Compagnie de Jésus

Compagnie de Jésus
Compagnie de Jésus
(les Jésuites)
Image illustrative de l'article Compagnie de Jésus
Type Ordre religieux apostolique
Création 1540
Reconnaissance canonique 1540
Fondateur(s) Ignace de Loyola
Spiritualité ignatienne
Liste des ordres religieux

La Compagnie de Jésus (S.J.: pour Societas Jesu) est un ordre religieux fondé par Ignace de Loyola et quelques compagnons, et approuvé en 1540. On appelle ses membres les Jésuites.

C'est l'un des trois ordres religieux numériquement les plus importants de l'Église catholique romaine, avec 18 516 membres en 2010[1]. L'actuel supérieur général de la Compagnie de Jésus est Adolfo Nicolás.

Les Jésuites peuvent être prêtres, frères ou étudiants (appelés également « scolastiques »). Comme les autres religieux catholiques, ils professent les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance à leur supérieur, après leurs deux années de noviciat. Ils prononcent aussi un vœu qui leur est propre : l’obéissance spéciale au pape[2].

Le sceau de la Compagnie, ou christogramme, IHS, représente les trois premières lettres de IHΣOYΣ, « Jésus » en grec[3].

Sommaire

La fondation

Les « Amis dans le Seigneur »

Portrait d'Ignace de Loyola par Jacopino del Conte (vers 1600)

Converti après une jeunesse mondaine et un brillant début de carrière militaire, Ignace de Loyola (1491-1556), gentilhomme basque espagnol, ressentit après diverses hésitations un appel à « aider les âmes », selon ses propres termes, et à servir le Christ. Il entreprit alors des études de théologie à l'université de Paris, puis rassembla peu à peu autour de lui des Amigos En El Señor (« Amis dans le Seigneur ») prêts à travailler « pour une plus grande gloire de Dieu », devise qui devait s'illustrer en latin : Ad maiorem Dei gloriam ou AMDG.

Le 15 août 1534, Ignace de Loyola et six autres étudiants de l'Université de Paris, le Navarrais François Xavier, les Espagnols Alfonso Salmeron, Jacques Lainez et Nicolás Bobadilla, le Portugais Simao Rodrigues et le Savoyard Pierre Favre (premier prêtre ordonné de la Compagnie), se retrouvèrent à Montmartre sur le lieu du martyre de saint Denis.

Décidant de se consacrer à Dieu, de faire vœu de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, Ignace et ses compagnons partirent en 1537 pour l'Italie afin d'obtenir la reconnaissance de leur ordre par le pape Paul III, qui les autorisa à être ordonnés prêtres. Il leur accorda ensuite la bulle Regimini militantis ecclesiae en 1540, qui fondait officiellement la Societas Iesu (s.j.).

Dès le commencement, se posa la question de l'admission des femmes dans la Compagnie. En 1545, à la demande de Paul III, Ignace de Loyola accepta la création d'une ramification féminine de la Compagnie[4]. Plusieurs femmes y prononcèrent donc leurs vœux, puis Ignace de Loyola présenta ses arguments contre cette création et obtint en 1549 une dispense du pape qui permit de délier de leurs vœux ces quelques religieuses[5]. Il n'a donc jamais existé de « Jésuitesses ». Une seule femme fut admise dans la Compagnie, en 1555, sur la recommandation de François Borgia et avec l'accord d'une commission elle-même approuvée par Ignace de Loyola : Jeanne d'Espagne (1535-1573).

Enfin, le 21 juillet 1550, le pape Jules III dans sa bulle Exposcit Debitum confirma la Compagnie.

La « Compagnie de Jésus »

Article détaillé : Origine du mot Jésuite.
L'une des premières versions du christogramme

Ignace souhaitait que cette fraternité prenne le titre de « Compagnie de Jésus » pour rappeler en permanence l'engagement militant et sans réserve au service du Christ. Dans la bulle pontificale de fondation en 1540, on utilisa cependant l'expression latine Societas Iesu. Le terme de « Jésuite » n'apparut que plus tard, vers 1545, et n'eut jamais de caractère officiel[6].

