Coco Chanel

Coco Chanel
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Coco Chanel
Coco-chanel.jpeg

Nom de naissance Gabrielle Bonheur Chanel
Surnom Mademoiselle / Coco
Naissance 19 août 1883
Saumur, Maine-et-Loire, France
Décès 10 janvier 1971 (à 87 ans)
Paris, France
Nationalité Drapeau : France Française
Profession Styliste
Modiste

Gabrielle Bonheur Chanel dite « Coco Chanel » née le 19 août 1883 à Saumur et morte le 10 janvier 1971, à Paris, est une créatrice, modiste et styliste française célèbre pour ses créations de haute couture et de parfum. Elle est à l'origine de la maison de haute couture Chanel, « symbole de l'élégance française »[1].

Sommaire

Biographie

Enfance

Logo de la Maison Chanel
Vitrail cistercien de l’abbaye d'Aubazine dont les entrelacs ont inspiré le logo de Chanel

Elle est issue d'une lignée de marchands forains cévenols, de Ponteils-et-Brésis près d'Alès[2]. Elle est la fille d'Albert Chanel, un camelot originaire du Gard et de Jeanne Devolle, couturière originaire de Courpière, tous deux établis à Saumur[3].

La mère de Coco Chanel meurt à trente-trois ans à peine[3], épuisée par des grossesses successives, la tuberculose et par le travail qu'elle effectue sur les marchés, dans le froid[4]. La jeune fille n'a alors que douze ans[3]. Son père, camelot bourru et volage, l'abandonne pour aller faire fortune en Amérique (invention de Gabrielle qui fait de son père un aventurier)[5] et elle se retrouve ainsi seule avec ses deux sœurs, Julia-Berthe, treize ans, et Antoinette, huit ans, à l'orphelinat de l'abbaye cistercienne d'Aubazine en Corrèze[6] : elle y mène une vie austère et rigoureuse pendant six années qui marqueront profondément le style révolutionnaire de la future styliste. Elle s'est inspirée de ce lieu pour créer des vêtements aux lignes épurées harmonieuses (à l'instar de l'architecture sobre et géométrique de l'abbaye), aux couleurs neutres (noir et blanc comme les uniformes des sœurs et des pensionnaires, beige comme les couleurs des murs) ou pour former son logo (voir les C entrelacés des vitraux de l'abbatiale)[7]. Ses deux frères Alphonse et Lucien sont, quant à eux, placés par l'Assistance publique à l'âge de dix et six ans dans une ferme comme garçons à tout faire.

À l'âge de dix-huit ans, Gabrielle est confiée aux dames chanoinesses de l'Institut Notre-Dame de Moulins, qui lui apprennent le pointilleux métier de couseuse. Elle y retrouve sa cousine Adrienne, qui avait le même âge et, surtout, la même ambition de s'en sortir. En 1903, habile à manier le fil et l'aiguille, elle est placée en qualité de couseuse à la Maison Grampayre, atelier de couture spécialisé en trousseaux et layettes.

Gabrielle devient « Coco »

Vers 1907-1908, très courtisée, Gabrielle, qui ne compte pas partager le sort anonyme des « cousettes », est prête à prendre des risques. Lors d'un voyage à Vichy, chez son oncle, en quête d'un avenir dont elle refuse qu'il se limite à broder sur des draps de coton, elle se met à poser sur la scène du Beuglant de la Rotonde, un café-concert où elle fait ses premières apparitions, silencieuses. La Rotonde est notamment fréquentée par les officiers du 10e régiment des chasseurs à cheval. Bientôt, elle ose pousser la chansonnette et se met à rêver de music-hall. Âgée de vingt-quatre ans, elle se produit en spectacle devant les officiers qui la surnomment « Coco », parce qu'elle a pour habitude de chanter Qui qu'a vu Coco dans l'Trocadéro ? (paroles de Baumaine et Blondelet, musique de Deransart). Ce surnom ne la quittera plus.

