Chute de Constantinople

Chute de Constantinople
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Chute de Constantinople
Benjamin-Constant-The Entry of Mahomet II into Constantinople-1876.jpg
L'entrée de Mehmet II dans Constantinople peinte par Jean-Joseph Benjamin Constant en 1876.
Informations générales
Date 29 mai 1453
Lieu Constantinople (actuellement Istanbul)
Issue Victoire des Turcs ottomans
Belligérants
Flag of Palaeologus Emperor Empire byzantin Flag of the Ottoman Empire (1453-1844) Empire ottoman
Commandants
Constantin XI (†)
Giovanni Giustiniani (†)
Mehmet II
Forces en présence
7 000 } hommes dont 5 000 Byzantins et 2 000 étrangers[1] Entre 150 000 et 300 000 selon les sources contemporaines au siège, autour de 80 000 selon les auteurs modernes
Pertes
Environ 4 000 tués et 50 000 prisonniers[2] Lourdes
Guerres turco-byzantines
Batailles
BapheusCampagne catalane - BursaPélékanonNicéeNicomédie1re GallipoliAndrinople2e GallipoliPhiladelphie1re Constantinople2e ConstantinopleThessalonique3e Constantinople

La chute de Constantinople a lieu le 29 mai 1453 et marque la fin de l’Empire byzantin, ainsi qu'une nouvelle ère d'expansion pour l’Empire ottoman.

Le siège intervient à une époque où l'Empire byzantin n'a plus aucun moyen de contrecarrer l'avancée ottomane. Il fait suite aux tentatives ottomanes infructueuses de 1391-1392, 1394-1402 et 1422. Depuis le premier siège ottoman de Constantinople, les derniers souverains byzantins n'ont plus qu'une influence très limitée tandis que les sultans ottomans voient leur prestige grandir au fil des années. La prise de Constantinople intervient comme l'aboutissement du lent processus de délitement de l'Empire byzantin et apparaît comme naturelle au vu de la situation des deux États. Pourtant, ce siège garde une signification et une importance particulières. D'abord, son déroulement a fait l'objet d'une multitude d'études et plusieurs textes contemporains au siège ont été préservés. Dès lors, il est relativement aisé de se faire une idée précise du siège dont l'intensité et la disproportion des forces impressionnent. En outre, la prise de Constantinople symbolise aussi la fin définitive de l'Empire romain dont l'Empire byzantin est le successeur sous une forme médiévale. Ainsi, du fait de cet héritage qui traverse ensuite l'Adriatique pour atteindre l'Italie et contribuer au déclenchement de la Renaissance, la chute de l'Empire byzantin est souvent vue comme un point charnière de l'histoire puisqu'il correspondrait à la fin du Moyen Âge. Par conséquent, au-delà d'un simple point final à l'existence d'un empire moribond depuis quelques siècles, la prise de Constantinople constitue le point de départ d'une nouvelle ère.

Sommaire

Le contexte

Un Empire byzantin à l'agonie

L’Empire byzantin en 1450

En 1453, l’empire byzantin est réduit à la portion congrue. Les Paléologues n’exercent plus le pouvoir qu'autour de Constantinople et sur une partie du Péloponnèse. Les Byzantins ne contrôlent plus les voies commerciales entre l'Occident et l'Extrême-Orient qui avaient contribué à leur enrichissement. Les concessions commerciales accordées aux Vénitiens et aux Génois se sont notablement accrues au fil des siècles, les caisses sont de fait vides.

La ville avait déjà été encerclée par les forces turques en 1391-1392 et 1394-1402, mais devant l'obligation de combattre les Turco-Mongols à l'est, les Turcs laissèrent la ville sauve. Les années qui suivent constituèrent une période de calme relatif pour Constantinople, les Ottomans étant occupés par des querelles dynastiques. Cette accalmie n'est pas mise à profit pour renforcer l’Empire. Celui-ci ne dispose plus des moyens pour repartir à l'offensive même s'il parvient à récupérer certains territoires dont la ville de Thessalonique[3]. Les rivalités théologiques entre les églises d'Orient et d’Occident empêchent l’acheminement d'aide aux Byzantins, et la méfiance envers les occidentaux est grande suite au sac de la ville lors de la quatrième croisade en 1204. Lucas Notaras, dernier grand amiral de la flotte byzantine, aurait dit : «  Plutôt le turban que le chapeau de cardinal  ». Si l'authenticité de cette phrase est encore sujette à débat, il n'en reste pas moins qu'elle symbolise le profond ressentiment entre les deux pôles de la chrétienté.

En 1422, Murad II, ayant mis fin aux querelles dynastiques, assiège Constantinople, impliquée dans les intrigues de la cour ottomane[4]. Il pille les possessions byzantines du Péloponnèse. Le sultan négocie néanmoins un traité de paix et le versement d'un tribut avec Jean VIII Paléologue afin de retourner mater une révolte en Anatolie.

En 1430, les forces turques prennent et mettent à sac Thessalonique et réduisent la population en esclavage. La menace ottomane se fait de plus en plus pressante et le basileus Jean VIII Paléologue est décidé à trouver un accord avec l'Église d'Occident. Aussi, en 1438, il prend la mer pour l'Italie en emmenant avec lui des théologiens et des évêques (ils sont près de 700 à avoir fait le voyage). Les deux églises se réunissent aux conciles de Ferrare et de Florence. Un accord est trouvé entre les églises latine et orthodoxe en 1439.

En 1440, les Turcs sont repoussés devant Belgrade et le pape en conçoit de grands espoirs. Il prêche donc pour une nouvelle croisade. Celle-ci est commandée par Vladislas, roi de Pologne et de Hongrie. En 1444, les croisés sont mis en déroute à la bataille de Varna et Vladislas est tué[5].

En 1448, une nouvelle bataille a lieu à Kossovo Polié ; les Turcs, grâce à des forces quatre fois plus nombreuses, remportent la victoire sur les troupes hongroises de Jean Hunyadi. C'est la dernière tentative pour aider l'Empire byzantin agonisant. La même année, Jean VIII décède sans descendance et c'est son frère Constantin XI, despote de Morée qui lui succède. L'Empire byzantin n'a alors plus les moyens de s'opposer aux forces ottomanes. Ainsi, Constantin est contraint d'envoyer une ambassade à Mourad pour que celui-ci donne son assentiment à la prise de pouvoir par Constantin[6].

L'arrivée de Mehmet II

Dès son accession au trône, Mehmet II se fixe comme objectif la prise de Constantinople.

Mourad II décède en février 1451 et laisse la place à son fils Mehmet II âgé de 21 ans. C'est un jeune homme volontaire et autoritaire qui s'est fixé comme objectif principal la prise de Constantinople[7]. Pour cela, il sécurise ses arrières en renouvelant la paix avec Venise en 1452 tandis que Raguse s'engage à verser un tribut plus important encore. Dans le même temps, Mehmet renouvelle la paix avec l'Empire byzantin et promet d'assurer la pension d'Orkhan. Cette souplesse est due aux difficultés que Mehmet rencontre en Anatolie. L'émir de Karaman tente de profiter de la succession pour se révolter mais il doit se soumettre après que Mehmet est venu en personne rétablir l'ordre dans la région[8]. Après avoir rétabli l'ordre, le sultan peut dès lors se consacrer à la conquête de la cité byzantine qui continue de perturber les relations entre les deux parties de l'Empire ottoman. De plus, la prise de Constantinople permettrait de réaliser le vieux rêve ottoman d'un empire universel, héritier du prestige de l'Empire romain. Dans le même temps, Constantin XI envoie une ambassade protester contre le retard dans le paiement de la pension d'Orkhan. Les ambassadeurs rappellent aux Ottomans qu'Orkhan est un prétendant possible. Cette menace à peine voilé est présentée au vizir Halil Pacha traditionnellement amical envers les Byzantins. Il prévient ces derniers que Mehmet II est plus dangereux qu'il n'y paraît. Voici la traduction de la réponse d'Halil retranscrite par Donal Nicol :

« Je connais depuis longtemps, Grecs stupides, vos manières sournoises. Le sultan défunt était pour vous un ami débonnaire et attentionné. Le sultan Mahomet ne voit pas les choses de la même façon. S'il ne parvenait pas avec sa fougue habituelle à s'emparer de Constantinople, ce serait uniquement parce que Dieu continue à fermer les yeux sur vos procédés sordides. Vous êtes bien niais si vous croyez pouvoir nous effrayer avec vos puérilités, alors que l'encre de notre dernier traité n'est pas encore sèche. Nous ne sommes pas des enfants sans force ni raison. Si vous croyez pouvoir tenter quelque chose, allez-y. Si vous voulez amener les Hongrois de ce côté du Danube, faites-les venir. Si vous voulez reprendre les places que vous avez perdues depuis longtemps, essayez donc. Mais sachez ceci : ni là ni ailleurs, vous n'irez bien loin. Tout ce que vous risquez, c'est de perdre ce qui vous reste[9]. »

Si la réponse du sultan est relativement courtoise, le comportement des Byzantins démontre que tant que l'Empire byzantin continue à survivre, il reste un danger pour l'Empire ottoman, ne serait-ce qu'en appelant les Occidentaux à lancer une nouvelle croisade ou en soutenant les divers prétendants ottomans[10]. Dès l'hiver 1451, Mehmet commence le blocus de Constantinople qui doit lui permettre à terme de prendre la ville.

La préparation du siège

Les ruines de la forteresse de Rumeli Hisarı.

À partir de ce moment, Mehmet oriente toute sa politique dans l'objectif de mettre fin à l'Empire byzantin. À la fin de l'année 1451, il expulse les Grecs de la vallée de la basse Strouma et mobilise un millier d'ouvriers pour construire la forteresse de Rumeli Hisarı à l'endroit le plus étroit du Bosphore, en face du fort de Anadolu Hisarı construit par Bayezid II dans les années 1390 sur la rive asiatique du Bosphore. Constantin envoie une ambassade auprès du sultan pour exprimer son opposition à un tel projet contraire aux traités byzantino-ottomans interdisant la construction de forteresses turques dans la région ; mais Mehmed II la rejette. Il commence la construction de la forteresse le 15 avril 1452. Constantin a conscience que cette forteresse n'est que la première étape d'une attaque contre Constantinople. En effet, elle empêche l'arrivée de renforts en provenance des colonies génoises de la mer Noire. Constantin tente diverses approches pour empêcher tout siège de la ville. Dans un premier temps, il envoie des vivres aux ouvriers turcs pour amadouer le sultan avant de lancer diverses attaques mineures pour entraver la construction de la forteresse. Cela n'a aucune incidence sur la poursuite de la construction du fort mais permet à Mehmet d'avoir un prétexte pour déclarer la guerre à l'empire[11]. Peu après la fin de la construction de la forteresse en août 1452, Mehmet vient inspecter les forteresses de Constantinople avant d'interdire l'accès à la ville par la mer. Un navire vénitien tente de forcer le passage mais il est coulé par les canons du fort de Rumeli Hisarı. Les visées ottomanes sont alors claires pour l'empereur, d'autant plus que les janissaires ont massacré les habitants du bourg d'Epibation proche de la forteresse de Rumeli Hisarı[12]. Constantin met alors la ville en état de défense et ferme toutes les portes de la ville sauf les portes militaires tandis que Mehmet déclare officiellement la guerre à l'Empire byzantin[13]. Il emprisonne brièvement les citoyens turcs présents dans la cité avant de les relâcher, constatant l'inefficacité de cette action[14].

Grâce à sa nouvelle forteresse, Mehmet peut espérer prendre Constantinople sur le long-terme en privant celle-ci de tout approvisionnement ou renfort mais une telle stratégie reste très incertaine. Parmi l'état-major ottoman, deux camps s'opposent. Celui d'Halil Pacha, l'ancien vizir de Mourad est opposé à une guerre coûteuse et au résultat incertain. Prendre Constantinople ne semble pas une priorité pour Halil qui considère que la menace qu'elle fait peser sur l'Empire ottoman est négligeable. Contre lui, les principaux chefs militaires de l'Empire ottoman qui ont la faveur du sultan supportent la guerre. À la fin de l'année 1452, Mehmet se décide à prendre la ville. Il obtient le soutien unanime des hauts dignitaires ottomans[15]. Dès l'automne 1452, Tourahan Bey lance un raid contre le despotat de Morée pour empêcher toute coalition byzantine de se mettre en place. Au début de l'année 1453, le gouverneur ottoman d'Europe envoie son armée prendre les villes byzantines d'Anchialos et de Messembria qui se rendent sans résistance. Les villes de Selymbria et de Périnthus tentent de résister mais sans succès[16].