Lorsqu’il se référait au groupe d’étudiants qui prononcèrent avec lui leurs vœux à Montmartre en 1534, Ignace de Loyola parlait de ses « Amis dans le Seigneur[7] ». Ensuite, après la fondation officielle de la Compagnie en 1540, lorsque les « Amis » commencèrent à circuler en Italie et ailleurs, on leur donna différents noms[8].

Dans une lettre de janvier 1545[9], Pierre Canisius écrivit : « À Cologne, c’est par le terme de Jésuites que les membres de la Compagnie sont généralement connus[10]. » Le mot « jésuite » ne se retrouve pas dans les textes fondateurs de la Compagnie, et Ignace de Loyola ne l’emploie pas dans ses écrits. Pourtant, le terme se répandit rapidement. Au concile de Trente, les procès-verbaux désignaient déjà comme « Jésuites » les membres de la Compagnie qui participaient aux délibérations. En 1562, on citait Jacques Lainez en tant que Generalis Jesuitarum.

Les débuts

Une réforme de l'Église, espérée et attendue depuis des années, était rendue plus urgente encore par les succès de la Réforme protestante : ce fut l'objet de la convocation du concile de Trente où les Jésuites prirent une part importante, puis du mouvement de la Contre-Réforme.

À ses débuts, la Compagnie s'occupait essentiellement d'activités missionnaires, mais elle se tourna dès 1547 vers l'enseignement, qui devint son activité principale vers la fin du XVIe siècle. Elle ouvrit un collège à Rome en 1551 alors que des jésuites se trouvaient déjà au Congo, au Brésil et en Angola. L'activité éducative s'étendit aussi dans l'Empire ottoman, avec notamment le lycée Saint-Benoît, établi en 1583.

À la mort d'Ignace de Loyola (1556), la Compagnie comptait plus d'un millier de membres. Soixante ans plus tard, elle en regroupait treize mille dans toute l'Europe.

L'expansion

Portrait de Matteo Ricci par le frère chinois Emmanuel Pereira

En Afrique

En 1541, Saint François Xavier en route vers l'Asie fait halte au Mozambique[11].Dans la seconde moitié du XVIe siècle, des jésuites s'installent en Éthiopie et dans le Royaume de Kongo. A Luanda, ville fondée par les Portugais, ils fondent un collège, en 1574, le collège Saint-Paul.

Dans l'Extrême-Orient

François Xavier arriva à Goa dès 1542 et au Japon le 27 juillet 1549. Le samouraï Mitsuhide Akechi accorda aux Jésuites le fief de Nagasaki en 1580. Mais le Japon traversait une période d'instabilité politique et Hideyoshi Toyotomi leur retira ce fief dès 1587 avant de les expulser du pays.

Un seigneur japonais et un prêtre jésuite, estampe japonaise anonyme, c. 1600

En 1582, commença la mission jésuite en Chine. Le père Matteo Ricci ne tarda pas à être reconnu comme un pair par les mandarins, fonctionnaires lettrés chinois, et devint de fait le premier sinologue. Alexandre de Rhodes romanisa l'alphabet vietnamien en 1623. Deux missionnaires jésuites, Johann Grüber et Albert Dorville, atteignirent Lhassa au Tibet en 1661.

En Europe

Dans plusieurs régions du monde, les Jésuites eurent à lutter contre l'influence protestante. Très engagés dans la Contre-Réforme, ils s'opposèrent à la révolution copernicienne et aux prises de position de Galilée, par la voix du théologien Robert Bellarmin en particulier. C'est dans les Pays-Bas espagnols (où les protestants des Provinces-Unies firent sécession au cours du XVIe siècle) qu'ils furent les plus nombreux proportionnellement à la population. On leur attribue le tracé de la première Frontière linguistique, séparant Wallons et Flamands dans ce qui deviendra la Belgique[réf. nécessaire]. En 1562, leur installation est autorisée dans le royaume de France, suite à leur invitation au colloque de Poissy.

