Achemenides

Achemenides

Achéménides

Carte de l'empire achéménide aux alentours de 500 av. J.-C.
Histoire de l'Iran
Persepolis iran.jpg
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L’Empire achéménide (Vieux-persan : Hakhāmanishiya), est le premier des Empires perses à régner sur une grande partie du Moyen-Orient. Il s'étend alors au nord et à l'ouest en Asie Mineure, en Thrace et sur la plupart des régions côtières de la mer Noire ; à l'est jusqu'en Afghanistan et sur une partie du Pakistan actuels, et au sud et au sud-ouest sur l'actuel Iraq, sur la Syrie, l'Égypte, le nord de l'Arabie saoudite, la Jordanie, Israël, le Liban et jusqu'au nord de la Libye.

Le nom « Achéménide » se rapporte au clan fondateur qui se libère vers 556 av. J.-C. de l’État des Mèdes, auparavant son suzerain ; ainsi qu'au grand empire qui résulte de la fusion des deux ensembles. L'empire fondé par les Achéménides menace par deux fois la Grèce antique, conquiert l’Égypte et prend fin, conquis par Alexandre le Grand, en 330 av. J.-C.

Sommaire

Conditions d'études

Une des spécificités des Achéménides est de n'avoir laissé que peu de témoignages écrits de leur propre histoire (à la différence des rois assyriens par exemple) : ceux-ci sont essentiellement constitués d'archives administratives, satrapiques ou royales, dans lesquelles étaient reportées les décisions les plus importantes (mouvements de terre, documents fiscaux). C'est plutôt grâce aux écrits de leurs sujets et de leurs ennemis qu'on connaît l'histoire achéménide, notamment par les auteurs grecs comme Hérodote, Strabon, Ctésias, Polybe, Élien et d'autres. Dans la Bible, le Livre d'Esdras et le Livre d'Esther contiennent aussi des références aux Grands Rois. Les auteurs anciens ont également écrit au sujet de la Perse, dans des ouvrages appelés les Persika, ouvrages dont la connaissance se limite à quelques fragments, le reste ayant été perdu. Les grands rois achéménides ont par ailleurs laissé bon nombre d'inscriptions royales, sources de renseignements sur l'activité de construction des sites et sur leur vision de l'empire. Les inscriptions livrent en effet de nombreux indices qui, mis en perspective avec le contexte historique d'époque, permettent de comprendre la volonté politique des rois et leur façon de concevoir l'exercice du pouvoir[1].

La documentation sur les Achéménides est donc en fin de compte importante et variée. Les éléments iconographiques sont nombreux, mais leur analyse pose problème car ils sont très inégalement répartis dans l'espace et dans le temps. En effet, il existe peu ou pas de documentation écrite sur certaines régions, alors que d'autres comme le Fars, la Susiane, l'Égypte, la Babylonie sont très bien documentées. De plus, si les documents sur les règnes de Cyrus II, d'Artaxerxès Ier et de Darius II abondent, il n'en est pas de même pour d'autres époques.

Histoire

Origines de la dynastie

Localisation des principales villes achéménides.

Le fondateur de cette dynastie serait Achéménès (en vieux-persan : Haxāmaniš, en grec ancien Αχαιμένης, ou هخامنش en persan moderne qui signifie « d'un esprit amical »). Il s'agit d'une personne dont l'existence reste controversée (voir plus bas), chef d'un clan perse régnant probablement sur d'autres tribus perses dès le IXe siècle av. J.-C. Installés au nord de l'Iran (à proximité du lac d'Orumieh), les Achéménides sont alors tributaires des Assyriens[2].

Sous la pression des Mèdes, des Assyriens et des Urartiens, ils migrent vers le sud des monts Zagros et s'installent progressivement dans la région d'Anshan vers la fin du IIe millénaire[3]. Teispès aurait agrandi le territoire achéménide en conquérant le royaume d'Anshan et le Fars, gagnant ainsi le titre de Roi d'Anshan tandis qu'Assurbanipal prend Suse et que le royaume élamite disparaît temporairement.

Teispès est le premier roi achéménide à porter le titre de Roi (de la ville) d'Anshan. Des inscriptions révèlent que lorsque Teispès meurt, le royaume est partagé entre deux de ses fils, Cyrus Ier (Kurāsh ou Kurāš), souverain d'Anshan, et Ariaramnes (Ariyāramna, "Celui qui a amené la paix aux iraniens"), souverain de Parsumaš. Leurs fils respectifs leur succèdent : Cambyse Ier (Kambūjiya, « l'aîné ») sur le trône d'Anshan, et Arsames (Aršāma « Celui qui a une puissance héroïque ») sur Parsumaš. Ces rois n'ont qu'un rôle restreint dans la région, qui est alors dominée par les Mèdes et les Assyriens. L'existence de Cyrus et son règne sur Anshan est attestée par un sceau portant la mention Kurāš d'Anšan, fils de Teispès. Toutefois, une inscription datée de 639 mentionne le paiement d'un tribut à Assurbanipal par Kurāš de Parsumaš, ce qui suggère que le roi de Parsumaš serait le même Cyrus, unifiant les deux couronnes. Cet élément pourrait alors synchroniser les histoires persanes et assyriennes[4]. Cependant, cette interprétation est discutée, et Parsumaš, Pars et Anshan semblent devoir être distingués[3]. Après la chute du royaume assyrien, les Achéménides reconnaissent l'autorité des Mèdes. Bien qu'Hérodote ait écrit « il y avait longtemps que les Perses prenaient mal leur parti d'être commandés par les Mèdes »[5], les origines et modalités de cette sujétion restent encore inconnues.

Darius Ier est le premier à parler d' Achéménès, qu'il présente comme l'ancêtre de Cyrus le Grand (576 av. J.-C.- † 529 av. J.-C.) ; ce qui ferait de lui le fondateur de la lignée des souverains achéménides. Cependant, quelques spécialistes soutiennent qu'Achéménès est un personnage fictif utilisé par Darius usurpant le trône persan afin de légitimer son pouvoir[6]. Si l'on se réfère aux premiers souverains, la dynastie des rois achéménides s'étend de 650 av. J.-C. à 330 av. J.-C. environ.