Byzance appelle à l'aide

La défaite chrétienne à Varna incite les États chrétiens à la prudence face à la puissance ottomane.

La passivité des États occidentaux

Depuis la fin du XIVe siècle, les autorités byzantines recherchent tant bien que mal l'aide occidentale pour lutter contre les Turcs. Parfois, les empereurs font de longs voyages en Europe, à l'image de Manuel II Paléologue lors du siège de Constantinople de 1394-1402. Dès son arrivée au pouvoir, Constantin XI envoie de nouvelles ambassades dans les différents États chrétiens dans l'espoir de susciter une nouvelle croisade. Toutefois, la défaite de Varna décourage les États occidentaux. De surcroît, ces derniers sont persuadés que l'arrivée de Mehmet II est une bonne nouvelle après l'ère d'expansion de l'Empire ottoman sous Mourad[17]. Cette impression est renforcée par le fait que Mehmet renouvelle les différents traités avec Venise ou avec Jean Hunyade. De même, le prince de Valachie, les chevaliers de Rhodes, les seigneurs de Lesbos et de Chio sont assurés de la paix[18]. Enfin, le souverain de Serbie retrouve la souveraineté sur quelques villes occupées par les Ottomans sous Mourad.

La plupart des souverains d'Europe occidentale s'investissent dans d'autres missions que celles d'endiguer le flot ottoman. Les Français et les Anglais sont engagées dans les derniers combats de la guerre de Cent Ans. Charles VII est alors trop occupé à restaurer la puissance française tandis que Frédéric III de Habsbourg cherche avant tout à obtenir la couronne impériale à Rome. En outre, il s'oppose à Jean Hunyade, le régent du trône de Hongrie que Frédéric convoite. Or la participation de la Hongrie à une croisade est indispensable mais celle-ci ne peut agir seule. En effet, ses défaites contre Mourad l'ont fragilisée. De surcroît, Jean Hunyade s'oppose rapidement à Ladislas qui en devenant majeur veut s'éloigner de la tutelle de son régent. Philippe III le Bon, le souverain de Bourgogne n'est pas réticent à partir en croisade mais sa priorité reste son opposition au roi de France Charles VII tandis que le souvenir de la capture de Jean Sans Peur lors de la bataille de Nicopolis reste vivace[19]. De nombreux souverains sont bien trop éloignés des rivages de Constantinople pour envoyer de l'aide à l'Empire byzantin. De même, les souverains de la péninsule ibérique doivent avant tout lutter contre les dernières possessions musulmanes dans la région. Seul Alphonse V, le roi d'Aragon, est prêt à défendre Constantinople mais son objectif est avant tout de soumettre les dernières possessions byzantines, ce qui rend son aide peu digne de confiance[20]. De son côté, la Russie reste empêtrée dans ses propres affaires et condamne fermement l'Union des deux Églises[21], tandis que la principauté de Valachie reste neutre du fait de son statut de vassal de l'Empire ottoman.

L'ambiguïté des États italiens

Malgré la question de l'Union, le pape Nicolas V tente de venir en aide à Constantinople mais ses appels restent sans réponse.

En Italie, de nombreux États sont directement concernés par la situation à Constantinople. Ainsi en est-il de la papauté qui cherche à juguler la progression des forces musulmanes en Europe. Pour se garantir du soutien du pape, l'empereur Jean VIII a signé l'union des deux Églises au concile de Florence mais celle-ci reste très formelle et les divisions dogmatiques persistent. Elles poussent le patriarche unioniste Grégoire III Mammé à trouver refuge à Rome en 1451 face à l'opposition des anti-unionistes. De fait, Nicolas V reproche la subsistance du schisme et cela ne favorise pas l'envoi de soutiens. D'autant plus qu'à l'image des autres États européens, les Italiens semblent assez peu conscients du danger que Mehmet II fait peser sur les derniers bastions byzantins. Les exilés grecs en Italie tentent de défendre la cause byzantine mais sans succès probants. En 1451, Constantin envoie un ambassadeur en Italie où il demande la permission à Venise de recruter des archers crétois et porte à Rome un message des anti-unionistes[22]. L'objectif de l'empereur est de montrer que les oppositions subsistent à l'Union des Deux Églises et il demande au pape de réunir un nouveau concile pour régler les différends. Mais le pape reste inflexible et demande à Constantin de régler les problèmes par lui-même.

Venise est embarrassée par la situation. Si elle se rend compte assez vite que la générosité de Mehmet ne dure pas, certains dignitaires vénitiens pensent que la chute de Constantinople améliorerait la stabilité de la région, ce qui ne pourrait être que bénéfique pour le commerce. Toutefois, cette opinion reste marginale car bon nombre de Vénitiens sont conscients qu'après Constantinople, c'est aux colonies vénitiennes que Mehmet s'en prendra. Mais Venise dispose d'une marge de manœuvre étroite. Elle est engagée dans une guerre coûteuse en Lombardie, ses relations avec le pape sont mauvaises tandis que celles qu'elle entretient avec Gênes sont proches de la conflictualité ce qui rend toute coopération impossible[23]. De plus, la protection des places vénitiennes en Orient est une tâche qui occupe la grande majorité de la flotte. De fait, si Venise s'engage à défendre les Chrétiens, elle demande aussi à ses gouverneurs d'Orient de ne pas provoquer les Turcs. Cette position ambiguë illustre bien la difficulté de la situation pour Venise qui autorise néanmoins l'empereur à recruter des soldats en Crète. Gênes se trouve dans une situation similaire et maintient une forme de neutralité bienveillante envers les Chrétiens. Tout Génois peut défendre Constantinople mais en son nom propre, les gouverneurs de Péra et de Chio doivent éviter toute provocation envers les Turcs[24]. Malgré son intransigeance, le pape Nicolas se refuse à abandonner Constantinople mais ses appels à une croisade restent lettre morte bien qu'Alphonse V ait envoyé une flotille de 10 navires en mer Égée avant de la retirer pour qu'elle participe à d'autres combats[25].

En dépit de ces échecs, le pape envoie le cardinal Isidore de Kiev à Constantinople pour faire aboutir l'Union. Il arrive le 26 octobre 1452 avec 200 archers recrutés à Naples et Léonard, l'archevêque génois de Lesbos[26]. Constantin réunit alors un comité en faveur de l'Union et Luc Notaras se charge des négociations bien que les plus fervents opposants à un compromis restent à l'écart. L'empereur les réunit mais les anti-unionistes réclament à nouveau le tenue d'un concile à Constantinople. Malgré la persistance de cette opposition, l'Union est proclamée solennellement le 12 décembre dans la basilique Sainte-Sophie[27]. Toutefois, peu de Byzantins assistent à la cérémonie et parmi les partisans de l'Union, beaucoup attendent simplement la venue de renforts occidentaux après quoi le compromis serait renégocié. Par conséquent, derrière cette Union formelle se cache la volonté politique de Byzance d'obtenir des secours à tout prix, y-compris en acceptant un compromis dont la portée reste minime et ne met pas fin aux dissensions à l'intérieur du christianisme.

Malgré cette avancée, Byzance a un besoin criant de renforts et Constantin envoie de nouveaux ambassadeurs à travers l'Europe en 1452. De nouveau, il doit faire face à la passivité des républiques italiennes, que ce soit Venise ou Gênes. Le roi d'Aragon permet seulement aux Byzantins de s'approvisionner en divers vivres et matériaux en Sicile. De même, le pape reste contrarié par les problèmes auxquels fait face l'Union et doit combattre une révolte à Rome en janvier 1453 qui l'empêche de se mobiliser pleinement en faveur de Constantinople, d'autant plus que le pape souhaite l'intervention active de Venise avant toute mobilisation[28].

Les forces en présence

Les Ottomans

Le canon des Dardanelles sur la base du canon qui a été utilisé par les assiégeants ottomans à Constantinople en 1453. Il appartient aujourd'hui à la collection britannique d'armements

Il est difficile de donner la taille exacte des effectifs turcs, de nombreux chiffres ont été donnés et sont souvent exagérés. Il est évident qu'une grande partie de l'armée ottomane est mobilisée pour prendre la ville. Seuls les hommes de Tourakhan Bey et les garnisons devant défendre les frontières ne sont pas engagés dans la bataille. Dans le même temps, des milliers d'irréguliers (des bachibouzouks) sont recrutés tandis que de nombreux hommes sont attirés par la possibilité du pillage. Les sources de l'époque citent couramment le nombre de 200 000 soldats. Le cardinal Isidore de Kiev cite le nombre de 300 000 hommes[29] et Barbaro celui de 160 000. Les historiens modernes s'accordent sur le fait que ces chiffres sont bien souvent exagérés. Steven Runciman s'appuie sur les sources turques et donne le chiffre de 80 000 soldats auxquels s'ajoute 20 000 bachibouzouks sans compter le grand nombre de non-combattants[30]. Comparativement aux effectifs des assiégés, la disproportion est énorme. Au sein de l'armée ottomane, les janissaires sont au nombre de 12 000. Ils constituent l'élite de l'armée de Mehmed. En outre, Đurađ Branković, le despote de Serbie et vassal du sultan envoie un contingent combattre au sein de l'armée turque[31].

Carte de Constantinople (aujourd'hui Istanbul).

À la différence du siège de 1422, Mehmet s'appuie en grande partie sur la flotte pour mener à bien le siège. La ville de Constantinople est facilement accessible par la mer et sans la maîtrise de celle-ci, il est presque impossible de prendre la ville. Les Arabes ont été repoussés à deux reprises par l'action de la marine byzantine tandis que les Francs et les Vénitiens ont profité de leur domination sur les mers pour prendre d'assaut la ville par la Corne d'Or. Toutefois, la flotte ottomane reste encore embryonnaire et les Turcs doivent souvent faire appel à des navires d'autres nationalités pour assurer les liaisons entre l'Europe et l'Asie. Mehmet bâtit une grande flotte lors des mois précédents le siège et elle se rassemble au mois de mars vers Gallipoli. Aux côtés des nombreuses embarcations de fortune figurent des trirèmes et des birèmes de grande taille ainsi que des fustes plus petites et plus rapides et toute une pléthore de navires de différents types[32]. Il est difficile de donner la taille exacte de la marine ottomane mais selon les sources italiennes, elle est composée de six trirèmes, dix birèmes, quinze galères à rames, 75 fustes, une vingtaine de parapandaires (navires utilisés pour le transport) ainsi qu'un nombre substantiel de bateaux de petite taille pour les communications. Nicolle estime la taille de la marine ottomane à 126 navires[33]. La flotte pénètre en mer de Marmara à la fin du mois de mars[34].

En plus de ces effectifs impressionnants, les Ottomans disposent d'une artillerie puissante chargée de détruire les murailles de Constantinople. Il ordonne à ses fonderies de concevoir des canons suffisamment puissants pour abattre des remparts[35]. Parmi ces canons figure celui d'Urbain. Cet ingénieur hongrois avait d'abord proposé d'assister Constantin XI mais ce dernier n'ayant pas les finances suffisantes pour satisfaire les demandes de l'ingénieur, Urbain se tourne vers les Ottomans. Après avoir conçu un des canons de Rumeli Hisar, il en fabrique un autre qui sort des fonderies en janvier 1453. Ce canon très connu possède des dimensions impressionnantes. Ainsi, le tube mesure huit mètres de longueur et les boulets pèsent près de 600 kilos mais la cadence de tir n'excède pas les sept boulets à la journée. L'essai du canon impressionne le sultan qui l'incorpore à son armée.

