Commission internationale de juristes

Commission internationale de juristes
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La commission internationale de juristes (CIJ) est une organisation non gouvernementale internationale de défense des droits de l'homme fondée à Berlin en 1952.

Elle déclare avoir pour objectif de promouvoir les droits de l'Homme grâce au droit international et à l'État de droit et se veut impartiale et objective.

Elle a tout d'abord été financièrement soutenue par la CIA, de façon si secrète que la plupart de ses membres et responsables l'ignoraient.

Ayant son siège à Genève, elle est composée de 60 juristes représentant différents systèmes juridiques

Mary Robinson la présida jusqu'à 2010. Pedro Nikken, qui fut président de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, lui succéda.

Sommaire

Histoire

Née au front idéologique du Berlin divisé par la Seconde Guerre mondiale, la CIJ fut fondée en mémoire de l'avocat d’Allemagne de l'Ouest Walter Linse qui, avec le Dr. Theo Friedlander, révélait les violations des droits de l’Homme commis dans la zone soviétique. Le 8 juillet 1952, des agents secrets d'Allemagne de l'Est l'enlevèrent et le livrèrent au KGB. Il fut exécuté à Moscou un an plus tard pour « espionnage ». Cet événement conduisit un groupe d'avocats à fonder une organisation vouée à la défense de droits de l’Homme qui agirait sur le plan légal. Sa conférence inaugurale fut convoquée en 1952.

Aujourd'hui la CIJ compte des sections et affiliations nationales dans plus de 70 pays [1].

Financement de la CIJ de 1952 à 1967

Dans un livre publié en 1994, The International Commission of Jurists, Global Advocates for Human Rights [2], le professeur Howard B. Tolley Jr. explique comment la formation de la CIJ a été financée en secret par la CIA en tant qu'instrument de la guerre froide, à l'insu de la majorité de ses responsables et membres. La CIA fut derrière l'organisation d'un congrès inaugural à Berlin, afin de lutter contre l'association internationale des juristes démocrates (AIJD)[3],[4]. Si la formation de la CIJ a tout d'abord été financée par la CIA par l’intermédiaire de l’American Fund for Free Jurists, le rôle de cette centrale était inconnu de la plupart des membres et responsables de la CIJ[5].

Yves Dezalay (influencé par Pierre Bourdieu[6]) et Bryant G. Garth rapportent que des juristes américains, dont Allen Dulles, président du Council of Foreign Relations et directeur adjoint de la CIA, et John J. McCloy, décidèrent de créer et de financer des organisations internationales dans le but de contrer l’AIJD, contrôlée pendant la guerre froide par l'Union Soviétique, en défendant les principes juridiques en vigueur à l'Ouest et en organisant la lutte contre toutes les formes d'injustice dans les pays communistes[7].

Le financement par la CIA fut révélé publiquement en 1967. L'organisation y a survécu après une période de réforme sous la direction du secrétaire général Seán MacBride, et grâce au financement de la Fondation Ford[5],[7]

En 1970, Niall MacDermot (en) succéda à Seán MacBride et en resta secrétaire général jusqu'en 1990[8]. MacDermot a extrait la CIJ de son association délicate avec la CIA, la hissant au premier rang du mouvement international relevant des droits de l’homme[9].

En 1986 un groupe d'éminents spécialistes du droit international, rassemblé par la Commission, étudia les obligations des États signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 1993 elle participa à la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, participa à l'établissement de la Cour pénale internationale puis en 2006 elle participa à l'élaboration des Principes de Jogjakarta sur les droits des personnes LGBT dans le monde. En 1993 la Commission internationale de juriste reçut le prix des droits de l'homme des Nations unies.

Prises de position sur Tibet

En 1959, la CIJ a produit un rapport [10] concluant que les Tibétains étaient privés de leurs droits fondamentaux selon le droit international, et que la Chine réprimait systématiquement et brutalement la liberté politique et religieuse au Tibet.

