Crowdsourcing

Crowdsourcing
Wikipédiens et conservateurs du British Museum collaborant sur l'article Trésor de Hoxne en juin 2010.

Le crowdsourcing (en français, externalisation ouverte) est un des domaines émergents du management de la connaissance : c'est le fait d'utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre de personnes (des internautes en général), en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur. Ceci se fait par un appel ciblé (quand un niveau minimal d'expertise est nécessaire) ou par un appel ouvert à d'autres acteurs. Le travail est éventuellement rémunéré. Il peut s'agir de simplement externaliser des tâches ne relevant pas du métier fondamental de l'entreprise, ou de démarches plus innovantes.

Le terme « crowdsourcing » est un néologisme sémantiquement calqué sur l'outsourcing (externalisation). La traduction littérale de crowdsourcing est « approvisionnement par la foule, ou par un grand nombre [de personnes] », mais l'expression ne reflète pas vraiment le sens anglo-saxon du terme ; « Impartition à grande échelle » ou encore « externalisation distribuée à grande échelle » sont d'autres traductions plus précises. Pour le journaliste économiste Henk van Ess, en septembre 2010, le crowdsourcing consiste à canaliser les besoins ou désirs d'experts pour résoudre un problème et ensuite partager librement la réponse avec tout le monde. Google et Wikipédia sont pour H. Van Ess les plus gros utilisateurs de crowdsourcing[1].

Le travail peut être collaboratif ou au contraire s'effectuer purement en parallèle. Dans une approche économique, il peut s'agir de remplir une tâche au moindre coût, mais des approches plus collaboratives, sociales ou altruistes existent, faisant appel à des réseaux spécialisés ou au grand public. Certaines démarches de sciences participatives et sciences citoyennes l'utilisent, pour acquérir un plus grand nombre de données, à des échelles géographiques qui seraient autrement inaccessibles à des chercheurs insuffisamment nombreux ou ne pouvant faire preuve d'ubiquité (par exemple dans le domaine de l'astronomie ou des sciences environnementales).

Sommaire

Historique

Ce néologisme (et mot-valise) semble avoir été conçu en 2006 par Jeff Howe et Mark Robinson, rédacteurs à Wired magazine dans un article intitulé « The rise of crowdsourcing » (la montée du crowdsourcing). Jeff Howe y explique que les sauts technologiques et la diffusion des outils informatiques bon marché ont fortement réduit certains écarts entre professionnels et amateurs, ce qui permet à des entreprises de profiter du talent de la population, ce qui selon Howe n'est pas l'externalisation, mais du crowdsourcing.

Des projets faisant appel à une intelligence collaborative et à l'internet existaient depuis plusieurs années avant ce néologisme, tels que le LazyWeb, les jeux utiles de Luis von Ahn (ESP Game) ou l'approche reCAPTCHA utilisée pour certains cryptages de sécurisation du Web (inspirés de la CAPTCHA, qui dérive de l'utilisation de l'humain pour une numérisation mieux vérifiée des livres). D'autres exemples de grande ampleur existent, dont par exemple ;

  • Le projet Stardust@home ; la NASA demande l'aide du public pour chercher des impacts de poussière spatiale dans un bloc d'aérogel à l'aide d'un microscope virtuel.
  • Le projet Galaxy Zoo ; projet astronomique en ligne invitant les internautes à collaborer à la classification de plus d'un million de galaxies à partir d'images fournies par le programme Sloan Digital Sky Survey [2]. Il n'est pas nécessaire d'être expert pour contribuer.
  • Le projet Wikipédia et de nombreux wikis associent un très grand nombre de participants qui s'auto-organisent autour de quelques principes fondamentaux.
  • Le projet Tela Botanica, qui fait appel aux botanistes francophones pour améliorer et compléter les connaissances en botanique. Dans ce cas, les participants ont une certaine expertise, voire sont des botanistes confirmés ou experts.

Le terme est rapidement devenu populaire auprès de certaines entreprises, auteurs et médias, comme raccourci pour désigner une tendance émergente à utiliser une certaine collaboration de masse permise par les technologies dites Web 2.0, pour atteindre des objectifs économiques, culturels, sociaux ou scientifiques.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, et en particulier de nouveaux outils de travail collaboratif ou participatif ont depuis les années 1990 fortement facilité et outillé ces approches.

