Crise Du Logement

Crise Du Logement

Crise du logement

Le marché immobilier d’un pays est en situation de « crise du logement » lorsqu’il y existe un manque important de logement dû à une demande de logement beaucoup plus importante que l’offre. Les raisons peuvent en être de plusieurs natures : facteurs démographiques (accroissement naturel, exode rural), socioculturels (réduction de la taille des ménages) ou exogènes (catastrophe naturelle ou guerre).

Sommaire

Déterminants de l'apparition de crise du logement

Approche institutionnelle

Parmi les déterminants avancés pour expliquer la naissance d'une crise du logement, figurent notamment les points suivants :

  • Un rythme de construction inférieur ou inadapté à l'évolution de la démographie (accroissement général, taille des ménages, exode rural, etc.).
  • La faiblesse de l'intervention des collectivités (en termes de planification et de construction de logements et d'infrastructures) forme une des causes principales des crises du logement. En effet, seules les collectivités sont à même de pouvoir prévoir, structurer et organiser les grands mouvements de population. Au Maroc, par exemple, « la population urbaine est passée d'un peu plus de 3 millions d'habitants en 1960 à 17 millions d'habitants aujourd'hui. Conséquence : il manque un million de logements dans le pays. Dans toutes les grandes villes, l'habitat insalubre et illégal prolifère, les infrastructures et les équipements font défaut, les loyers s'envolent, comme les prix des terrains. » précise le quotidien Le Monde[1]
  • Dans les pays du Sud, faute de moyens ou de volonté, les collectivités laissent se développer des bidonvilles (par exemple les favelas au Brésil).
  • Dans les pays occidentaux, cette faiblesse publique se traduit surtout par le coûteux étalement urbain (mécanisme qui entretient la crise du logement) et une indépendance tardive des jeunes travailleurs.
  • Une construction immobilière, éventuellement spéculative, peu adaptée aux besoins (en termes de prix ou de répartition géographique).
  • Une répartition déséquilibrée des emplois disponibles, est également source de tensions sur l'immobilier.
  • Une destruction rapide et importante de logements, par exemple lors d'une guerre (c'est un des déterminants de la crise du logement en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale) ou lors de catastrophes naturelles de grande ampleur.

Approche libérale

Les économistes libéraux Milton Friedman et George Stigler affirment que les situations de « crise du logement » sont dues à une inadéquation entre offre et demande et plus spécifiquement à la rigidité de l'offre.

Ils soutiennent que l'offre est partiellement flexible : division d'appartements en plus petite surface ou, à l'inverse, regroupement en de plus grandes surfaces, reconversions de bureaux en logement et vice-versa. Selon eux, la demande est également flexible : la cherté relative influe sur la surface que les individus rechercheront, les décisions des jeunes adultes de quitter ou non le foyer familial ou incitera par exemple les couples à habiter ensemble plus précocement tandis que des pratiques telles que la colocation peuvent se développer. Les prix Nobel d'économie Milton Friedman et George Stigler soulignent que, en raison du séisme de 1906 qui avait détruit la moitié des logements de San Francisco, les logements restants durent accueillir 40% de gens en plus sans qu'aucune pénurie de logements soit observable[2]. L'absence de pénurie de logement ne signifie donc pas une absence de crise du logement. L'économiste libéral Henry Hazlitt soulignait la même chose dans L'économie politique en une leçon : « Si les propriétaires ont le droit d'augmenter leurs loyers pour tenir compte de l'inflation monétaire et des véritables conditions de l'offre et de la demande, les locataires individuels chercheront à faire des économies en prenant moins de place. Ceci permettra à d'autres personnes de partager les logements dont l'offre est réduite. Le même nombre de logements abritera plus de monde, jusqu'à ce que la pénurie prenne fin. ». En outre, l'inadéquation qui existe parfois peut être surmontée par la mobilité de la population.

A propos de la bulle immobilière américaine, l'économiste Edward Glaeser soutient dans ses travaux qu'elle est due principalement à la restriction sur l'offre de logement imposée par les municipalités à travers les permis de construction. La crise du logement n'a touché que quelques municipalités comme Boston ou San Francisco, dans lesquels la construction était encadrée, et non dans les villes où le marché immobilier était libre[3].

