Abbaye de la Sainte-Trinite de Tiron

Abbaye de la Sainte-Trinite de Tiron

Abbaye de la Sainte-Trinité de Tiron

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L'Abbaye de la Sainte-Trinité de Tiron située sur la commune de Thiron-Gardais dans la région du Perche est un haut lieu de spiritualité d'où essaimèrent vingt-deux abbayes et plus d'une centaine de prieurés en France, en Écosse, en Angleterre et en Irlande. Ce rayonnement fut tel qu'on parlait de l'Ordre de Tiron.

Sommaire

La fondation du monastère en 1109

Le fondateur du monastère de Tiron, saint Bernard de Ponthieu, né près d’Abbeville (Somme) en 1046 (qu’il ne faut pas confondre avec saint Bernard de Clairvaux, cistercien qui prêcha la IIe croisade), fut d’abord moine bénédictin dans le Poitou, prieur de Saint-Savin-sur-Gartempe, puis abbé de Saint-Cyprien de Poitiers. À la suite de longs démêlés avec les moines de Cluny, il résigna sa charge et, avec la permission du pape, vécut en ermite dans les solitudes de la Mayenne et de la Bretagne. Il vint ensuite dans le Perche, dont le Comte était Rotrou III le Grand. Ce prince lui offrit d’abord Arcisses (commune de Brunelles), mais la donation fut révoquée par la mère de Rotrou III, qui défendait les moines clunisiens de l’abbaye Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou. Alors Rotrou III lui donna un lieu inculte en pleine forêt, à peu de distance du bourg actuel de Thiron. C’est là que saint Bernard édifia un monastère primitif où il célébra pour la première fois la messe le jour de Pâques 1109, avec l’évêque Yves de Chartres. Une chapelle dédiée à sainte Anne, proche de l’étang du même nom, marque aujourd’hui cet emplacement. Des difficultés s’étant élevées avec les moines clunisiens de Saint-Denis de Nogent, saint Bernard abandonna son monastère de Sainte-Anne et, avec l’autorisation de l’évêque saint Yves, vint se fixer sur la paroisse de Gardais, dépendant du chapitre de Chartres, là où s’élève actuellement Thiron (1114).

Grâce aux dons des rois et des plus grands seigneurs de France, d’Angleterre et même d’Écosse, il se mit à construire un nouveau monastère. De cette époque, il ne reste que l’église. La sobriété du décor architectural montre bien l’esprit de saint Bernard, plus austère que celui de la règle de saint Benoît dont il s’inspirait. Les disciples de saint Bernard différaient en outre des bénédictins par leur robe gris fumée, à longs poils. Ils s’adonnaient à la prière et à toutes sortes de travaux manuels. C’est à eux que l’on doit le défrichement et la mise en culture du pays, la création de l’étang de Thiron, de celui de Saint-Anne, de celui des Aulnaies, asséché en 1842 et dont la route de Thiron à Combres emprunte la levée.

Abbaye royale

À la mort de saint Bernard, le 26 avril 1116, la nouvelle abbaye était devenue royale par la suite de la sauvegarde que lui avait accordée le roi de France Louis VI le Gros, ce qui l’obligeait à recevoir comme frères laïcs des anciens soldats invalides. Elle possédait déjà les prieurés de Saint-Dogmaël, au pays de Galles, fondé en 1113 ; de Bouche-d’Aigre (commune de Romilly-sur-Aigre), fondée en 1114, et d’Yron, à Cloyes-sur-le-Loir, fondé en 1115.

Hugues (1116-1119), Guillaume 1er (1119-1147), Étienne 1er (1147-1164), Jean 1er (1164-1173), Gauthier (1173-1178 ou 1179), Lambert (1178-1179 ou 1200), Robert 1er (1200-12001), Hervé (1201-1205), Geoffroi 1er (1205-1218), Dreux (1218-1220), Gervais (1220-1252), Étienne II (1252-1273), Jean II de Chartres (1273-1297).