Ce rapport dresse liste des principales personnalités dont les témoignages sont produits. Il s'agit, pour les Tibétains, du Dalaï Lama, du Panchen Lama, de Ngabo Ngawang Jigme, de Chaghoe Namgyal Dordjé, ancien gouverneur d'une province tibétaine, de Thenlo Thegy Gompa, sérviteur d'un marchand tibétain, et pour les Chinois, des généraux Tchang Kouo-houa et Fan Ming, et de Shirob Jalt-so, président de l'association bouddhiste chinoise[11].

En 1960, la CIJ a produit un second rapport concluant, selon Tsepon W. D. Shakabpa, que le Tibet était « à tout le moins un état indépendant de facto » avant 1951, que la Chine l'avait illégalement envahi et qu'elle commettait un acte de génocide culturel contre le peuple tibétain [12],[13].

Mais aussi, dans ce rapport, la CIJ a estimé il n'y avait pas suffisamment de preuves de la destruction des Tibétains en tant que race, nation ou groupe ethnique par des méthodes susceptibles d'être considérées comme relevant du génocide selon le droit international[14].

Article détaillé : Tibet (1912-1951).

Dans un autre rapport intitulé « Violations continues des droits de l'homme au Tibet », publié en décembre 1964 et fondé sur les comptes-rendus des réfugiés tibétains fuyant en Inde, la Commission internationale de juristes a dévoilé « la continuation de mauvais traitements de nombreux moines, de lamas, et d'autres personnalités religieuses, ayant pour résultat la mort par la torture excessive, les coups, la famine et le travail forcé… ». Suite à ce rapport et à un appel du Dalaï Lama, la question du Tibet a été introduite sous la forme d'une nouvelle Résolution à l'ONU soutenue par les mêmes pays qu'en 1961, auxquels se sont joint le Nicaragua et les Philippines [15].

En 1997, dans une étude approfondie "Tibet: Human Rights and the Rule of Law" (1997), la CIJ a conclu que le peuple tibétain a droit à l'autodétermination et qu'un référendum du peuple tibétain pour déterminer le statut futur de la région contribuerait significativement à résoudre le conflit politique au Tibet [16],[17].

Selon Barry Sautman, en droit international il n'existe pas de « droit à l'indépendance », à la sécession, pour une quelconque partie d'un pays [18].

Pour autant, depuis l'ouverture de Deng Xiaoping qui déclara en 1979 qu'en dehors de l'indépendance tout était discutable, le dalaï-lama demande non plus l'indépendance mais une autonomie réelle du Tibet au sein de la République populaire de Chine, en se basant sur la constitution chinoise[19].

Controverse sur la neutralité de la CIJ

Selon Narasimhan Ram, éditeur en chef (considéré par certains comme d'obédience communiste[20]) du journal The Hindu, la neutralité et l'objectivité de la Commission internationale de juristes sont contestées, en particulier en raison de ses positions quant au Tibet. N. Ram lui reproche d'avoir fait cause commune avec la campagne « Indépendance pour le Tibet » en accusant faussement le Gouvernement chinois de ne pas respecter « les droits de l'homme, la liberté de culte et le libre exercice des activités politiques », de se livrer à « des arrestations et mises en détention arbitraires, à des tortures et mauvais traitements », de « faire reculer la langue tibétaine », de « dégrader l'environnement et de menacer certains aspects de l'identité et de la culture tibétaine » [21].

L'écrivain et ancien professeur Ramachandra Guha (en) affirme, lui, que N. Ram « fournit délibérément camouflage à un régime totalitaire ((...)) Il minimise les attaques contre les institutions culturelles et les croyances religieuses des Tibétains menées de façon avérées par les Chinois ((...)) il rejette des preuves, fournies indépendamment, de la colonisation à grande échelle de la région par des Hans »[22].

Le journaliste pro-tibétain Jamyang Norbu qualifia les écrits de N. Ram de propagande en faveur de la Chine [23].

