Christiane Desroches Noblecourt

Christiane Desroches Noblecourt
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Christiane Desroches Noblecourt
Égyptologue
Pays de naissance Drapeau de France France
Naissance 17 novembre 1913
Paris
Décès 23 juin 2011 (à 97 ans)
Sézanne
Distinctions Grand'croix de la Légion d'honneur
Officier de l'Ordre national du Mérite
Médaille de la Résistance
Commandeur dans l'Ordre des Palmes académiques
Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres
Grand Officier de l'ordre de la Libération égyptien
Expéditions principales Sauvetage des monuments de Nubie

Christiane Desroches Noblecourt, née Christiane Desroches[1] le 17 novembre 1913 à Paris et morte le 23 juin 2011[2] à Sézanne, est une égyptologue française.

Sommaire

Biographie

Égyptologue

Elle est issue d'une famille bourgeoise cultivée. Son père, licencié en lettres, rêvait d'une carrière de diplomate, mais pour des raisons familiales, il fit une carrière d'avocat puis dans la haute administration. Sa mère fut une des premières femmes à obtenir une licence de lettres classiques à la Sorbonne[3].

Elle se passionne pour la découverte du tombeau de Toutânkhamon par Howard Carter en 1922. Elle est élève au lycée Molière (Paris). Après une licence d'études égyptiennes à l'École pratique des hautes études et des études à l'Ecole du Louvre, elle sera encouragée par l'abbé Étienne Drioton (qui plus tard remplace Pierre Lacau à la tête du service des Antiquités), et entre au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre en 1936[4]. Première femme nommée au poste de pensionnaire de l'Institut français d'archéologie orientale, dirigé à l'époque par Pierre Jouguet, le beau-père de Jean-Philippe Lauer. Elle est également la première à diriger une fouille : le secteur de l'Ancien Empire dans la nécropole antique sur le chantier de fouilles de la mission franco-polonaise en charge du site d'Edfou[5] en 1938-1939. C'est avec les deux autres membres de cette mission (Casimir Michalowski, professeur à l'université de Varsovie et Joseph Rozier de Linage [6], égyptologue qui y dirigeait le secteur du Moyen Empire), qu'elle effectue ses premières recherches ainsi qu'un voyage d'études pour trouver avec eux un nouveau site de fouilles sur les rives du Haut Nil, voyage qui les conduit en bateau, en 1939, devant les temples d'Abou Simbel[7] puis en Nubie jusqu'à Wadi Alfa et par le train à Khartoum au Soudan.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fait partie de la Résistance, et met à l'abri en zone libre les trésors du département égyptien. Elle a été professeur à l'Ecole du Louvre de 1937 à 1982 (cours d'épigraphie égyptienne, puis cours d'archéologie égyptienne).

Sauvetage des monuments de Nubie

Scène de découpe des colosses de la façade du grand temple d'Abou Simbel lors du sauvetage des deux temples en 1967.

La construction du nouveau barrage d'Assouan allait devenir la grande affaire de sa vie. Le premier barrage, inauguré en 1902, dont la capacité d’un milliard de mètres cubes s'était avérée insuffisante, avait été rehaussé en 1912, puis en 1934. Pierre Loti s’en était ému : « la plupart des temples antiques de la Nubie seront aussi dans l’eau [...] Mais cela permettra de faire de si productives plantations de coton ! ». La capacité du barrage ne suffisant pas aux besoins d’une population toujours plus nombreuse, le gouvernement dirigé par Gamal Abdel Nasser décide en 1954 d’édifier un barrage d’une capacité de 157 milliards de mètres cubes, long de 500 kilomètres et qui recouvrira même des terres au Soudan. C’est un projet « pharaonique ».

Cette fois, ces monuments vont purement et simplement être engloutis et perdus à tout jamais, parmi lesquels les temples d'Abou Simbel. L’Unesco demande aussitôt à Christiane Desroches Noblecourt, conservateur des Antiquités égyptiennes du Louvre, héritière donc de Jean-François Champollion, d’établir un inventaire de tous les monuments menacés. En second, il faudra trouver les fonds nécessaires à une aussi colossale entreprise.

Le 8 mars 1960, Christiane Desroches Noblecourt, en compagnie de Sarwat Okasha, ministre égyptien de la culture, lance un appel solennel à la solidarité mondiale depuis la tribune de l’UNESCO. En plus des quatorze temples qu’il faut déplacer, il s’agit de procéder à des fouilles de toute urgence, sur des sites qui seront recouverts par des dizaines de mètres d’eau et qui n’ont été que très peu étudiés en détail.