Souverains achéménides

Non attestés Les témoignages épigraphiques de ces souverains ne peuvent être confirmés et sont souvent considérés comme étant inventés par Darius Ier
-688/-675 Achéménès roi d'Anshan
-675/-640 Teispès roi d'Anshan, fils d’Achéménès
-640/-600 Cyrus Ier roi d'Anshan, fils de Teispès
-6??/-6?? : Ariaramnes fils de Teispès et co-souverain avec Cyrus Ier.
-600/-559 Cambyse Ier roi d'Anshan, fils de Cyrus Ier
-6??/-5?? Arsames fils d'Ariaramnes et co-souverain avec Cambyse Ier
Attestés
-559(-550?)/-529(-530?) Cyrus II le Grand grand roi de Perse, fils de Cambyse Ier, souverain d'Anshan dès 559 av. J.-C.– s'empare de la Médie en 550 av. J.-C.
-529/-522 Cambyse II grand roi de Perse, fils de Cyrus le Grand
-522/-522 Bardiya (ou Smerdis) L'usurpateur (?), grand roi de Perse, fils présumé de Cyrus le Grand
-522(-521?)/-486 Darius Ier le Grand grand roi de Perse, beau-frère de Smerdis et petit-fils d'Arsames
-486(485?)/-465 Xerxès Ier grand roi de Perse, fils de Darius Ier
-465/-424 Artaxerxès Ier Longue Main grand roi de Perse, fils de Xerxès Ier
-424/-424 Xerxès II grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès Ier
-424/-424(-423?) Sogdianos grand roi de Perse, demi-frère et rival de Xerxès II
-424(-423?)/-404(-405?) Darius II Nothos grand roi de Perse, demi-frère et rival de Xerxès II
-404/-359 Artaxerxès II Mnémon grand roi de Perse, fils de Darius II, (voir aussi Xénophon)
-359(-358?)/-338 Artaxerxès III Ochos grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès II
-338/-336 Arsès grand roi de Perse, fils d'Artaxerxès III
-336/-330 Darius III Codoman grand roi de Perse, arrière-petit-fils de Darius II (conquêtes d’Alexandre le Grand)

Construction et extension de l'empire

En 559 av. J.-C., Cyrus II dit Cyrus le Grand succède à son père Cambyse Ier sur le trône d'Anshan. Ayant également pris la succession d'Arsames (de son vivant) sur la couronne de Parsumaš, Cyrus unifie donc les deux royaumes perses et est ainsi considéré comme le premier véritable roi de la dynastie achéménide, ses prédécesseurs étant encore asservis aux Mèdes.

Entre 553 et 550, une guerre éclate entre les Mèdes et les Perses à l'issue de laquelle Cyrus II bat Astyage, roi des Mèdes et s'empare d'Ecbatane (Hagmatāna « La ville des rassemblements », l'actuelle Hamadan). Il déclare à cette occasion que les Perses, « autrefois esclaves des Mèdes, sont devenus leurs maîtres »[7]. Cyrus laisse la vie sauve à Astyage, entreprend de se conduire comme son successeur légitime. Selon Ctésias et Xénophon, il épouse Amytis, fille d'Astyage. Ecbatane reste une des résidences régulières des Grands Rois, car elle présente une importance stratégique certaine pour qui veut contrôler l'Asie centrale[8].

La prise de la Médie par les Perses est alors un bouleversement important, à l'échelle du Moyen-Orient. Le fait que Cyrus se présente comme l'héritier d'Astyage le conduit à se heurter aux puissances voisines de Lydie et de Babylone. Crésus, roi de Lydie, et beau-frère d'Astyage, « inquiet de la ruine de l'empire d'Astyage et soucieux de l'accroissement des affaires des Perses » attaque Cyrus en 547-546. Mais les Perses contre-attaquent et poursuivent Crésus jusqu'à sa capitale, Sardes, qui tombe rapidement aux mains de Cyrus. Crésus se constitue prisonnier, puis recevra finalement une ville de Médie dont les revenus le feront vivre[9].

À partir de 546, Cyrus repart d'Asie Mineure sans avoir soumis les cités ioniennes et éoliennes. En effet, le roi entreprend une nouvelle campagne, car Babylone, la Sacie, la Bactriane et l'Égypte sont menaçantes. Cette période est mal connue, mais il semble que Cyrus prenne Babylone en 539, puis soumette les Bactriens et les Saces en 540. Il est aussi possible que ce soit à cette époque que Cyrus conquiert Parthie, Drangiane, Arie, Chorasmie, Bactriane, Sogdiane, Gandhara, Scythie, Sattagydie, Arachosie, et Makran. Darius au début de son règne, présente en effet ces pays comme acquis.

Politiquement habile, Cyrus II se pose en "sauveur" d'une nation qui était en bons termes avec les Mèdes auxquels elle avait prêté allégeance. La politique générale des Achéménides s'inscrit dans la continuité de celles des Babyloniens et des Assyriens. Les populations sont encouragées à se déplacer et à se mélanger, afin de diluer toute volonté nationaliste. Cette mesure vise à pacifier les relations entre les peuples, et l'époque achéménide reste connue pour son calme relatif en comparaison avec d'autres périodes de l'histoire de l'Asie centrale.

Après la prise de Babylone, Cyrus permet aux Judéens exilés de rentrer à Jérusalem, donnant instruction à ses sujets de faciliter ce retour. Il ordonne également la reconstruction du Temple de Jérusalem. Il conquiert ensuite la Transeuphratène, et soumet les arabes de Mésopotamie. Chypre se rend d'elle-même par la suite. En revanche, on ne sait pratiquement rien des relations qu'entretenait —— à cette époque — l'empire avec d'autres régions du pays d'Ebir Nāri (Syrie, Phénicie, Palestine).

Après Cyrus, son fils Cambyse II conquiert l'Égypte en 525-522. Il s'agit alors de maintenir la puissance de l'empire et d'étendre les conquêtes vers la seule autre puissance qui compte encore dans la région[10]. Après la campagne d'Égypte, Cambyse reprend à son compte les ambitions des pharaons l'y ayant précédé. Il soumet ainsi les royaumes de Libye, de Cyrénaïque et de Nubie. Au cours de son séjour en Égypte, Cambyse semble être pris de folie, comme le laissent à penser les actes qu'il commet à cette époque : il massacre des Perses de haute distinction, viole d'anciennes sépultures, se moque de statues dans les temples égyptiens[11]. L'attaque sans préparatifs de l'Éthiopie et de l'oasis d'Ammon, qui se solde alors par des échecs, serait également à mettre sur le compte de cette démence. Contredisant la thèse expliquant le comportement de Cambyse contre son entourage en Égypte par la seule folie, l'hypothèse de l'intérêt politique est aussi avancée. Selon Briant, Cambyse prenait aussi des mesures de représailles contre des grandes familles qui se seraient opposés à ses décisions[12]. Rappelé en Perse par une rébellion contre son pouvoir, il quitte l'Égypte en 522, se blesse à la cuisse en Syrie et meurt de gangrène.

La révolte est alors menée par un groupe de prêtres ayant perdu leur pouvoir après la conquête de la Médie par Cyrus. Ces prêtres, qu'Hérodote nomme mages, usurpent le trône afin d'y placer l'un des leurs, Gautama, qui prétend être le plus jeune frère de Cambyse II, Smerdis (ou Bardiya), probablement assassiné trois années plus tôt. En raison du despotisme de Cambyse et de sa longue absence en Égypte, "le peuple entier, Perses, Mèdes, et toutes les autres nations"[13], reconnaissent cet usurpateur comme leur roi, et ce d'autant plus qu'il leur accorde une remise fiscale d'impôts ou de taxes, pour trois années.