Les Byzantins

Carte montrant le relief de Constantinople et ses murs pendant la période byzantine

Les effectifs

Georges Phrantzès a effectué un compte très précis du nombre de Grecs en mesure de porter les armes. Il l'évalue à 4 983 très exactement dont la plupart ne sont que de simples moines ou citoyens byzantins en âge de porter les armes[36],[37],[Note 1]. Ce nombre est très faible et de nombreux hommes ne sont pas des soldats de métier. À cette date, l'armée byzantine n'est plus que l'ombre d'elle-même. Toutefois, un nombre substantiel d'étrangers se joignent aux Byzantins. Selon Phrantzès, il s'élève à un peu moins de 2 000. Parmi eux se trouvent les 700 Génois[Note 2] menés par Giovanni Giustiniani, ancien podestat de Caffa qui arrivent à Constantinople le 29 janvier 1453[38]. Ses connaissances en matière militaire sont précieuses pour Constantin qui lui confie la responsabilité des murailles. Quelques hommes en provenance de Péra se joignent à la défense de la cité malgré la neutralité officielle de la colonie génoise. Quelques Catalans dirigés par Péré Julia se mettent au service de l'Empire byzantin[39] ainsi que le prétendant Orkhan et sa suite[40]. De plus, la colonie vénitienne de la ville dirigée par Girolamo Minotto se joint à la défense de Constantinople tandis que plusieurs navires dirigés par Alviso Diedo et Gabriele Trevisano arrivent à Constantinople au début de l'année 1453. Au total, ce sont six navires vénitiens auxquels il faut ajouter trois navires de la colonie vénitienne de Crète qui participent au siège. Toutefois, quelques commandants d'autres navires parviennent à s'enfuir avant le début du siège. C'est le cas de 700 hommes dirigés par Pierre Davanzo et qui quittent Constantinople le 26 février à bord de 7 navires[41]. Cette défection réduit le nombre de navires à la disposition des assiégés. En effet, seuls 26 navires de taille substantielle sont encore dans la Corne d'Or au début du siège[38]. La nationalité de ces derniers est très disparate. Cinq sont Vénitiens, cinq sont Génois, trois sont Crétois, un vient d'Ancône, un autre de Catalogne et un dernier enfin de Provence[42]. À cela, il faut ajouter dix navires byzantins, les reliquats de la presque défunte marine byzantine. Ce sont donc des effectifs bariolés qui assurent la défense de la cité face à une armée ottomane très largement supérieure en nombre mais aussi en armement. L'artillerie de Constantinople se réduit à quelques petits canons péniblement acquis par Constantin peu de temps avant le siège. La ville génoise de Péra située sur l'autre rive de la Corne d'Or reste neutre durant le siège, en espérant être épargnée par les Ottomans. Au sein même de Constantinople, si certaines sources parlent d'une population de seulement 36 000 habitants, une telle estimation est exagérée[43]. En réalité, il semble plutôt que Constantinople soit peuplé par un peu plus de 50 000 habitants, ce qui correspond globalement au nombre de prisonniers fait par les Ottomans après la prise de la ville[44]. Néanmoins, ce chiffre est particulièrement bas par comparaison avec le million d'habitants peuplant la ville à l'apogée de l'Empire byzantin.

L'armement et l'état des murailles

Espace séparant les deux murs du rempart théodosien.

Le site de Constantinople est d'une importance stratégique considérable à la jonction entre l'Asie et l'Europe. La géographie même de la ville explique sa longévité malgré les multiples sièges qu'elle a subis. La cité impériale se situe sur une forme de triangle dont deux côtés sont bordés par la mer. Au sud, c'est la mer de Marmara qui mouille les murs de Constantinople et au nord, c'est la Corne d'Or, un port naturel idéal qui s'étend profondément dans les terres et sépare Constantinople de la colonie génoise de Péra, indépendante de l'Empire byzantin depuis la fin du XIIIe siècle. Du côté terrestre, c'est le mur théodosien qui assure la protection de la cité sur une longueur de 6,5 km. Les dégâts qu'il a subis lors du siège de 1422 sont en grande partie réparés en 1453. En fait d'un seul rempart, la muraille de Théodose est constitué de deux murs successifs, le mur intérieur et le mur extérieur, séparés par le Péribolos, espace large de douze à dix-huit mètres[45]. Le mur extérieur, d'une hauteur moins importante[Note 3], est précédé d'un fossé dont certaines portions sont inondables. Il est d'une largeur moyenne de 18 mètres et d'une profondeur de six à neuf mètres[46]. Juste après le fossé se trouve un espace nommé Parateichion, entre l'ouvrage de soutènement surplombant le fossé et le rempart extérieur. Cet espace est large d'une quinzaine de mètres. À la pointe nord du mur de Théodose se trouve le quartier des Blachernes. Cet ancien faubourg, incorporé à la cité au VIIe siècle siècle, est entouré d'une muraille simple, renforcée sous Manuel Ier[47]. Les murailles maritimes sont de simples remparts construits le long du rivage, percés de quelques portes qui donnent directement sur la mer[Note 4]. Du fait de leur disposition et des courants de la mer de Marmara, ces remparts sont peu susceptibles de subir des attaques, d'autant plus que la Corne d'Or peut être barrée par une longue chaîne tendue entre Constantinople et Péra.

Dans de la ville même, le pessimisme règne, d'autant que de multiples prophéties parfois anciennes prédisent la chute de l'empire pour l'an 7 000 après la création du monde devant intervenir en 1492[48]. En ce qui concerne les vivres, Constantinople dispose dans ses murs de quelques cultures, insuffisantes pour approvisionner la ville dans son entier, mais susceptibles de compléter les provisions déjà présentes dans la cité. En effet, dès 1452, en prévision du siège, Constantin a fait parvenir dans la ville le produit des récoltes des campagnes environnantes[49]. L'armement dont dispose Constantinople est correct : les assiégés ne manquent pas de projectiles divers (flèches, javelots, voire mangonneaux), mais leur artillerie est insuffisante et chaque tir ébranle les murailles sur lesquelles elle est positionnée. Enfin, les armures des assiégés sont souvent meilleures que celles des Turcs[50].

La disposition des forces

Une fresque d'un monastère moldave représentant le siège de Constantinople. À l'image des nombreuses représentations de l'événement produites durant le règne de Pierre IV Rareş, elle joue un rôle politique et idéologique dans le combat que mène Pierre IV contre les Ottomans.

Constantin XI tente de répartir ses faibles forces tout le long des murailles. Il décide de n'occuper que les remparts extérieurs du fait de son manque d'effectifs. Giustiniani a en charge l'ensemble des murailles terrestres tandis que les murailles maritimes disposent d'assez peu de forces. Elles sont peu susceptibles d'être attaquées, notamment du côté de la mer de Marmara car il n'existe presque aucun espace émergé entre la mer et le pied des murailles. De plus, les courants et les bas-fonds compliquent toute manœuvre de débarquement. Constantin XI prend position à proximité de la vallée du Lycus. Giustiniani occupe le secteur proche de la porte de Charisius avant de se déporter vers la vallée du Lycus plus tard lors du siège. Il est remplacé par les hommes des frères Bocchiardi tandis que les troupes vénitiennes dirigées par Minotto défendent le secteur des Blachernes. Théodore Caristo défend les positions entre la porte de Caligarius et le mur de Théodose. D'autres troupes génoises dirigées par Cattaneo se positionnent sur la gauche de l'empereur. Théophile Paléologue, le cousin de Constantin, défend la porte de Pegae, Philippe Contarini le secteur entre la porte de Pegae et la porte d'Or défendue par quelques Génois. Enfin, Dimitri Cantacuzène défend l'extrémité sud des murailles terrestres[51]. Le Studion, secteur le plus occidental des murailles le long de la mer de Marmara est surveillé par Jacob Contarini tandis que des moines assurent la garde du reste des remparts bordant la mer. Orkhan défend le port d'Éleuthère avec ses hommes tandis que les Catalans s'occupent des remparts proches de l'Hippodrome et du Grand Palais. Le cardinal Isidore défend la pointe de l'Acropole avec 200 hommes. Enfin, les murailles bordant la Corne d'Or sont défendues par des Italiens dirigées par Gabriele Trevisano tandis que Alviso Diedo dirige la flotte réfugiée dans la Corne d'Or. En outre, deux corps de réserve doivent venir en aide aux secteurs les plus en difficultés. Notaras dirige celui situé à proximité directe des murailles terrestres et Nicéphore Paléologue celui près de l'église des Saints-Apôtres avec 700 hommes à sa disposition[52].

En définitive, entre les 5 000 à 7 000 hommes, pour la plupart volontaires et n'ayant aucune expérience au combat, et les troupes que le sultan a demandées à tous ses vassaux (environ 80 000 hommes), la disproportion est énorme. D'autant plus que la flotte qu'a levée Mehmet II s'avère la plus puissante qui ait jamais été rassemblée par l'Empire ottoman et permet d'envisager un blocus complet de la ville. Toutefois, David Nicolle rejette l'idée selon laquelle Constantinople est condamnée et que la situation des deux empires conduit inévitablement à la chute de l'Empire byzantin[53]. En effet, il affirme que la cité de Constantinople reste la ville disposant des meilleures défenses en Europe à cette époque[54]. Il s'oppose à Steven Runciman qui considère que tôt ou tard l'Empire byzantin finira par s'effondrer du fait de sa superficie devenue trop petite pour envisager une reconquête des territoires perdus :

« L'Empire byzantin était d'ores et déjà condamné. Diminué, sous-peuplé et appauvri, il ne pouvait que succomber lorsque les Turcs jugeraient le moment venu de lui porter le coup fatal[55]. »

Déroulement de la bataille

Les premiers jours

Une section reconstituée du mur de Théodose.

L'arrivée des troupes ottomanes

C'est le 2 avril que les premiers détachements turcs apparaissent devant la cité. Une sortie byzantine les affaiblit mais l'arrivée d'autres troupes turques contraint les troupes gréco-latines à se replier. Constantin ordonne la destruction des ponts franchissant les douves et fait fermer les portes de la ville. Dans le même temps, la chaîne d'or établit entre Constantinople et Pera permet aux Byzantins de barrer la Corne d'Or. C'est le 5 avril que le sultan arrive en présence de son armée[56]. Après avoir établi son camp à deux ou trois kilomètres de la ville, il décide de faire avancer ses troupes sur leurs positions initiales. Zaganos Pacha occupe le terrain faisant face à Pera pour contrôler la colonie génoise. Karadja Pacha dirige les troupes européennes entre la Corne d'Or et la porte de Charisius[57]. À sa droite se trouvent les troupes asiatiques dirigées par Ishak Pacha. Le sultan plante sa tente dans la vallée du Lycus juste derrière les positions occupées par les janissaires. Pour défendre leurs positions, les Turcs creusent une tranchée protégée par une palissade en bois[58]. Dès ces positions atteintes, l'artillerie turque bombarde les murs de la ville. Au bout de deux jours de bombardement, la muraille près de la Porte de Charisius est détruite. Néanmoins, Mehmet sait que d'autres troupes doivent encore arriver. Ainsi, il sursoit au bombardement le temps que d'autres canons arrivent mais demande à ses troupes de combler les fossés présents près des murs. Enfin, Baltoglou tente de forcer la Corne d'Or mais sans réussite ce qui le contraint à attendre le soutien de la flotte de la mer Noire[59].

Mehmet II à la conquête de Constantinople. Tableau peint par Fausto Zonaro en 1903.

Le sultan décide alors de réduire les forteresses pouvant menacer les arrières de l'armée turque[60]. Il commence par s'emparer du château de Thérapia qui domine le Bosphore. Il résiste deux jours mais ses fortifications s'écroulent face à l'artillerie et sa garnison est exécutée. Le petit château de Studios près de la mer de Marmara oppose une résistance encore plus faible et les survivants sont empalés[61]. Baltoglou est envoyé avec une partie de ses forces pour prendre possession des îles des Princes. Prinkipo l'île principale de l'archipel est gardée par un château défendu par ses habitants et 30 soldats. Après plusieurs assauts infructueux, Baltoglou enfume le château dont de nombreux occupants périssent alors que les soldats survivants sont tués et les habitants réduits en esclavage[62].

Les premiers combats

Peu de temps après, le 11 avril, les canons lourds sont en position et peuvent bombarder la muraille extérieure de la ville. Cette œuvre de destruction se poursuit jusqu'à la chute de la ville à l'aide de canons au calibre imposant comme celui de l'ingénieur Urbain qui ne peut toutefois tirer que sept boulets par jour. Il finit par exploser peu de temps après le début du siège. En face, les vieilles fortifications byzantines peinent à soutenir le choc[63]. Le rempart de la vallée du Lycus est le premier à s'écrouler et les gravas comblent en partie le fossé creusé juste devant. Néanmoins, les défenseurs parviennent à élever une fragile barrière. Le 12 avril, les premiers combats se déroulent près la Chaîne de la Corne d'Or peu après l'arrivée de renforts turcs. Les navires du sultan mettent en place leur artillerie et leurs marins tentent de prendre d'assaut les navires chrétiens. Toutefois, l'artillerie turque est inefficace et les défenseurs réussissent à éteindre les feux causés par les canons tandis que les soldats tirent des flèches et des javelots contre la marine turque. Menacé d'encerclement, Baltoglu doit renoncer et se replier[64]. Le sultan est alors contraint de revoir sa stratégie car les canons de la marine n'ont pas les moyens d'infliger des dégâts suffisants aux navires latins. Il installe donc un canon sur la pointe de Galata qui parvient à détruire un des navires appartenant aux assiégés ce qui contraint les autres à se replier plus profondément dans la Corne d'Or[65].