Le Sceau IHS accompagné des armes de Benoît XVI et d'un cardinal sur le fronton de l'Église Saint-Ignace-de-Loyola de Rome

En 1580, les Jésuites installèrent une Maison professe à Paris, dans le quartier du Marais, qui accueillit théologiens et scientifiques. Cette maison est aujourd'hui occupée par le lycée Charlemagne. On décida de construire une grande église à côté : l'église Saint-Louis (aujourd'hui Saint-Paul-Saint-Louis). En mai 1641, le cardinal de Richelieu y célébra la première messe. La noblesse venait écouter les sermons des prédicateurs. Madame de Sévigné allait à toutes les messes dans cette église pour écouter les sermons du père Louis Bourdaloue. On y entendait la musique des compositeurs français de l'époque, Marc-Antoine Charpentier et Jean-Philippe Rameau notamment, qui y furent maîtres de musique.

En 1656-1657, à la demande des Jansénistes, Pascal attaqua les Jésuites dans Les Provinciales sur la question de la casuistique. Marc Fumaroli note à ce sujet :

« La modernité jésuite, à l'épreuve de la France, apparut à la fois choquante et démodée, et la fidélité jésuite à Aristote, à Cicéron, à saint Thomas, sembla impure et équivoque. Bien qu’ils fussent en fait, par leur encyclopédisme, les derniers tenants de l'Antiquité vivante, les jésuites passèrent pour traîtres à l'Antiquité. Bien qu'ils fussent par leur adaptation aux réalités du monde de la Renaissance, les premiers historiens, sociologues et ethnologues du catholicisme, ils furent tenus pour ses pires réactionnaires[12]… »

En Amérique

Père jésuite au Brésil au XVIIIe siècle.

Au XVIe siècle, les populations indigènes sont exploitées par le système colonial dit d'encomiendas. Ce système permet aux colons de disposer de la main d'œuvre pour l'exploitation de leurs domaines.

En 1550 et 1551, les controverses de Valladolid reconnaissent le principe d'égalité des droits et des devoirs de tous les hommes et leur vocation à la liberté. La culture des Indiens commence alors à être reconnue. Ils peuvent commencer à être instruits et catéchisés.

Malgré cela, certains colons continuent d'abuser des Indiens, les réduisant à l'état de serfs. En réaction, les ordres religieux développent une nouvelle manière d'évangéliser les Indiens : maîtrise et promotion des langues indigènes, étude et préservation des coutumes locales, mise en place d'une organisation sociale et progrès économique des communautés autochtones. Regroupant les Indiens autour de leurs monastères, ils les protègent des excès de l'encomienda, et les sédentarisent.

Dès leur arrivée au Pérou, en 1566, les Jésuites s'inscrivent dans cette manière de faire. Ils développent le système des "réductions". Ce mot fait référence à la tentative de regrouper (reducere en latin) dans un même lieu une population indigène et de les réduire ainsi à la vie civile. Les Jésuites créent des missions pour les Indiens Mojos (ou Moxos), Chiquitos et Guarani. En misant sur le strict respect de toutes les dispositions protectrices des Indiens dans la législation espagnole, ils s'attirent les bonnes grâces des fonctionnaires espagnols.

Aux Amériques, les Jésuites s'installent au Mexique en 1572, à Québec en 1625. Ils participent aux missions espagnoles de Californie. En Amérique du Sud, particulièrement au Brésil et au Paraguay, la mission jésuite suscite la réprobation des colons espagnols et portugais puisqu'elle s'oppose au système esclavagiste des encomiendas. Les Jésuites créent des réductions, centres dans lesquels les indigènes sont alphabétisés et christianisés, et par là soustraits aux planteurs. La première est créée dès 1609 chez les Indiens guaranis[13]. On doit aussi aux Jésuites la fondation de plusieurs villes, dont São Paulo en 1554. Mais les tensions entre les deux systèmes (encomiendas et réductions) et les rivalités entre l'Espagne et le Portugal, sur fond de disgrâce de la Compagnie de Jésus en Europe, font disparaître ces entreprises.