André Malraux, alors ministre d’État des Affaires culturelles, intervient rapidement :

« Le pouvoir qui en fit surgir les colosses aujourd'hui menacés, les chefs-d'œuvre du musée du Caire, nous parle d'une voix aussi haute que celle des maîtres de Chartres, que celle de Rembrandt.

Votre appel n'appartient pas à l'histoire de l'esprit parce qu'il vous faut sauver les temples de Nubie, mais parce qu'avec lui, la première civilisation mondiale revendique publiquement l’art mondial comme son indivisible héritage.

Il n'est qu'un acte sur lequel ne prévalent ni l'indifférence des constellations ni le murmure éternel des fleuves : c'est l'acte par lequel l'homme arrache quelque chose à la mort. »

En pleine guerre froide, cinquante pays vont contribuer à sauver ces monuments qu’on classe au patrimoine de l’humanité, car ils font partie de l’héritage de toutes les nations. Philæ, Kalabcha, Ouadi es-Séboua, Dakké, Derr et d'autres sites sont déplacés, dont les plus médiatiques sont les temples d'Abou Simbel.

Le temple d'Amada est un cas plus délicat à cause des reliefs miniatures et bien peints. Le découper en blocs est irréalisable, car les peintures n’auraient pas résisté. Voyant que tous acceptent l'idée de voir ce temple englouti par les eaux limoneuses du lac Nasser, Christiane Desroches Noblecourt s’écrie : « La France le sauve ! ».

Elle demande à deux architectes de lui proposer une méthode pour déplacer le temple en un seul bloc. Ceux-ci pensent qu’il faut mettre le temple en précontrainte, le déposer sur des rails, le transporter par piston à quelques kilomètres de là, en un lieu plus haut de soixante mètres. Avoir une idée est une chose, s’en donner les moyens en est une autre.

À cet effet, Christiane Desroches Noblecourt demande une entrevue avec Charles de Gaulle, qui ignore l’engagement qu’a pris l’égyptologue au nom de son pays. Lorsqu’il l’apprend, il se raidit : « Comment, madame, avez-vous osé dire que la France sauverait le temple, sans avoir été habilitée par mon gouvernement ? ».

Décontenancée, le conservateur ne trouve son salut que dans l’attaque : « Comment, Général, avez-vous osé envoyer un appel à la radio, alors que vous n’aviez pas été habilité par Pétain ? ».

Le général sourit et le temple d’Amada est sauvé par la France, comme le conservateur du département égyptien du Louvre s’y était engagée.

Il faudra vingt ans pour mener à bien ces sauvetages, et ces vastes chantiers peuvent être qualifiés de pharaoniques par leur démesure, et l’inscription du petit temple de Néfertari s’y applique à merveille : « Jamais pareille chose ne fut faite auparavant ».

Le sauvetage des monuments de Nubie va avoir des conséquences inattendues. La première est une amélioration des rapports franco-égyptiens, après la désastreuse intervention du Canal de Suez, qui se traduit en 1967, par l’organisation d’une exposition Toutânkhamon au Louvre, avec 1 240 000 visiteurs, ce qui constitue alors un record jusqu’en 1993.

En 1976, l’exposition Ramsès II à Paris compte (1 200 000 visiteurs), accompagnée du sauvetage de la momie du plus connu de tous les pharaons, et celle d'Amenhotep III, en 1993, beaucoup moins fréquentée.

Enfin, dernière conséquence pour le Louvre, le gouvernement d'Anouar el-Sadate, qui a succédé à Nasser, décédé deux ans plus tôt, en remerciement de sa contribution au sauvetage des monuments de Nubie, offre le buste d'Amenhotep IV, plus connu sous le nom d’Akhénaton.

En 1984, grâce à la donation de Germaine Ford de Maria et assistée de Christian Leblanc, Christiane Desroches Noblecourt déblaye et aménage la vallée des reines. Plus de 100 sépultures sont enregistrées et explorées.

Distinctions

Notes

  1. Après son mariage, elle s'appelle Desroches Noblecourt. Ce nom s'écrit sans trait d'union, à la différence d'un usage très répandu qui, lorsque le nom de la femme est accolé à celui de son mari ou inversement (voir l'article nom d'usage), place un trait d'union entre les deux.
  2. « Christiane Desroches-Noblecourt, première femme égyptologue, est morte » sur LeMonde.fr
  3. « Christiane Desroches Noblecourt - La carrière d'une égyptologue», émission À voix nue sur France Culture, 28 juin 2011
  4. Portrait de Christiane Desroches Noblecourt dans l'émission Empreintes sur France 5 en décembre 2009
  5. Photos du chantier des fouilles
  6. [1]
  7. Abou Simbel
  8. Décret du 30 janvier 2008 publié au JO du 31 janvier 2008.