Le 18 avril, les Turcs tentent de profiter de la brèche faite au Mésoteichion (partie de la muraille couvrant la vallée du Lycus)[66]. Après avoir remblayé le fossé, ils s'attaquent à la palissade qu'ils brûlent avant d'essayer de forcer la ligne tenue par les défenseurs soit en défaisant les barricades, soit en grimpant sur la muraille à l'aide d'échelles. Toutefois, les Byzantins tiennent près de quatre heures avant que les Turcs ne se replient. Selon Barbaro, les Turcs ont perdu 200 hommes et les chrétiens aucun[67]. Malgré la reprise du bombardement par l'artillerie turque, le moral des défenseurs remonte et ils continuent à réparer les brèches.

La bataille du 20 avril

La flotte de Mehmet II subit une cuisante défaite contre quatre navires byzantino-génois le 20 avril.

Quelques jours après, c'est sur la mer que se reporte la confrontation. En effet, les quelques navires en provenance d'Italie ont enfin les vents en leur faveur et se dirigent vers Constantinople pour soutenir celle-ci. Les trois navires génois payés par le pape pour envoyer des vivres et du matériel à Constantinople sont accompagnés d'un navire byzantin chargé de blés venant de Sicile. La petite flotte apparaît à la vue de Constantinople le matin du 20 avril. L'ensemble de la flotte turque exceptée les navires à voile[Note 5] vogue en direction de cette petite armada. Cette dernière se trouve rapidement encerclée par la marine turque mais les chrétiens ont l'avantage de la hauteur et peuvent harceler leurs adversaires à l'aide de flèches et de javelots. Après avoir approché les rivages byzantins, la petite flottille est déportée au large par le courant tandis que le vent du sud s'apaise[68]. Les Turcs tentent de couler leurs adversaires avec l'artillerie sans résultat et décident de passer à l'abordage. Malgré l'écrasante supériorité numérique des Turcs, les Génois parviennent à repousser les multiples assauts tandis que les Byzantins du transport impérial se servent de feu grégeois. Malgré tout, le navire byzantin est bientôt sur le point d'être submergé ce qui conduit les Génois à se rapprocher de lui et à former une forme de forteresse flottante[69]. Les deux camps opposés observent la bataille avec grand intérêt. Pour Byzance, c'est l'espoir de voir arriver de nouveaux renforts, pour Mehmet, c'est la volonté de briser la résistance adverse. En dépit de leurs lourdes pertes, les Turcs multiplient leurs assauts et épuisent les Chrétiens. Néanmoins, ces derniers profitent du vent qui se lève en fin de journée et leur permet d'aller jeter l'ancre dans la Corne d'Or grâce à une ouverture faite dans le barrage à cette occasion. Cet événement entraîne une formidable hausse du moral dans les rangs byzantins à la différence des Turcs pour qui la déroute est catastrophique malgré la relative faiblesse des pertes [Note 6]. Mehmet est critiqué par plusieurs dignitaires ottomans tandis que l'amiral Baltoglou est fouetté avant d'être congédié.

Le 21 avril, l'artillerie turque parvient à détruire une tour du Mesoteichion et selon Steven Runciman s'appuyant sur les dires des défenseurs, une attaque ottomane aurait probablement été victorieuse. Toutefois, l'empereur ne se trouve pas sur le lieu de la bataille mais au lieu-dit des Deux Colonnes pour trouver un moyen de contrer la supériorité navale des Byzantins. Ces derniers profitent de ce répit pour combler la brèche dans leur système de défense[70].

L'exploit de la Corne d'Or

Photographie de la chaîne ayant servi à barrer la Corne d'Or. Elle force Mehmet à user d'une stratégie audacieuse pour pénétrer dans la Corne d'Or. Elle est aujourd'hui conservée au musée militaire d'Istanbul.

La bataille du 20 avril rappelle à Mehmet l'importance de la Corne d'Or, le port naturel de Constantinople, qui permet à la flotte byzantine de disposer d'un refuge sûr et à la muraille nord d'être gardée par un minimum d'hommes. Il élabore alors un moyen de faire passer ses navires dans la Corne d'Or par voie terrestre. Cette technique n'est pas nouvelle, elle a déjà été expérimentée par, et plus récemment par les Vénitiens lors d'une campagne en Longobardie. Il est probable qu'un des participants à cette campagne ait informé le sultan de la technique. Toutefois, les Turcs doivent faire avec un relief pentu, ce qui accroît la difficulté de la manœuvre[Note 7]. Mehmet met en place les travaux dès le 21 avril à l'aide de milliers d'artisans et d'ouvriers tandis que le canon implanté près de Péra bombarde continuellement les environs de la chaîne pour masquer les préparatifs. À l'aube du 22 avril, les premiers navires sont hâlés à l'aide de bœufs à la grande stupéfaction des assiégés. Bientôt, ce sont près de 70 navires turcs qui mouillent dans la Corne d'Or[71]. Les défenseurs de Constantinople ont peu d'options, toute intervention de Péra semble à exclure et ils n'ont pas suffisamment de combattants pour débarquer sur la rive opposée et détruire les canons et incendier les navires.

Constantin bénéficie de l'aide de Giacomo Coco, un navigateur en provenance de Trébizonde qui prévoit d'incendier la flotte turque à l'aide de ses navires la nuit tombée[72]. L'action est repoussée à la nuit du 24 avril et prévoit l'envoi de deux transports, deux galères et deux petites fustes accompagnées de multiples navires de petite taille. Ce sont ces derniers qui ont pour mission de couler et d'incendier les navires turcs. Seuls les Vénitiens sont mis au courant car les Génois pourraient transmettre l'information à Pera dont les relations avec le sultan sont ambiguës. Ils finissent néanmoins par être au courant de l'opération et exigent d'y participer. Ils demandent d'attendre le 28 pour qu'un de leur navire puisse participer à l'opération en fournissant une fuste supplémentaire. Ce délai est mis à profit par un Génois à la solde du sultan pour informer les Turcs de l'opération. Ainsi, la nuit du 28 avril, l'opération est lancée et Coco qui dirige une des fustes décident de lancer lui-même les hostilités mais son navire est détruit par l'artillerie turque informée de l'opération. Si une des galères et les transports parviennent à s'en sortir sans trop de dégâts, les petits navires subissent de lourdes pertes. Les 40 prisonniers chrétiens sont exécutés devant les murailles de la ville ce qui incite les Byzantins à faire de même avec plus de 200 Turcs (260 selon Phrantzès)[73]. Les pertes s'élèvent à une galère, une fuste et 90 marins pour les assiégés et un navire pour les Turcs. Si la Corne d'Or n'est pas encore tombée entre les mains des Turcs, elle n'est plus un refuge sûr et cela contraint les assiégés à dégarnir leurs défenses déjà peu pourvues en hommes pour assurer la protection de la muraille bordant la Corne d'Or ; celle-là même qui fut franchie par les Croisés en 1204 lors de la première chute de Constantinople[55].

En outre, la prise de contrôle d'une partie de la Corne d'Or améliore la communication entre l'armée turque principale et les hommes dirigés par Zaganos Pacha au-dessus de Péra. Avant, le sultan devait parcourir un long crochet pour assurer la liaison entre ses deux corps d'armée, dorénavant il dispose d'un ponton construit à proximité directe des murailles. Enfin, des plate-formes sont disposées le long de ce ponton pour y poster des canons et ainsi tirer sur les murailles des Blachernes avec un nouvel angle[74]. Toutefois, les chrétiens parviennent à maintenir une flotte entre le ponton et la chaîne.

Une lutte continuelle

Une des premières représentations de la chute de Constantinople. C'est un manuscrit français du XVe siècle. Constantinople apparaît sous la forme d'une ville occidentale.

Après la prise partielle de la Corne d'Or, les Turcs continuent le pilonnage de la ville sans lancer d'attaque directe contre la cité. Cette dernière doit faire face au problème des vivres et Constantin lance une nouvelle collecte de fonds pour obtenir des vivres et les répartir. Peu à peu, les réserves de Constantinople diminuent d'autant que les cultures produisent peu en avril et que les bateaux de pêche ne peuvent plus agir du fait de la présence de navires turcs dans la Corne d'Or[75]. Confronté à ce nouveau défi, l'empereur décide de l'envoi d'un navire devant se porter à la rencontre de l'escadre vénitienne promise par Minotto. Ainsi, le 3 mai, un brigantin hissant les couleurs turques pour tromper la vigilance ottomane parvient à franchir le blocus pour se diriger ensuite vers la mer Égée[76].

À Venise, l'appel lancé par Minotto en janvier 1453 est reçu par Venise le 19 février. Le 13 avril, la Sérénissime République prévoit d'envoyer Alviso Longo à Tenedos à la tête d'une flotte pour recueillir divers renseignements sur la situation de Constantinople et sur les forces turques. À Tenedos, Alviso Longo doit attendre l'arrivée de Loredan, le capitaine général de la flotte emmenant avec lui plusieurs galères en provenance de Venise ainsi que deux navires crétois devant le rejoindre à Négrepont. Toutefois, Loredan ne part de Venise que le 7 mai. Il a pour instruction de rejoindre Longo et si ce dernier est déjà parti pour Constantinople, de le rejoindre dans la cité impériale. Si Loredan apprend que l'empereur byzantin a traité avec le sultan, il doit se diriger vers la Morée et exiger la restitution de plusieurs villages pris par le despote Thomas Paléologue. Dans le cas contraire, il doit mettre l'île de Négrepont en état de se défendre contre une offensive turque[77]. Dans le même temps, le pape tente péniblement de mettre en place une expédition de secours mais en Italie, on reste persuadé que la ville peut tenir encore longtemps ce qui n'incite pas à la rapidité[78]. Il faut attendre le 5 juin (une semaine après la chute de Constantinople) pour qu'un représentant de la république de Raguse informe Venise de la demande de prêt de 5 navires par la papauté qui souhaite secourir Constantinople. Si Venise accepte d'armer les galères, elle demande une somme supérieure aux 14 000 ducats proposés par le pape[79]. Dès lors, l'espoir de Constantin de voir arriver une flotte de secours en provenance de l'Occident est tout à fait illusoire.

À Constantinople, les tensions sont croissantes entre les Vénitiens et les Génois qui se rejettent la faute pour la responsabilité de l'échec du 28 avril. Les Génois critiquent la prétendue lâcheté des Vénitiens qui s'enfuiraient dès qu'ils le peuvent tandis que les Vénitiens accusent la complicité dont feraient preuve les Génois de Pera envers les Turcs. Ces multiples disputes contraignent l'empereur à recourir à l'arbitrage tandis que le moral des assiégés faiblit progressivement. Des contacts entre l'empereur et le sultan ne donnent rien, Mehmet continue d'exiger la reddition de la ville en échange de la sûreté des habitants et de leurs biens ainsi que d'une possibilité d'exil en Morée pour l'empereur. Certains dignitaires préconisent le départ de l'empereur pour que celui-ci rallie des troupes à l'extérieur (les hommes de Scanderberg entre autres) dans l'objectif de secourir Constantinople[80]. Toutefois, Constantin affirme que s'il abandonnait la cité, la défense s'effondrerait ; si la cité devait périr, il périrait avec elle.

Les Turcs sous les murailles de Constantinople

Les bombardements redoublent d'intensité au début du mois de mai avec la remise en état du canon d'Orban le 6 mai. En face, les Byzantins se préparent à l'assaut ottoman qui se déroule le matin du 7 mai dans le secteur du Mesoteichion mais sans réussite après 3 heures de lutte[81]. Pour renforcer la défense de la ville, la plupart des équipages des navires vénitiens sont envoyés sur les murailles des Blachernes malgré la résistance initiale des marins. Les navires vénitiens sont rapatriées dans le port. Le 13 mai, les Turcs lancent une offensive à la jonction des murailles des Blachernes et celles du mur de Théodose. Une nouvelle fois, les assiégés repoussent l'assaut. Mehmet déplace alors certains de ses canons positionnés dans la Vallée des Sources pour les implanter dans la vallée du Lycus. Les 16 et 17 mai, la flotte turque fait plusieurs démonstrations à proximité du barrage de la Corne d'Or sans pouvoir le forcer[82]. Mehmet tente alors de placer des mines sous les fortifications byzantines[83]. Un premier tunnel n'est pas bien mis en place et le deuxième est repéré par les Byzantins. L'ingénieur John Grant construit alors une contre-mine qui lui permet de faire s'écrouler le tunnel turc. Mehmet réitère l'expérience une troisième fois mais de nouveau les Byzantins contrecarrent les projets turcs.