Admirée par une horde de jeunes garçons fortunés ou titrés, sa jolie silhouette séduit Étienne Balsan, officier, homme du monde et riche bourgeois qui vient de démissionner de l'armée pour se consacrer à l'élevage de chevaux et aux courses. Il lui fait découvrir la vie de son château, le domaine de Royallieu près de Compiègne resté malheureusement célèbre pour son histoire pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant près d'un an, elle apprend les arcanes de la haute société, mais l’idylle ne dure que quelques mois : elle se rend compte qu’elle ne l’aime plus, elle s'ennuie et pleure. Elle a vingt-cinq ans et nulle part où se réfugier. Elle s'échappe alors en jodhpurs[8], et galope dans la forêt de Compiègne en essayant de défier son avenir.

Chanel dansant avec Boy Capel par Sem

Heureusement, les fréquentations de Balsan lui font rencontrer son premier amour, l'anglais Arthur Capel, surnommé « Boy ». On le dit fils naturel du banquier Pereire[réf. nécessaire]. Boy est un riche homme d'affaires qui fera fortune dans les frets charbonniers durant la Grande Guerre. Il est aussi un homme de cheval possédant une écurie de polo. Ce sera un amour irrégulier (il épousera malgré tout une Anglaise) et sincère qui durera dix ans, jusqu'à un accident de voiture en 1919 auquel il ne survivra pas.

Une modiste à contre-courant

Chapeau créé par Coco Chanel en 1912

Coco Chanel ne reste cependant pas oisive. Comment oublier les rudiments, enseignés à Moulins, du maniement du fil et de l’aiguille ? Saisissant la balle au bond, c’est peut-être par la couture qu’elle franchira l’obstacle qui mène à la liberté et l’indépendance. Ne perdant pas de temps, elle s’imprègne de l’enrichissante initiation prodiguée par Lucienne Rabaté, célèbre modiste du moment. Elle se confectionne de petits chapeaux originaux qu’elle pose très bas sur son front. Pour assister aux mondaines courses de chevaux, elle n’arbore pas les robes des grands couturiers mais ses propres réalisations. Jeune femme charmante mais au style décalé, tantôt écolière en tenue sobre et sage noire et blanche, tantôt garçonne n’hésitant pas à porter polo, cardigan, jodhpurs et pantalons, elle invente déjà un nouveau style, une nouvelle allure. Ses créations avant-gardistes, très sobres, contrastent avec celles que portent les élégantes de l’époque

En 1909, sur les conseils de Boy Capel, son artisanat débute Boulevard Malesherbes, dans la garçonnière parisienne de son protecteur Étienne Balsan. Les chapeaux qu'elle propose à ses clientes ne sont que des déclinaisons de ceux qu'elle fabrique pour elle-même et qui, au château de Royallieu, près de Compiègne, ont séduit ses amies, des demi-mondaines qui fréquentaient le lieu. Balsan ne croit pas à un succès commercial.

Caricature de Sem.

N'ayant pas de formation technique, ni d'outils de fabrication, dans un premier temps Gabrielle achète ses formes de chapeaux dans les grands magasins puis les garnit elle-même, avant de les revendre. La nouveauté et l'élégance de son style font que, très vite, elle doit faire appel à sa cousine Adrienne, et à sa sœur Antoinette, pour la seconder. Ses créations de chapeaux, débarrassées des grandes plumes d'autruches ou autres froufrous volumineux, commencent à être appréciées pour leur exquise simplicité et leur sophistication retenue.

Ouverture des premières boutiques

Devenue la compagne de Boy Capel, Coco Chanel développe ses activités avec l’aide de ce dernier. En 1910, son amant britannique lui prête les fonds nécessaires à l'achat d'une patente et à l'ouverture d'un salon de modiste au 21 rue Cambon à Paris, sous le nom de « CHANEL MODES ». À l’été 1913, alors que le couple séjourne à Deauville, Boy Capel loue une boutique entre le casino et l’Hôtel Normandy. Comme à Paris, elle est modiste mais l’enseigne est changée en mentionnant son nom complet : « GABRIELLE CHANEL » ; la boutique ne désemplit pas. En 1915, à Biarritz, elle ouvre sa troisième boutique et première vraie maison de couture. Suivant sa seule inspiration, elle raccourcit les jupes et supprime la taille. A l'instar de Paul Poiret qui supprima le corset en 1906, elle libère le corps de la femme. Ses boutiques bénéficient de la clientèle de toute la société élégante qui s’est repliée pendant la guerre dans ces deux stations balnéaires.