Ce dernier, qui était un grand seigneur et qu’un tableau représentait à Chartres précédé de six clercs, la baguette levée, fit reconstruire une grande partie du monastère. En particulier, un vaste chapitre parallèle au chevet de l’église, dans lequel il fut inhumé. Sa pierre tombale, retrouvée en 1840, est érigée actuellement au bas de l’église et sa crosse est conservée au musée des beaux-arts de la ville de Chartres.

  • Les successeurs de Jean II de Chartres furent :

Simon (1297-1313), Robert II Coupel (1313-1315), Nicolas (1315-1338), Henri 1er des jardins (1338-1354), - dont la pierre tombale, retrouvée en 1869, a servi d’évier à la maison Chevallier, - Jean III (1354-1383), Étienne II (1382-1387), Pierre Tersal (1387-1414), Robert III, dit le Dauphin (1414-1421), Yves de Kerbout (1421-1426), Michel Houssard (1426-1431).

C’est sous le règne de cet abbé, le 13 juin 1428, que Thomas Montaigu, comte de Salisbury, général en chef des troupes anglaises, allant mettre le siège devant Orléans, rançonna l’abbaye, l’incendia et en emmena tout le bétail.

  • Guillaume Grimault (1431-1453), puis son neveu Léonnet Grimault (1453-1498), réparèrent l’abbaye et bâtirent à leurs frais le magnifique chœur gothique qui subsista jusqu’en 1817. Par reconnaissance, ils furent inhumés sous une commune pierre tombale à l’entrée de ce chœur qu’ils venaient de faire construire, à l’emplacement du maître-autel actuel. Cette double pierre tombale, relevée en 1817, est actuellement en morceaux dans le fond de l’église.
  • Aux Grimault, succédèrent Louis 1er de Crevant (1498-1501), puis son cousin Louis II de Crevant (1501-1549), et enfin Geoffroy II Laubier (1549-1550 ou 1551). À cette époque, l’abbaye de Tiron comptait treize abbayes suffragantes, dont cinq en Angleterre, et quarante-neuf prieurés en France.

Une abbaye en commende

À partir de ce moment, l’abbaye de Tiron fut donnée par le roi de France en bénéfice à des personnages étrangers à la congrégation de Saint-Bernard, souvent même laïcs. Les abbés commendataires percevaient à leur profit les deux tiers des revenus et laissaient la direction religieuse à un prieur. Les abbés commendataires furent d’abord le cardinal Jean du Bellay (1551-1561) et Hippolyte d’Este, cardinal de Ferrare (1561-1563).

Le 19 mars 1562, 3000 cavaliers allemands, à la solde des Huguenots, fondirent sur l’abbaye, massacrèrent trois religieux, profanèrent l’église, brisèrent les vitraux et les statues et, pendant trois jours, pillèrent tout, enlevant les objets d’art, mobilier, linge, bestiaux et provisions.

Charles de Ronsard, frère du poète (1563-1575), et René de Laubier (1575-1578), essayèrent de restaurer l’abbaye, mais le cardinal de Birague (1578-1582), et surtout le poète Philippe Desportes (1582-1606), n’eurent d’autre préoccupation que d’empocher les revenus.

Le 6 février 1591, un corps de 500 Suisses, à la solde d’Henri, roi de Navarre, pilla l’abbaye en se rendant de Beaumont à Chartres, en sorte que le monastère était dans l’état le plus lamentable à la nomination d’Henri II de Bourdon. Celui-ci, fils naturel d’Henri IV et d’Henriette d’Entragues, dame de Vaupillon et marquise de Verneuil, voulut remettre de l’ordre et appliquer l’ordonnance de Charles IX fondant un collège à Tiron (1560).

