Abdelwahab Meddeb

Abdelwahab Meddeb
Abdelwahab Meddeb
Abdelwahab Meddeb en dédicace à la Comédie du Livre à Montpellier en 2011
Abdelwahab Meddeb en dédicace à la Comédie du Livre à Montpellier en 2011

Activités romancier, poète, essayiste, traducteur, universitaire
Naissance 1946
Tunis, Tunisie
Langue d'écriture français
Distinctions Prix François-Mauriac (2002)
Prix Max Jacob (2002)
Prix Benjamin-Fondane (2007)

Abdelwahab Meddeb (عبد الوهاب المدب), né en 1946 à Tunis, est un écrivain, poète et animateur de radio franco-tunisien.

Directeur de la revue internationale et transdisciplinaire Dédale, il enseigne la littérature comparée à l'Université Paris-X. Il anime également l'émission hebdomadaire Cultures d'islam sur France Culture[1].

Sommaire

Généalogie

Sa généalogie associe du côté de sa mère une lignée patricienne tunisoise — son grand-père Belhaj est d'origine tripolitaine et sa grand-mère Lasram d'origine yéménite — et du côté de son père une famille active dans les souks de Tunis et dans la grande mosquée et université de la Zitouna (fondée au milieu du IXe siècle). D'origine morisque[réf. nécessaire], comptant parmi les crypto-musulmans expulsés d'Espagne suite au décret promulgué par le roi Philippe III le 22 septembre 1609, les aïeux paternels trouvent d'abord refuge au Maroc où leur descendance séjourne plus d'un siècle avant de s'établir à Tunis dans le dernier quart du XVIIIe siècle, après une résidence à Zaghouan, gros bourg de fondation morisque à 50 kilomètres au sud de Tunis.

Son grand-père, le cheikh Mokhtar Meddeb, a été professeur (mudarris) des lectures coraniques (’ilm al-qira’ât) à la Zitouna et son père, le cheikh Mustapha Meddeb[2], l'a été en principes du droit (uçûl al-fiqh) mais participa aussi dans les années 1930 au monde littéraire de Tunis en composant des poèmes inspirés par le lyrisme du groupe cairote Apollo.

Biographie

Abdelwahab Meddeb grandit dans une famille traditionnelle, conservatrice et pieuse. Il commence à apprendre le Coran sous l'autorité de son père dès l'âge de quatre ans puis entre à l'école franco-arabe de Tunis deux ans après[2], dans une annexe du Collège Sadiki consacrée à l'enseignement primaire. À partir de quatorze ans, il se passionne pour la littérature française[2] en lisant ses grands classiques. Après trois années à l'Université de Tunis, il entame des études de lettres et d'histoire de l'art à l'Université Paris Sorbonne-Paris IV et s'établit à Paris en 1967[2] où il vit depuis. Il obtient au terme de ces études une licence en 1969 et une maîtrise de lettres en 1970[2].

Parmi ses premières publications datant du milieu des années 1970 figurent des essais (parus notamment dans Les Cahiers du cinéma et Les Temps modernes) et des poèmes (édités par la revue Change). Entre 1972 et 1973, il collabore avec la maison d'édition Dictionnaires Le Robert pour des notices concernant l'islam et l'histoire de l'art[2]. Entre 1973 et 1974, il devient lecteur aux Éditions du Seuil[2]. De 1974 à 1988, il est conseiller littéraire et directeur de collection aux éditions Sindbad[2] et contribue à faire connaître les auteurs classiques des littératures de langue arabe et persane ainsi que les grandes voix du soufisme.

En 1983, il traduit en français le roman Saison de la migration vers le nord de Tayeb Salih[3]. De 1987 à 1995, il enseigne à titre de professeur invité et maître de conférences aux universités de Genève, de Yale, de Florence et de Paris-Descartes en tant que spécialiste de littérature comparée (Europe et monde islamique), de littérature arabe francophone et d'histoire du soufisme[2]. En 1991, il soutient à l'Université d'Aix-Marseille une thèse de doctorat s'intitulant « Écriture et double généalogie », la « double généalogie » étant celle de l'Europe des Lumières et du monde arabo-islamique[2]. Il donne également des cours à l'École supérieure d'électricité et dirige un programme de recherches à la Fondation Transcultura[2].

Entre 1992 et 1994, il codirige la revue Intersignes avec le psychanalyste Fethi Benslama et fonde en 1995 sa propre revue baptisée Dédale[2]. En 1997, il fonde également une collection du même nom à la maison d'édition Maisonneuve et Larose[2]. À partir de 1995, il enseigne la littérature comparée (Europe et monde islamique) à l'Université Paris-X[2]. À la demande de Patrice Gélinet, alors directeur de la station radiophonique France Culture, il crée en octobre 1997 l'émission hebdomadaire Cultures d'islam[2]. Depuis, il participe également, en tant qu'auteur et chercheur, à de nombreux débats ou séminaires consacrés aux rapports entre l'islam et l'Europe et collabore à plusieurs revues, dont Esprit ou Communication[2]. Il a également collaboré à deux films : La Calligraphie arabe (1986) de Mohamed Charbagi et Miroirs de Tunis (1993) de Raoul Ruiz[2]. Il a en outre traduit certaines œuvres de soufis tels que notamment Sohrawardi ou Abû Yazid al-Bistami[4].

Abdelwahab Meddeb est le père de la journaliste Hind Meddeb.