Naissance d'un style : « la reine du genre pauvre »

Dès 1915, l'étoffe manquant, elle taille des robes de sport à partir des maillots de garçons-d'écurie en jersey, ces tricots de corps pour les soldats, qu'elle a depuis longtemps adoptés. Libérant le corps, abandonnant la taille, Chanel annonce cette « silhouette neuve » qui lui vaudra sa réputation. Pour s'y conformer, les femmes s'efforcent d'être « maigres comme Coco », qui, d'un coup de ciseaux libérateur, devient une des premières femmes aux cheveux courts à créer des vêtements simples et pratiques, dont l’esthétique s’inspire d'une vie dynamique et sportive qui aime jouer avec les codes féminins/masculins.

En 1916, elle utilise la belle et élégante Adrienne comme mannequin à Deauville, qui est alors un lieu de villégiature à la mode. Elle y promène aussi sa propre silhouette androgyne, testant ainsi sous les yeux d'aristocrates européennes encore très couvertes d'apparat et maintenues dans des corsets rigides ses nouvelles tenues qui contrastent par leur extrême simplicité et leur confort. La pénurie de tissus due à la Première Guerre mondiale, ainsi que le manque relatif de main-d'œuvre domestique ont créé de nouveaux besoins pour les femmes. Chanel, femme libre et active, perçoit ces besoins. Elle achète à Rodier des pièces entières d'un jersey utilisé à l'époque uniquement pour les sous-vêtements masculins.

En 1918, immédiatement après la guerre, elle commence à édifier peu à peu l’une des maisons de couture les plus importantes de l’époque, elle emploie plus de 300 ouvrières, et rembourse enfin Boy Capel, refusant à jamais le statut de femme entretenue. La guerre terminée, Boy doit prendre femme, selon les codes de l'aristocratie anglaise. Coco en éprouve une insupportable humiliation. Mais, comme sa mère, elle accepte le pire au nom de l'amour. Elle aimera sincèrement Boy jusqu'à cette nuit du 22 décembre 1919 où, réveillée à 4 heures par un messager, on lui apprend qu'il s'est tué la veille sur la route. « En perdant Capel, je perdais tout. » avouera-t-elle 50 ans plus tard.

Profondément affectée par la mort de son amant, afin de ne pas sombrer dans le chagrin, elle se raccroche à son travail comme une forcenée. Cette attitude sera payante, car le succès de ses modèles va grandissant et l'incite à développer encore sa maison.

Le succès continue

Coco Chanel et le Duc de Westminster

Dès 1921 à Paris, à côté de la luxueuse Place Vendôme, Coco Chanel annexe en quelques années les numéros 27, 29 et enfin 31 de la rue Cambon. Une adresse mythique où se trouve aujourd'hui encore la célèbre maison de couture qui porte son nom. Elle dispose en outre de ses propres fabriques de tissus en Normandie et s'associe avec les propriétaires de la marque Bourjois — les frères Wertheimer — afin de diffuser commercialement ses parfums. Ses liaisons masculines lui donnent souvent de beaux motifs d’inspiration, c’est ainsi qu’elle crée des robes à motifs slaves lorsqu'elle a une liaison amoureuse avec le Grand-duc Dimitri Pavlovitch de Russie, cousin du dernier tsar de Russie en exil qui lui aurait inspiré la forme du flacon de son célèbre N°5 (flasque de vodka des troupes russes). Elle fut aussi la maîtresse du poète Pierre Reverdy, avant que celui-ci de plus en plus mystique ne se retire à l'abbaye de Solesmes. Elle héberge Stravinski et les siens pendant deux ans à Garches. Plus tard, elle emprunte à son nouvel amant, le Duc de Westminster, réputé l’homme le plus riche d’Angleterre, des éléments de costume masculin, comme le chandail, la pelisse, le béret de marin ou la veste en tweed. Elle les adapte ensuite à la panoplie vestimentaire de la femme qu’elle souhaite moderne et dynamique, sachant allier le confort à l’élégance.