Selon l'inscription de Behistun, Smerdis règne sept mois avant d'être renversé en 552 av. J.-C. par un membre éloigné de la branche familiale des Achéménides, Darius Ier (du vieux persan Dāryavuš, également connu sous Darayarahush ou Darius le Grand). Les "mages", bien que persécutés, continuent d'exister. L'année qui suit la mort de Gautama, ils tentent de réinstaller un second usurpateur au pouvoir : Vahyazdāta, qui se présente comme fils de Cyrus. La tentative remporte un succès transitoire puis échoue finalement.

Selon Hérodote, l'aristocratie locale débat alors de la meilleure forme de gouvernement pour l'Empire. Il rapporte qu'il a été évoqué que l'oligarchie les diviserait les uns contre les autres et que la démocratie provoquerait le règne de factions dont le résultat serait d'amener un chef charismatique à prendre le pouvoir, provoquant ainsi le retour à la monarchie. Par conséquent, le choix se porte alors directement sur la monarchie, étant acquis que les aristocrates sont alors en position de choisir le souverain. Darius Ier est donc choisi comme roi : cousin de Cambyse II et de Smerdis, il se réclame d'Achéménès, leur ancêtre.

Darius poursuit ensuite l'expansion de l'Empire. Il exécute Oroitès, satrape de Sardes, qui s'est rebellé vers 522-520, puis souhaite étendre sa domination aux îles de la mer Égée. Il conquiert Samos vers 520-519, puis marche sur l'Europe. Il passe le Bosphore, laisse des troupes grecques à l'embouchure du Danube (cités de l'Hellespont et de la Propontide) et marche vers la Thrace. Celle-ci revêt en effet une grande importance pour les Perses, car la province est riche en produits stratégiques : bois nécessaire aux constructions navales et métaux précieux[14].

Article détaillé : Révolte de l'Ionie.

Darius Ier s'attaque ensuite à la Grèce, qui avait soutenu les rébellions des colonies grecques alors sous son égide. En raison de sa défaite à la bataille de Marathon en 490 av. J.-C., il est forcé de restreindre les limites de son empire à l'Asie Mineure.

C'est durant le règne de Darius Ier, dès 518-516 av. J.-C., que sont construits les palais royaux de Persépolis et Suse, qui serviront de capitales aux générations suivantes des rois achéménides.

L'effritement du pouvoir perse

Article détaillé : Guerres médiques.

Xerxès Ier (vieux-persan : Xšayārša "Héros parmi les rois") succède à son père Darius vers 486-485. Des révoltes ayant éclaté en Égypte et en Grèce, Xerxès commence son règne en conduisant une expédition contre l'Égypte. Après une rapide reconquête, Xerxès marche sur la Grèce et défait les grecs aux Thermopyles. Athènes est conquise et mise à sac, le Parthénon est incendié. Athéniens et spartiates se retirent derrière leur dernières lignes de défense sur l'isthme de Corinthe et dans le golfe Saronique.

Les premières années du règne de Xerxès sont marquées par un changement de politique à l'égard des peuples conquis[15]. Au contraire de ses prédécesseurs qui respectaient les sanctuaires des peuples soumis, Xerxès fait procéder à la destruction de temples en Babylonie, à Athènes, en Bactriane et en Égypte. Les titres de Pharaon et de Roi de Babylonie sont abandonnés et les provinces réorganisées en satrapies. Les Égyptiens réussissent par deux fois à regagner leur indépendance. D'après l'étude de Manéthon, les historiens égyptiens font correspondre les périodes de domination achéménide en Égypte avec respectivement les XXVIIe (525 - 404 av. J.-C.) et XXXIe dynasties (343 - 332 av. J.-C.)

À Artémision, la bataille rendue indécise à cause d'une tempête détruisant les navires des deux camps, s'arrête prématurément à l'arrivée de la nouvelle de la défaite des Thermopyles. Les Grecs décident alors de battre en retraite. Finalement, la bataille de Salamine le 28 septembre 480 av. J.-C. est remportée par les Athéniens. La perte des voies de communication maritimes avec l'Asie force Xerxès à se retirer à Sardes. L'armée avec laquelle il quitte la Grèce, placée sous le commandement de Mardonios, subit encore une défaite lors de la bataille de Platées en 479 av. J.-C. Une nouvelle défaite perse à Mycale encourage alors les cités grecques d'Asie Mineure à la révolte. Ces révoltes voient la fondation de la ligue de Délos, et les défaites perses qui s'ensuivent consacrent ces pertes territoriales en mer Égée.

Carte historique de l'Empire achéménide

Néanmoins, au Ve siècle av. J.-C., les souverains achéménides règnent sur des territoires couvrant approximativement ceux des pays actuels suivants: Iran, Irak, Arménie, Afghanistan, Turquie, Bulgarie, Grèce (partie orientale), Égypte, Syrie, Pakistan (grosse partie), Jordanie, Israël, Palestine, Liban, Caucase, Asie centrale, Libye, et Arabie saoudite (partie nord). L'empire devient par la suite le plus grand du monde antique, avec un territoire couvrant approximativement 7,5 millions km².

Les défaites de Xerxès sont omises dans les inscriptions de propagande royale[16]. Certains grecs se rallient tout de même à Xerxès, comme Pausanias, commandant la flotte grecque en 478 ou Thémistocle, le vainqueur de Salamine. Ce qui permet à l'empire perse de garder bon nombre d'alliés dans les cités grecques d'Asie Mineure. À l'issue de problèmes de succession, Xerxès, qui n'avait pas désigné de successeur légitime, est assassiné, peut-être par un de ses fils[17].

Artaxerxès Ier, un des fils de Xerxès, monte sur le trône en 465 av. J.-C. Juste après sa prise de pouvoir, il fait face à une révolte en Bactriane, dont il vient à bout. Artaxerxès modifie l'étiquette de la cour et redéfinit sa hiérarchie, ce qui semble marquer la redéfinition des rapports entre le Grand Roi et l'aristocratie[18]. Il continue les travaux à Persépolis, entre 464[19] et 460-459[20], et le rôle de la capitale perse semble changer : elle est moins fréquemment occupée, au profit de Suse et Babylone. Les hypothèses suggérant un changement de rôle de Persépolis devenant alors « un sanctuaire plutôt qu'une ville » restent incertaines[21]. Après la Bactriane, c'est l'Égypte qui se soulève contre l'autorité du Grand Roi Achéménide. Diodore rapporte que la nouvelle de l'assassinat de Xerxès et les troubles qui s'ensuivent poussent les égyptiens à chasser les leveurs de tributs perses et à porter un certain Inaros au pouvoir royal (463-462). Inaros propose une alliance aux grecs, qui l'acceptent et envoient une flotte vers le Nil[22]. L'alliance entre grecs et égyptiens dure six ans (460-454). En 454, l'armée et la flotte perse libèrent les perses retranchés et assiégés à Memphis. Des inscriptions gravées en Égypte à cette époque laissent penser que seule la région du Delta du Nil s'était soulevée. Les révoltes de cette période sont révélatrices de lacunes dans la domination territoriale des perses[23]. Dans les années 450, les combats reprennent entre Athènes et la Perse. La documentation connue de l'époque ne nous permet pas de connaître les évolutions territoriales perses en Asie Mineure : seules les listes des tributs attiques et perses permettent de savoir que les positions dans cette région ont pu évoluer d'une année sur l'autre.

