Comité public contre la torture en Israël

Comité public contre la torture en Israël

Le Comité public contre la torture en Israël (anglais : Public Committee Against Torture in Israel, PCATI) est une organisation non gouvernementale israélienne fondée en 1990 en réaction à la politique gouvernementale qui autorisait alors l'usage systématique de la torture et des mauvais traitements lors des interrogatoires par le General Security Service (GSS) [1],[2].

Elle est devenue célèbre pour avoir été l'une des parties civiles, aux côtés de l'Association for Civil Rights in Israel, et Hamoked, le Centre de défense des individus, lors du procès de 1999 tenu devant la Haute Cour de justice, où celle-ci interdit l'usage de la torture au General Security Service (GSS, plus connu sous le nom de Shin Bet) [3].

Sommaire

L'arrêt de 1999

La décision de la Haute Cour de Justice de 1999 affirmait, en substance, que le droit en vigueur concernant les interrogatoires était le même pour la police ordinaire et les services de renseignement, et que celui-ci prohibait l'usage de la torture. Prenant en compte aussi bien les impératifs de sécurité du pays que l'impératif démocratique d'un contrôle juridictionnel des actions du gouvernement, la Cour affirmait toutefois que si aucune mesure administrative ex ante ne pouvait légaliser la torture, seule une loi pouvant le faire, elle demeurait prête à admettre ex post l'excuse de « défense nécessaire » (necessity defense) dans des cas où l'urgence de la situation aurait poussé l'agent gouvernemental à faire usage de tels méthodes (Ticking time bomb scenario (en)), et ce dans le cadre d'un procès au pénal (l'excuse ne pourrait pas servir au civil).

Toutefois, un rapport de 2001 du PCATI et d'autres organisations (dont l'Organisation mondiale contre la torture, basée en Suisse) affirmait avoir eu connaissance d'une vingtaine de cas de torture entre la décision de 1999 et 2001 (dates entre lesquelles la Seconde Intifada a commencé), en contradiction flagrante avec l'arrêt de la Cour suprême[4].

L'arrêt de 2005

Le PCATI a soumis une autre question à la Haute Cour de justice, examinée en décembre 2005, concernant les « assassinats ciblés » pratiqués par l'armée israélienne dans le cadre de la Seconde Intifada (HCJ 769/02, Comité public contre la torture en Israël contre Israël). Réitérant le jugement du président de la Cour suprême Aharon Barak lors de l'arrêt sur la torture, la Cour affirma d'abord qu'« une démocratie doit se battre avec une main liée derrière le dos », respectant le droit, y compris le droit international dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Considérant que les personnes s'engageant dans des actes de terrorisme sont des civils qui, par leurs actes d'hostilité, abandonnent leurs droits à la protection due aux civils en temps de guerre, mais ne peuvent pas pour autant se prévaloir des droits accordés aux combattants, elle conclut finalement que la pratique des assassinats ciblés doit être évaluée, sur le plan juridique, au cas par cas: il n'est possible ni de les déclarer en avance et de façon générale légaux, ni de les considérer de manière générale et ex ante comme illégaux[5]. A. Barak fit cependant une allusion claire, lors de cet arrêt, à l'affaire Salah Shehadeh, suspendue en mars 2004 en raison de l'examen de la politique des assassinats ciblés, en affirmant que si on pouvait prévoir qu'un grand nombre de civils seraient tués en raison de l'opération, celle-ci serait illégale[6].

La situation aujourd'hui

Dans son rapport de septembre-octobre 2008 fait à l'attention du Comité de l'ONU contre la torture, le PCATI souligne la perdurance des faits de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants par le GSS et d'autres forces de l'ordre [7],[8]. Les personnes détenues par les autorités israéliennes font parfois appel, au moment même de leur détention, au PCATI[9] ; dans son arrêt de 1999, la Cour suprême soulignait ainsi qu'elle était parfois amenée à exercer son pouvoir de contrôle juridictionnel au moment même de l'exercice des faits.

Appelées « mesures spéciales » par le GSS, ceux-ci sont le plus souvent légitimés a posteriori au nom de la nécessité, le bureau du procureur général refusant d'ouvrir les poursuites contre l'interrogateur ou ses supérieurs[7].

Le PCATI s'élève en particulier contre la loi de 2002 sur les « combattants illégaux » (Unlawful Combatants Law), qui permet leur détention administrative durant des périodes renouvelables de six mois. Selon l'association, ce type de détention à longue durée constitue un cas de traitements inhumains et dégradants[7].

Le PCATI a aussi affirmé, en avril 2008, que le Shin Bet arrêtait des membres de la famille d'un détenu interrogé afin d'exercer des pressions psychologiques contre lui[10].

Administration du PCATI

Le secrétaire général du PCATI est le professeur Gideon Freudenthal. Le comité de direction (board of directors) inclut Avigdor Feldman, qui a été l'avocat de Mordechai Vanunu; l'avocat Shlomo Lecker; le professeur Emmanuel Farjun; le professeur Avishai Ehrlich; l'avocat Leah Tsemel; Tal Zilberstein; Hannah Friedman et Yaffa Wagner.

Les fonds du PCATI sont divers, provenant à la fois de l'Etat d'Israël lui-même (Ministères de l'Education et de la Justice), d'ONGs et d'autres institutions, dont le Ministère des Affaires étrangères de la Norvège, la Middle East Peace Foundation, le United Nations Voluntary Fund for Victims of Torture, l'EIDHR (European Initiative for Democracy and Human Rights, un programme de la Commission européenne fait en partenariat avec le Conseil de l'Europe), etc[11].

Références

  1. About PCATI, présentation de l'association sur son site.
  2. Serge Schmemann, In Israel, Coercing Prisoners Is Becoming Law of the Land, New York Times, 8 mai 1997.
  3. Décision de la Cour suprême israélienne de 1999 dans l'affaire PCATI, etc., sur la torture et les interrogatoires du GSS
  4. Steve Weizman, Israel uses torture in defiance of court ban, report says, The Independent, 12 novembre 2001.
  5. HCJ 769/02 The Public Committee against Torture in Israel v. The Government of Israel - Summary of Judgment, HCJ 769-02 (décembre 2005). Jugement complet.
  6. Sharon Weill, De Gaza à Madrid, l’assassinat ciblé de Salah Shehadeh, Le Monde diplomatique, septembre 2009 (publié en anglais sous le titre « The Targeted Killing of Salah Shehadeh. From Gaza to Madrid », Journal of International Criminal Justice, 2009 7(3):617-631; doi:10.1093/jicj/mqp042)
  7. a, b et c Rapport de septembre-octobre 2008 du PCATI à l'attention du Comité de l'ONU contre la torture.
  8. Torture in the Kishon detention center, PCATI, 21 novembre 2007
  9. Voir par exemple Roi Mandel, Petition: Shin Bet investigators abused prisoner, Ynet, 6 juin 2007.
  10. Shahar Ilan, Rights group: Shin Bet uses relatives to extract prisoners' confessions, Haaretz, 13 avril 2008.
  11. Donateurs du PCATI (sur le site de l'association).

Voir aussi

  • Prisonniers palestiniens en Israël

Liens externes


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