Elle est l'une des premières à lancer la mode des cheveux courts, elle s’oppose résolument à la sophistication prônée par Paul Poiret (qui accusait Chanel de transformer les femmes en « petites télégraphistes sous-alimentées ») (D'après la télésuite « Coco Chanel », elle aurait répliqué en disant qu'elle ne voulait pas de femmes ayant l'air d’« esclaves échappées de leur harem » en se référant à la mode orientaliste de l'époque). Elle privilégie une simplicité soigneusement étudiée, des tenues pratiques, comme le pyjama, à porter sur la plage comme en soirée ; les premiers pantalons, la jupe plissée courte, le tailleur orné de poches. Une mode qui s'inspire du vêtement de sport en lieux balnéaires (golf, tennis, plage, nautisme). Elle propose des cardigans en maille jersey sur des jupes courtes, le tout surmonté d'un chapeau cloche. De même les robes de soirée taille basse s'arrêtant au-dessus du genou, que l'on peut associer aux danses charleston populaires entre 1925 et 1935.

En 1926, la célèbre petite robe noire (couleur jusqu’alors exclusivement réservée au deuil), fourreau droit sans col à manches 3/4, tube noir en crêpe de Chine, correspondent parfaitement à la mode « garçonne » effaçant les formes du corps féminin. Maintes fois copiée, cette « Ford signée Chanel » faisant référence à la populaire voiture américaine, ainsi que devait la qualifier le magazine Vogue, ne tardera pas à devenir un classique de la garde-robe féminine des années 1920 et 30.

Récusant le qualificatif de « genre pauvre » souvent accolé à ses créations, Chanel entend distinguer la véritable sobriété du dépouillement : si la toilette féminine doit être simple, celle-ci, en revanche, doit être agrémentée d’accessoires. Chanel recourt, par exemple, à de faux bijoux mêlant pierres semi-précieuses, strass et fausses perles, ainsi qu’à des bracelets ornés d’un motif « croix de Malte », ou encore à des broches d’inspiration byzantine ou à motifs d’animaux, de fleurs ou de coquillages — à la création desquels ont présidé Étienne de Beaumont, Paul Iribe et surtout, entre 1929 et 1937, Fulco di Verdura, qui a su conférer aux bijoux de Chanel leur identité propre.

En 1927, elle fait construire à Roquebrune Cap-Martin, une maison appelée la Pausa. Elle demande à l'architecte Robert Streitz de la dessiner en intégrant quelques éléments, l'escalier et le cloître, rappelant son enfance à l'orphelinat d'Aubazine. Elle la meublera essentiellement de mobilier anglais et espagnol du XVIe et XVIIe siècle. Elle y accueillera le duc de Westminster, Jean Cocteau, Pierre Reverdy, Paul Iribe, Salvador Dali, Luchino Visconti. Une partie de la maison a été recréée au Dallas Museum of Art lors de la donation de la collection Reves[9],[10].

Un cercle d'amis artistes

Misia Sert, rencontrée en 1919 chez son amie Cécile Sorel, sera la meilleure amie de Chanel pendant l'entre-deux-guerres. Misia tenait un salon, était l'hôtesse du gratin culturel et artistique de Paris; elle a ouvert les portes du « monde » à Coco. Égérie de nombreux peintres et musiciens du début du XXe siècle, Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard, Odilon Redon et Auguste Renoir, Misia Sert se fait connaître dans le milieu artistique parisien par ses talents de pianiste (elle était élève de Fauré) et par sa beauté. Elle fréquente Stéphane Mallarmé et Marcel Proust, puis Erik Satie, Colette, elle se lie avec Serge Diaghilev, Picasso, Cocteau et Serge Lifar. Les journalistes la surnomment la « Reine de Paris ».

La proximité de Chanel avec les artistes a toujours été à l'honneur. En 1924, elle réalise les costumes du Train Bleu, ballet de Bronislava Nijinska sur un livret de Cocteau et une partition de Darius Milhaud, créé par les Ballets russes de Serge de Diaghilev. Elle était une personnalité du Tout-Paris, amie de Cocteau, pour lequel elle créera des costumes de scène : Œdipe roi (1937) et Antigone (1943). Elle signa des chèques qui évitèrent à Serge Diaghilev quelques précipices; elle paya même ses funérailles qui eurent lieu à San Michele de Venise. Elle réalise également des costumes pour le cinéma, notamment, en 1939, pour La Règle du jeu de Jean Renoir.