Artaxerxès Ier meurt à Suse, son corps est ramené à Persépolis pour être enterré auprès des sépultures de ses ancêtres. Son fils aîné, Xerxès II, seul fils légitime d'Artaxerxès, lui succède immédiatement, mais est assassiné par un de ses demi-frères, Sogdianos, quarante-cinq jours plus tard[24]. Ochos, un autre demi-frère de Xerxès, alors à Babylone, rassemble ses soutiens et marche sur la Perse. Il met l'assassin à mort et est couronné Roi des Rois sous le nom de Darius II en 423. Le déroulement de cette succession pose de nouveau un problème, Ochos et Sogdianos ayant certainement mené chacun une campagne de propagande visant à recevoir l'appui du peuple persan et ainsi démontrer la légitimité de leur accession au trône[25].

À partir du règne de Darius II, les documents retrouvés sont plutôt rares et ne renseignent que sur la situation des marches occidentales de l'empire, où les hostilités entre les cités grecques et les Perses continuent. Entre 411 et 407, les athéniens reconquièrent une partie de l'Asie Mineure, aidés en cela par les initiatives désordonnées et concurrentes des satrapes contrôlant ces régions[26].

Darius II meurt en 405-404. À l'instar de celle d'autres Grands Rois précédents, sa succession provoque de nouveau une opposition entre deux de ses fils, Arsès et Cyrus. C'est Arsès, l'aîné, qui monte sur le trône sous le nom d'Artaxerxès II en 404. Cyrus lui conteste le pouvoir et une guerre s'ensuit entre 404 et 401. Cyrus lève une armée, s'appuyant principalement sur des Perses d'Asie Mineure, mais également sur des mercenaires grecs (les « Dix Mille[27] »). Les deux frères s'affrontent à Counaxa, en Mésopotamie, en 401. Cyrus tué au cours de cette bataille, Artaxerxès II entame immédiatement un processus de relégitimation de son pouvoir royal[28]. L'Égypte profite de ces troubles pour se révolter et se soustraire à la domination perse sous la conduite d'Amyrtée.

Les satrapies et les villes d'Asie Mineure qui s'étaient rangées sur côté de Cyrus sont confiés à Tissapherne afin qu'il remette en ordre la région. Artaxerxès II compte en effet reprendre le contrôle du littoral égéen. Ceux qui refusent de se soumettre se tournent vers les grecs, et plus particulièrement Sparte, pour les aider. Agésilas II mène la campagne militaire spartiate en Asie Mineure, sans grands succès[29]. Il est rappelé à Sparte car d'autres cités grecques, dont Athènes, menacent la ville. Les Persans se retrouvent par la suite pris entre les combats des Athéniens et des Lacédémoniens qui se déroulent en Asie Mineure vers 396. Artaxerxès II doit ensuite combattre les attaques et alliances d'Évagoras de Salamine à Chypre et en Égypte, entre 391 et 387. Épuisées par les guerres continuelles, les cités grecques aspirent à la paix[30]. En 386, Artaxerxès II impose sa paix (également connue sous le nom de « paix d'Antalkidas ») aux cités grecques, qui l'acceptent toutes à l'exception de Thèbes. Le Roi a besoin de libérer ses armées pour s'occuper de l'Égypte, qui est elle aussi rentrée en rébellion. Vers 381-380, les Perses auraient subi une défaite contre les égyptiens, qui réussissent à reprendre leur indépendance[31]. Suite à cette défaite, les armées achéménides quittent l'Égypte sans réussir à reprendre le contrôle du pays. La paix de 386 avec les Grecs est confirmée à deux reprises, en 375 puis en 371.

Peu après, entre 366 et 358, l'empire connaît des troubles : des satrapes se rebellent en Cappadoce, en Carie, en Lycie, les égyptiens mènent une offensive contre les perses. Les révoltes d'Asie Mineure n'auront guère de conséquences. Conjuguées à l'échec en Égypte, ces évènements semblent montrer une certaine instabilité du pouvoir impérial et son incapacité à venir à bout des mouvements de révolte[32].

C'est au cours du règne d'Artaxerxès II que commencent à être adorés Anahita et Mithra, alors que les rois perses précédents ne citaient qu'Ahura Mazda dans leurs inscriptions. Les historiens s'interrogent toujours pour savoir si c'est une réelle nouveauté introduite par Xerxès ou si la pratique existait déjà auparavant.

Les dernières années d'Artaxerxès se déroulent parmi les complots. Le Roi avait trois fils légitimes, Darius (l'aîné), Ariaspès et Ochos, et de nombreux bâtards de ses concubines. Selon Plutarque, le Roi désigne Darius comme héritier[33]. Darius fomente un complot contre son père, est découvert, jugé et mis à mort. Ochos, par des manœuvres, déstabilise son frère Ariaspès, qui se suicide. Il supprime ensuite un autre de ses demi-frères, Arsamès. C'est dans ce contexte que le roi Artaxerxès II meurt de vieillesse en 359/358. Ce récit n'est corroboré par aucun autre auteur, et il convient plutôt de penser qu'avant la mort du roi, la cour était agitée par des complots entre factions rivales[34].

Chute de l'empire

Alexandre sur son cheval Bucéphale
Détail de la mosaïque romaine représentant la Bataille d'Issos opposant Alexandre le Grand à Darius III

Ochos monte sur le trône sous le nom d'Artaxerxès III (-358--338). Dès le début de son règne, Artaxerxès III doit faire face à des troubles: des combats opposent les alliés d'Athènes aux perses en Asie Mineure, des révoltes ont lieu en Phénicie et à Chypre entre 351 et 345. L'armée perse subit également un nouvel échec en Égypte en 351. En -343 Artaxerxès III bat Nectanébo II et reconquiert l'Égypte, qui devient encore une fois une satrapie perse. En Grèce, la Macédoine commence à affronter l'empire perse sur son front occidental[35]. En -338, Philippe II de Macédoine unifie certains États grecs, les autres qui s'opposent à Philippe II comptent sur l'aide du Grand Roi. Les relations exactes sont peu connues, mais Briant dit que la « cour [du Grand Roi] était informée des opérations de Philippe II ». En cette même année 338, Artaxerxès III est empoisonné par son ministre, l'eunuque égyptien Bagoas. Il est dit que « Par ce meurtre, Bagoas détruit l'Empire perse »[36].

