Croisade de 1239

Croisade de 1239
Croisade de 1239
Informations générales
Date 1239-1241
Lieu Terre Sainte
Casus belli risque d’attaque musulmane sur Jérusalem
Issue néant
Belligérants
Croisés Ayyoubides
Commandants
Armoiries Navarre-Champagne.svg Thibaud IV de Champagne, roi de Navarre
Richard of Cornwall Arms.svg Richard d’Angleterre, duc de Cornouailles
Al-Adil II Sayf ad-Din puis al-Salih Ayyub, sultans d’Égypte
Al-Salih Ismaël, émir de Damas
Croisades d'Orient
(Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, 1239, VIIe, VIIIe, IXe).
Batailles
Gaza

La croisade de 1239 est une expédition organisée par la noblesse française à la suite de l’appel du pape Grégoire IX visant à protéger Jérusalem. Bien préparée militairement, mal préparée diplomatiquement et dirigée par le comte de Champagne qui manquait de sens politique, elle n’apporta aucun résultat aux croisés. Pour des raisons mal connues[1], elle n’est pas considérée comme une croisade à part entière.

Sommaire

Contexte

En 1229, l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen, à la tête de la sixième croisade, avait obtenu du sultan ayyoubide Al-Kamil la restitution de Jérusalem aux Francs, mais un conflit avec Gérold de Lausanne, patriarche de Jérusalem, l’avait incité à quitter la ville sans faire rebâtir les fortifications. Il avait également conclu une trêve de dix ans qui arrive à échéance en juillet 1239. Le sultan Al-Kamil meurt le 8 mars 1238, laissant son royaume à ses fils qui se disputent la succession[2].

Inquiet de l’expiration de la trêve et aussi du fait que Jérusalem n’est pas défendable en cas d’attaque musulmane, le pape Grégoire IX fait prêcher une nouvelle croisade en France et en Angleterre, ne pouvant le faire dans l’empire en raison d’un conflit qui l’oppose à Frédéric II[3].

La croisade de Thibaut de Champagne

En France, de nombreux seigneurs répondent à l’appel : Thibaut IV, roi de Navarre et comte de Champagne, Hugues IV, duc de Bourgogne, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, Amaury VI, comte de Montfort, Guigues IV de Forez, comte de Nevers, Henri II, comte de Bar, Guillaume II de Joigny, Henri VI de Grandpré, Louis Ier, comte de Sancerre, Simon II de Clermont, seigneur de Nesle, Raoul de Clermont, Raoul Ier, comte de Soissons, Robert de Boves, Mathieu III, baron de Montmorency, …Thibaut de Champagne est promu chef de l’expédition[4].

L’empereur Frédéric II, qui avait mené la précédente croisade, laquelle s’était terminée sur un traité de paix, considère comme imprudent et déloyal de reprendre les hostilités sans avoir tenté de négocier avec la cour du Caire, et craint que les Musulmans prennent prétexte de la croisade pour reprendre Jérusalem. En échange de sa participation ou de celle de son fils Conrad[5], il demande aux croisés de différer leur départ d’un an, laissant aux diplomates le temps d’agir. Mais un nouveau conflit l’oppose au pape, qui l’excommunie en mars 1239, l’empêchant de mener à bien ce projet. Comme les croisés ne peuvent plus utiliser le port de Brindisi, qui se situe en territoire impérial, ils s’embarquent en août 1239 à Marseille pour la plus grande partie d’entre eux, quelques uns ayant choisi Aigues-Mortes et débarquent le 1er septembre 1239 à Saint-Jean-d’Acre [6].

Négligeant les conseils de Frédéric II et cédant à un romantisme des Croisades sans se soucier de la politique locale, les croisés négligent d’utiliser à leur profit les divisions des Musulmans et les querelles qui opposent les héritiers d’Al-Kamil. En réponse au débarquement des croisés, An-Nasir Dâ'ûd, malik de Transjordanie, marche immédiatement sur Jérusalem et reprend aisément la ville, les fortifications n’ayant jamais été reconstruites depuis le traité de 1229. Après avoir pris la Tour de David, il ordonne la destruction des restes des fortifications et fait raser la Tour de David[7].

