Criminologie

Criminologie
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Une du supplément illustré du Petit Journal (24 mai 1908).

La criminologie (du latin crimen, « accusation, grief » et du grec ancien λόγος (logos), « science, discours ») est la science[1] qui étudie les facteurs et les processus de l'action criminelle et qui détermine, à partir de la connaissance de ces facteurs et de ces processus, les moyens de lutte les meilleurs pour contenir et si possible réduire ce mal social[2].

La criminologie est un champ de recherches pluridisciplinaire qui fait appel à de nombreuses autres disciplines allant de la psychologie, au droit en passant par la sociologie ou l'économie. Enseignée dans de nombreuses universités, elle est parfois désignée par les vocables "sciences criminelles" en français, ou "forensic sciences" en anglais.

Le spécialiste en criminologie est le criminologue.

Sommaire

Histoire

Si le premier livre utilisant le terme dans son titre est celui de Raffaele Garofalo en 1885, il reste cependant difficile de déterminer avec précision la date de naissance de la criminologie, chaque auteur semblant "choisir" la date qui correspond le mieux à sa conception même de la discipline[3]. S'il n'y a pas de consensus sur cette question, il est toutefois possible d'identifier quelques grands mouvements qui ont particulièrement influencé la question de l'étude du crime et du criminel et qui l'influencent encore aujourd'hui.

L'École classique (Beccaria, Bentham, etc.)

L'École classique s'est développée au XVIIIe siècle notamment sur la base d'une philosophie utilitariste. Les principaux représentants de ce courant sont Cesare Beccaria et Jeremy Bentham.

Cesare Beccaria (1738 - 1794) expose sa philosophie politique et juridique dans son ouvrage majeur intitulé Des délits et des peines. L'auteur y développe la notion de responsabilité individuelle, de libre arbitre et de prophylaxie sociale. Il y exprime également ce que l'on appelle aujourd'hui le principe de légalité[4], s'y oppose à la peine de mort et y prône l'éducation comme le meilleur moyen de lutte contre la délinquance.

L'autre grand nom de ce courant de pensées est Jeremy Bentham (1748-1832), père de la philosophie utilitariste et inventeur du panoptique (architecture en forme d'étoile utilisée pour les prisons et dont l'aspect criminologique est bien expliqué par Michel Foucault[5]). Sa conception pose que chaque individu recherche le plaisir et tente d'éviter la peine. La personne calcule donc chacune de ses actions en fonction de ce couple coût (peine) / bénéfice (plaisir)[6]. En partant de ce principe, la fonction dissuasive de la peine est mise en avant.

École positiviste italienne

Ce n'est pourtant pas cette école qui est considérée comme le commencement officiel de la criminologie comme science du crime (ou criminologie moderne). Le père officiel de cette science se nomme Cesare Lombroso (1835-1909). C. Lombroso a ouvert la deuxième voie de la criminologie, il s'agit de l'"école positiviste". À l'inverse de la première école, celle-ci estime que l'individu est entièrement sous contrôle de sa nature, de son état psychologique et de son environnement social. Pour Lombroso, il n'est pas question de libre arbitre. Outre la partie théorique développée dans de nombreux ouvrages, tel que "l'homme criminel", Lombroso fut entre autres le fondateur de la polygraphie, vulgairement appelé "détecteur de mensonge". Cette école s'est enrichie des apports de la médecine, de la biologie et de l'anthropologie.

Plus tard, la psychologie, la psychologie environnementale, psychologie sociale et autres vont donner naissance à une nouvelle branche: la psychocriminologie.

Malgré toute cette avancée et une histoire commençant en 1764, la criminologie n'a été reconnue comme science indépendante que très tardivement. En effet, pour être reconnue comme science, il fallait en premier qu'elle ait les outils d'une science, et en second qu'elle ait la reconnaissance extérieure en tant que telle. Ce qui donna sa valeur en tant que science à la criminologie, c'est la sociologie (voir Auguste Comte et Émile Durkheim). La méthodologie en criminologie est entièrement empruntée à la sociologie. D'un autre côté, ce qui lui donnera sa reconnaissance en temps que discipline indépendante, ce sont les travaux ininterrompus de l'école de Chicago au milieu et à la deuxième moitié du XXè siècle.

Champs d'action de l'étude criminologique

A l'origine, dans la moitié du XIXe siècle, la criminologie est d'abord un discours sur le crime et la criminalité, ce qui en fait un des premiers champs d'étude de la sociologie. Mais, comme depuis le siècle des Lumières, d'une part des juristes s'intéressent au sort que l'on doit réserver aux délinquants (voir Beccaria, Hélie Faustin), d'autre part des médecins cherchent à comprendre et à traiter l'esprit criminel (voir Pinel), très rapidement la criminologie s'est développée dans la direction de la compréhension du criminel (voir Lombroso, Ferri, Lacassagne) et un peu plus tard celle de sa victime.