Œuvre

Dans son œuvre polymorphe et transgénérique (allant du poème à l'essai en passant par le roman), il s'attache à honorer ce qu'il appelle sa « double généalogie », européenne et islamique, française et arabe. Son œuvre, transfrontalière, agit sur le lecteur selon une poétique et une esthétique de l'interstitiel, en quête de ce qui interfère entre les langues et les cultures, entre les credos et les imaginaires. Sa visée tend à concilier la découverte de l'inouï en maintenant l'entretien avec les Anciens, quelle que soit leur origine : cette conversation avec les morts mêle les voix des présocratiques à celles des soufis, celles des poètes arabes et persans à celles des poètes médiévaux appartenant aux diverses traditions romanes auxquels il convient d'ajouter ce qui nous parvient des maîtres de la Chine et du Japon classiques. Cependant, Meddeb accorde une place privilégiée aux échos qui résonnent entre les textes d'Ibn Arabî et ceux de Dante à travers lesquels il perçoit les ancêtres de son croisement culturel. Ses derniers essais confirment un engagement tranché et radical contre l'exclusivisme belliqueux de l'intégrisme qu'il diagnostique comme étant la « maladie de l'islam ». Son œuvre, quels qu'en soient le support et les enjeux, traduite dans une vingtaine de langues, reste ouverte sur l'horizon cosmopolitique d'une weltliteratur toujours à venir, qu'il enrichit par le désenclavement des références arabes et islamiques.

Islam et modernité

Lors du débat qu'il tient face à Tariq Ramadan, pendant l'émission Ce soir (ou jamais !) du 30 janvier 2008[5], Meddeb explicite la condition pour concilier l'islam avec la modernité. Pour lui, seule l'avancée vers la laïcité peut dégager l'islam des archaïsmes qui l'entravent. Il appelle donc au dépassement de la charia et à l'abrogation du jihad (fût-il défensif) par l'islam officiel, c'est-à-dire celui des États. Il explique aussi que l'accès à la modernité exige une rupture avec sa propre origine qui engendre un « travail du deuil » dans la « douleur de la scission » (Hegel). Ainsi sauve-t-il de l'islam sa dimension spirituelle et l'éthique de la nuance théorisée et vécue par les maîtres du soufisme. Un tel legs spirituel s'accommoderait parfaitement avec la condition moderne et participerait même à son enrichissement. Meddeb appelle donc les musulmans à élaborer une « transmutation des valeurs » (Nietzsche) qui devrait les amener à cesser de juger les actes et les paroles sur le seul critère dichotomique du châtiment et de la récompense, de l'Enfer et du Paradis. Les recours à de telles références élémentaires appauvrissent à ses yeux le champ de l'expérience intérieure et la réduisent à un « marchandage de bazar » tout en renforçant la censure sociale et la police des mœurs : ce sont là pour lui des tentations intégristes attentatoires à la liberté individuelle et à l'intégrité du corps, lesquelles constituent les deux acquis précieux de la modernité dont l'islam ne peut éluder ni différer l'adoption.

Prix littéraires

En 2002, il reçoit le Prix François-Mauriac pour La maladie de l'islam et le Prix Max Jacob pour son recueil de poésies Matière des oiseaux[2]. En 2007, il reçoit le Prix Benjamin-Fondane pour Contre-prêches[2].

Publications

  • Talismano, éd. Christian Bourgois, Paris, 1979
  • Phantasia, éd. Sindbad, Paris, 1986
  • Tombeau d'Ibn Arabi, éd. Noël Blandin, Paris, 1987
  • Les Dits de Bistami, éd. Fayard, Paris, 1989
  • La Gazelle et l'enfant, 1992
  • Récit de l'exil occidental par Sohrawardi, 1993
  • Les 99 stations de Yale, 1995
  • Image et l'Invisible, 1995
  • Ré Soupault. La Tunisie. 1936-1940, 1996
  • Blanches traverses du passé, 1997
  • En Tunisie, avec Jellal Gasteli et Albert Memmi, 1998
  • Aya dans les villes, éd. Fata Morgana, Saint-Clément-de-Rivière, 1999
  • Matière des oiseaux, 2002
  • La Maladie de l'islam, éd. du Seuil, Paris, 2002
  • Face à l'islam, entretien avec Philippe Petit, éd. Textuel, Paris, 2003
  • Saigyo. Vers le vide avec Hiromi Tsukui, 2004
  • L'Exil occidental, éd. Albin Michel, Paris, 2005
  • Tchétchénie surexposée avec Maryvonne Arnaud, 2005
  • Contre-prêches, éd. du Seuil, Paris, 2006
  • Islam, la Part de l'Universel, 2006
  • La Conférence de Ratisbonne : enjeux et controverses, avec Jean Bollack et Christian Jambet, éd. Bayard, Paris, 2007
  • Sortir de la malédiction. L'islam entre civilisation et barbarie, éd. du Seuil, Paris, 2008
  • Pari de civilisation, éd. du Seuil, Paris, 2009
  • La plus belle histoire de la liberté, avec Nicole Bacharan et André Glucksmann, 2009
  • Les femmes, l'amour et le sacré, ouvrage collectif, avec notamment Michael Barry, Jean Clair et Olivier Germain-Thomas, 2010
  • Le voyage initiatique, ouvrage collectif, avec notamment Giorgio Agamben, Jean-Luc Nancy et Barbara Cassin, 2011
  • Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire, éd. Albin Michel, Paris, 2011

Notes et références

Bibliographie

  • Abdellatif El Alami, Métalangage et philologie extatique : essai sur Abdelwahab Meddeb, éd. L'Harmattan, Paris, 2000 (ISBN 978-2-7384-9373-6)

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