Cimetière juif de salonique

Cimetière juif de salonique

Cimetière juif de Salonique

Cimetière juif de Salonique
Un rabbin dans le cimetière juif de Salonique au début du XXe siècle
Un rabbin dans le cimetière juif de Salonique au début du XXe siècle
Pays Grèce Grèce
Périphérie Macédoine centrale
Ville Thessalonique
Religion(s) judaïsme
Superficie 32,4 hectares
Mise en service fin XVème siècle
Date d'abandon 1942
Coordonnées 40° 23′ Nord
       22° 34′ Est
/ 40.38, 22.57


Le cimetière juif de Salonique était un vaste cimetière contenant de 300 000 [1] à 500 000 tombes[2] situé à l'est de la vieille ville de Salonique (Thessalonique) et qui fut détruit durant la Seconde Guerre mondiale par les nazis.

Sommaire

Emplacement

Au début du XXe siècle le cimetière couvrait toute la distance entre l'enceinte de la vieille ville et les nouveaux quartiers de Kalamaria s'étendait depuis les hauteurs jusqu'aux abords de la côte. La limite orientale du cimetière suivait le tracé de l'actuelle rue Pavlos Melas, tout le côté nord est inclus dans le campus de l'université Aristote, le côté sud est de nos jours inclus dans le quartier de Saranda Ekklisies tandis que la limite ouest du cimetière était située à proximité immédiate de l'actuel stade de football du PAOK Salonique[1] le cimetière des dönme, juifs convertis à l'Islam étant situé sur cet emplacement[2].

Histoire

Article détaillé : Histoire des Juifs à Salonique.

Il semblerait que ce cimetière ait été fondé par des juifs romaniotes en partie sur les restes d'un ancien cimetière byzantin [1].

Ce n'est qu'après l'arrivée massive de Juifs sépharades à partir de 1492 suite à l'expulsion des Juifs d'Espagne que ce cimetière prit des dimensions considérables, s'étendant au milieu de terres alors désertes et réputées incultes. Cette extension se fit aussi sur le site d'un autre ancien cimetière byzantin comme le prouve l'existence de pierres tombales gravées d'un côté en caractères hébraïques et de l'autre en caractères grecs voire latins[1]. Pendant plus de 400 ans les Juifs de Salonique enterrèrent leurs défunts dans ce cimetière ce qui en fit le plus vaste cimetière juif du monde sépharade. En 1911, il couvrait 324 000 m² et on estime qu'il comptait plus de 300 000 sépultures[1]. Celles-ci étaient placées de manière anarchique et en certains endroits leur concentration était si forte qu'il fallait marcher sur les dalles pour arriver à la tombe que l'on souhaitait visiter[1].

Progression de l'occupation

Le cimetière a constitué une source d'informations très importante sur le passé de la communauté et plusieurs historiens en ont fait l'étude. Les tombes les plus anciennes que l'on y a trouvé sont celles d'Ashkénazes venus avant la grande migration sépharade de 1492[2]. Les premiers arrivants sépharades installèrent les tombes de leurs défunts sur les hauteurs sans économiser d'espace et sans donner au cimetière d'ordre bien défini. Peu à peu le cimetière avança vers la côte, qu'il atteignit au XVIIe siècle, l'espace entre les tombes devenant de plus en plus restreint[2]. Une nouvelle couche de tombes commença alors à recouvrir les sépultures les plus anciennes[2]. La taille des dalles augmenta avec le temps. Alors qu'au début du XVIe siècle elles ne dépassaient pas la taille du corps les Juifs prirent de plus en plus l'habitude d'édifier d'imposantes dalles. Au XIXe siècle on vit même apparaitre de somptueuses sépultures commandées par les Juifs les plus riches, généralement originaires de Livourne exécutées en Italie et décorées artistiquement selon les canons de l'esthétisme européen[2].