C'est ainsi que depuis la fin du XIXe siècle, on peut dire que la criminologie au sens large est la science dont l'objet polymorphe est constitué par tout ce qui touche le phénomène criminel, soit aux premiers chefs le crime, la criminalité, le criminel et sa victime, mais aussi et par extension la prévention du crime, la réaction sociale face au crime, la place des victimes dans le processus criminel, les instances de lutte au crime, le contrôle de la déviance, l'étude de la violence physique ou morale, etc. Sur ce vaste et multiple objet, la criminologie a eu du mal à développer son monopole méthodologique et son autonomie scientifique. Dès son origine, elle a été tiraillée par des mouvements tantôt centripètes tantôt centrifuges. Les premiers ont favorisé le passage des disciplines mères à une science autonome ; on a vu, par exemple, la sociologie criminelle devenir la criminologie sociologique, la psychologie criminelle se transformer en criminologie psychologique, la biologie criminelle muer en biocriminologie. Mais, à l'inverse, surtout à la fin du XXe siècle, on a vu croître la tendance au développement de disciplines spécialisées telles que la victimologie, les sciences policières, la polémologie, la génétique criminelle, le profilage criminel, etc.

Prix décernés en criminologie

Le Prix Gabriel Tarde récompense l'auteur français ou étranger, d'un ouvrage de criminologie en français, publié en première édition ou non encore publié. Depuis l'origine (1972), le Prix Gabriel Tarde est financé par le ministère de la Justice. Le prix est d’une valeur de 3000 euros.

L'Association internationale des criminologues de langue française (AICLF) remet tous les deux ans, lors des ses colloques, deux prix : le prix Fernand Boulan récompense "l'excellence et l'originalité"[7] des travaux de jeunes criminologues ; le prix Beaumont-Tocqueville récompense quant à lui des personnalités qui se sont "distinguées au cours de leur vie dans la recherche criminologique et dans les réformes de la politique criminelle"[8].

Notes et références

  1. Le statut de la criminologie fait encore débat. Ce point sera abordé dans la suite de l'article.
  2. Raymond Gassin, La Criminologie [détail des éditions] , 2007, p.36
  3. A. P. Pires 1998
  4. « Nullum crimen nulla poena sine lege » (en français : « Pas de crime, pas de punition sans loi ») aujourd’hui qualifiée en droit pénal de principe de légalité, la formule ne sera forgée que plus tard (par P. J. A. von Feuerbach). De plus l'idée avait déjà été formulée (sans doute pour la première fois par Thomas Hobbes), mais Beccaria lui donne une importance inédite.
  5. Michel Foucault, Surveiller et punir : Naissance de la prison [détail des éditions] 
  6. J. Bentham 1811, Tome 1, Livre 1, Chap.3 : Du but des peines
  7. AICLF, « Prix Fernand Boulan ». Consulté le 07/10/2011
  8. AICLF, « Prix Beaumont-Tocqueville ». Consulté le 07/10/2011

Bibliographie

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : Ouvrage utilisé comme source pour la rédaction de cet article

  • Jeremy Bentham, Théorie des peines et des récompenses, t. 1, 1811 [lire en ligne (page consultée le 29/08/2011)] Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article 
  • Robert Cario, Introduction aux sciences criminelles : Pour une approche globale et intégrée du phénomène criminel, L'Harmattan, coll. « Traité de sciences Criminelles », octobre 2008, 6e éd., 350 p. (ISBN 978-2296067714) [présentation en ligne] 
  • Raymond Gassin, La Criminologie [détail des éditions]  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Laurent Mucchielli, « L’impossible constitution d’une discipline criminologique en France : cadres institutionnels, enjeux normatifs et développements de la recherche des années 1880 à nos jours », dans Criminologie, vol. 37, no 1, 2004, p. 13-42 (ISSN 0316-0041) [texte intégral (page consultée le 28 avril 2011)] 
  • Alvaro P. Pirès, « La criminologie d'hier et d'aujourd'hui », dans Christian Debuyst, Françoise Digneffe, Jean-Michel Labadie et Alvaro P. Pires, Histoire des savoirs sur le crime et la peine : Tome 1. Des savoirs diffus à la notion de criminel-né, Éditions Larcier, coll. « Crimen », 1998, 399 p. (ISBN 9782804430016) [lire en ligne (page consultée le 29/08/2011)], p. 13-67 
  • Jean Poupart et Alvaro P. Pirès, « La criminologie comme discipline scientifique », dans Criminologie, vol. 37, no 1, 2004, p. 3-11 (ISSN 0316-0041) [texte intégral (page consultée le 28 avril 2011)] 

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