Le 18 mai, les Ottomans ont recours à une tour de siège dans le secteur du Mésoteichion. Ce nouveau stratagème impressionne grandement les assiégés. En effet, cette tour permet aux Turcs de combler le fossé précédant les remparts sans pertes tandis que les projectiles tirés du haut de la tour permettent d'abattre une tour byzantine proche de la Porte Saint-Romain[84]. Après avoir comblé le fossé, les Turcs s'apprêtent à lancer à nouveau l'assaut contre la brèche mais durant la nuit, les Byzantins parviennent à placer des charges de poudres dans les remblais qui détruisent la tour[85]. Plusieurs autres tours d'assaut sont détruites par la suite sans qu'aucune ne parvienne à forcer les défenses byzantines. Le 22 mai, une éclipse de Lune se produit ce qui remplit de terreur les assiégés persuadés d'y voir un signe divin de leur future destruction. Nicolò Barbaro cité par Gustave Schlumberger retranscrit cette terreur dans son compte-rendu du siège :

« Ce signe en effet donnait à entendre à cet illustre souverain que les prophéties allaient s'accomplir et que son empire approchait de sa fin, comme aussi il est arrivé. Ce signe, par contre, parut un signe de victoire aux Turcs, qui fort s'en réjouirent et firent une grande fête dans leur camp[86]. »

Parmi les autres mauvais présages constatés par les témoins du siège figure l'épisode de l'icône de la Vierge. Celle-ci est une des plus saintes reliques de la ville et la Vierge est une protectrice de Constantinople. Or, au cours d'une procession lors de laquelle la relique est transportée dans les rues, la Vierge se détache de son support avant qu'un orage n'éclate et ne plonge les habitants dans le désespoir[87]. De même le 24 mai, une lumière rouge illumine la basilique Sainte-Sophie créant un mouvement de panique parmi les Byzantins. Selon Donald Nicol, ce phénomène est dû aux feux allumés par les Ottomans qui éclairent la basilique. Le feu de Saint-Elme pourrait être une autre explication à ce phénomène.

Malgré ces différents signes semblant présager d'une fin funeste pour les Byzantins, les combats continuent. Le 23 mai, Grant et ses hommes réussissent à capturer un officier turc dirigeant les opérations de minage et qui révèle l'emplacement de tous les tunnels turcs. Ces derniers sont détruits un à un et les Ottomans abandonnent cette option[88]. Le même jour, le brigantin parvient à revenir dans la Corne d'Or et annonce à l'empereur que malgré plusieurs jours de navigation dans la mer Égée, aucune flottille de secours n'est en route pour Constantinople. Cette nouvelle atteint durement le moral des défenseurs qui malgré leurs faibles pertes, souffrent de la fatigue et d'un manque de vivres de plus en plus criant. Enfin, le bombardement continuel de l'artillerie ottomane entame en plusieurs points la muraille byzantine et les défenseurs ont de plus en plus de difficultés à réparer les diverses brèches ouvertes par les canons turcs[89].

Les derniers jours

Tableau de 1499 dépeignant le siège de Constantinople.

Toutefois, le moral des Turcs commence à faiblir avec la durée du siège. L'armée ottomane craint l'arrivée de renforts chrétiens d'autant plus que Jean Hunyade s'affirme délier du traité de paix signé avec le sultan. De plus, la marine a subi plusieurs échecs cuisants ce qui accroît le sentiment d'impuissance chez les assiégeants. Mehmet tente à nouveau d'offrir la reddition de la ville à Constantin. Vers le 25 mai, il envoie un ambassadeur dans la cité pour persuader les Byzantins d'accepter de négocier. Le basileus accepte et envoie à son tour un ambassadeur écouter les demandes du sultan. Ce dernier promet la levée du siège en échange d'un tribut de 100 000 besants d'or. Une telle somme est impossible à payer pour l'empereur qui refuse de rendre la ville[90].

Le 25 mai, Mehmet réunit ses différents conseillers pour écouter leurs avis. Halil Pacha persiste dans son opposition à la prise de la ville qui n'apporte que des pertes à l'Empire ottoman. Ce dernier vient de subir de multiples coups durs et risque de faire face à l'arrivée de renforts occidentaux. L'idée selon laquelle Halil Pacha est payé par les Grecs pour essayer de tempérer les ardeurs du Sultan n'a jamais été démontrée mais à partir de cette date, le vizir tombe définitivement en disgrâce auprès du Sultan. Toutefois, Zaganos Pacha milite pour continuer le siège à l'image de nombreux autres généraux[91]. Après avoir reçu l'avis favorable de l'immense majorité de son armée, Mehmet se décide à lancer un nouvel assaut.

Pour préparer ce qui doit être l'offensive décisive, le bombardement des murailles redouble d'intensité les 26 et 27 mai pendant que les Byzantins se préparent au choc en réparant les dommages causés par l'artillerie. Giustiniani est légèrement blessé alors qu'il supervise les réparations de la barricade du Mesoteichion mais reprend très rapidement son poste le dimanche 26 mai. Le 27 mai, Mehmet fait la revue de ses troupes et les encourage en leur promettant trois jours de pillages ininterrompus[92]. La nuit tombée, des dizaines d'hommes se succèdent pour combler le fossé dans la vallée du Lycus. Le lundi 27 est consacré au repos et à la préparation de l'assaut final. De nouveau, Mehmet fait une tournée d'inspection générale. Il ordonne à sa marine tout entière, qu'elle soit dans la Corne d'Or ou sur la mer de Marmara de se préparer à l'assaut pour le lendemain. Les marins devant essayer d'escalader les murailles maritimes de Constantinople pour obliger les assiégés à maintenir une vigilance constante sur chaque point du mur. Zaganos devait fournir des renforts aux marins tandis que le reste de ses troupes a pour objectif le secteur des Blachernes. À sa droite jusqu'à la Porte de Charisius, c'est le général Karadja Pacha qui est responsable de l'offensive tandis qu'Ishak et Mahmoud dirigent les troupes d'Asie entre la Porte de Saint-Romain et la mer de Marmara, le sultan se chargeant du secteur de la vallée du Lycus, le point le plus faible de la défense byzantine[93]. En face, les assiégés souffrent d'une profonde discorde en leur sein. Les Vénitiens affirment que les Génois ne sont pas dignes de confiance du fait de la neutralité de Péra. Peu de temps avant l'assaut final, Giustiniani et Luc Notaras se disputent au sujet de l'artillerie. Giustiniani veut la concentrer dans la vallée du Lycus, là où le choc principal aura lieu tandis que Luc Notaras veut assurer la défense des murailles maritimes de la Corne d'Or insuffisamment protégées. Constantin XI doit arbitrer le conflit en faveur du Génois.

Le lundi 27 mai, les assiégés oublient leurs différends. Une procession religieuse fait le tour des murailles et des reliques et autres objets à valeur religieuse sont placées devant les points les plus affaiblis des remparts. Constantin fait un dernier discours à l'adresse de l'ensemble des défenseurs et à la fin de la journée, une grande partie de la population se retrouve pour une cérémonie au sein de la basilique Sainte-Sophie. De nouveau, les dissensions religieuses sont oubliées. Le soir, les défenseurs reprennent leurs positions. Giustiniani et ses hommes se placent à l'endroit le plus affaibli de la muraille sur le Mesoteichion. Les portes du rempart intérieur sont alors fermées pour éviter toute retraite[94]. Constantin se réunit avec plusieurs de ses ministres et de gens de sa famille avant de se diriger dans le secteur des Blachernes pour se préparer à la bataille[95].

L'assaut final

Constantin XI.

Au moment de l'assaut final, les murailles de Constantinople sont sérieusement fragilisées et trois brèches ont été ouvertes par l'artillerie turque. La première se situe entre la Porte d'Andrinople et le palais du Porphyrogénète, la deuxième près de la Porte Saint-Romain dans la vallée du Lycus et la troisième à proximité de la troisième porte militaire[96].

Les premières vagues

C'est au soir du lundi 28 mai que les Turcs se mettent en action. Des milliers d'hommes comblent le fossé face aux murailles et les assiégés sont impuissants à les en empêcher. À 1h30 du matin le 28 mai, le sultan ordonne l'assaut général tandis que les défenseurs s'organisent au son du tocsin. Ce sont les bachibouzouks qui constituent la première vague d'assaut. Ils sont plusieurs milliers à se lancer à l'assaut des murailles constantinopolitaines dans l'objectif d'épuiser les défenseurs[97]. Pour se prémunir de la défection de ces soldats peu fiables, Mehmet a placé une ligne de sergents doublée d'une ligne de janissaires pour abattre tout déserteur. L'effort turc se concentre autour de la vallée du Lycus mais les bachibouzouks, mal armés et peu disciplinés, sont repoussés par les soldats de Giustiniani qui disposent du meilleur armement à la disposition des assiégés. Après deux heures de lutte, Mehmet ordonne la retraite avant de lancer les troupes anatoliennes d'Ishak à l'assaut[98]. Ces dernières sont bien plus disciplinées que les bachibouzouks et tentent de forcer la palissade du Mésoteichion. De nouveau, le grand nombre des assaillants est plus un désavantage car ils se bousculent l'un l'autre et constituent des cibles faciles. Toutefois, le canon d'Urbain parvient à détruire la palissade ce qui permet à 300 Turcs de pénétrer à l'intérieur de la ville mais les troupes gréco-latines menées par Constantin parviennent à les rejeter en-dehors de la cité[99]. Ce revers conduit à l'abandon de l'assaut par la deuxième vague. Partout, les défenseurs parviennent à repousser les assauts turcs. Au niveau du rempart sud, plusieurs groupes de soldats sont envoyés soutenir les défenseurs de la vallée du Lycus tandis que les moines et les troupes d'Orkhan repoussent les quelques tentatives turques de prendre la ville du côté de la mer de Marmara. En ce qui concerne la Corne d'Or, les Ottomans ne sont pas en mesure de menacer réellement la défense byzantine. Enfin, les Vénitiens s'opposent victorieusement aux attaques de Zaganos autour du palais des Blachernes malgré l'acharnement turc[100].

La troisième vague et la victoire ottomane

Représentation de Constantin XI en train d'essayer de repousser les Ottomans.
L'entrée de Mehmet II dans Constantinople peinte par Fausto Zonaro.

Malgré tout, le but de Mehmet est atteint. Les deux premières vagues d'assaut ont fortement fatigué les défenseurs et ces derniers n'ont pas le temps de terminer les réparations de la palissade endommagée qu'une pluie de projectiles s'abat sur eux. C'est le coup d'envoi de la troisième vague d'assaut, celle qui doit emporter la décision[101]. Ce sont les janissaires, les troupes d'élite du sultan, qui dirigent cet assaut. À la différence des bachibouzouks et des troupes anatoliennes, les janissaires parviennent à garder solide leur formation à l'approche des remparts. Mehmet dirige ses troupes jusqu'au devant du fossé et là, les janissaires lancent de multiples assauts contre les restes de la palissade qui barre l'entrée de Constantinople dans la vallée du Lycus. Malgré leur épuisement, les assiégés parviennent à empêcher les Turcs de pénétrer dans la cité durant près d'une heure.

C'est alors que le sort de la bataille tourne en faveur des Ottomans. Quelques soldats turcs parviennent à pénétrer dans la cité à l'angle où se joignent les murailles des Blachernes et celles de Théodose. Là se trouve une poterne, la Kerkoporta, qui sert à plusieurs reprises aux hommes des frères Bocchiardi lors du siège pour mener des sorties nocturnes dirigées contre le camp turc. Il est probable que lors d'une de ces actions, les défenseurs aient oublié de refermer la porte. Cela permet aux Ottomans de prendre le contrôle de la muraille à cet endroit. Les Byzantins réagissent très vite et parviennent à enrailler la pénétration ottomane. Une cinquantaine de Turcs sont encerclés dans la muraille. Il est possible qu'à cet instant de la bataille les assiégés puissent reprendre le contrôle de la situation mais un autre événement fragilise de façon décisive la défense de la cité. Le chef génois Giustiniani est touché mortellement au sternum par une balle de couleuvrine[102]. Il demande à être ramené à l'intérieur de la cité mais son départ provoque un mouvement de panique parmi les troupes génoises qui se replient en désordre et fuient le combat[103],[Note 8]. Les Grecs continuent de combattre mais ils sont peu à peu acculés contre le rempart intérieur et périssent nombreux dans les douves du fait des projectiles tirés contre eux par les Turcs. Ce reflux combiné à la prise des murailles au niveau de la Kerkoporta symbolisée par la levée du drapeau ottoman en haut d'une des tours provoquent la conviction de la victoire chez les Turcs. Les Vénitiens, abandonnés par les Génois, ne peuvent refermer la Kerkoporta et cèdent face à la pression ottomane[104]. Constantin et ses plus fidèles compagnons tentent alors d'organiser la défense byzantine dans la vallée du Lycus mais la situation est déjà perdue. Théophile se jette alors dans la mêlée, bientôt suivi par de nombreux officiers dont Démétrius Paléologue Métochitès, le dernier gouverneur de Constantinople[105]. Constantin XI, Don Francesco de Tolède et Jean Dalmata périssent lors des ultimes combats en tentant de repousser les assauts turcs[106].