La Compagnie doit faire face à de violentes persécutions dues à sa nouveauté, à son soutien inconditionnel au pape, à l'efficacité de son organisation centralisée, et à ses positions théologiques. Bien qu'elle soit influente auprès des souverains d'Europe et de la haute noblesse, que ses plus hauts dignitaires confessent, les intérêts économiques des colons finissent par l'emporter : l'ordre est dissous sur les terres espagnoles et portugaises en 1767.

Les Jésuites sont obligés de quitter les missions vers 1767. Les réductions sont alors détruites sauf dans les missions de Chiquitos et Mojos. Cependant le clergé diocésain ne réussit pas à en perpétuer l'esprit. Les missions connaissent alors un déclin progressif. Le film Mission a popularisé l'histoire de la fin des réductions jésuites.

En Australie

Les catholiques en Australie au XIXe siècle étaient en grande partie une minorité appauvrie, souvent descendue des bagnards et reugees irlandais. Deux jésuites autrichiens sont arrivés à Adelaïde en 1848 et trois groupes de jésuites ont travaillé en Australie coloniale : des Autrichiens dans l'Australie-Méridionale, et plus tard une mission indigène dans le nord ; et des Irlandais dans les colonies orientales. En 1901, chacun des trois groupes a été fusionné pour former la mission australienne. Les jésuites autrichiens ont établi une école et une vigne à Sevenhill en Australie-Méridionale, et ont entrepris des voyages extraordinaires à travers l'Outback pour visiter les fidèles. Ils ont donné l'appui à la bienheureuse Mary MacKillop quand elle a été à tort excommuniée, et ils ont coopéré avec ses Sœurs de St Joseph du Sacré-Cœur (les Josephites). Ils développent le système des "réductions" parmi les Aborigènes en Territoire du nord, mais sans réussite.

Les jésuites ont fondé plusieurs écoles pour instruire les catholiques des colonies britanniques. Le lycée de Saint Xavier's College, Melbourne a été fondé ; et Saint Aloysius College, Milsons Point et Saint Ignatius College, Riverview à Sydney[14]. Les lycées de Saint Ignatius College Athlestone (Adelaïde) et de Loyola College, Mount Druitt (Sydney) ont été construits pendant le XXe siècle. Le travail de paroisse, aussi bien que pour les Aborigènes d'Australie et les reugees est également un souci en avant des jésuites en Australie – dont on peut citer Fr.Frank Brennan SJ.

Suppression et restauration

L'inscription AMDG sur la porte de l'église Saint-Benoît à Istanbul, rappelant la restauration de 1687 après un incendie

En 1614, un Jésuite polonais, chassé de sa congrégation, publie pour se venger le livret Monita secreta societatis Jesu, un faux livre d'instructions aux jésuites sur la manière de se comporter pour augmenter le pouvoir et les richesses de la Compagnie. Ce mythe imprègne les esprits, et notamment les esprits libéraux des XVIIIe et XIXe siècles.

En 1704 et 1742, le pape interdit les rites chinois empreints de syncrétisme que les missionnaires jésuites respectaient en Asie.

En France, les Jésuites ont à subir les attaques des jansénistes gallicans et parlementaires, puis de l'athéisme des philosophes de l’Encyclopédie auxquels ils répondent avec leur Journal de Trévoux et leur Dictionnaire de Trévoux, pour finir par être interdits et bannis de France en 1763-4, et leurs deux cents collèges fermés. Ils venaient d'être chassés du Portugal en 1759, et le sont encore d'Espagne en 1767. Cependant le roi Stanislas, avant 1766, les accueille dans son duché de Lorraine, resté théoriquement indépendant du royaume de France.

L'opposition contre eux est tellement répandue que le pape Clément XIV en vint, en 1773, à décider de la suppression de la Compagnie de Jésus partout dans le monde ; c'est le bref Dominus ac Redemptor. En Russie, la tsarine orthodoxe Catherine II interdit la promulgation de la bulle papale, et en Prusse le roi protestant Frédéric II fait de même, heureux de marquer sa désapprobation au pape, tout en profitant de l'aubaine que constituait tous ces savants et ces professeurs pour organiser l'enseignement et la recherche dans ses États.