Épigraphie

Les inscriptions épigraphiques, traditionnellement en hébreu dans les cimetières juifs anciens étaient à Salonique parfois accompagnées de transcriptions en une autre langue. Ceci concernait avant tout les tombes des nombreux marranes qui s'étaient réfugiés à Salonique au XVIIe siècle. Beaucoup avaient perdu la connaissance de l'hébreu et l'on composa pour eux des épitaphes en castillan[2]. Certains Juifs d'Italie arrivés à la même époque procédèrent de même faisant graver des textes bilingues italien-hébreu sur les tombes. On a aussi retrouvé des dalles gravée en yiddish langue des ashkénazes et plus rarement en allemand. À partir du XIXe siècle époque à laquelle l'influence européenne et notamment française commença à se faire sentir le cimetière commença a contenir des inscriptions en français et dans une moindre mesure en judéo-espagnol[2].

Culte

Au début XVIe siècle il n'existait pas de culte spécial dans le cimetière en dehors des rites funéraires juifs mais peu à peu, sans doute sous l'influence musulmane[2] et alors que le mysticisme gagnait de plus en plus d'adeptes parmi la population issue des milieux populaires on vit apparaitre des cultes spéciaux ayant pour théatre le cimetière. Les femmes s'y rendaient deux fois par ans en pélerinage, au printemps à l'époque de Pessa'h et à la fin de l'été. Les hommes une fois, durant le mois d'eloul avant Roch Hachana[2]. Le cimetière était alors envahi de pèlerins qui louaient les services de guides professionnels, les honadjis qui possédaient une grande connaissance de la géographie du cimetière et aidaient les personnes venant se recueillir à trouver les tombes de leurs proches où d'illustres rabbins auxquels ils venaient rendre hommage[2]. Les sépultures de certains de ces rabbins étaient réputées pour leurs propriétés magiques et l'on venait y trouver du réconfort face aux malheurs de la vie quotidienne. Des guérisseuses en tout genre venaient y proposer leurs services prononçant formules magiques, incantations et sortilèges à proximité des sépultures réputées curatives[2].

Démembrement

Carte postale représentant le cimetière au XIXe siècle.

Durant la majeure partie de son existence le cimetière ne connut que peu de déprédations de la part des populations non juives. Parfois des bergers venaient y faire paître leur bétail, c'était aussi le lieu de rendez-vous des amoureux cherchant des coins discrets[2].

Des dalles furent utilisées par les Ottomans dès les années 1821-29 afin de renforcer les murs de la ville suite à la révolte des Grecs du Péloponnèse.

La vaste superficie que couvrait ce cimetière finit par être véritablement convoitée lors de la croissance urbaine de Thessalonique à partir de la fin du XIXe siècle. Une première extension urbaine eut lieu à l'époque du sultan Abdülhamid II au Sud-Est de la vieille ville[1] et il devint clair que le cimetière poserait des problèmes quant à la croissance future de la cité, gênant le raccordement des nouveaux quartiers à la vieille ville. Des demandes et des pressions furent exercées sur la communauté juive afin qu'elle accepte que le cimetière soit démantelé et que cette zone puisse être incluse dans les nouveaux plans d'urbanisme. Le refus des Juifs basé sur des considérations religieuses, les sépultures ayant dans le judaïsme un caractère hautement sacré était incompréhensible à la fois pour les musulmans et pour les Grecs orthodoxes. Les premiers enterraient souvent leurs défunts à proximité immédiate des vivants, chose impensable pour les Juifs qui considèrent les cimetières comme impurs alors que les seconds avaient pour coutume d'exhumer les ossements de leurs morts trois ans après leur décès et de les regrouper dans des ossuaires.

Sabri Pacha le gouverneur de Salonique finit par réquisitionner un grand morceau du cimetière où il fit tracer l'avenue Hamidye du nom du sultan (aujourd'hui Avenue de la Reine Sophia) et fit construire une école avec les pierres tombales qui devint ultérieurement la base de l'université Aristote[1].

Suite à ce malheureux épisode les Juifs montèrent en 1906 une association nommée 'Hessed-ve-Emet en hébreu « bienveillance et vérité » afin de lever une souscription pour dresser un mur le long des limites du cimetière la loi ottomane interdisant d'exproprier une propriété close[1]. Un tel mur n'avait jamais existé, l'extension du cimetière s'étant faite sur des terres incultes. Cette action se solda par un échec et les Juifs finirent par négliger ce problème préoccupés par la montée des tensions dans les Balkans.

