux destinés à l’artillerie ; mais la configuration du pont impose alors de ramer debout, face à l’avant vraisemblablement[1]. Survoilé, ces navires rapides de 100 à 200 tonneaux sont remarquablement taillés pour la course. Ils sont aussi très manœuvrant et leur faible tirant d’eau leur permet aussi de s’approcher très près du rivage, voire de se hasarder à remonter des petits estuaires. Leur allure, très caractéristique, en font l’un des plus beaux navires méditerranéens de l’époque de la voile.

Les usages militaires

Utilisés sur tout le pourtour du Levant aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’Espagne est leur pays d’élection avec les royaumes barbaresques[1]. L’Armada Real en compte 47 au milieu du XVIIIe siècle et possède un fameux amiral des chébecs : Antonio Barcelo, dit le Capitan Toni (1717-1797) qui multiplie les combats et les prises contre les corsaires musulmans d’Afrique du Nord. La marine espagnole arme même des unités dépassant les 600 tx. Les chébecs de guerre ne disparaissent d’Espagne qu’au début du XIXe siècle, mais des unités de petite taille sont encore utilisées comme garde-côtes[1]. L’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, vieux pilier de la sécurité maritime en Méditerranée depuis les croisades, en utilise aussi plusieurs exemplaires[3], mais en nombre curieusement insuffisant car il aligne encore de coûteuses galères, y compris à l’extrême fin du XVIIIe siècle[4].

La Marine française s’équipe de chébec semble-t-il plus tardivement, après l’abandon des galères en 1748. Un petit nombre sont construits, avec 9 lancements entre 1750 et 1759, puis 4 en 1762[5]. C’est sur un chébec que Suffren, l'un des plus célèbres marins français, exerce ses premiers commandements : le Caméléon en 1764 puis le Singe en 1765. Les deux navires participent, l’année suivante, à une difficile expédition contre la ville corsaire de Larache où se fait remarquer le futur héros de la campagne des Indes. Absolument pas à même d’inquiéter un vaisseau de ligne ni même une frégate, le chébec traverse néanmoins toutes les guerres du XVIIIe siècle et de l’Empire. En 1848, la Marine française en utilise encore un petit exemplaire comme garde-côte[1].

Les ultimes évolutions

Les difficultés rencontrées dans le contrôle des grandes voiles latines font substituer un gréement carré au gréement latin durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, en France comme en Espagne. Cette transformation est totale ou partielle, selon les missions fixées au navire, mais celui-ci perd alors ses qualités de marche — et sa silhouette — qui ont fait sa réputation. Les constructeurs majorquins sont les grands spécialistes de ce type de navire utilisé dans les îles, à la course comme au commerce[1].

Le chébec de commerce ne disparait que très tard : on en compte encore plusieurs unités de 100 à 150 tx au début du XXe siècle et le dernier ne disparait qu’après la Première Guerre mondiale[1].

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g et h René Burlet, Dictionnaire d’Histoire maritime, collection Robert Laffont, éditions Bouquins, 2002, p.337-338
  2. Rémi Monaque, Suffren un destin inachevé, éditions Tallandier, 2009, p.83.
  3. Alain Blondy, Dictionnaire d’Histoire maritime, op. cit., p.917.
  4. Le procureur général de l’Ordre à Paris note en 1789 à l’adresse du Grand Maître que « nos vaisseaux, nos galères sortent tous les ans et depuis des années font rarement des prises ; ce n’est pas qu’ils ne puissent trouver des ennemis dignes de leur courroux, mais il manque à l’ordre l’espèce de bâtiments susceptibles de les rencontrer : des chébecs. » Lettre du 27 janvier 1789, Archives Nationales, M. 962.
  5. Rémi Monaque, op. cit., p.83.

Voir aussi

Bibliographie

  • Dictionnaire d’Histoire maritime, sous la direction de Michel Vergé-Franceschi, éditions Robert Laffont, collection Bouquins, 2002.
  • Le Chasse-Marée, (revue), René Burlet.
  • Rémi Monaque, Suffren : un destin inachevé, édition Tallandier, 2009. 

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