La bulle débutait par la clause ad perpetuam rei memoriam et on pouvait y lire : « Il est à peu près impossible que, la société des jésuites subsistant, l'Église puisse jouir d'une paix véritable et permanente ».

La Compagnie fut rétablie en 1814 par le pape Pie VII, mais les attaques continuèrent tout au long du XIXe siècle :

  • en France, les Jésuites[15] furent bannis à nouveau en 1880, puis à nouveau avec les autres congrégations en 1901 ;
  • en Suisse, c'est seulement en 1973 que fut abrogée l'interdiction constitutionnelle de l'activité des Jésuites. L'interdiction remontait à 1848 et fut le résultat de la guerre du Sonderbund, au début de la Suisse moderne. Avec le Kulturkampf pour toile de fond, le bannissement des Jésuites avait été confirmé par les articles d'exception lors de la révision constitutionnelle de 1874.

La Norvège était interdite aux jésuites jusqu'en 1956.

Ces bannissements n'empêchèrent pas la Compagnie d'investir de nouveaux champs. Les missions reprirent en Amérique du Nord ou à Madagascar. Les Jésuites y fondèrent des universités au cours du XIXe siècle.

Époque contemporaine

Neuf prêtres jésuites, dont cinq français, font partie des Justes parmi les nations[16]. Maurice Schumann déclara à la BBC au sujet de Pierre Chaillet : « Vous avez été notre 18 juin spirituel ! ».

Ils lancèrent par ailleurs des revues intellectuelles comme Études et son supplément Recherches des Sciences Religieuses et la revue Jésuites de France en France, Relations au Québec , la Civiltà Cattolica en Italie, Geist und Leben en Allemagne et Choisir en Suisse.

Cet ordre fut également espionné. Un communiste infiltré en 1937 à la demande du Parti communiste italien donna des informations à l'Union Soviétique jusqu'à sa découverte en 1952[17].

Après la Seconde Guerre mondiale, les Jésuites allèrent finalement au Tchad ou au Japon.

Au 1er janvier 2005, la Compagnie de Jésus regroupe 19 850 membres répartis dans 112 pays dans le monde[18] contre 35 000 en 1964. En termes d'effectifs, elle est le deuxième ordre religieux catholique, après les Franciscains et avant les Dominicains.

En perte de vitesse en Europe, les Jésuites sont maintenant majoritairement en Asie (3 500 en Inde), en Amérique latine et en Afrique. La Compagnie de Jésus est également confrontée à la concurrence d'ordres plus récents. 900 novices sont en formation.

Son actuel supérieur, élu[19] par la 35e congrégation générale de janvier 2008, est Adolfo Nicolás, d'origine espagnole, succédant à Peter Hans Kolvenbach qui, à sa demande, fut déchargé de sa mission (7 janvier 2008).

En France, la Compagnie publie régulièrement ses travaux dans plusieurs revues dont les plus connues sont Etvdes, Christus et Projet. Elle est également active dans l'enseignement scolaire (dix-sept établissements dont le lycée Saint-Louis-de-Gonzague à Paris) et supérieur (cinq établissements dont les célèbres classes préparatoires du lycée privé Sainte-Geneviève à Versailles). Elle possède ses propres facultés de théologie et de philosophie, regroupées dans le Centre Sèvres, à Paris.

En Belgique, la Compagnie publie dans la revue la N.R.T. La Nouvelle Revue Théologique[20]. Elle possède ses propres facultés de théologie et de philosophie, dont I.E.T. : la Faculté de Théologie de la Compagnie de Jésus à Bruxelles[21].

Aux États-Unis, la compagnie de Jésus publie depuis 1909 la revue hebdomadaire America, considérée comme modérée, voire libérale, dans ses prises de positions au sein de l'Église catholique[22].