De 1924 à 1930, Coco Chanel est une intime de Hughes Richard Arthur Grosvenor (1879-1953), IIe duc de Westminster, et visiteuse privilégiée du château Woolsack à Mimizan, où elle vient se ressourcer. Elle est parfois accompagnée de ses petites mains, leur offrant quelques jours de vacances à la villa « Le Pylone », quelques années avant l'instauration des congés payés[11]. On lui prête, en suivant Misia Sert, une liaison amoureuse avec le poète Pierre Reverdy à la fin des années 1930.

L'Empire Chanel

Parallèlement, Chanel est la première couturière à lancer ses propres parfums. Avec l’aide de son parfumeur Ernest Beaux qui conçoit : No5 (1921), qui connaîtra une célébrité mondiale, mais aussi No22 (1922), Gardénia (1925) Bois des Îles (1926) et Cuir de Russie (1926). Pour diffuser internationalement son produit, Chanel fait appel à l'expérience commerciale des frères Pierre et Paul Wertheimer qui dès 1924 possèdent 70 % des parfums Chanel. Leurs descendants Alain et Gérard Wertheimer possèdent l'intégralité de la maison Chanel aujourd'hui.

Chanel saura s’adapter aux mutations des années 1930, au cours desquelles elle affrontera à la fois les revendications syndicales de ses ouvrières et l’étoile montante de la Haute Couture parisienne qu'était Elsa Schiaparelli. Privilégiant alors une silhouette plus épurée, Chanel présente notamment des robes du soir légères et transparentes en mousseline de soie, en tulle ou en laize de dentelle, le plus souvent dans des couleurs faussement neutres (blanc, noir ou beige), parfois brodées de perles ou de strass. Comportant une combinaison cousue à l’intérieur, la coupe très simple de ces robes permet à la femme du monde de s’habiller sans l’assistance d’une domestique. Un peu plus tard, elle crée les premières robes à balconnet, puis en 1937, le style « gitane ».

Féminine, Mademoiselle ne se déplaçait jamais sans ses perles et avait un goût très prononcé pour les bijoux. Dès 1924, elle ouvre donc son atelier de bijoux fantaisie. Comme à son habitude, la créatrice sait s'entourer : Étienne de Beaumont puis le duc Fulco de Verdura contribuent au développement des bijoux de la maison. Mais, c'est en 1932 que Gabrielle Chanel défraie à nouveau la chronique. À la demande de la Guilde internationale du Diamant, Coco crée Bijoux de Diamants sa première collection de Haute Joaillerie. À l'honneur, les diamants sont montés sur platine, une extravagance que seule Coco peut se permettre après le krach de 1929.

En 1939, elle était alors à la tête d'une entreprise de 4 000 ouvrières qui fournissaient 28 000 commandes par an.

La guerre : fermeture de la maison

À l’annonce de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, elle présente une collection « bleu-blanc-rouge » ultranationaliste puis ferme subitement sa maison de couture et licencie l'intégralité du personnel (4 000 ouvrières qui confectionnaient annuellement 25 000 modèles), se consacrant uniquement à son activité dans le domaine des parfums dont la boutique reste ouverte. Elle profitera alors de la confusion et de l’antisémitisme ambiant pour tenter de récupérer la marque de parfum Chanel No5. La célèbre fragrance dont elle ne détient les droits qu’à hauteur de 10 % est en fait la propriété d'une famille juive, les Wertheimer. Elle attire l’attention des pouvoirs publics sur la fausse « arianisation » de la société Bourjois qui protège leurs intérêts alors qu’ils sont réfugiés aux États-Unis, en vain car les Wertheimer font passer le contrôle des Parfums Chanel entre les mains de différents prête-noms, dont leur ami Félix Amiot[12].