Fondation du collège vers 1630

Pour ce, il fit appel aux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, qui vinrent s’installer à Tiron en 1629 et y installèrent leur premier collège, probablement en 1630. Les bâtiments furent d'abord très modestes et un projet grandiose, établi par Dom Pinet en 1651, n'aboutit pas. Plus tard, probablement lors de la transformation du collège en école royale militaire, en 1776, les transepts furent occultés et affectés au chapitre (transept nord) et en cuisine, réfectoire et logements pour des élèves (transept sud). Le Père Prieur, qui était en même temps directeur de l’école, s’installa dans les bureaux de l’officialité (presbytère actuel), au bas de l’église.

Après la retraite du duc de Bourbon, qui démissionna à 69 ans pour se marier, Jean-Casimir Vasa, roi de Pologne (1670-1672), et Philippe de Lorraine d’Harcourt (1672-1702) ne s’occupèrent guère de l’abbaye ni du collège.

L’abbé Castel de Saint-Pierre (1703-1743) fit installer des boiseries et des stalles pour l’avant-chœur où se tenaient les élèves (chœur actuel), grâce à un don de la Duchesse d’Orléans, née princesse Palatine, dont il était l’aumônier. Elles furent sculptées par Mauté, de Paris, et posées en 1740 par Damour et Pradnel, de Paris, et Dufresne, d’Argentan.

L'incendie de 1786 et la fin de l'Abbaye

Les deux derniers abbés commendataires furent les abbés Malherbe (1743-1771) et de Vermont (1771-1782). Puis le bénéfice de l’abbaye, qui représentait encore un revenu annuel de plus de 50 000 francs, fut rattaché à la cure de Saint-Louis de Versailles. De l’abbaye de Tiron ne dépendait plus alors qu’une dizaine de prieurés.

Dans la nuit du 22 au 23 novembre 1786, un incendie se déclara dans le magasin à charbon et détruisit l’aile ouest de l’abbaye, consumant plus de 2000 volumes, ainsi que des peintures et des sculptures remarquables. Les réparations furent entreprises en 1788, mais l’adjudicataire mourut l’année suivante avant de les avoir achevées.

L’abbaye fut fermée en mai 1791. Le plomb, le fer et tous les objets de valeur qu’elle contenait furent ensuite pillés. Le collège subsiste jusqu’en 1793, et à sa disparition les indigents s’installèrent dans les bâtiments.

Le culte cessa dans l’église en juillet 1792. Cependant dom Leguay parvint encore à dire la messe dans la chapelle de la Vierge le 1er janvier 1793. Le 5 décembre de la même année, l’abbatiale servit de temple de la Raison, et la femme Debray, née Tasset, reçut les hommages des assistants, installée sur une montagne de mousse recouvrant le maître-autel. Mise sous séquestre comme bien national, l’abbaye, ses dépendances et le jardin du collège furent adjugés à Étienne Taulé, ancien élève, puis professeur de musique au collège. Le général Descloseaux, de Paris, acquit le collège et ses dépendances, où l’administration départementale s’était refusée à créer une école centrale de département, malgré la demande du conseil municipal écartée en 1796.

Taulé démolit ce qui restait de l’abbaye pour en vendre les matériaux, qui servirent à la construction de beaucoup de maisons du bourg. La destruction était achevée en 1810.

Descloseaux pensait continuer à exploiter le collège avec l’aide des anciens professeurs, tant moines que laïcs, qui vivaient au moment de la fermeture et dont la plupart étaient restés dans le pays. Mais il fut trouvé mort, la gorge tranchée d’un coup de rasoir, le 2 novembre 1797, dans la maison Chevallier, où il était descendu. Le collège fut alors acheté (1803) par le notaire Bisson, ancien procureur fiscal des moines, pour le compte de son beau-frère Gallot. Mais Descloseaux avait déjà aliéné le bûcher, la boulangerie et le cellier, ainsi que le logement des tailleurs et des domestiques chargés de la basse-cour.

En 1929, l’abbaye et ses dépendances appartiennent à la famille de Mondésir, qui les a acquises de Taulé. Le collège est la propriété de M. Guillaumin, parent par alliance du notaire Bisson.