Arsès succède à Artaxerxès III sous le nom d'Artaxerxès IV, et est également empoisonné par Bagoas deux ans après. Bagoas aurait tué non seulement tous les enfants d'Arsès, mais aussi plusieurs autres princes locaux, sans doute des satrapes. Bagoas place alors sur le trône Darius III (-336 - -330), un cousin d'Artaxerxès III. Pour les macédoniens, Bagoas aurait porté un de ses amis esclaves au pouvoir sous le nom de Darius III[37]. Pour les Perses, Darius a été porté au pouvoir parce qu'il a fait preuve d'un courage exceptionnel lors d'un duel singulier contre les Cadusiens[38]. L'accession au trône de Darius III est entourée de violences, et des incertitudes demeurent sur les conditions d'accès au trône. Briant rapporte que Darius III était un membre de la « souche royale », présenté comme un guerrier d'élite et appuyé par une grande partie de l'aristocratie et de l'armée[39].

Darius III, bien qu'auparavant satrape d'Arménie, n'a aucune expérience impériale. Néanmoins, il prouve son courage la première année de son règne d'empereur en forçant personnellement Bagoas à avaler un poison. En -334, alors que Darius vient juste de réussir à re-soumettre l'Égypte, Alexandre attaque en Asie Mineure. En réponse à l'agression macédonienne, les satrapes de l'ouest se mobilisent et viennent à la rencontre de l'envahisseur. Darius III et plusieurs de ses satrapes font appel à des mercenaires grecs pour renforcer ses armées. Il subsiste de nombreuses interrogations sur le rôle des mercenaires grecs dans la décadence de la puissance militaire perse d'après les récits des différentes sources[40]. L'armée perse essuie alors une première défaite au Granique face aux troupes Macédoniennes aguerries à la bataille. S'ensuivent les défaites aux batailles d'Issos (-332), de Gaugamèles et de Babylone (-331). Les populations conquises par les macédoniens apparaissent plutôt soulagées de la libération du joug perse selon différents auteurs[41]. Poussant toujours plus loin, Alexandre marche ensuite sur Suse qui capitule et restitue un vaste trésor. Le conquérant se dirige alors vers l'est en direction de Persépolis qui se rend au début de -330. Darius trouve alors refuge à Ecbatane et rassemble une armée autour de lui. De Persépolis, Alexandre va ensuite vers Pasargades un peu plus au nord, où il traite avec respect la tombe de Cyrus II. Il se dirige ensuite vers Ecbatane. En chemin, des satrapes de Darius III se rendent à Alexandre devant les rapports de force défavorables. Lors de la fuite de Darius III, les satrapes les plus proches du roi semblent avoir organisé un complot autour de sa personne. Darius III est assassiné par plusieurs de ses satrapes, qui se rendent à Alexandre ou bien retournent dans leur province pour se faire proclamer roi[41]. Sur ordre d'Alexandre, les honneurs sont rendus au corps du souverain qui est acheminé vers Persépolis pour y être inhumé.

L'empire Achéménide termine avec la mort de Darius III[41]. Après la conquête et le règne d'Alexandre s'ouvre l'ère des Séleucides, dynastie issue d'un des généraux d'Alexandre le Grand, qui succèdera à celle des Achéménides.

Politique et administration

Darius reçoit l'hommage de personnages hauts-placés (trésor de Persépolis, reproduction)

L'Empire perse achéménide est un État multinational hiérarchisé dominé par les Perses qui y occupent très largement les postes civils et militaires d'importance. L’État est organisé suivant une division en provinces, appelées « pays » par les Persans[42] et « satrapies » par les Grecs[43]. Couvrant des superficies dont l'étendue est très variable, l'organisation des satrapies reprend en partie les structures préexistantes, laissant partiellement subsister les anciens domaines d'autorités locales (princes, dynastes).

Héritage de l'époque indo-iranienne, la société impériale est féodale basée sur une loyauté personnelle entre le roi et chacun de ses sujets[44]. Dans l'entourage immédiat du roi se trouve la noblesse formant la cour. Les autorités de l'empire, qu'elles soient administratives ou militaires sont appelés « vassaux » ou « suiveurs »[45]. Leur loyauté était récompensée généreusement par le roi, alors que leur déloyauté était très sévèrement punie[46]. La société tout entière était assujettie au roi, qui est lui-même assujetti à Ahura Mazda. Le fait que des classes ou castes aient existé de manière très institutionnalisée ne peut pas être prouvé[2]. Le caractère persan, et plus généralement aryen (dans le sens de iranien) du roi, de sa descendance et de son Dieu (Ahura Mazda, aussi appelé « Dieu des Aryens » sur l'inscription de Behistun) est régulièrement souligné par les différents rois.

Le règne des achéménides parait avoir été assez libéral, accordant une grande autonomie aux peuples de l'empire[2]. L'unification des peuples se fait sur le plan administratif, en dehors de toute intention d'établir une unité culturelle. Chaque peuple a la possibilité de maintenir ses coutumes, ses formes d'organisation, sa langue et sa religion ; tant que l'administration reste sous contrôle perse. Le travail en communauté des nombreux peuples dans les grandes villes de l'empire (comme à Suse ou à Persépolis lors des grands travaux) a beaucoup joué pour la tolérance mutuelle et l'assimilation des peuples[2].

Gouvernement et centres administratifs

Les ruines des palais des Achéménides, Persépolis.

Le centre administratif de l'empire est le palais royal, où le système administratif est organisé sur le modèle babylonien. La chancellerie est tenue de manière très précise, à la fois à la cour et dans les autres autorités administratives. La langue diplomatique et de communication est l'araméen, qui est ensuite utilisé dans tout l'empire à partir de Darius (voir plus bas). À l'époque de Cyrus, le siège du gouvernement était situé à Ecbatane. Suse devient la capitale administrative de l'empire probablement à partir de l'époque de Darius. En fait, les auteurs grecs précisent que les rois achéménides déplaçaient leur capitale selon la saison : en hiver, les rois sont à Suse, en été à Ecbatane, en automne à Persépolis et le reste de l'année à Babylone[47]. Cependant, Pasargades et Persépolis ne fonctionnent pas vraiment comme des sièges administratifs, mais plutôt comme des villes d'apparat.

Satrapies

L’organisation de l’empire en satrapies est présente dès Cyrus. Les autorités locales ayant subsisté en partie gardent autorité sur leurs domaines, séparés les uns des autres.