Installée à demeure au septième étage de l'Hôtel Ritz, entourée de ses paravents en laque de Coromandel, elle y vit durant la Seconde Guerre mondiale de 1941 à 1944 avec Hans Gunther von Dincklage (le baron Spatz), ancien attaché d'ambassade allemand, dont certaines sources affirment qu'il servait les renseignements militaires de son pays, Edmonde Charles-Roux y voyant plus un agent d'influence mondain à Paris en faveur de la collaboration. Ils auront une liaison amoureuse au cours de laquelle, comptant sur son amitié avec Churchill, Chanel tentera d'œuvrer en faveur de la conclusion d'une paix séparée entre l'Allemagne nazie et la Grande-Bretagne par l'intermédiaire de Walter Schellenberg (SS-Brigadeführer et chef de la section espionnage du RSHA, et qu'elle aidera financièrement après son emprisonnement) qu'elle rencontre à Berlin en avril 1943[12] et de Vera Bate Lombardi (en) membre de la famille Windsor, mais l'opération, baptisée « Chapeau de couture » (appelée « Modelhut » en Allemagne), échouera.

La biographie[13] du journaliste Hal W. Vaughan (en), s'appuyant notamment sur la déclassification d'archives allemandes ou du MI6, affirme qu'elle est recrutée comme espionne de l'Abwehr par le baron Louis de Vaufreland, ancien agent de la Gestapo au Maroc et recruteur d'espions allemands, devenant l'agent F-7124 sous le nom de code Westminster (en référence à son ancien amant le duc de Westminster). Le baron Louis de Vaufreland l'aurait envoyée en mission en Espagne dès 1941. Hal Vaughan affirme également, sur la base de citations tronquées ou mal comprises, que Coco Chanel aurait été d’un antisémitisme féroce : "mariée", dit-il, (quoique Chanel ne l'ait jamais été) à Paul Iribe, antisémite notoire selon lui, elle distinguait les « Israélites » comme les Rothschild qu'elle fréquentait et les « youpins ». Un ancien proche déclare à ce propos : « Juif ou pas, elle s’en foutait. C’était une égocentrique qui n’avait aucune empathie pour le genre humain, qui méprisait les Allemands autant que les résistants et de Gaulle »[14]. Le groupe Chanel réfute ces interprétations tout en reconnaissant une « une part de mystère » chez sa fondatrice[15].

L'après-guerre, l'exil en Suisse

En septembre 1944 à la Libération, Coco Chanel est brièvement interrogée par les FFI (Forces françaises de l'intérieur) mais aussitôt relâchée. Son ami Winston Churchill, qu'elle avait connu en 1927 pendant sa liaison avec le duc de Westminster, serait intervenu en sa faveur. Elle décide alors de s'installer en Suisse, sur les hauts de Lausanne, au bord du lac Léman. Elle en fera pendant 10 ans sa résidence principale tout en séjournant encore occasionnellement à Paris. Elle se fait soigner à la clinique Valmont, et l'on peut souvent la rencontrer au salon de thé Steffen, sur les hauts de Montreux, lieu de rencontre de nombreuses célébrités. Pendant ce temps, à Paris, le « New Look » de Christian Dior fait fureur : taille de guêpe et seins pigeonnants obtenus par la pose d'un corset ou d'une guêpière. Elle est effondrée. Tout son travail de libération du corps de la femme serait-il réduit à néant ?

Le retour à Paris, le triomphe du tailleur en tweed gansé

Pourtant, en 1954, âgée de 71 ans, elle accepte de rouvrir sa maison sur l'insistance de ses commanditaires, les frères Wertheimer, — les mêmes qu'elle a essayé de déposséder pendant la guerre — qui comptent sur sa présence pour relancer la vente des parfums. Par ce biais, elle renoue avec la création. Sa première collection est pourtant mal accueillie, dans la mesure où elle s’inscrit résolument à contre-courant du style de Christian Dior. Négligeant les balconnets et les formes bouffantes qui faisaient le succès de ce style d'après-guerre, Chanel impose de nouveau des robes près du corps, une silhouette androgyne au service de vêtements sobres et raffinés.

Le tailleur de tweed, dont la veste à quatre poches – d'inspiration militaire – est décorée de boutons-bijoux et ornée d’une ganse de couleur contrastée, complété par une blouse de soie réalisée dans le même tissu que la doublure, des chaussures bicolores et un sac matelassé à chaîne dorée, façonnent la nouvelle silhouette Chanel qui deviendra un classique.