Publications

  • Le style égyptien, Larousse, coll. « Arts, Styles et Techniques », 1940  ;
  • Avec K. Michalowski, Tell-Edfou 1939. Fouilles franco-polonaises, III, IFAO, Le Caire, 1950 ;
  • L'art égyptien, PUF, 1962  ;
  • Toutânkhamon, vie et mort d'un pharaon, 1963  ;
  • Peintures des tombeaux et des temples égyptiens, Paris, Flammarion, coll. « Le Grand art en livre de poche », 1962  ;
  • Vie et mort d'un pharaon, Toutânkhamon, Paris, Hachette, 1963 (réimpr. 1976)  ;
  • Dieux et temples de Dakke en Nubie perdue, coll. « Archéologia n°1 », Novembre - décembre 1964 
  • Toutânkhamon et son temps, Petit Palais, Paris, Paris, Réunion des Musées Nationaux, coll. « Archéologia n°15 », 1967  ;
  • Avec C. Kuentz, Le petit temple d'Abou Simbel (2 vol.), Le Caire, 1968  ;
  • Avec Mr. Neslon, Ramsès II le Grand, Exposition au Grand Palais, Paris, coll. « Archéologia = n°95 », Juin 1976 
  • Avec Cyril Aldred, Jean-Philippe Lauer, Jean Leclant et Jean Vercoutter, Le temps des pyramides, Paris, Gallimard, coll. « L'univers des formes », 1978  ;
  • Avec C. Aldred, P. Barguet, J. Leclant et H.W. Müller, L'empire des conquérants, Paris, Gallimard, coll. « L'univers des formes », 1979  ;
  • Avec C. Aldred, François Daumas, et J. Leclant, L'Égypte du crépuscule, Paris, Gallimard, coll. « L'univers des formes », 1980  ;
  • Avec J. Vercoutter, Un siècle de fouilles françaises en Égypte 1880-1980, Le Caire, IFAO, 1981  ;
  • Un siècle de fouilles françaises en Egypte, Exposition au Palais de Tokyo, Paris, coll. « Archéologia n°155 », Juin 1981 
  • Avec L. Balout et C. Roubet, La momie de Ramsès II, Paris, Museum national d'histoire naturelle, 1985  ;
  • Le grand Pharaon Ramsès II et son Temps, Montréal, Palais de la Civilisation Montréal, 1985  ;
  • Les zélateurs de Mandoulis et les maîtres de Ballana et de Qustul, Le Caire, IFAO, coll. « Mélanges Gamal Eddin Mokhtar », 1985  ;
  • La femme au temps des pharaons, Stock, 1986 et 2001  ;
  • La Vallée des Reines retrouvera-t-ell sa splendeur passée?, Paris, coll. « Archéologia n°209 », Janvier 1986 
  • Le réveil des Temples de Nubie, Paris, coll. « Archéologia n°300 », Avril 1990 
  • La grande Nubiade ou le parcours d'une égyptologue, Stock, 1992 (ISBN 2-7242-7128-9)  ;
  • La tombe de Nofrétari, Paris, coll. « Archéologia n°291 », 1993 
  • Le zodiaque de pharaon, coll. « Archéologia n°292 », Juillet-août 1993 
  • À propos de la nouvelle tombe de la Vallée des Rois, Paris, coll. « Archéologia n°314 », 1995, p. 4-6  ;
  • Amours et fureurs de la lointaine, Stock, 1995  ;
  • Ramsès II, la jeunesse d'un prince surdoué, Paris, coll. « Archéologia n°329 », Décembre 1996 
  • Ramsès II, la véritable histoire [détail des éditions]  ;
  • Toutânkhamon, Pygmalion, 1999  ;
  • Le secret des temples de la Nubie, Stock, 1999  ;
  • Parlons de Ramsès, coll. « Archéologia n°354 », Mars 1999 
  • La reine mystérieuse, Pygmalion, 2002 (ISBN 2-7441-5816-6)  ;
  • Sous le regard des dieux, Albin Michel, 2003  ;
  • Symboles de l'Égypte, Desclée de Brouwer, 2004  ;
  • Le fabuleux héritage de l'Égypte, Télémaque, 2004  ;
  • Le secret des découvertes, Télémaque, 2006 .

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Christiane Desroches Noblecourt de Wikipédia en français (auteurs)

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