La stratégie idéologique développée par Cyrus et Cambyse, reprise ensuite par leur successeurs, vise en effet à asseoir la domination sur une idéologie faisant appel à la collaboration avec les structures de pouvoir locales. Les conquérants cherchent ainsi à apparaître plus comme protégeant les traditions et sanctuaires que comme les bouleversant. Les élites locales sont ainsi associées à la bonne marche du nouvel empire[48].

Les satrapies sont gouvernées par les satrapes, nommés par le roi sans limitation de durée. Comme le signifie leur titre, les satrapes sont des « protecteurs du royaume » et non des rois tributaires. Cependant, ils sont directement responsables vis-à-vis du roi en le représentant dans les provinces. Leurs attributions sont vastes : ils sont responsables de la collecte du tribut et des taxes, de la justice et de la supervision de l'économie de leur province. Ils ont aussi le pouvoir de négocier avec les états voisins et de faire la guerre. Les satrapes sont généralement choisis parmi la noblesse perse et mède, voire parmi des princes royaux. Hystapes, père de Darius, était satrape de Parthie[49], Masistès, frère de Xerxès, était satrape de Bactrie[50]. Les satrapes eux-mêmes subissent des inspections de la part des inspecteurs royaux, appelés les « yeux » ou les « oreilles du roi »[51]. Ces inspecteurs voyagent dans tout l'empire, accompagnés de troupes suffisantes en cas d'action immédiate nécessaire. Ils font des visites non annoncées afin d'inspecter l'administration des satrapes ou d'autres membres de l'administration royale et rapportent ce qu'ils voient directement au roi. Comparable au pouvoir d’un roi, le pouvoir des satrapes s’exerce à une échelle plus petite. Cependant, on note qu’au fur et à mesure, certains satrapes ont fait preuve de désobéissance au pouvoir royal, se comportant comme de véritables rois. Avec le temps, le pouvoir au sein de l’empire achéménide s'est en effet déplacé vers les satrapes[2].

Réformes de Darius

Poids en bronze en forme de lion, trouvé dans l'acropole de Suse.
conservé au Musée du Louvre

Lors de son règne, Darius réforme l’organisation de l’empire. Il adopte un nouveau mode d'administration et abandonne le gouvernement local. Les pays doivent alors payer un tribut (voir plus bas) et obéir à la loi du roi. Seuls les Persans sont exemptés du tribut et ne sont pas gouvernés par un satrape mais par le roi lui-même[52].

Les réformes de Darius permettent de réorganiser l'administration provinciale. En effet, au début du règne de Darius, la division de l'empire en satrapies est donnée par l'inscription de Behistun, où 23 pays sont énumérés[53] : Perse, Élam, Babylonie, Assyrie, Arabie, Égypte, les peuples de la mer, Lydie, Ionie, Médie, Arménie, Cappadoce, Parthie, Drangiane, Arie, Chorasmie, Bactriane, Sogdiane, Gandara, Scythie, Sattagydie, Arachosie et Maka. Cependant, pendant le règne de Darius, des changements ont eu lieu puisque de nouveau noms apparaissent : Saggartie, Inde, Thrace, Libye et Carie. Les raisons des modifications des frontières et des divisions des satrapies sont inconnues. On peut cependant supposer que le nombre tend à augmenter avec le temps, afin de rendre les satrapies plus petites et donc plus faciles à contrôler[2].

Les autres réalisations du règne de Darius incluent l'unification des poids et mesures, la mise en place d'une monnaie de l'empire, la construction d'un système légal et la construction d'une nouvelle capitale à Persépolis, où les états vassaux offrent des tributs annuels à l'occasion de Norouz, la fête traditionnelle iranienne célébrant l'équinoxe de printemps.

Lois et Justice

Cyrus II et Darius Ier introduisent chacun nombre de nouvelles lois. Celles-ci, particulièrement la loi civile, se basent sur la loi persane antique fortement influencée par les celles des autres royaumes du proche orient antique[54]. Aucun code de loi n'a malheureusement survécu, en dehors du cylindre de Cyrus qui de plus n'en est pas vraiment un. Ce document, parfois considéré comme le premier texte connu traitant des droits de l’homme, décrit une vision politique altruiste de la société de cette époque[55] :

  • Le texte établit le consentement des sujets à la souveraineté, et la résolution pacifique des conflits.
  • Il interdit l’esclavage et le travail forcé, reconnaît le droit au salaire, le droit au travail, et à la propriété.
  • Il garantit la liberté de religion et de conversion, de circulation, et le respect des traditions et coutumes.
  • Il introduit le principe de la responsabilité individuelle de la faute.
  • Il consacre le respect des droits édictés, la lutte contre l’oppression, et affirme le droit à la vie.
Inscription de succession du roi Xerxès Ier, découverte à Persépolis.
conservée au Musée national d'Iran.

Si les rois achéménides sont tous des législateurs, Darius se distingue particulièrement par l’ampleur de sa réforme du système légal. La réorganisation de l’empire suppose en effet d’importants aménagements des lois, composantes essentielles de l’ordre public. Toutes les inscriptions laissées par Darius soulignent ainsi son rôle de législateur, et lient la loi du roi à la loi de dieu[56]. Le législateur royal accorde cependant une certaine importance aux lois et aux coutumes locales, comme le montre l'exemple de Darius faisant compiler la loi égyptienne et lui accordant une validité[57]. De même, la Bible mentionne les efforts du scribe Esdras pour codifier la Loi Mosaïque pour la communauté juive qui rentre d'exil. Cette codification est achevée sous Artaxerxès Ier[58].

L'autorité judiciaire est assurée par le roi et par des « juges royaux »[59]. Ces juges royaux sont persans, et sont nommés à vie par le roi, dont le principe du pouvoir absolu ne peut donc pas être remis en cause. Le rôle de ces juges est de donner la justice et d'interpréter les lois antiques. Hérodote décrit ainsi les principes qu’ils doivent suivre en toute circonstance[60] : examen attentif des faits, puis, examen du crime au regard des actions précédentes de l'accusé (ce type de jugement est à comparer avec la conception zoroastrienne de jugement après la mort).

Les Achéménides accordent une grande importance à la justice : les auteurs grecs rapportent la mise à mort de juges corrompus. Les punitions et condamnations sont cruelles, comme toutes celles pratiquées au Moyen-Orient à cette époque (Exécution, crucifixion, empalement, mutilation, bannissement, etc.)[61]

Économie

Système monétaire

Double sicle de Pharnabaze, satrape à Tarse, en Cilicie. Argent, 380-375 av. J.-C.
conservé au Cabinet des médailles.

Darius Ier semble être le premier roi achéménide à frapper sa monnaie[62]. Mais la monnaie, en véhiculant une représentation d'un roi en posture guerrière, a plus une fonction idéologique qu'économique. Les échanges se font aussi en argent massif[63]. Darius œuvre par la suite à imposer l'adoption d'un étalon pondéral dans tout l'état achéménide, qui sert principalement à assurer l'équité dans les pesées des tributs[64]. L'unification du système monétaire permet alors de faciliter le commerce et les activités bancaires[65].