Boutique Chanel Joaillerie, en face de l'Hôtel Ritz, place Vendôme, à deux pas de la rue Cambon.

Son style est copié partout dans le monde. Elle habille les actrices du moment, notamment Romy Schneider ou Jeanne Moreau dans Les Amants (1958) de Louis Malle, et Delphine Seyrig dans L'Année dernière à Marienbad (1961) d’Alain Resnais. Jackie Kennedy portait un tailleur Chanel rose lors de l'assassinat de son mari John F. Kennedy.

À partir de 1954, la création de bijoux est confiée à Robert Goossens. Parallèlement, de nouveaux parfums sont créés sous l’impulsion d’Henri Robert, nouveau « nez » de la maison, qui lance Pour Monsieur (1955), No 19 (1970) et Cristalle (1974).

Coco Chanel n'a pas d'appartement, ni de maison, elle ne se sent pas chez elle dans le petit deux pièces situé dans sa maison de couture. Elle s'installe alors dans une suite de l'Hôtel Ritz, pour des raisons pratiques tout d'abord, car l'hôtel est entre la place Vendôme et la rue Cambon – juste à côté de la maison Chanel –, et certainement pour la luxueuse discrétion qu'offrent les grands palaces. Elle y séjournera fidèlement pendant une quinzaine d'années.

Mais Chanel est encore plusieurs fois confrontée à l’Histoire. Après les deux guerres mondiales, c'est la minijupe popularisée autour de 1965 par Mary Quant et Courrèges qui a fait l'effet d'une bombe et la met en colère. Rien n'y fera, « Mademoiselle » ne relèvera pas la jupe au-dessus du genou, car elle pense que les genoux sont laids. Elle continue donc de varier son classique tailleur avec des jupes sous le genou, faisant fi de la mode des midinettes de l'époque, qui importaient des apparences anglaises et américaines, véhiculées par la musique pop. Les défilés de haute-couture ont toujours eu lieu dans les salons du 1er étage du 31 rue Cambon dans un silence religieux, Coco, comme à son habitude, est assise sur les marches de l'escalier qui mène à l'étage supérieur, elle observe les réactions de ses clientes par le biais de miroirs qui tapissent les parois de l'escalier.

Fin de carrière

Aux événements de mai 1968, la vague hippie change la donne de la mode. Chanel affirmait que les modes n’étaient bonnes que lorsqu’elles descendaient dans la rue, et pas quand elles en venaient. Chanel devient tyrannique, s’enferme dans son monde, fait d’essayages, de défilés, de mannequins et de courtisanes.

Sèche et acariâtre, Coco Chanel est très seule, elle est accompagnée dans ses dernières années par sa confidente de longue date Lilou Marquand. Elle souffre de blessures intimes jamais cicatrisées que masque mal sa renommée professionnelle de femme de fer ne montrant pas son désespoir.

Le 10 janvier 1971, à l'âge de 87 ans, elle meurt de vieillesse dans sa suite de l'Hôtel Ritz à Paris. Elle est enterrée au cimetière du Bois-de-Vaux à Lausanne en Suisse.

Anecdotes

  • C'est Coco Chanel qui lança la mode des peaux bronzées, après un bronzage accidentel lors de ses vacances en mer du Nord, alors qu'avant les peaux claires étaient à la mode. À la fin de sa vie, elle reviendra sur cette mode en insistant sur l'aspect dangereux de trop fortes expositions au soleil.
  • Ses intimes la surnommaient « Mademoiselle ».
  • De 1955 à sa mort, elle se rendait à son travail presque quotidiennement vêtue d'un imperméable attaché à la taille qu'elle nommait « caoutchouc ».
  • Elle fait partie des cent personnalités les plus marquantes du XXe siècle, selon un classement du magazine Time réalisé en 1999.