Partout la défense byzantine cède. Les Vénitiens de Minotto sont encerclés dans les Blachernes tandis que les Turcs parviennent à prendre possession des murs de la Corne d'Or où seuls les équipages de deux navires crétois continuent de résister. Ils s'enferment dans trois tours d'où ils tiennent tête aux Ottomans. Peu à peu, toutes les portes de la cité sont ouvertes. Celles de la muraille sud le sont par les Turcs déjà présents dans la cité et les défenseurs du secteur sont soient tués, soient faits prisonniers. De nombreux Byzantins tentent de retourner chez eux pour assurer la protection de la famille tandis que les Italiens essaient de regagner leurs navires dans l'espoir de fuir la cité[105]. Le long de la mer de Marmara, les Ottomans débarquent sans rencontrer de résistance, sauf dans le secteur défendu par les hommes d'Orkhan[107]. Les Catalans résistent longuement avant de périr ou de se rendre mais de nombreux secteurs voient leurs défenseurs se rendre sans résistance. Pris par l'euphorie de la victoire et par l'appât du butin, de nombreux marins turcs quittent leurs navires pour participer au pillage de la ville promis par Mehmet. Cela permet à de nombreux navires italiens de s'échapper avant que le port ne soit pris vers midi. L'îlot de résistance crétois finit par se rendre dans l'après-midi mais les soldats obtiennent la possibilité de quitter la ville à bord de leurs navires[108].

Prise de la ville

Hagia Sophia, ou Sainte Sophie.

En accord avec la tradition islamique en vigueur depuis le calife Omar et comme promis aux soldats, la ville est mise à sac durant trois jours[92]. Si les régiments pénètrent en bon ordre dans la ville, ils se lancent ensuite dans une entreprise de pillages et de tueries[109]. Mais assez vite, les soldats turcs décident de faire des prisonniers dans l'espoir d'obtenir des rançons[110]. Les troupes ayant pénétré dans Constantinople par la Kerkoporta s'attaquent au palais des Blachernes dont la garnison vénitienne est vaincue. Toutes les églises proches des remparts sont pillées. Bientôt, les troupes turques se dirigent vers le centre de la ville en direction de la pointe de l'Acropole. Il est difficile de suivre le trajet des soldats turcs mais il est certain que peu de bâtiments échappent aux pillages[Note 9]. La basilique Sainte-Sophie devient la cible des troupes terrestres ainsi que des marins qui convergent ensemble vers le plus somptueux bâtiment religieux de la ville[111]. Les soldats ottomans n'ont aucune difficulté à forcer les portes de la basilique derrières lesquelles se trouve un grand nombre de réfugiés[112]. Peu d'entre eux sont tués, la plupart sont faits prisonniers, notamment les jeunes filles et les jeunes garçons que se disputent les Ottomans. Selon la légende, les prêtres de l'Église réussissent à se dissimuler dans le mur de la basilique d'où ils réapparaîtront quand Constantinople redeviendra chrétienne[109]. Les habitations pillées sont signalées par des fanions et bientôt, l'ensemble de la population est faite prisonnière bien que les plus jeunes enfants soient souvent tués du fait de leur faible valeur marchande. De même, plusieurs livres sont préservés car les Turcs espèrent les revendre par la suite. Du fait de l'intensité du pillage, le sultan y met fin dès le soir du 29 mai[113]. Selon les sources de l'époque, le nombre de prisonniers s'élève à 50 000 tandis que 4 000 civils sont victimes du massacre[114]. C'est aussi le soir du 29 mai que Mehmet II pénètre dans la cité impériale pour se diriger vers la basilique Sainte-Sophie. Il permet aux quelques chrétiens encore présents dans l'église de repartir chez eux avant de rendre hommage à Allah sur l'autel de la basilique.

La Porte de Charisius (ou d'Andrinople) par laquelle Mehmet fait son entrée dans Constantinople.

Le 30 mai, Mehmet exige de faire un état des lieux du butin pris lors du pillage de la ville. Il s'en réserve une part substantielle et distribue une autre partie aux troupes n'ayant pu participer au pillage. La plupart des nobles byzantins voient leur sort décidé par Mehmet qui permet aux femmes de retrouver la liberté avec suffisamment d'argent pour racheter leur famille à l'exception des hommes et des femmes les plus séduisants que Mehmet conserve. Il permet à certains nobles de rejoindre l'armée ottomane s'ils abjurent la foi catholique[115]. Il est beaucoup moins indulgent envers les différents chefs étrangers faits prisonniers à la suite de la prise de la ville. Minotto et plusieurs autres dignitaires vénitiens sont exécutés ainsi que le consul catalan Péré Julia[99]. De même, le prétendant turc Orkhan est exécuté après avoir essayé de fuir la ville sous un déguisement de moine grec. L'archevêque Léonard et le cardinal Isidore parviennent à s'échapper grâce à divers stratagèmes[Note 10]. Quant aux quelques Constantinopolitains qui ont échappé à la capture, ils obtiennent la permission de rentrer chez eux.

Parmi les nobles byzantins, si Mehmet adopte une attitude indulgente les premiers jours, il n'hésite pas à faire preuve de fermeté, notamment avec le mégaduc Lucas Notaras, le deuxième personnage de l'empire après l'empereur. Lucas se rend le 29 mai aux troupes ottomanes et Mehmet pourrait avoir prévu de le nommer gouverneur de la ville mais il finit par s'opposer à Lucas. En effet, Mehmet désire faire rentrer un des fils de Lucas dans son sérail. Face au refus de Lucas, il décide de le décapiter avec son fils et son gendre[116]. De même, Phrantzès, un des hommes les plus proches de l'empereur est emprisonné durant 18 mois avant de parvenir à payer la rançon pour sa liberté et celle de sa femme mais ses deux enfants restent dans le sérail du sultan. Au-delà de l'exécution de Lucas, Mehmet tient surtout à éliminer les grands dirigeants de l'Empire byzantin pour éviter toute résurgence de celui-ci[117]. Le sort de l'empereur lui-même est réglé par le sort des armes puisqu'il est tué lors des derniers combats mais sa dépouille ne fut jamais retrouvée. Il est probable qu'il ait été enterrée avec d'autres soldats byzantins morts au combat. S'étant débarrassé de ses insignes impériaux, son cadavre n'en est que plus difficilement reconnaissable.

Le sultan envoie en cadeaux 500 enfants de Constantinople aux rois de Grenade et de Tunis et au calife d'Égypte. Peu après, au fur et à mesure que la nouvelle de la prise de la ville se répand, une série d'ambassades des quatre coins de la Méditerranée se présente pour s'assurer du retour à la paix du sultan. Concernant les vaincus, le sultan leur accorde un statut comparable aux autres minorités ethniques, à savoir la liberté de culte, sauf l'interdiction de sonner les cloches, et une relative autonomie administrative, contre paiement d'un impôt spécial, la Djizîa.

Conséquences

D'un empire à l'autre

Carte de Constantinople (1422) par le cartographe florentin Cristoforo Buondelmonte montrant Pera au nord de la Corne d'Or. Cette colonie génoise créée à la suite de la reprise de Constantinople par Michel VIII en 1261 symbolise la concurrence commerciale des républiques italiennes qui ruine l'Empire byzantin.

La prise de Constantinople de 1453 est le dernier acte du lent déclin de l'Empire byzantin commencé plusieurs siècles auparavant. Les causes de cette décadence sont nombreuses et complexes mais la prise de Constantinople en 1204 a fragilisé de façon définitive l'Empire byzantin qui doit ensuite faite face à la concurrence commerciale des républiques italiennes. Cette compétition ruine l'empire qui perd sa source de revenus principale et se trouve entraîné dans des guerres coûteuses et souvent désastreuses. Dès lors, l'Empire ottoman peut sans difficultés conquérir progressivement le territoire byzantin mal défendu par une armée en sous-effectif par manque de moyens financiers et humains. Il est donc évident que l'Occident tient une part de responsabilité importante dans la chute de Constantinople. Toutefois, son désintérêt pour l'Empire byzantin en 1453 n'est pas un facteur déterminant dans la chute de celui-ci. En effet, Steven Runciman et Georges Ostrogorsky estiment qu'une aide occidentale aurait conduit à la réinstauration d'un Empire latin d'Orient[118]. Depuis un siècle déjà, l'Empire byzantin est devenu un État secondaire devenu la proie de ses voisins. En 1453, si les murailles de Constantinople restent impressionnantes, l'Empire byzantin ne bénéficie plus de la supériorité militaire sur son adversaire à l'image du rôle déterminant que joue le feu grégeois dans la défaite arabe en 678. Au contraire, l'artillerie ottomane très moderne est un élément clé expliquant la défaite byzantine[119].

Le despotat de Morée en 1450.

D'un point de vue géographique, la prise de Constantinople n'apporte pas grand-chose à l'Empire ottoman qui contrôle déjà l'ensemble ou presque des anciens territoires de l'Empire byzantin (Asie Mineure et Péninsule balkanique). L'acquisition de Constantinople permet surtout de parachever la domination ottomane sur les Détroits. L'unité de l'Empire ottoman est renforcée et les communications entre sa partie européenne et sa partie asiatique sont grandement facilitées[120]. De surcroît, l'élimination de l'Empire byzantin permet à l'Empire ottoman de se prémunir contre toute nouvelle croisade ayant pour objectif de sauver Constantinople à l'image des batailles de Nicopolis et de Varna. Ainsi, Mehmet II élimine un facteur d'instabilité parfois vecteur de troubles dynastiques au sein de l'Empire ottoman lorsque le basileus soutient l'un des prétendants au trône ottoman[Note 11]. C'est dans une optique similaire que Mehmet se décide à réduire les quelques territoires grecs encore indépendants (Despotat de Morée et Empire de Trébizonde). Le despotat de Morée est un territoire byzantin recouvrant le Péloponnèse. Possession formelle du basileus, il est devenu au fil du temps l'apanage de membres de la famille impériale qui se disputent pour sa possession. Constantin XI lui-même fut despote de Morée avant de devenir empereur byzantin. Déjà en 1452, Mehmet II envoie une partie de son armée ravager le territoire grec pour l'empêcher de venir en aide à Constantinople. Après la chute de Constantinople, il devient la cible prioritaire de Mehmet. Le despotat est dominé par Thomas Paléologue et Démétrios Paléologue qui font appel aux Ottomans en 1454 pour réduire la révolte des populations albanaises[121]. Mais dans le même temps, les despotes essaient de susciter une croisade en Occident[122]. Mehmet II réagit en envoyant une nouvelle expédition ravager le despotat en 1458 avant de s'en emparer en 1460. L'Empire de Trébizonde subit le même sort l'année suivante. L'empereur David II de Trébizonde qui avait essayé de susciter une croisade contre les Ottomans est contraint de capituler le 15 août 1461 alors que les Ottomans assiègent Trébizonde[123].

Ce processus de destruction des forces chrétiennes tentant de s'opposer à l'avancée ottomane en Europe (et dans une moindre mesure en Asie Mineure) se poursuit tout au long du règne de Mehmet II et de ses successeurs. Partout dans les Balkans, les derniers bastions de résistance chrétiens cèdent. Skanderbeg, le chef albanais périt en 1468 et avec lui la résistance de son peuple contre les Ottomans. De même, la principauté de Valachie dirigée par Vlad III l'Empaleur est soumise à la mort de ce dernier en 1476. L'Empire ottoman acquiert dès lors le statut de grande puissance dont l'influence devient indépassable en Europe. La chute de Constantinople a un rôle dans l'évolution du statut de l'Empire ottoman. Le déclin de l'Empire byzantin a privé la chrétienté occidentale de son rempart traditionnel contre la progression musulmane (échec des deux sièges arabes de Constantinople). La chute de Constantinople fait prendre conscience aux États occidentaux de l'intensité de la menace ottomane. Dans le même temps, l'Empire ottoman tente de reprendre l'héritage de l'Empire byzantin. C'est dans cette optique que Mehmet fait de Constantinople sa capitale dès le mois de juin 1453.