Le nouveau standard monétaire est le darique (dareikos en grec), fait d'or très pur (23,25 carats) et pesant environ 8,34 grammes. 3 000 dariques forment un talent, qui est la plus grosse unité de poids et monétaire. La frappe des pièces d'or est une prérogative du roi. Il existe aussi des pièces d'argent (pur à 90 %) appelées shekels ou sicles (síglos en grec), pesant environ 5,56 grammes. Vingt shekels ont la valeur d'un darique. Les pièces d'argent et de cuivre peuvent être frappées occasionnellement par les satrapes.

La transition vers ce système monétaire est aussi attestée par les tablettes retrouvées à Persépolis. Durant les premières années du règne de Darius, les salaires sont payés en nature ; pendant les décennies suivantes, les paiements en monnaie augmentent fortement, de sorte que le système monétaire est complètement établi à la fin du règne de Xerxès Ier. Cependant, le commerce avec les autres pays reste plutôt basé sur des échanges en nature, la monnaie perse joue surtout un rôle dans le commerce avec les provinces grecques.

Cependant, cette réforme du système monétaire ne reste que partielle, car les rois achéménides préfèrent thésauriser les valeurs dans leurs trésors royaux, de sorte que la plupart des métaux précieux ne sont jamais transformés en pièces de monnaie.

Impôts et tributs

Lettre de Darius Ier à Gadatas, satrape en Ionie, sur sa gestion d'un paradis (jardin royal)
conservée au musée du Louvre.

Durant le règne de Cyrus et Cambyse, les rois persans recevaient des cadeaux de la part des pays conquis. À partir du règne de Darius, tous les districts fiscaux (qui correspondent presque aux satrapies) doivent payer un tribut fixe, dont le montant est défini en poids d'or et d'argent, additionné de biens en nature selon les ressources économiques du district (bois, chevaux, grain, etc.). L’apparition de cet impôt s’explique par le fait qu'afin de mener à bien sa réforme de l’empire, Darius a besoin de doter son administration de financements reposant sur une nouvelle base économique. Pour cela, il crée et impose un tribut fixe à chaque pays conquis (à l'exception du Fars, région d'origine des Persans). Il s’agit en effet de lever des sommes suffisantes permettant de financer les dépenses de l'état et du roi : paiement des serviteurs et des officiels royaux, financement de travaux publics ou d'apparat (construction des palaces, des routes et des canaux par exemple)[2].

Pour contrebalancer la relative indépendance locale accordée aux provinces via le système des satrapies, les inspecteurs royaux parcourent l'empire. Appelés les « yeux et les oreilles du roi », ils lui font parvenir des rapports sur les affaires locales. Des statistiques détaillées sur les tributs sont données par Hérodote, Histoires. « Livre III, Thalie.90-95 » [détail des éditions] [lire en ligne]. Les tributs de chaque district sont calculés avec une grande exactitude, mais ils ne changent pas. Au fur et à mesure que la situation économique se dégrade, le poids du tribut devient de plus en plus lourd pour les districts.

Ces tributs semblent constituer la plus importante source de revenus de l'empire. L'or et l'argent collectés vont rejoindre les trésors royaux (ganza en vieux-persan) de Suse, Ecbatane ou Persépolis[66]. L’administration des trésors donne lieu à inventaires et comptabilités, rapportés sur de très nombreuses tablettes en élamite, dont l’examen permet de reconstituer l'activité des fonctionnaires des impôts. Des tablettes mentionnent également d’autres sources de revenus du trésor, constituées par les taxes commerciales et douanières perçues sur les routes royales ou aux portes des villes. Toutefois, aucun détail n'en est connu aujourd'hui.

Commerce et communications

Le commerce international connaît un fort développement au cours de la période achéménide. Cela est dû en particulier à l'introduction du système monétaire et d'un système de poids et mesures unifié qui facilitent les paiements et créent des conditions favorables au développement des échanges[2].

La grande taille de l'empire rend également nécessaire le développement de routes commerciales : l’administration impériale doit donc faciliter le transport de marchandises sur les énormes distances qui séparent les différentes parties de l’empire. Darius Ier ordonne la construction de routes afin de rendre plus rapide le voyage des caravanes commerciales, des troupes et des inspecteurs du roi. Les vingt satrapies sont alors reliées par un réseau routier connectant Suse et Babylone avec les capitales provinciales. La partie la plus impressionnante de ce réseau est la Route Royale, qui s’étend sur plus de 2 500 km entre Suse et Sardes, construite sur une commande de Darius Ier[67]. Cette route compte 111 stations (stathmoi), et des relais de courriers à cheval permettent d'atteindre les territoires les plus reculés en quinze jours. Ces routes étaient surveillées par des patrouilles, comme le racontent les auteurs grecs.

De plus, le commerce par voie d’eau est également facilité par le percement du canal de Suez antique, qui relie la Méditerranée à la mer Rouge. Prévu par le pharaon Nékao II, ce canal est en fait achevé par Darius Ier[68].

Outre la consolidation des routes commerciales de l’empire, de nouvelles voies commerciales sont prospectées : Darius finance également des expéditions comme celle de Scylax de Caryanda, qui découvre les bouches de l'Indus en suivant la route côtière depuis le golfe Persique[69]. Le Périple de Scylax de Caryanda constitue le premier élément d'information sur l'Inde connu en occident.

Agriculture et irrigation

Article détaillé : Qanat.
Entrée d'un Qanat à Kashan, province d'Isfahan

L’époque achéménide apporte d’importants changements à l’agriculture, un des piliers de la vie économique de l'empire. L'amélioration de l'irrigation est notable, notamment dans les régions qui disposent de peu d'eau : Égypte, Babylonie, Iran, Asie centrale. Le système d'irrigation appelé qanat, qui fournit encore de l'eau en Iran et en Afghanistan aujourd'hui, se développe en effet à cette époque[2]. C'est le roi lui-même qui fait construire ces canaux souterrains d'irrigation, et qui les loue ou en donne l'usufruit pendant cinq générations à la famille qui participe à sa construction[70].

Les propriétaires agricoles les plus importants sont le roi, les familles nobles (iraniennes pour la plupart), les temples et les grands entrepreneurs[2]. Ces grands domaines qui donneront par la suite naissance aux jardins persans, se composent de terres agricoles cultivées[71], et de réserves de chasse ou botaniques que les Grecs appelaient paradeisoi (qui a donné le mot paradis).

La situation économique, très variable d’une province à l’autre, décline cependant à partir du IVe siècle av. J.-C. : les taxes deviennent de plus en plus lourdes et pèsent sur l'économie locale qui pâtit également du stockage de l'or et de l'argent versés aux mercenaires. L'administration royale échoue à maintenir des conditions économiques satisfaisantes dans l’empire.