Prix

La commission a reçu de nombreux prix internationaux [24]:

Lien externe

Notes et références

  1. (en) INTERNATIONAL COMMISSION OF JURISTS, Bulletin of the International Commission of Jurists, No. 8, December 1958.
  2. (en) Howard B. Tolley Jr., The International Commission of Jurists, Global Advocates for Human Rights, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1944.
  3. (en) Richard Pierre Claude, compte rendu de Howard B. Tolley Jr., The International Commission of Jurists: Global Advocates for Humam Rights, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1994, in Human Rights Quarterly, August 1994 : « Based on documentation and named respondents, the author presents the tale of the United States Central Intelligence Agency (CIA) in secretly bankrolling the formation of the ICJ as an instrument of the Cold War. [...] Tolley shows that the tainted source of funding was unknown to most ICJ officers and members, [...] ».
  4. Howard B. Tolley Jr., The International Commission of Jurists: Global Advocates for Humam Rights, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1994, in Human Rights Quarterly, August 1994 : « Part 1 [of the book] describes how the ICJ began in response to Stalinsit totalitarianism. The United States Central Intelligence Agency (CIA) covertly arranged an inaugural conference in Berlin to counter the Soviet controlled International Association of Democratic Lawyers (IADL). »
  5. a et b Richard Pierre Claude, « The International Commission of Jurists: Global Advocates for Human Rights. (Book review) », dans Human Rights Quarterly, August 01, 1994 [texte intégral (page consultée le 2009-10-10)] .
  6. http://atheles.org/editionsducroquant/horscollection/rencontresavecpierrebourdieu/index.html
  7. a et b (en) Yves Dezalay, Bryant G. Garth, The Internationalization of Palace Wars: Lawyers, Economists, and the Contest to Transform Latin American States, Chicago, University of Chicago Press, 2002, poche (ISBN 978-0-226-14426-9) [lire en ligne]  : « It was created at the beginning of the Cold War by elite U.S. lawyers identified with the Council of Foreign Relations [...]. [...] a small group of political lawyers - including Allen Dulles, president of the Council on Foreign Relations and deputy director of the CIA, and John J. McCloy, then the high commissioner for Germany and later labeled the "chairman of the establishment" (Bird, 1992) - decided to engage the battle on the terrain of law. »
  8. (en) Tam Dalyell : OBITUARY: Niall MacDermot, The Independent (27 February 1996).
  9. Iain Guest, Behind the disappearances: Argentina's dirty war against human rights and the United Nations, University of Pennsylvania Press, 1990, (ISBN 0-8122-1313-0), (ISBN 9780812213133), p. 111.
  10. (en) Tibet - New Report : "The Question of Tibet and the Rule of Law", 24 juillet 1959.
  11. La question du Tibet et la primauté du droit, Commission internationale de juristes, Genève, 1959, page 22.
  12. (en) Tsepon W.D. Shakabpa, A Discourse on the Future of Tibet.
  13. (en) ICJ Report on Tibet 1960, extraits, sur le site Tibet.com.
  14. Rapport de la CIJ (1960), page 346 : « The COMMITTEE did not find that there was sufficient proof of the destruction of Tibetans as a race, nation or ethnic group as such by methods that can be regarded as genocide in international law. »
  15. (en) Tibet: Human Rights and the Rule of Law, International Commission of Jurists, Geneva, December 1997.
  16. (en) Tibet: Human Rights and the Rule of Law, International Commission of Jurists, 1997.
  17. (en) Tibet - ICJ urges Chinese Government to Permit Peaceful Protest in Tibet and Calls for International Investigation into Reported Human Rights Violations.
  18. (en) Barry Sautman, “All that Glitters is Not Gold”: Tibet as a Pseudo-State : « Exile leaders argue that Tibet’s statehood is based on a lack of Chinese central government influence in Tibet from 1913 (when the Lhasa government “declared independence”) to 1951 (...). Most people do not know that (...) legal standards for statehood exist or that hiatuses in national government control over a territory do not automatically convert the territory into a state. They are often unaware that parts of countries have no “right to independence ».
  19. Message du Dalaï Lama à l’occasion du 48e anniversaire du soulèvement de Lhassa
  20. (en) http://www.tehelka.com/story_main34.asp?filename=Ne150907THEcommissar.asp
  21. Cf. (en) N. Ram, Tibet - A Reality Check, in Frontline, India's National Magazine from the publishers of THE HINDU, Volume 17 - Issue 18, sep. 02-15, 2000.
  22. (en) éditorial du Telegraph publié le 10 septembre 2008
  23. Running-Dog Propagandists.
  24. Source Site officiel



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