Citations

  • « Dans une réception, si l’on dit à une femme : Quelle belle robe ! c’est que sa robe est ratée. Mais si l’on dit : quelle belle femme ! C’est que sa robe est réussie. »
  • « Je ne fais pas la mode, je suis la mode. »
  • « J’ai rendu au corps des femmes sa liberté ; ce corps suait dans des habits de parade, sous les dentelles, les corsets, les dessous, le rembourrage. »[16]
  • « Quand on me demande mon âge, je réponds : Après 50 ans, ça dépend des jours. »[16]
  • « La mode passe, le style reste. »
  • « La mode se démode. Le style, jamais. »
  • « Avec les accessoires, le plus important c’est de toujours enlever le dernier que l’on a ajouté. »

Cinématographie

Notes et références

  1. Le spectacle du monde, no 555, 9 avril 2009
  2. Philippe Pierre, Chanel : La vie comme un roman, Sodaperaga, 2003 (lire la présentation)
  3. a, b et c Caroline Constant, « Coco Chanel », dans l'Humanité [lire en ligne]
  4. Coco Chanel – "Un parfum de solitude et de réussite" - Le Portail des Antiquaires
  5. N° 4 - Coco Chanel: La double vie de la Grande Mademoiselle - Colombe Pringle, L'Express, 23 juillet 1998
  6. Martine Marcowith, « Chanel », dans Weekend, lire en ligne
  7. Documentaire Passion patrimoine : du Lot-et-Garonne à la Corrèze de Marie Maurice et Franck Dhelens, émission Des racines et des ailes, reportage sur l'abbaye d'Aubazine, 13 avril 2011
  8. Pantalon d'équitation importé des Indes par les officiers anglais, ajusté du genou à la cheville et qui se porte sans bottes. Empr. à l'anglais jodhpurs « id. », abréviation de Jodhpur breeches « pantalon de Jodhpur » (nom d'une ville de l'État du Rajasthan, dans le nord-ouest de l'Inde). Cf. angl. Jodhpur riding-breeches. Source : http://atilf.atilf.fr.
  9. The Wendy and Emery Reves Collection, Harry S. Parker III, 1985
  10. The Wendy and Emery Reeves Collection, Richard R. Bretell (1995)
  11. Mimizan, Woolsack, Coco Chanel et Le Pylone, Georges Cassagne, imprimerie Andres à Labouheyre, juin 2011
  12. a et b Chanel: un parfum d'espionnage sur L'Express, 16 mars 1995
  13. (en) Hal Vaughan, Sleeping with the Enemy : Coco Chanel's Secret War (« Coucher avec l’ennemi : la guerre secrète de Coco Chanel »), Knopf, 16 août 2011, 304 p. (ISBN 0-3075-9263-4) 
  14. Paris Match, du 22 au 28 septembre 2011, page 107.
  15. Coco Chanel, espionne nazie ? Le groupe admet "une part de mystère" sur Challenges.fr, 16 août 2011
  16. a et b Sylviane Degunst. Coco Chanel : Citations. Paris : Éditions du Huitième Jour, 2008 (ISBN 978-2-9141-1982-5)
  17. Maison Chanel

Annexes

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Articles connexes

Bibliographie

  • Edmonde Charles-Roux, L'Irrégulière ou mon itinéraire Chanel, Grasset, 1974
  • Paul Morand, L'Allure de Chanel, Hermann, 1976
  • Edmonde Charles-Roux, Le temps Chanel, Éditions du Chêne, 1979
  • Lilou Marquand, Chanel m'a dit…, JCLattés, 1990
  • Isabelle Fiemeyer, Coco Chanel, un parfum de mystère, Éditions Payot & Rivages, 1999
  • Louise de Vilmorin, Mémoires de Coco, Éditions Gallimard, 1999
  • Henry Gidel (textes), Coco Chanel. – Paris : J'ai lu, 2000
  • Claude Delay, Chanel solitaire, Gallimard, 1983 : J'ai Lu, 2001
  • Brigitte Labbé et Michel Puech (textes), Jean-Pierre Joblin (illustrations), Coco Chanel. – Toulouse : Milan jeunesse, coll. « De vie en vie » no 17, 2005
  • Cyril Eder, Les comtesses de la Gestapo. Grasset, Paris 2007
  • Marcel Haedrich, Coco Chanel, Coco par Chanel, Gutenberg, 2008 (ISBN 2-3523-6040-4)

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