Les réactions occidentales

Portrait romantique du dernier croisé qui illustre l'échec des tentatives chrétiennes pour défendre Constantinople contre les Turcs.

Il ne faut que quelques semaines avant que la chrétienté ne soit mise au courant de la chute de Constantinople. Trois navires ayant fui la cité arrivent à Candie en Crète le 9 juin. La nouvelle frappe de stupeur les habitants de l'île[Note 12]. Les colonies vénitiennes de Chalcis et de Modon sont aussi informées rapidement de la prise de la ville et envoient des messagers qui arrivent à Venise le 29 juin. De là, l'information arrive à Rome le 4 juillet avant d'atteindre Naples et le roi d'Aragon Alphonse V[124] puis l'ensemble de l'Europe. Partout, c'est la stupeur qui prédomine. L'ensemble des États occidentaux pensait que les fortifications de la ville étaient suffisamment solides pour tenir un siège, au moins avant l'arrivée de renforts. En fait, la plupart des souverains étaient trop occupées par leurs propres problèmes pour accorder une véritable attention à l'Empire byzantin. Venise qui possède de nombreux intérêts en mer Égée conseille la prudence à ses différentes colonies tandis que la flotte de Loredan doit emmener un ambassadeur auprès de Mehmet[125]. Ce dernier doit obtenir le renouvellement du traité de 1451 ainsi que la permission de rétablir la mission commerciale vénitienne à Constantinople[Note 13]. Gênes se trouve dans une situation encore plus inconfortable car elle est mobilisée dans des guerres à l'ouest qui l'empêchent d'envoyer des secours à ses différentes places orientales dont la ville de Péra. Le gouverneur de celle-ci tente d'amadouer le sultan qui accorde divers privilèges à la ville. Toutefois, Mehmet vient à Péra dès le 3 juin et ordonne le désarmement de la cité. Dès lors, Péra appartient pleinement à l'Empire ottoman et le gouverneur génois est remplacé par un Ottoman. En outre, la prise de contrôle de l'ensemble des Détroits par Mehmet condamne l'existence des villes génoises de mer Noire dont aucune ne survit plus de 50 ans à la conquête de Constantinople[126]. Chio subit un sort similaire car Gênes laisse le gouvernement de l'île traiter directement avec le sultan. Les autres cités commerciales italiennes (Florence, Ancône...) connaissent une meilleure situation et établissent rapidement de nouvelles relations commerciales avec le sultan. De même, les Catalans reviennent assez vite à Constantinople bien que le Consulat ait disparu définitivement avec l'Empire byzantin[127].

Le pape Nicolas V lance un appel à la croisade dès le mois de septembre 1453 mais de nouveau, aucune réponse ne lui parvient. Comme avant 1453, les souverains occidentaux ont des problèmes plus urgents ou manquent de moyens pour intervenir. Frédéric III ne dispose pas d'assez de pouvoir sur ces différents vassaux pour espérer entreprendre une action efficace, Charles VII de France doit veiller à la reconstruction de son pays tandis qu'Henri VI d'Angleterre sombre dans la folie et son royaume dans la guerre des Deux-Roses[128]. Ladislas de Hongrie doit faire face à l'influence de Jean Hunyade et n'a pas les moyens d'inquiéter les Turcs tandis qu'Alphonse V s'enferme dans une stratégie défensive. Enfin, le duc Philippe le Bon de Bourgogne promet d'intervenir (vœu du faisan) mais cette promesse reste sans acte. Calixte III, le successeur de Nicolas publie la bulle Ad summi apostolatus apicem le 15 mai 1455 qui proclame la levée des dîmes pour financer une expédition devant partir le 1er mars 1456[129]. En juin 1456, le pape parvient à envoyer une flotte prendre les îles de Lemnos, Naxos et Samothrace mais aucun prince chrétien n'est en mesure de défendre ces conquêtes qui retombent vite sous la coupe ottomane[130]. Plus les années passent et plus l'idée d'une intervention occidentale s'estompe. Le projet de croisade de Pie II disparaît avec sa mort en 1464 malgré l'apparente motivation de Philippe le Bon à respecter son engagement. Charles le Téméraire, le successeur de Philippe le Bon tente de reprendre le projet de croisade bourguignon et signe une alliance avec Ferdinand Ier d'Aragon en 1471 mais les nécessités de la lutte contre le Royaume de France le contraignent à abandonner ce projet[131].

Mehmet II, dit le « Conquérant » à la suite de sa victoire.

Partout en Occident, on s'accommode de la domination ottomane. Cela est dû à l'inimitié profonde qui existe entre l'ancienne Byzance des Grecs schismatiques et l'Occident chrétien. Pour certains, les Grecs reçoivent le châtiment qu'ils méritent après avoir pillé Troie, les Ottomans étant une forme de réincarnation des Troyens[132]. Bientôt, la nécessité l'emporte et les États chrétiens se rendent compte qu'ils ne peuvent se passer d'un partenaire commercial comme les Ottomans. Selon Jacques Heers, la Raison d'État l'emporte sur la défense de la foi et il symbolise cette idée par cette phrase de Louis XI : « Et même s'il fallait aller plus loin et reconquérir Constantinople, vous êtes plus tenus au roi et à son pays que vous ne l'êtes à l'empereur de Grèce et autres seigneurs du Levant et ce ne serait pas grand honneur à vous que de le vouloir tout en laissant détruire le roi et les royaumes par les Anglais[128]. » Dès lors, seules les complaintes de quelques esprits romanesques comme Olivier de la Marche témoignent du désarroi que cause la chute de Constantinople[Note 14]. Mais ces hommes restent minoritaires et il ne faut pas plus de quelques années pour voir l'idée d'un Empire byzantin disparaître définitivement. Cet état de fait est confirmé par l'alliance entre le roi de France François Ier et Soliman le Magnifique près de 50 ans après la chute de Constantinople.

En Europe, seule la Russie tente de reprendre l'héritage byzantin. Dernier pays orthodoxe à ne pas subir la domination ottomane, la Russie se considère comme l'héritière directe de l'Empire romain et le seul empire chrétien digne de ce nom. « Constantinople est tombée pour avoir trahi la Vraie Foi. Mais la Foi orthodoxe vit encore, c'est celle des Sept conciles, telle que Constantinople l'a transmise au grand prince Vladimir. Il n'existe plus qu'une seule Église orthodoxe au monde, l'Église de Russie[133]. » Le métropolite de Moscou écrit ce texte en 1458 et condamne l'Union signée au concile de Florence. Dès lors, Moscou devient la Troisième Rome par la volonté de Dieu tandis que le tsar Ivan III se marie à Zoé Paléologue, l'une des dernières représentantes de la famille Paléologue[134]. Cette union permet à Ivan III de récupérer l'aigle à deux têtes du blason impérial et de s'attribuer de facto le titre de successeur de l'Empire byzantin.

La fin du Moyen Âge ?

Avec l'année 1492 et la découverte de l'Amérique, l'année 1453 est souvent perçue comme l'une des dates clés faisant basculer le monde du Moyen Âge vers la Renaissance. Plusieurs raisons justifient une telle vision. Tout d'abord, la chute de Constantinople signifie la fin de l'Empire byzantin dont l'essence est fondamentalement médiévale, du moins à partir d'Héraclius. En tant qu'héritier de la Rome antique voire de la Grèce antique, l'empire possède de vastes bibliothèques dans lesquelles sont préservés de multiples écrits de savants et érudits gréco-romains. Ainsi, Byzance apparaît comme la passerelle directe entre l'Antiquité et la Renaissance caractérisée par le retour en grâce des anciens textes. En s'écroulant, l'Empire byzantin force ses propres érudits à fuir vers l'Italie d'où ils propagent leur savoir à l'image de Jean Bessarion ou Manuel Chrysoloras qui se rend à Florence dès 1396 où il enseigne le grec[135]. Ce mouvement parachève la redécouverte d'Aristote par les érudits du Moyen Âge, dont Roger Bacon, Albert le Grand et Thomas d'Aquin au cours des deux siècles précédents. Toutefois, l'année 1453 n'est qu'une étape dans ce processus et cette fuite des intellectuels commence bien avant la chute de Constantinople[136]. Dès lors, c'est plus le délitement progressif de l'Empire byzantin qui catalyse le processus de renouveau intellectuel conduisant à la Renaissance. Ainsi, Steven Runciman remet en cause l'idée que la prise de Constantinople signifie précisément la fin du Moyen Âge.

« Il n'existe aucun point, aucun moment qui marque réellement le passage du monde médiéval au monde moderne. Bien avant 1453, cette période que l'on appelle la Renaissance avait déjà commencé en Italie et dans le monde méditerranéen. Bien après 1453 les idées du Moyen Âge ont continué d'avoir cours en Occident[136]. »

Toutefois, la chute de Constantinople est aussi le symbole de la puissance de la poudre à canon qui est désormais en mesure de détruire les vieilles murailles. Ce fait est à mettre en parallèle avec la fin de la guerre de Cent Ans la même année qui est souvent considérée comme le dernier conflit de type médiéval. Enfin, la chute de Constantinople et l'installation durable des Turcs dans la région met fin au commerce entre l'Europe et l'Asie qui transite traditionnellement par Constantinople, ce qui oblige les Européens à trouver de nouvelles routes de commerce par l'Atlantique[137]. Malgré tout, il reste aujourd'hui difficile d'attribuer une date exacte à la fin du Moyen Âge. Cet événement est plutôt le fruit d'un lent processus s'étalant tout au long du XVe siècle siècle voire jusqu'au début du XVIe siècle siècle. Par conséquent, si la chute de Constantinople n'est pas la date précise de la fin du Moyen Âge, elle en est une des étapes clés.

Historiographie et source

Statue de Constantin XI

La chute de Constantinople est mentionnée dans plusieurs ouvrages de la deuxième moitié du XVe siècle, principalement chez les auteurs grecs. Parmi eux se trouve le récit du chirurgien vénitien Nicolò Barbaro, témoin oculaire du siège qui rédige le compte-rendu de celui-ci après la fin de la bataille. C'est une des sources les plus utilisées pour analyser le siège de Constantinople. Steven Runciman et Gustave Schlumberger s'y réfèrent beaucoup. Le texte de Barbaro reste relativement objectif bien que son opposition aux Génois se retrouve à de nombreuses reprises dans son texte. Parmi les autres témoins oculaires du siège figurent Phrantzès, un proche de Constantin XI qui consacre une longue partie de son œuvre historique au siège de Constantinople. Critobule d'Imbros est un historien ayant commencé à écrire peu après la fin de l'Empire byzantin. S'il n'est pas un témoin direct du siège, il le décrit de façon très précise et sa proximité avec Mehmet II[Note 15] fait de lui un auteur relativement neutre pour un historien grec[138]. De surcroît, ses informations viennent à la fois de sources turques et de sources grecques ce qui fait de son texte une œuvre intéressante pour l'analyse du siège. On peut citer aussi la Chronique slave du siège dont l'auteur est inconnu mais qui est probablement présent à Constantinople en 1453[139]. Ce texte longtemps laissé de côté mentionne plusieurs événements absents des autres chroniques du siège. Toutefois, certains ajouts sont fictifs (ajout d'un patriarche imaginaire) et quelques dates sont erronées[140]. D'autres auteurs grecs absents au moment du siège en font un récit détaillé dans leurs œuvres historiques. Ainsi en est-il de Doukas souvent utilisé par les historiens modernes bien que Runciman mette en avant ses erreurs et son parti pris unioniste[141]. Les sources ottomanes, souvent difficiles d'accès, sont peu nombreuses et peu utilisées pour la rédaction de textes concernant la prise de Constantinople. Enfin, on peut citer différents autre auteurs, parfois présents lors du siège, dont les écrits sont parvenus aux historiens modernes et qui permettent de compléter le récit de la chute de Constantinople (Léonard de Chio, Giovani Lomellino, Ubertino Pusculus, Tetaldi...).

Le premier auteur « moderne » d'importance à publier un récit de la chute de Constantinople est Edward Gibbon, l'auteur de l’Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain. Toutefois, le texte de Gibbon reste marqué par le dédain de l'historien envers l'Empire byzantin[142]. Edwin Pears publie The Destruction of the Greek Empire and the Story of the Fall of Constantinople en 1903 qui reste une référence sur le sujet et inspire fortement Gustave Schlumberger pour son livre 1453, Le siège, la prise et le sac de Constantinople. À la suite de cet ouvrage, il faut attendre la parution du livre de Steven Runciman en 1965 pour constater un renouveau dans l'étude du siège de Constantinople. Il tente de compléter les récits précédents du siège avec les résultats des nouvelles recherches et conteste l'importance parfois démesurée accordée à la chute de Constantinople.