Solutions proposées pour résoudre une crise

Pour résoudre une crise du logement, il faut construire de façon à la fois importante et rapide. Les tenants d'une approche institutionnelle soulignent le rôle nécessaire de la puissance publique pour y parvenir. À l'inverse, les économistes libéraux suggèrent que les acteurs privés sont suffisants pour y parvenir.

Approche institutionnelle

Pour résoudre une crise du logement, il faut construire de façon à la fois importante et rapide. Les analystes de l'approche institutionnelle affirment que seule la puissance publique dispose des moyens d'impulsions et d'organisation nécessaires pour parvenir à cet but. Plusieurs solutions sont généralement envisagées :

  • La construction de grands ensembles. C'est la politique retenue en France à partir de 1955 pour résoudre la crise du logement du lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Elle est aussi massivement utilisée en Chine et dans plusieurs pays d'Asie ou en Europe orientale depuis 1991. Combinée à la construction de logements sociaux, cette politique est d'un usage délicat. Il est en effet nécessaire de l'éparpiller spatialement (ce qui n'a pas du tout été fait en France) et y doser une mixité sociale importante (classes populaires et classes moyennes, dans les mêmes bâtiments), pour éviter les mécanismes d'ostracisation étudiés par Loïc Wacquant[4]. Au contraire, comme le montre le sociologue, les grands ensembles ont été marqués à partir des années 1970 par un double mouvement : un retrait de la présence de l'État, important aux États-Unis et partiel (en France et par l'évolution du capitalisme (transformant le prolétariat en précariat). Ces deux phénomènes, presque concomitants ont fragilisé les populations habitants les grands ensembles.
  • La construction d'habitats denses et stéréotypés mais à hauteur modérée. Cette politique a été plus particulièrement choisie par les Pays-Bas, qui dispose d'un des parcs de logements sociaux les plus importants à l'échelle européenne. Elle se retrouve dans les centre-villes de Grande-Bretagne.
  • La construction de villes nouvelles, en tentant de développer ainsi des agglomérations multipolaires, tant du point de vue de l'emploi, que du logement. En France, c'est Paul Delouvrier qui dans les années 1960 impulse la planification, puis la construction de villes nouvelles. La Chine, confrontée à un très fort exode rural a construit 246 villes nouvelles entre 1990 et 2008. Le Maroc tente également de suivre la même voie pour résoudre sa forte crise du logement[5].
  • Dans les pays anglo-saxons, l'État a soutenu le développement de constructions individuelles, par exemple par les Housing Act de 1924 (Royaume-Uni) ou 1934 (États-Unis). Des banlieues pavillonnaires ont ainsi été développées depuis l'entre-deux guerres. Les coûts sociaux (faiblesse des économies d'échelle en termes de transport et de service public par exemple)[6], les coûts induits par les pertes (plus on s'éloigne du générateur et étend un réseau électrique, plus les pertes sont importantes[7], plus une ville s'étend et plus sa consommation énergétique est importante[8], etc.) et cachés (destruction accrue de biens publics environnementaux tels que terres arables, zones naturelles ou zones inondables[9], polarisation des zones urbaines (facteur de hausse du chômage et de criminalité) de cette politique d'étalement urbain en font une des plus critiquées à ce jour.

Approche libérale

Les économistes libéraux insistent généralement sur les freins mis par l'État à l'accroissement de l'offre de logement et défendent donc une politique visant à les réduire. L'Institut économique de Montréal résume la situation : « Si la crise se poursuit, c'est parce que les gouvernements n'ont toujours pas enclenché les réformes nécessaires pour permettre au marché privé du logement de répondre à la demande accrue des consommateurs. »[10]

Déréglementer

La règlementation publique peut également jouer un rôle important. De façon temporaire, l'évolution des normes de l'habitat peuvent avoir un effet sur le nombre de biens disponibles (interdiction de louer en dessous d'une certaine surface par exemple) ou sur leur prix (obligation de présence d'un certain nombre d'équipements de sécurité).