À l’annonce de cette nouvelle, les croisés et la noblesse d’Orient tiennent conseil pour déterminer quel sera l’objectif de la croisade, entre l’Égypte et Damas, et à quel prétendant à la succession ayyoubide s’allier. Mais Thibaut de Champagne, refusant toute alliance avec les musulmans décide d’occuper les ruines d’Ascalon et d’en relever les fortifications, puis de marcher sur Damas, s’aliénant ainsi les Ayyoubides d’Égypte et de Syrie. Les croisés quittent Acre le 2 novembre en direction de Jaffa et d’Ascalon. Le 4 novembre, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, apprend le passage d’une riche caravane cheminant vers Damas, la pille avec Raoul de Soissons et revient à Jaffa avec un important butin[8].

Voulant rivaliser à cet exploit, le comte Henri de Bar, décide de partir à la tête d’un troupe de cinq cents chevaliers et mille cinq cents fantassins pour surprendre un détachement de soldats égyptiens envoyés en garnison à Gaza. Malgré les conseils de prudence de Thibaut de Champagne, il part accompagné d’Amaury de Montfort et de barons syriens comme Balian de Sidon, Jean d’Ibelin, seigneur d’Arsouf et Gautier IV de Brienne, comte de Jaffa. Ils arrivent rapidement à proximité de Gaza et installent leur camp avec inconscience, sans se préoccuper des troupes musulmanes. Silencieusement, le gouverneur de Gaza fait cerner le camp croisé par ses troupes et ses archers et lance le signal de l’attaque. Le comte de Jaffa, jugeant la situation désespérée et approuvé par Hugues IV de Bourgogne, conseille la retraite, mais Henri de Bar et Amaury de Montfort refusent de reculer. Alors que Gautier de Brienne et Hugues de Bourgogne font retraite et rejoignent Thibaut de Champagne sans encombre, Henri et Amaury chargent les Égyptiens. Henri de Bar est tué, ainsi que mille deux cents hommes, tandis qu’Amaury de Montfort est capturé et conduit en Égypte avec six cents autres prisonniers. Apprenant la nouvelle, Thibaut de Champagne interrompt les travaux de fortification d’Ascalon et retourne à Acre avec l’armée croisée[9].

Pendant ce temps, la guerre faisait rage entre les héritiers d’Al-Kamil. Al-Adil II Sayf ad-Din, sultan d’Égypte avait dû céder Damas à son frère al-Salih Ayyub avant l’arrivée des croisés, mais ce dernier avait été détrôné par son oncle Al-Salih Ismaël. Muzaffar Taqi ad-Din, un prince ayyoubide mineur et émir de Hama avait soutenu al-Salih Ayub et se trouve maintenant menacé par Al-Salih Ismail et son allié El-Malik el-Mojahed Shirkuh, émir de Homs. Cerné de toutes parts par ses cousins ennemis, Taqi ad-Din ne voit l’alliance avec les croisés que comme seule solution pour être sauvé et envoie à Thibaut Guillaume Champenes, un franciscain tripolitain lié d’amitié avec l’émir d’Hama et qui plaide la cause de Taqi ad-Din. Les croisés commencent à marcher à son secours et intimident ainsi les ennemis de Taqi d-Din, de sorte que ce dernier satisfait, coupe toute relation avec les croisés pour ne pas devoir leur céder de contrepartie[10].

Les états latins d'Orient de 1229 à 1241.

En Égypte, le sultan Al-Adil II est détrône le 31 mai 1240 par sa garde mamelouk alors qu'il s'apprête à livrer bataille à al-Salih Ayyub, ex émir de Damas, et à al-Nâsir Dâwud, malik de Transjordanie. Al-Salih Ayyub arrive au Caire le 19 juin et devient sultan. Inquiet de ce rebondissement, Al-Salih Ismaël, émir de Damas, qui décide de s'allier aux croisés et cède au royaume de Jérusalem les places fortes de Beaufort et de Safed, une partie de la Tibériade et promet de rendre tout le territoire du royaume dans ses frontières d'avant 1187. L'armée croisée se poste alors entre Jaffa et Ascalon pour défendre la Syrie contre l'Égypte. Mais cette alliance provoque le mécontentement d'une partie des troupes damascènes qui, au moment de livrer bataille, se rallient aux Égyptiens, obligeant les Francs à battre retraite. Les réticences à cette alliance existent également du côté franc car, depuis dix ans qu'il n'y a pas de roi, chaque groupe du royaume (barons, Vénitiens, Génois, Templiers, Hospitaliers, croisés, ...) a sa propre politique musulmane qui peut se heurter aux intérêt d'un autre groupe latin. Aussi Thibaut de Champagne décide-t-il de signer la paix avec l'Égypte et obtient en retour la libération des chevaliers emprisonnés depuis la bataille de Gaza, ainsi que la rétrocession d'Ascalon. Son armée s'embarque pour l'Europe à la fin du mois de septembre 1240[11].