En 1983, l’abbaye et ses dépendances appartiennent à la famille de Pontbriand. Quant au collège, il est la propriété des Lombearde (depuis le mois de juillet 2005, l'ancien collège militaire est propriété du Conseil général d'Eure-et-Loir).

En 1802, l’aile ouest du collège s’effondra et le portail d’honneur fut démoli. Le plomb qui recouvrait les voûtes et les contreforts ayant disparu pendant la Révolution, les basses-voûtes du nord de l’église, puis celles du sud, s’effondrèrent en 1804 et 1805, entraînant la chute des contreforts. Les piliers inutiles furent alors vendus, enfin le chœur lui-même s’effondra le 10 février 1817.

On boucha alors l’ouverture béante et on y plaça le maître-autel actuel. En même temps que les portes qui conduisaient à la cirerie et au clocher qui étaient disposées de chaque côté, les deux autels placés à l’entrée de l’avant-chœur étaient adossés au mur et des restes de boiseries servaient à faire le banc-d’œuvre. Deux des colonnes de marbre noir qui soutenaient la voûte du maître-autel furent encastrées de chaque côté de la porte du cloître préalablement bouchée. Les stalles des moines, datant du XIIIe ou XIVe siècle, mutilées et privées de leur dossier par la chute du chœur, furent disposées de chaque côté de la nef, et les boiseries du XVIe siècle provenant de la cirerie gardées en lieux sûr.

En 1820, on plaça derrière le maître-autel le tableau de « l’Adoration des Mages », provenant de l’abbaye d’Arcisses, copie de celui existant à Tiron et qui était l’œuvre d’un grand maître. La statue de la Vierge qui ornait la chapelle de congrégation des élèves du collège, au chevet de l’église, et qui avait été cachée à la Révolution par Durand, jardinier de l’abbaye, fut replacée dans l’église en février 1816.

En 1867, l’ex-voto offert à sainte Geneviève par de Prat, seigneur de Blainville, et qui se trouvait à Saint-Étienne-du-Mont, à Paris, fut apporté à Tiron.

En 1893, furent placées les statues modernes représentant saint Bernard et saint Adjuteur, ce dernier, seigneur de Vernon, chevalier de Terre-Sainte, puis moine de Tiron, enfin prieur du monastère de Vernon, qu’il avait donné à l’abbaye de Tiron.

Les moines de Tiron sont encore représentés par l’abbaye de Caldey, dans l’île du même nom, au Pays de Galles. Les bénédictins anglicans qui s’y étaient installés, s’étant ralliés au catholicisme romain en 1913, et ayant embrassé l’observance de Mont-Cassin, sont actuellement à Prinknash Priory.

Depuis 1929, deux autres monastère de l’ordre de Tiron ont repris la vie monastique : en 1977, les Carmélites de Blois se sont installées dans l’antique prieuré de Molineuf, commune de Saint-Secondin, en 1979, à l’abbaye de Saint-Michel-des-Bois-Aubry, au sud de Tours, une communauté bénédictine orthodoxe a commencé à relever de prestigieuses ruines.

Certes, aujourd’hui l’Ordre de Tiron est tombé dans l’oubli et il ne reste pour témoin, que la longue nef romane de l’église abbatiale, la grange aux dîmes ou les dépendances.

Sources

L'essentiel de ce texte est repris du petit ouvrage érudit, mais pas exempt d'erreurs, d'André Guillaumin, Thiron, son abbaye, son collège militaire, 1929, rééd. 1984.

Il a été renouvelé depuis :

  • Denis Guillemin, Thiron, abbaye médiévale, Amis du Perche, 1999.
  • Youri Carbonnier, « L'abbaye et la collège de Tiron au XVIIe siècle, état et projets au début de l'époque mauriste », Cahiers percherons, 1999-2, p. 1-18.

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