Spiritualité

La spiritualité de la Compagnie repose sur les Exercices spirituels composés par Ignace de Loyola et se caractérise par une obéissance stricte, au pape en particulier, et un grand zèle apostolique.

La devise de la Compagnie : Ad majorem Dei gloriam (« Pour une plus grande gloire de Dieu »), explique la diversité des tâches auxquelles s'adonnent les Jésuites. Outre l'enseignement, qui s'étend à tous les niveaux, ils pratiquent la prédication, sont missionnaires, directeurs de conscience, enseignent la théologie, effectuent des recherches scientifiques, etc.

Gouvernement

La Compagnie de Jésus est organisée selon les Constitutions édictées par Ignace de Loyola entre 1541 et 1558, qui n'ont pas changé jusqu'en 1965[23].

Elle est dirigée par un Praepositus Generalis, c'est-à-dire un Supérieur général, communément appelé Père général ou Général[24], qui est élu jusqu'à sa mort ou à sa démission. Il est confirmé par le pape et dispose d'une autorité absolue sur la Compagnie. Sous ses ordres se trouvent des « assistants » dont les tâches sont réparties par zones géographiques ou par ministère (par exemple l'enseignement) et qui forment le Conseil consultatif auprès du Général.

Un vicaire général assisté d’un secrétaire de la Compagnie s'occupe de l'administration quotidienne de la Compagnie.

L' « admoniteur » du Supérieur général a un rôle privé et confidentiel. Il ne participe pas au gouvernement de la Compagnie.

La Compagnie est divisée en « provinces » géographiques, chacune sous les ordres d'un supérieur provincial qui est choisi par le Général et a autorité sur tous les Jésuites et les ministères de sa zone. Il est assisté d'un socius, équivalent d'un secrétaire général chargé de l'administration.

Chaque communauté est gouvernée par un recteur assisté d'un « ministre » (le mot latin signifie « serviteur »).

La Congrégation générale est la réunion de tous les « assistants », des supérieurs provinciaux et de représentants élus par les profès. Elle se réunit irrégulièrement, le olus souvent pour élire un nouveau Supérieur général ou pour résoudre des problèmes majeurs concernant la Compagnie.

La Curie générale de la Compagnie est située à Rome au Borgo Santo Spirito 4.

Enseignement

Article détaillé : Collèges et lycées de jésuites.

Ignace de Loyola avait insisté pour que les membres de la Compagnie aient un bon niveau de culture générale. Très vite l'enseignement est devenu une activité importante : en 1548, à Messine (Sicile), s'ouvre la première maison de formation pour jeunes appelée "collège". En 1551, c'est la création du Collège romain à Rome. À la mort du fondateur (1556), les Jésuites dirigent 45 collèges ; en 1580, il existe 144 collèges jésuites, dont 14 en France. L'expérience vécue dans les premiers collèges est codifiée en une sorte de charte de l'éducation : le Ratio Studiorum.

Dans les années 1740, les Jésuites dirigent plus de 650 collèges en Europe, et ils ont la charge de 24 universités et de plus de 200 séminaires et maisons d'étude.

Une opinion de Voltaire sur l'éducation qu'il avait reçue

Voltaire, qui a souvent prêché le pour et le contre et que Faguet a qualifié de « chaos d'idées claires », a écrit contre les Jésuites de nombreux passages que tout le monde connaît. Ancien élève du collège de Louis le Grand, où le père Charles Porée lui enseigna la rhétorique et sut l'encourager, Voltaire a également écrit des textes que l'on cite moins souvent :