Immédiatement après la prise de Salonique par les Grecs en 1913 les Juifs se plaignirent sans succès de déprédations qui étaient effectuées sur les tombes par des Grecs apparemment à la recherche de biens à récupérer[1]. À partir de 1917 date de l'incendie qui dévasta une grande part de la vieille ville de nouveaux plans d'urbanisme furent établis sous la direction de l'urbaniste français Ernest Hébrard et l'on envisagea d'utiliser des portions du cimetière pour agrandir l’université Aristote, faire un parc et mieux relier les nouveaux quartiers aux anciens[1]. À cette époque les Grecs commençaient à trouver étrange voire intolérable la présence de cet immense cimetière juif dans une ville alors en plein processus d'hellénisation. Les cimetières et türbe musulmans avaient déjà été partiellement détruits et le cimetière de la communauté dönme jouxtant celui des Juifs confisqué[1].

Au début des années 1930 alors que les déprédations redoublaient, une loi fut promulguée visant à confisquer le cimetière et à procéder au déplacement des corps dans un nouveau cimetière. En 1931 eut lieu le pogrom du camp Campbell du nom d'un quartier principalement peuplé de Juifs incendié par des Grecs qui en cette même occasion avaient profané une centaine de tombes juives[1]. Il fut alors décidé de protéger le cimetière par la formation de patrouilles composées de juifs et de chrétiens payés par la communauté juive. Finalement en 1937 on décida d'étendre l'université sur 12 500 m², pour cela il fallait détruire l'une des parties la plus ancienne et les Juifs durent procéder à l'exhumation des corps.

Destruction finale

Lors de la Seconde Guerre mondiale, peu de temps après que les Allemands se furent rendus maîtres de Salonique le 8 avril 1941, une délégation grecque incluant des membres du conseil municipal demanda aux forces d'occupation de confisquer le cimetière. Ces dernières s'exécutèrent avec d'autant plus de facilité qu'elles avaient déjà prévu d'éliminer physiquement la communauté juive. L'année suivante, les Allemands proposèrent à la communauté un marché, demandant aux Juifs de payer 3,5 milliards de drachmes, somme faramineuse pour l'époque en échange de la libération des 6 000 travailleurs forcés envoyés effectuer des travaux de voirie en Grèce dans des conditions très pénibles. Les Juifs n'ayant pu réunir que 2,5 milliards de drachmes l'occupant conditionna la libération des prisonniers à l'expropriation du cimetière ceci afin de s'attirer la sympathie des Grecs orthodoxes. Il fut annoncé que deux grandes sections allaient être expropriées, les tombes de moins de trente ans n'étaient pas concernées mais les Juifs devaient procéder immédiatement à l'exhumation des autres tombes.

Puis finalement ce fut tout le cimetière qui fut détruit. Cinq cent ouvriers grecs payés par la municipalité se lancèrent dans la destruction des tombes[2] . Le cimetière ne tarda pas à être transformé en une vaste carrière où Grecs et Allemands allaient chercher des pierres tombales qui servaient de matériel de construction Certaines servirent à la reconstruction de l'église Saint-Dimitrios, d'autres à la construction d'une piscine pour les Allemands ou pour l'édification d'un dancing[2] . Un archéologue grec du nom de Pelekides fit un inventaire soigneux des tombes portant des inscriptions grecques ou latines afin d'en sauver certaines sans se soucier de celles portant uniquement des signes hébraïques.

Peu de temps après ce fut la communauté elle-même qui fut exterminée dans sa quasi totalité dans les camps de la mort nazis.

Second cimetière

Le cimetière actuel des Juifs de Thessalonique situé sur un autre emplacement s'étend sur 17 000 m², certaines pierres tombales de l'ancien cimetière y ont été transférées[3].

Références

  1. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l  et m (en)Nicholas Stavroulakis, Salonika, Jews and dervishes, Talos press, Athènes, 1993 présenté sur le site du musée Juif de Thessalonique.
  2. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n  et o (es)Michael Molho, « El cementerio judío de Salónica », Sefarad, 9:1 (1949) p.124-128
  3. (en)International Survey of Jewish Monuments
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