En 2007, apparaît Ushahidi, un site qui permet d'agréger des informations en temps réel lors de crises. Les informations, qui proviennent de courriels ou de SMS d'acteurs anonymes, sont géolocalisées, triées et présentées sur le site en temps réel. Initialement créé pour documenter les violences postélectorales au Kenya en 2007-2008, il sert régulièrement depuis pour d'autres troubles sociaux et lors de catastrophes naturelles. Il s'agit, en quelque sorte de journalisme ou de gestion de crise crowdsourcé.

Aspects éthiques, limites ou controverses...

Le crowdsourcing est riche de potentialité pour rendre l'internet plus durable ou soutenable, mais il questionne aussi le statut de l'expertise et de l'expert, ou encore la propriété intellectuelle d'un travail ou l'usage qui en sera fait (le crowdfunding, principe dérivé du crowdsourcing, est aussi parfois utilisé pour réunir les sommes d'argent présentées comme nécessaires à un projet ou à une entreprise) ou peut - quand il ne fixe pas ses règles éthiques - donner lieu à certaines dérives.

Une question souvent posée est celle de la responsabilité en cas d'erreurs ou de malveillance de la part des certains acteurs. Pour les promoteurs du crowdsourcing, la loi du nombre offre une puissance statistique qui permet d'éliminer un grand nombre de résultats douteux ou de faire faire les mêmes calculs ou des observations de même type, par des personnes différentes, et ainsi les valider. Mais ce n'est pas toujours possible (quand on cherche à observer un évènement rare par exemple).
Il arrive, en particulier dans le domaine des sciences humaines, que les experts professionnels fassent des erreurs, en recopiant des données non vérifiées, et que la précision ne soit pas garantie par le seul statut des rédacteurs.
S'il s'agit de poursuivre un but scientifique, la validité et la légitimité d'un travail basé sur le crowdsourcing nécessitent un protocole scientifique et technique clair, transparent, rigoureux et crédible, et parfois des outils et moyens humains de validation statistiques et techniques. Ces limites pratiques se retrouvent dans l'étude théorique[3] du phénomène de Crowdsourcing, notamment dans une approche par la théorie des coûts de transaction.

Le crowdsourcing, et certains modèles économiques ou politiques sous-jacents ont suscité des critiques et controverses[4].
Certaines formes de crowdsourcing peuvent en effet priver des personnes d'emploi rémunéré. Le principe voulant que tout travail mérite juste salaire est mis en question.
Dans certains domaines, des dérives sont possibles. Par exemple, des sites internet pourraient manipuler le public qu'ils flattent en lui proposant un rôle d'expert, avec des intentions cachées, commerciales ou d'embrigadement.
L'utilisation de fichiers issus du suivi GPS ou de personnes via la téléphonie mobile pose des questions de respect ou protection de la vie privée.
Des sites proposent au public de surveiller via des webcams des zones réputées dangereuses ou de trafic de drogue[1], et de signaler toute activité anormale repérée sur ces zones[1]. La délation, les risques que peuvent prendre certains observateurs, ou le remplacement du travail de policiers ou d'agents de surveillance posent dans ces cas des questions éthiques et philosophiques nouvelles[1].

Crowdsourcing et économie

Volontariat, bénévolat et altruisme... ou prestation économique ?

Dans certains cas, la « foule » des participants volontaires offre a priori généreusement ses compétences, ses données. Les participants peuvent estimer être en quelque sorte remboursés de leur travail par des résultats dont tout un chacun profiteront, ou estimer que l'intérêt général du projet justifie leur participation[1].

C'est par exemple le cas pour la communauté des internautes qui contribue aux Wikis de type Wikipédia, Wikibook, Wikiversité, wikispecies, Wikinews, Tela Botanica, etc. C'est encore le cas quand les internautes se sont plus ou moins formellement organisés au travers de forums pour poser des questions sur les problèmes informatiques qu'ils rencontrent, et partager et évaluer les solutions proposées par d'autres internautes.

Autre exemple : depuis la fin des années 1990, des informaticiens cherchent à produire des algorithmes et des outils permettant de mieux utiliser, valider, qualifier ou optimiser le crowding[5].

Dans d'autres cas, la force de travail ainsi mobilisée par des acteurs économiques, invite à rémunération. Se pose alors la question de la valorisation monétaire de ce type de production.

Valorisation économique, avec les primes, cadeaux, prix ou le micropaiement

Un des ancêtres des applications économiques du Crowsourcing pourrait être trouvé au milieu du XXe siècle avec le mécanisme de Démonstration-vente à domicile (par des ménagères invitant d'autres ménagères), développé par Tupperware pour vendre ses contenants en plastique hors des filières classiques de magasins.