« J'ai été élevé pendant sept ans chez des hommes qui se donnent des peines gratuites et infatigables à former l'esprit et les mœurs de la jeunesse. Depuis quand veut-on que l'on soit sans reconnaissance pour ses maîtres ? Quoi ! il sera dans la nature de l'homme de revoir avec plaisir une maison où l'on est né, le village où l'on a été nourri par une femme mercenaire, et il ne serait pas dans notre cœur d'aimer ceux qui ont pris un soin généreux de nos premières années ? Si des Jésuites ont un procès au Malabar avec un capucin, pour des choses dont je n'ai point connaissance, que m'importe ? Est-ce une raison pour moi d'être ingrat envers ceux qui m'ont inspiré le goût des belles-lettres, et des sentiments qui feront jusqu'au tombeau la consolation de ma vie ? Rien n'effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est également cher à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit l'étude et la vertu plus aimables. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses ; et j'aurais voulu qu'il eût été établi dans Paris, comme dans Athènes, qu'on pût assister à de telles leçons ; je serais revenu souvent les entendre. J'ai eu le bonheur d'être formé par plus d'un Jésuite du caractère du père Porée, et je sais qu'il a des successeurs dignes de lui. Enfin, pendant les sept années que j'ai vécu dans leur maison, qu'ai-je vu chez eux ? La vie la plus laborieuse, la plus frugale, la plus réglée ; toutes leurs heures partagées entre les soins qu'ils nous donnaient et les exercices de leur profession austère. J'en atteste des milliers d'hommes élevés par eux comme moi ; il n'y en aura pas un seul qui puisse me démentir... »

— Lettre au père de Latour ; à Paris, le 7 février 1746.

Voltaire a écrit plusieurs fois au père Porée, dont une lettre du 15 janvier 1729 où se trouve cette formule :

« Vous m’avez appris à fuir les bassesses, à savoir vivre, comme à savoir écrire. »

Une opinion de Pierre Larousse

La devise de la Compagnie, Ad maiorem Dei gloriam, dont les initiales AMDG servaient d'épigraphe à la plupart des livres qui émanaient d'elle, inspire ces propos à Pierre Larousse :

« Au temps où florissaient à Montrouge et à Saint-Acheul les maisons d'éducation de la Compagnie de Jésus, la célèbre devise jouait un rôle important dans la discipline. Le révérend père fouetteur (ceux qui ont été placés sous sa main pourraient l'attester) avait fait graver les quatre initiales sur le manche du terrible martinet. La gent écolière était fouettée ad majorem Dei gloriam, gloire dont elle se serait sans doute fort bien passée. »

