Chiffrage des accords

Chiffrage des accords

En harmonie classique, le chiffrage des accords désigne l'ensemble des signes conventionnels — principalement des chiffres, précisément, plus quelques signes annexes — que l'on place au-dessus — parfois au-dessous — de la partie de basse, afin d'indiquer la manière de réaliser les accords. Ce procédé de notation « en raccourci » de basse chiffrée était très utilisé aux XVIIe et XVIIIe siècles sous le nom de basse continue ou continuo.

Sommaire

Chiffres du chiffrage

Chaque chiffre désigne une note, ou plus précisément, l'intervalle — « 2 », pour une seconde, « 3 » pour une tierce, « 4 », pour une quarte, etc. — situé entre cette note et la basse de l'accord, cet intervalle pouvant être éventuellement redoublé (exemple A ci-dessous).

  • Ordinairement, en cas de pluralité de chiffres, ceux-ci sont disposés de manière ascendante et par ordre croissant : « 2, 3, 4, 5, etc. » (exemple A). La réalisation de l'accord au-dessus de la note de basse est alors laissée au libre choix de l'exécutant, lequel peut doubler la note qu'il veut, opter pour la position serrée ou large, redoubler éventuellement certains intervalles, etc. (exemple B).
  • Si les chiffres ne se suivent pas dans l'ordre croissant, c'est que l'accord réclame une disposition spéciale, voulue, soit par le compositeur lui-même (exemple C), soit par les propres règles de réalisation de ce type d'accord.
Certains accords de cinq notes en effet, exigent une disposition spéciale ; dans ce cas, l'ordre ascendant des chiffres représente cette disposition.
  • L'armure permet de déterminer le qualificatif de l'intervalle en question — majeur, mineur, juste, etc. —, toutefois un intervalle diminuéquinte et septième, essentiellement — est généralement indiqué par un chiffre barré (exemple D).
  • Certains chiffres peuvent être sous-entendus. C'est très souvent le cas de la tierce de la basse (exemple E), ou encore celui de la quinte de la basse lorsque celle-ci est juste. En conséquence, lorsque il n'y a aucun chiffre, c'est l'accord parfait — donc, fondamental, majeur ou mineur, selon le cas — qui est voulu (exemple F).
  • Exemples :
Notation du chiffrage
  • Les chiffres représentent les intervalles que forment les notes de l'accord « par rapport à la basse », et non pas par rapport à la fondamentale.
Par exemple, le chiffrage du deuxième renversement de l'accord de trois sons do-fa-la, est effectué au moyen de deux chiffres, un « 4 » et un « 6 », au-dessus du do de la basse ; le « 4 », signifiant une « quarte », représente la fondamentale — fa —, et le « 6 », signifiant une « sixte », représente la tierce — la — :
Chiffrage depuis la basse
Il est donc très prudent, lorsqu'on parle par exemple d'une « tierce », de préciser s'il s'agit de la tierce « de l'accord » — autrement dit, la tierce de la fondamentale — ou bien s'il s'agit de la tierce « de la basse », représentée par le chiffrage, ceci, afin d'éviter tout malentendu en cas d'accord renversé.

Symboles annexes du chiffrage

  • Une altération accidentelle devant un chiffre affecte la note représentée par ce chiffre (exemple A). Une altération accidentelle non suivie d'un chiffre affecte la tierce de la basse qui est alors sous-entendue (exemple B).
Certains chiffrages spéciaux ne comportent aucune altération accidentelle : il s'agit essentiellement des accords de quatre et cinq notes placés sur la dominante. Dans ce cas en effet, le chiffrage, suffisamment précis par lui-même — il indique et le chiffre et le qualificatif de chaque intervalle de l'accord à réaliser —, rend toute altération superflue.
  • Une ligne horizontale après un chiffre indique la prolongation d'une ou plusieurs notes de l'accord, sans interdire d'éventuels changements de position (exemple D).
  • Une ligne horizontale avant un chiffre est employée exceptionnellement pour le chiffrage du retard de la basse.
  • Un zéro indique une absence d'harmonie (exemple E).
  • Exemples :
Autres symboles du chiffrage

Chiffrages historiques de la basse continue

Les chiffrages d'accords tels qu'ils sont décrits ci-dessus sont le dernier état d'une évolution. En réalité, à l'époque de la basse continue, ils pouvaient être différents : la septième de dominante ne s'écrivait pas 7/+ mais 7, on n'écrivait pas +6/3 mais 6 barré, etc.

Usage pédagogique

Abandonné par les compositeurs dès le début du XIXe siècle, le chiffrage des accords n'est plus utilisé depuis que comme procédé pédagogique dans les cours d'harmonie et d'analyse harmonique. Il convient de noter cependant, que si cette ingénieuse sténographie permet à coup sûr d'identifier la structure d'un accord, elle est en revanche incapable de faire apparaître sa fonction : par exemple les accords de trois sons situés sur les degrés I et V, sont chiffrés de la même façon alors qu'ils ont des fonctions différentes — respectivement tonique et dominante.

C'est pourquoi on rajoute habituellement (en France), les chiffres romains représentant les fondamentales au-dessous du chiffrage d'accord en chiffres: c'est le chiffrage des degrés.

Certains auteurs — Jacques Chailley, entre autres — préconisent l'usage d'un autre mode de chiffrage, capable d'indiquer à la fois la structure et la fonction des accords, et donc, pouvant être utilisé comme moyen d'analyse harmonique : le « chiffrage de fonction ». Dans ce nouveau mode de chiffrage, chaque accord est représenté par un chiffre romain surmonté de points, et suivi d'un chiffre. Le chiffre romain représente le degré de la fondamentale de l'accord, le chiffre symbolise la famille de cet accord — pas de chiffre, pour un accord de trois sons, « 7 », pour un accord de quatre sons, etc. —, les points enfin, indiquent l'état de l'accord en question — pas de point pour l'état fondamental, un point pour le premier renversement, deux pour le second, etc.

Un autre système, introduit par Hugo Riemann en 1893 et généralement répandu en Allemagne donne la priorité à la désignation de la fonction, le chiffrage restant le même tout au long des renversements, la note de basse étant désignée par le numéro de la note assigné à cette basse. La désignation des fonctions se fait par un système élaboré fondé sur des fonctions de base et des modificateurs de ces fonctions, ainsi qu'un langage particulier de signes décrivant l'évolution d'une progression harmonique.

Cependant le système chiffré(s) (accord) / chiffre romain (degré) reste le plus communément utilisé en France, malgré la limite représentée par la confusion du degré et de la fonction : ainsi l'accord de quarte-et-sixte cadentiel, qui se chiffre \begin{smallmatrix} 6 \\ 4 \\ I \end{smallmatrix}, mais qui fonctionnellement appartient à la dominante, est souvent incorrectement chiffré \begin{smallmatrix} 6 \\ 4 \\ V \end{smallmatrix} par des analystes. Pour remédier à ce problème, Claude Abromont[1] propose, en synthétisant le chiffrage français et l'écriture issue de la théorie des fonctions de Hugo Riemann, de noter différemment le degré (chiffre romain) et fonction (lettre). (Dans le cas de la quarte-et-sixte : \underset{\text{D}}{\textstyle{I~64}}.)

Références

  1. Claude Abromont, Eugène de Montalembert, Guide de la théorie de la musique, Fayard - Henry Lemoine, 2001 (ISBN 978-2213613048)

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