Culture

Très peu de temps après l'événement, la chute de Constantinople est devenue un thème artistique abordé à plusieurs reprises. La ville de Constantinople a toujours suscité de nombreux fantasmes en Occident du fait de sa grandeur et de son opulence. De nombreuses œuvres picturales des XVe et XVIe siècles représentent le siège de Constantinople, parfois à des fins politiques comme les nombreuses fresques de monastères moldaves du règne de Pierre IV Rareş (1527-1538 et 1541-1546)[143]. Le prince moldave tente alors de s'opposer à la progression ottomane. Plusieurs des représentations de Constantinople présentent des événements divins (une pluie de feu par exemple) qui sauvent la ville de l'invasion ottomane. Le thème de l'Hymne Acathiste qui sauve Constantinople contre les Perses et les Avars est repris par les Moldaves qui s'en considèrent comme les nouveaux bénéficiaires.

Du fait de son intensité et de son importance, la chute de Constantinople a une incidence au niveau culturel non négligeable. Ainsi, le mardi reste traditionnellement un jour maudit en Grèce car c'est un mardi (le mardi 29 mai 1453) que la ville de Constantinople chute. De même, le croissant de Lune et l'étoile présents sur le drapeau de la Turquie sont censés être l'illustration des mêmes symboles apparus lors d'un rêve à Mehmet II et présageant de la prise de la ville. Paradoxalement, le seul film occidental à traiter du sujet est L'Agonie de Byzance du réalisateur Louis Feuillade qui paraît en 1913[144]. Toutefois, l'intensité du siège et la disproportion des forces servent de sources d'inspiration. Ainsi, la bataille des Champs du Pelennor dans le Seigneur des Anneaux s'inspire du siège dans la description du siège de Minas Tirith[145].

Notes et références

Notes

  1. Le nombre exact des Byzantins varie selon les historiens. Louis Bréhier cite le nombre de 4 973 et Donald M. Nicol, celui de 4 773
  2. 400 viennent de Gênes et 300 viennent de Chio et de Rhodes
  3. Sa hauteur oscille autour de huit mètres tandis que le mur intérieur est haut de près de douze mètres. Les deux remparts sont dotés de tours disposées tous les 50 à 100 mètres
  4. Le rempart bordant la Corne d'Or est long 5,6 km tandis que celui bordant la mer de Marmara s'étend sur 8,4 km
  5. Le vent soufflant du Sud, les navires à voiles ne pourraient s'opposer à la flottille byzantino-génoise poussée en avant par ce même vent
  6. Les pertes turques peuvent être estimées à une centaine de tués et trois cents blessés (les sources grecques parlent de 10 à 12 000 tués). Quant aux byzantino-génois, ils ont probablement perdu 23 hommes.
  7. La hauteur minimale à franchir est de 60 m.
  8. Giustiniani embarque à bord d'une galère qui parvient à s'enfuir et à rejoindre l'île de Chio où il meurt peu de temps après. Malgré sa conduite exemplaire tout au long du siège, de nombreux Grecs, Vénitiens mais aussi Génois ont critiqué son départ aux conséquences dramatiques pour la défense de Constantinople.
  9. L'église des Saints-Apôtres, le deuxième édifice religieux le plus important de Constantinople est préservé du pillage par l'envoi de troupes de police dès le début du siège. Mehmet souhaitant réserver cette église pour ses futurs citoyens chrétiens.
  10. Le cardinal Isidore troque son costume contre les habits d'un mendiant avant d'être vendu à un marchand de Péra qui l'a reconnu et lui rend sa liberté. Dans le même temps, le mendiant habillé en cardinal est exécuté après sa capture.
  11. En 1422, Mourad assiège Constantinople coupable d'avoir soutenu un prétendant au trône ottoman
  12. Un moine de l'île dit ainsi : « Jamais il n'est survenu, jamais il ne surviendra d'événement plus épouvantable ».
  13. L'ambassadeur parvient à obtenir la libération des prisonniers chrétiens mais ne peut rétablir les anciens privilèges vénitiens à Constantinople.
  14. Un peu partout en Europe, des auteurs ou des musiciens créent des œuvres en rapport avec la chute de Constantinople.
  15. Il devient gouverneur de l'île d'Imbros et écrit l'Histoire du sultan Mehmet II en 1470

Références

  1. Phrantzès 1886, p. 281
  2. Jacques Heers, Chute et mort de Constantinople, Editions Perrins, coll. « Tempus », 2005 (ISBN 9782262026615) [présentation en ligne] 
  3. Bréhier 2006, p. 390
  4. Bréhier 2006, p. 395
  5. Ostrogorsky 1996, p. 587
  6. Bréhier 2006, p. 415
  7. Bréhier 2006, p. 419
  8. Mantran 2010, p. 83
  9. Nicol 2008, p. 396-397
  10. Mantran 2010, p. 84
  11. Schlumberger 2010, p. 23
  12. Doukas 1948, XXXIV, p. 244-246
  13. Bréhier 2006, p. 420
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  15. Critobule 1954, p. 23-33
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  101. Chaliand 1990, p. 275
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  105. a et b Nicol 2008, p. 410
  106. Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers
  107. Critobule 1954, p. 74-75
  108. Phrantzès 1838, p. 387-388
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  110. Runciman 2007, p. 214
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  112. Prise de Constantinople par les Turcs
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  114. Barbaro 1856, p. 9-40
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  116. La splendeur perdue des Notaras
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  118. Ostrogorsky 1996, p. 590
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Bibliographie

Sources primaires

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  • Nicolas Barbaro, Giornale dell' assediodi Constantinopoli, Vienne, E. Cornet, 1856 
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  • Erreur dans la syntaxe du modèle ArticleIsidore de Russie, « Lettre à tous les fidèles », dans Sansovino, Historia Universale, vol. III 
  • Léonard de Chios, Epistola ad Papam Nicolaum V, M.P.G (Mélanges Paul F. Girard, 1844 
  • (it) A. Cambini, Della origine de' Turchi et Imperio delli Ottomanni, Florence, 1537 

Ouvrages modernes sur l'Empire byzantin

  • Donald MacGillivray Nicol (trad. Hugues Defrance), Les Derniers Siècles de Byzance, 1261-1453, Tallandier, coll. « Texto », 2008 (ISBN 9782847345278)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • John Julius Norwich, Histoire de Byzance, Perrin, coll. « Tempus », 1999 (réimpr. 2002), 506 p. (ISBN 2-26201-890-1) 
  • Georges Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin, Paris, Payot, 1996 
  • Jacques Heers, Chute et mort de Constantinople, Perrin, coll. « Tempus », 2007 
  • Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l'Évolution de l'Humanité », 2006 (1re éd. 1946) (ISBN 2226171029)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Alain Ducellier, Le Drame de Byzance : idéal et échec d'une société chrétienne, Paris, Hachette, 1976 
  • Alain Ducellier et Michel Kaplan, Byzance IVe siècle-XVe siècle, Paris, Hachette Supérieur, coll. « Les Fondamentaux / Histoire », 2003 
  • Jacques Malherbe, Constantin XI : dernier empereur des Romains, Louvain, Bruylant Academia, 2001 
  • Charles Diehl, Histoire de l'Empire byzantin, Paris, Éditions du Trident, 2007 (1re éd. 1919) 
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  • (en) Marc C. Bartusis, The Late Byzantine Army : Arms and Society, 1204-1453, University of Pennsylvania Press, 1997 

Ouvrages modernes et articles sur la prise de Constantinople

  • Steven Runciman (trad. Hugues Defrance), La Chute de Constantinople 1453, Lonrai, Tallandier, coll. « Texto », 2007 (ISBN 978-2-84734-427-1)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Gustave Schlumberger, 1453. Le siège, la prise et le sac de Constantinople par les Turcs, Sofia, Éditions Laville, coll. « Les batailles essentielles - Mémoires des peuples », 2010 (ISBN 9782953596601)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) David Nicolle, Constantinople 1453 : The end of Byzantium, Osprey Publishing, 2000 (ISBN 1-84176-091-9) 
  • (it) La Caduta di Costantinopoli, I : Le testimanianze dei contemporanei, Vérone, Fondazione Lozenzo Valla, 1976 
  • (it) La Caduta di Costantinopoli, II : L'eco nel mondo, Vérone, Fondazione Lozenzo Valla, 1976 
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  • Denis Zakythinos, « La Prise de Constantinople, et la fin du Moyen Âge », dans Le cinq-centième anniversaire de la prise de Constantinople. L'Hellénisme contemporain, Athènes, vol. Fascicule hors-série, 1953 
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  • V. Grecu, « La Chute de Constantinople dans la littérature populaire roumaine », dans Byzantinoslavica, Prague, vol. XIV, 1953 
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  • Charles Diehl, « De quelques croyances sur la fin de Constantinople », dans Byzantinische Zeitschrift, vol. XXX, 1930 
  • Rodolphe Guilland, « Les appels de Constantin XI Paléologue à Rome et à Venise pour sauver Constantinople », dans Byzantinoslavica, vol. XIV, 1953 
  • Ivan Dujčev, « La conquête turque et la prise de Constantinople dans la littérature slave de l'époque », dans Ivan Dujčev, Medioevo bizantino-slavo, vol. III, Rome, Edizioni di Storia E Letteratura, 1971 
  • Thierry Ganchou, « Le rachat des Notaras après la chute de Constantinople ou les relations « étrangères » de l'élite byzantine au XVe siècle siècle », dans Michel Balard et Alain Ducelier, Migrations et diasporas méditerranéennes (Xe siècle-XVIe siècle siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 149-229 
  • Critobule D'Imbros, « Kristovoulos (né v. 1410) », dans Gérard Chaliand, Anthologie mondiale de la stratégie, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1990, p. 271-277 

Ouvrages et articles sur l'Empire ottoman

  • Franz Babinger, Mehmet le Conquérant et son temps, Paris, 1954 (ISBN 0691099006) 
  • Robert Mantran (dir.), Histoire de l'Empire ottoman, Fayard, 2010 (ISBN 9782213019567) 
  • Mehmet Fuat Köprülü, Les Origines de l'Empire ottoman, Porcupine Press, 1978 (ISBN 9780879914578) 
  • (en) Ahmed Muktar Pacha, The Conquest of Constantinople and the Establishment of the Ottomans in Europe, Londres, 1902 
  • Joseph von Hammer-Purgstall (trad. J. J. Hellert), Histoire de l'Empire ottoman, depuis son origine jusqu'à nos jours, Bellizard, 1836 

Ouvrages et articles liés au sujet

  • Joseph Gill (trad. Marcelle Jossua), Le Concile de Florence, 1964, Desclée 
  • Jonathan Harris, Constantinople: Capital of Byzantium, 2007, Hambledon/Continuum. (ISBN 978 1847251794)
  • Mika Waltari, Les Amants de Byzance, 1952.
  • Robert Mantran, Histoire d'Istanbul, Paris, Fayard, 1996 (ISBN 9782213592466) 
  • Stéphane Yérasimos, Constantinople : de Byzance à Istanbul, Paris, Place des Victoires, 2005 
  • Wilhelm Heyd, Histoire du commerce du Levant au Moyen Âge, Kessinger Publishing, 2010 (1re éd. 1936) 
  • Michel Kaplan, Le Moyen Âge en Orient : Byzance et l'islam, des barbares aux Ottomans, Paris, Hachette, 2006 
  • Alviso Diedo, Histoire de Venise, Paris, Perrin, 2005 
  • (en) Andrew Wheatcroft, The Infidels: The Conflict Between Christendom and Islam, 638-2002, Viking Publishing, 2003 (ISBN 0970869422) 
  • Freddy Thiriet, Régestes des délibérations du Sénat de Venise concernant la Romanie, vol. 3 volumes Voir en ligne, Mouton, 1959-1961 
  • (en) Stephen Turnbull, The Walls of Constantinople AD 324-1453 (Fortress 25), Osprey Publishing, 2004 (ISBN 1-84176-759-X) 
  • (en) William Miller, Trebizond, the last Greek empire, Society for promoting Christian knowledge, 1926 
  • (en) Davis Ralph, The Rise of the Atlantic Economies, New York, Ithaca, 1973 
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Voir aussi

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