Notes et références

  1. En nette décroissance comme la plupart des ordres religieux, la Compagnie comportait 36000 membres en 1965 et 25200 en 1987 (cités par Alain Guillermou, dans Les Jésuites PUF réed de 1992)
  2. « Il est bon de rappeler dans quelle intention la Compagnie a fait le vœu d'obéir, sans alléguer d'excuse, comme au Souverain Vicaire du Christ : il s'agissait d'être envoyé parmi les fidèles ou les infidèles, partout où il jugerait que ce serait utile pour une plus grande gloire divine et un plus grand bien des âmes. » Septième partie des Const., N° 603.
  3. Il fut ultérieurement réinterprété comme "Ièsous hèmôn sôter", "Iesus Hominis Salvator" ("Jesus Sauveur de l'homme") ou "Iesum Habemus Socium" ("Nous avons Jésus comme compagnon").
  4. J. W. O'Malley, I primi Ggesuiti, p. 85, Vita e pensiero, Milano 1999. ISBN 88-343-2511-7.
  5. Guerrino Pelliccia e Giancarlo Rocca (curr.), Dizionario degli Istituti di Perfezione, vol. IV (1977), col. 1146-1148, art. M.I. WetterEdizioni paoline, Milano, 1974-2003.
  6. Le terme de « Jésuite » est antérieur à la fondation de la Compagnie. À la fin du Moyen Âge, en Europe, on rencontrait déjà le mot latin jesuita dans le sens de « bon chrétien », disciple de Jésus. Au XIVe siècle, Ludolphe le Chartreux, dans sa Vita Christi, écrivait : « Au ciel, nous serons appelés jésuites par Jésus lui-même, c'est-à-dire "sauvés par le Seigneur" ». Par dérision, ceux qui se posaient trop visiblement en « bons chrétiens » étaient qualifiés de « jésuites ».
  7. Lettre du 24 juillet 1537, de Venise, dans MHSI, vol. 22, p.119.
  8. On parlait de « Prêtres réformés » en Italie du Nord, d’« Apôtres » au Portugal (ce qui déplut au commentateur officiel des Constitutions, Jérome Nadal, qui rappela qu’il n’y avait que douze apôtres), d’« Ignaciens » en Espagne (Ignace s’y opposa), de « Paulistes » à Goa (par association au collège Saint-Paul fondé par François Xavier)...
  9. Lettre à l'empereur Oswald II, de Cologne, in Epistulae, Fribourg, 1896, p.134.
  10. Il semble que les luthériens, ironisant sur le nom officiel de « Compagnie de Jésus », aient cherché à rétablir le sens péjoratif du mot.
  11. http://www.abayezuwiti.com/vocation1.htm
  12. Cité par Jean Lacouture, Jésuites, Seuil, 1991, t. I, p. 364.
  13. Voir le film Mission dénonçant l'esclavagisme et l'impérialisme des colons face aux Indiens.
  14. Jesuit AU
  15. en 1878, 1514 Jésuites étaient répartis sur 46 établissements cf. État des congrégations autorisées ou non (1085 Jésuites en 1861, cf. Recensement spécial des communautés religieuse)
  16. Righteous.
  17. (fr) Les « mesures actives » Soviétiques contre Pie XII, Gérald Arboit, 5 janvier 2010, Centre Français de Recherche sur le Renseignement
  18. Agenzia Fides – Europe / Italie – Le nombre des Jésuites est de 19 850 : confirmation de la tendance des dernières années, d’une diminution du nombre des prêtres et des frères
  19. (fr) « Les Jésuites élisent Adolfo Nicolás comme supérieur général » sur Wikinews, le 21 janvier 2008.
  20. Site de la revue Nouvelle Revue Théologique
  21. Site de la "Faculté de Théologie de la Compagnie de Jésus à Bruxelles
  22. Site de la revue America
  23. *Constitutions de la Compagnie de Jésus.
  24. Ou encore « pape noir » en référence à la couleur de son habit et au pouvoir illimité qu'on lui prêtait.

Bibliographie

En langue française

Textes classiques
  • Alexandre Brou, Les Jésuites de la légende, Retaux, 1906
  • Alexandre Brou, Cent ans de missions, 1815-1934 : Les Jésuites missionnaires aux XIXe et XXe siècles, éd. Spes, 1935
  • Jules Michelet et Edgar Quinet, Des Jésuites : Des Jésuites de J. Michelet et E. Quinet sur Gallica
  • Henri Fouqueray, sj, Histoire de la Compagnie de Jésus en France, des origines à la suppression (1528-1762), 5 vol., Picard, 1910-1925
  • Joseph de Guibert, sj, La Spiritualité de la Compagnie de Jésus, BIHSI, Rome, 1953
Essais contemporains
Articles
Ouvrages généraux

Autres langues

  • (en) William Bangert, A History of the Society of Jesus, Institute of Jesuit Sources, 1986 ISBN 0912422742
  • (en) James Brodrick, sj, The Origin of the Jesuits, Loyola Press, rééd. 1997 ISBN 0829409300
  • (en) James Brodrick, sj, The Progress of the Jesuits, 1556-79, Loyola Press, 1986 ISBN 0829405232
  • (en) Harro Höpfl, Jesuit Political Thought : the Society of Jesus and the State, c. 1540–1630, Cambridge University Press, 2004 ISBN 0521837790.
  • (en) John O'Malley, The First Jesuits, Harvard University Press, 1993 ISBN 978-0674303133
  • (en) John O'Malley (dir.), The Jesuits : Cultures, Sciences and the Arts, 1540-1773 ; t. 1, 1999 ; t. 2, 2006, Toronto University Press
  • (en) Agustín Udias, Searching the Heavens and the Earth: The History of Jesuit Observatories (Astrophysics and Space Science Library), Berlin, Springer, 2003 ISBN 140201189X

Littérature et cinéma

Romans

Films

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