Pour certains analystes, la protection excessive des locataires par la règlementation peut jouer également un rôle néfaste pour les plus faibles : dans le cas français, l'économiste Étienne Wasmer affirme ainsi : « Un locataire et un propriétaire signant un bail s'engagent par un contrat lequel définit droits et obligations. Or, le non-respect des droits par l'une ou l'autre des parties est une difficulté transactionnelle majeure. Et en la matière, ce serait faire preuve d'angélisme que de faire porter le poids des dysfonctionnements du marché locatif sur les propriétaires. »[11]. Selon lui, la restauration d'une plus grande liberté contractuelle entre les différents agents permettrait de résorber les « crises du logement ».

Supprimer le contrôle des loyers

Parmi les explications souvent avancées pour expliquer la naissance d'une crise du logement, figure le contrôle des loyers. Ceux qui défendent le fait de subventionner la demande préfèrent des subventions visant directement les bénéficiaires, par un chèque-logement par exemple.

Les économistes Milton Friedman et George Stigler par exemple ont attaqué le contrôle des loyers : en se fondant sur la comparaison entre la résolution d'une crise du logement par le mécanisme des prix libres et par le contrôle des prix, ils écrivent que la libre fluctuation des prix est la solution la plus efficace pour offrir à tous un logement décent. Ce système a pour eux l'avantage de la simplicité, de la clarté et surtout de l'efficacité, en particulier car « les loyers élevés agissent comme un fort stimulant en faveur de nouvelles constructions ». À l'inverse, dans un système de contrôle des loyers, les amis du pouvoir profiteraient de ce contrôle, le contrôle des loyers n'étant in fine pour eux qu'un « rationnement par la chance et le favoritisme »[2].

À cela les auteurs ajoutent le défaut que les constructeurs n'ont plus le moindre intérêt à investir si les prix sont bloqués, et donc que la pénurie de logements, loin d'être réduite, sera amplifiée par le contrôle des loyers. Henry Hazlitt va dans le même sens qu'eux, écrivant ainsi : « [À cause du contrôle des loyers], on ne construit pas de nouveaux logements, parce qu'il n'y a plus de bonnes raisons de les construire ».

L'économiste péruvien Hernando de Soto applique cette même analyse au marché immobilier des pays en développement[12].

Refonder le logement social

Le souci d'une implication plus grande du secteur privé intéresse plusieurs observateurs. la fondation française de gauche réformiste Terra Nova propose par exemple que l'État incite les propriétaires privés à offrir des logements à des conditions favorables aux moins favorisés en prenant à sa charge le différentiel entre loyer du marché et loyer social[13]. L'Institut Montaigne, de tendance libérale modérée, propose une solution analogue, en y ajoutant une plus grande mobilité des occupants du parc de logements sociaux[14].

Crises du logement en France

Article détaillé : Crises du logement en France.

Notes et références

  1. Un projet de ville nouvelle est lancé pour désengorger Tanger, article de Grégoire Allix paru le 13 janvier 2009 dans le quotidien Le Monde.
  2. a  et b "Toits ou plafonds ? Le problème actuel du logement", in Popular Essays on Current Problems. Volume I, numéro 2 (septembre 1946)
  3. Ed Glaeser, The Impact of Zoning on Housing Affordability
  4. Loïc Wacquant, Parias urbains, Ghetto, banlieues, État, La Découverte, 2006, Paris.
  5. Un projet de ville nouvelle est lancé pour désengorger Tanger, article de Grégoire Allix paru le 13 janvier 2009 dans le quotidien Le Monde.
  6. Le modèle urbain américain confronté au modèle urbain parisien : deux approches métropolitaines précise ainsi que « les franges urbanisées [des métropoles américaines] souffrent souvent d’un manque d’équipement, de pollution due à la nécessaire utilisation de l’automobile, de saturation des voies de communication, et de destruction irraisonnée des paysages naturels. »
  7. History of Energy in the United States: 1635-2000, figure 7 sur le site de l'Energy Information Administration des États-Unis.
  8. « Plus la ville est dense, moins elle pollue. »
  9. Comment donner un prix à la nature ? article de Pascal Canfin paru dans Alternatives économiques n° 276, janvier 2009
  10. « Quelques mythes sur les causes de la crise du logement »
  11. Tribune dans Libération le 5 septembre 2006.
  12. Hernando de Soto, Le Mystère du capital, p.107
  13. Du logement social dans le privé
  14. HLM, parc privé - Deux pistes pour que tous aient un toit.
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