L'exemple de micropaiement cité par Jeff Howe[6] est celui de Claudia Menashe recherchant quelques photos pour illustrer la grippe aviaire sur un stand lors d'une exposition du National Health Museum (Musée national de la santé) de Washington. Elle entre en négociation, sachant son faible budget, avec un photographe professionnel, Mark Harmel, qui est prêt à lui concéder à un prix qu'il considère comme deux fois plus faible que ses tarifs habituels, 4 photos pour 600 $.

C'est alors que Claudia Menashe découvre sur iStockphoto des documents ayant les caractéristiques qu'elle recherche. Elle annonce à Mark Harmel qu'elle a trouvé son bonheur, s'étant procurée via iStockphoto, 56 images à environ 1 $ pièce. L'histoire se termine de la façon suivante : le photographe professionnel Mark Harmel a compris qu'il ne pouvait pas lutter contre une foule d'amateurs de mieux en mieux équipés (appareil photo à moins de 1000 $, logiciel de traitement d'images, ordinateur personnel et Internet) consentant à être rétribués de 1 $ à 5 $ par photo. Il concentre maintenant son activité sur le travail à la commande.

Ce principe du micropaiement permet aux sites web de se rémunérer et à de nombreux contributeurs de se faire de l'argent de poche, ou un complément de revenus.

Cadre, enjeux et contexte

On peut rapprocher le crowdsourcing du concept de pronétariat (néologisme du même domaine, proposé par Joël de Rosnay en 2005). Le crowdsourcing peut constituer une des activités lucratives, même si elle est marginale, du « pronétaire ». Si le bénévolat peut se résumer à l'engagement volontaire à un organisme à but non lucratif, œuvre sociale ou caritative, on ne peut pas le considérer comme synonyme de crowdsourcing, dans la mesure où des sociétés commerciales sont à l'origine de la création du concept.

Un autre concept dont la logique est proche de celle du crowsourcing est celui le la mise à contribution de la puissance de calcul d'un grand nombre d'ordinateurs individuels pour effectuer des calculs très longs ou très complexes.

Des projets de type Wiki (wikipédia par exemple), ou certaines études basées sur le crowdsourcing (ex détection ou mesure d'indices phénologiques de changement climatique, suivi d'indicateurs de biodiversité, etc. ) peuvent virtuellement ne pas avoir de limite[1] (temporelle ou spatiale, tant que la "foule" des participants existe, et tant qu'elle entretient le projet et les outils qui lui sont nécessaires).
Un projet peut aussi évoluer, ou engendrer des sous-projets portés par une partie des acteurs.

Néologismes proches

  • Blogsourcing, qui précise que la création de contenus, de projets ou le développement d'idées se font par l'utilisation d'un blogue comme plateforme de création collaborative.
  • Crowdfunding, qui consiste à faire financer des projets en faisant collaborer les internautes. Ce mode de financement alternatif permet d'obtenir des évaluations et des analyses émanant des participants qui souhaitent financer une souscription[1].

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f et g Henk Van Ess Exposé intitulé "Harvesting knowledge ; How to crowdsource in 2010" pour l' ARD/ZDF Academy (Allemagne), consulté 2020/20/26
  2. Rached M, Les internautes invités à participer à la classification des galaxies, Le Monde, 6 décembre 2007
  3. Burger-Helmchen Thierry, Julien Pénin, "Crowdsourcing : définition, enjeux, typologie" Management & Avenir, Vol. 41, pp.254-269, 2011.
  4. http://lacantine.org/blog/captation-du-debat-sur-le-crowdsourcing-du-1er-octobre
  5. Jason Brownlee, Parallel Niching Genetic Algorithms: A Crowding Perspective 2004. Centre for Intelligent Systems and Complex Processes (CISCP), Faculty of Information and Communication Technologies (ICT), Swinburne University of Technology
  6. Wired du 14 juin 2006 The rise of crowdsourcing (la montée du crowdsourcing)[1]

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • "La montée du Crowdsourcing", InternetActu.net, 01/06/2006 : [2]
  • "Les DSI ne pourront pas résister au social computing", Rob Levy : [3]
  • Le prix comme incitation à la créativité, du crowdsourcing à la co-creation Article : [4]
  • Taxonomy du crowdsourcing : [5]

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Crowdsourcing de Wikipédia en français (auteurs)

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