La croisade de Richard de Cornouailles

Peu après le départ de Thibaut de Champagne et d'une partie de son armée[12], Richard de Cornouailles, frère du roi Henri III d'Angleterre et beau-frère de l'empereur Frédéric II, débarque à son tour en Terre Sainte. Il est tiraillé entre les influences des Hospitaliers, qui veulent que la paix avec l'Égypte soit respectée, et les Templiers qui voudraient d'une alliance avec Damas. Richard refuse d'arbitrer ces querelles d'influence et décide alors de soutenir Hugues IV de Bourgogne qui fait reconstruire Ascalon. Il négocie également avec Ayyoub qui, en échange de la rupture définitive de l'alliance franco-damascène, confirme les cessions de territoire acceptées par l'émir de Damas. Son beau-frère Frédéric II, père du roi de Jérusalem en titre, l'avait probablement investit comme régent du royaume, car il prend des décisions concernant le royaume et nomme comme gouverneur d'Ascalon, Guillaume de Penenpié, précédemment bayle de Frédéric II à Jérusalem. Après avoir ainsi complété l'œuvre de Thibaut de Champagne, il rembarque à Acre le 3 mai 1241 à destination de l'Europe[13].

Conséquences

Cette croisade est un succès pour les Francs qui doivent plus leur réussite à la diplomatie qu'aux combats, et le royaume de Jérusalem est pratiquement revenu dans ses frontières d'avant 1187, il ne lui manque que l'Outre-Jourdain. Mais ses succès restent fragiles :

  • la politique des Francs qui consiste à s'allier à un État musulman contre un autre n'a plus autant de succès qu'avant, car d'une part les troupes musulmanes sont réticentes à de telles alliances, d'autre part il n'y a pas d'unanimité parmi les Francs pour choisir avec qui s'allier.
  • l'absence d'un roi ne permet pas un arbitrage entre les différentes factions et, quand les barons nomment un régent du royaume pour assumer les fonctions du roi absent, ils ne lui accordent pas l'autorité nécessaire à cet arbitrage.
  • la ville de Jérusalem n'a ni fortification, ni la Tour de David qui autrement aurait été un point d'appui important pour contrôler la région.

L'avenir se charge rapidement de mettre en évidence ces faiblesses. Dès le départ des croisés, la guerre reprend entre partisans et opposants de l'Empereur, pour se finir par l'élimination des premiers. En 1244, Jérusalem est reprise par les Korasmiens, ce qui incite le roi de France Louis IX à organiser la septième croisade. Son séjour en Terre Sainte de 1250 à 1254 est bénéfique aux établissements latins, mais la guerre civile ne tarde pas à reprendre entre les factions franques, malgré la menace permanente des mamelouks, qui finissent par tout reconquérir en 1291.

Notes et références

  1. Peut-être parce qu’elle n’est constituée que d’une partie de la noblesse que d’un seul pays.
  2. Grousset 1936, p. 385-6.
  3. Grousset 1936, p. 387.
  4. Grousset 1936, p. 387-8.
  5. qui est roi de Jérusalem depuis la mort de sa mère Isabelle II de Jérusalem.
  6. Grousset 1936, p. 388.
  7. Grousset 1936, p. 389-391.
  8. Grousset 1936, p. 391-3.
  9. Grousset 1936, p. 393-8.
  10. Grousset 1936, p. 398-9.
  11. Grousset 1936, p. 400-6.
  12. le duc Hugues IV de Bourgogne est resté en Terre Sainte et s'attache à fortifier Ascalon.
  13. Grousset 1936, p. 406-9.

Annexes

Sources

  • René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - III. 1188-1291 L'anarchie franque, Paris, Perrin, 1936 (réimpr. 2006), 902 p. 

Articles connexes

Liens externes


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