Armée

Lancier, détail de la frise des archers du palais de Darius à Suse. Briques siliceuses à glaçure, vers 510 av. J.-C. conservé au Musée du Louvre

À l'époque de Cyrus Ier, tous les hommes persans devaient se battre pour le roi. Outre son importance stratégique militaire, l’armée impériale joue également un rôle politique important, assurant le maintien de l'union politique de tous les territoires réunis sous la direction des Achéménides[2]. Son élite est constituée par le corps des 10 000 Immortels[72], dont sont issus les gardes des palais royaux. Le chef de cette unité (appelé hazāparati), en tant que « second du roi »[73], assurait également le commandement de toute l'armée impériale. L'armée de terre était divisée entre des fantassins et des cavaliers, tous recrutés parmi la noblesse. Dans les inscriptions, cette armée est appelée kāra.

L'armée possédait des garnisons permanentes dans tout l'empire, commandées par des officiers persans. Les garnisons étaient placées à des points stratégiques : Les forts situés sur le grandes routes de l'empire, aux frontières ou même dans des colonies militaires (Comme à Éléphantine à la frontière égypto-nubienne). Ces garnisons étaient composées d'éléments persans, mèdes, grecs, chorasmiens, et plus particulièrement de juifs[74].

Les satrapes sont chargés de l’approvisionnement, de l’entretien et du financement de ces forces armées stationnées sur leur domaine administratif, ils ne sont en revanche, pas en charge de leur commandement militaire. Celui-ci est en effet assuré par une hiérarchie distincte et soumise à l’autorité royale[75].

En temps de paix, l’armée est essentiellement composée de persans[76] et de mèdes.

En temps de guerre, cette armée de métier était supplée par des troupes levées parmi les différentes peuples de l'empire[77]. Cette armée « de réserve » était alors divisée en unités nationales et équipées selon leurs coutumes nationales[2]. Si l’on en croit les écrits d’Hérodote décrivant les revues de son armée menées par Xerxès Ier en Thrace ou à proximité de l’Hellespont, l’armée impériale est en effet très hétérogène et bigarrée. Très importante (7 jours et 7 nuits sans interruption lui sont nécessaires pour franchir un pont), elle se compose alors de 67 contingents ethniques issus des différents peuples de l’empire. Ces contingents commandés par des perses de haute lignée se répartissent en 3 catégories : infanterie, cavalerie, et marine[78]. Infanterie et cavalerie comportaient chacune des contingents d’archers[79].

Les tenues et équipements des soldats des contingents décrits par Hérodote sont extrêmement hétéroclites, fonction du peuple considéré. Ils rendent compte d’une importante diversité[78] :

  • Vêtements de peaux (éthiopiens, outiens, myques, paricaniens), enduits corporels de plâtre ou vermillon (éthiopiens), coiffes de renard et bottes en peaux de faon (thraces) ;
  • Boucliers d’osier (perses) ou de peau (paphlagoniens, éthiopiens), casques de bois (colchidiens) ou de bronze (assyriens) ;
  • Masses de bois garnies de clous (assyriens), haches (saces), pointes de flèches en pierre taillée et piques en corne de gazelle taillée en guise de fer de lance (éthiopiens), cordages lancés pour immobiliser les jambes de l’adversaire et poignards (sagartiens) ;
  • Cavaliers montant chameaux (arabes) ou chevaux, chars attelant des chevaux ou des ânes ;

Cette hétérogénéité des troupes, de leurs armements et équipements, et de leurs techniques de combat, pose naturellement la question de l’efficacité du commandement et de la difficulté de coordination des manœuvres au combat. Quinte Curce souligne même que la diversité est telle que le roi ne connaissait pas tous les peuples composant son armée, et que les peuples ignoraient qui étaient leurs alliés. Pour Briant, si cette diversité a pu être avancée en premier lieu pour expliquer les défaites perses contre les grecs et les macédoniens, elle ne tient pas compte du fait que les contingents décrits par Hérodote n’ont en fait jamais participé aux combats, qui impliquaient surtout des troupes d’élites essentiellement issues du plateau iranien. Les combattants engagés aux Thermopyles étaient ainsi perses, kissiens, et gardes immortels ; ceux engagés à Platées étaient perses, mèdes, bactriens, indiens, saces, et mycales[78].

Briant observe que les revues d’armées par Xerxès, s’inscrivaient plutôt dans un cadre cérémonieux : le roi prenant acte de sa puissance au travers de la présentation de son armée. L’objectif n’y était pas de compter les forces militaires disponibles, mais pour le roi de prendre connaissance de la diversité de son empire et de stimuler le moral de ses troupes. Partant de l’interprétation de Quinte Curce, il établit donc une distinction entre ces troupes de parades mises en scènes afin de représenter l’espace impérial jusque dans ses peuples les plus marginaux, et les troupes combattantes en majorité iraniennes et sélectionnées[78]. À la fin de l'époque achéménide, les soldats persans ont de plus en plus été remplacés par des mercenaires grecs.

Culture

Inscription de Behistun, Colomne 1 (DB I 1-15), relevée par Fr. Spiegel, en 1881.

Langue

La langue administrative de l'empire est l'araméen, qui sert également à la communication interrégionale. Cependant, d'autres langues ont une utilisation plus limitée dans l'espace et dans le temps. Le néo-élamite est ainsi la langue officielle de la cour dans le Fars, comme l'attestent les tablettes trouvées à Persépolis (datées entre 509 et 458)[80]. D'autres langues ont une utilisation locale, comme l'égyptien, le grec, le lydien ou le lycien.

L'élamite et le néo-babylonien sont employés dans les inscriptions royales, comme le vieux-persan, qui est une langue dont l'écriture est inventée à l'époque de Darius Ier. Ce dernier l'utilise surtout à des fins représentatives, comme c'est le cas sur l'inscription de Behistun.

La vie durant l'époque achéménide

Reconstruction du toit de l'Apadana à Persépolis.
Vie à la cour royale

La cour royale semble être le lieu par excellence du pouvoir dans l'empire achéménide : c'est là que vit le roi, avec sa famille et ses familiers. C'est également là que les nobles doivent résider, que sont prises les décisions administratives et stratégiques, que les satrapes sont convoqués ou reçus. Cependant, les documents portant sur la vie de la cour sont rares et inégalement distribués[81].

Le Roi achéménide se déplace périodiquement entre les différentes résidences royales (Persépolis, Suse, Ecbatane, etc.), accompagné de la cour et de ses différents services. Lors des voyages, le souverain loge dans une tente très luxueuse dressée au milieu du camp et pourvue de signes distinctifs[82]. Briant admet que ces tentes pouvaient être des répliques des palais de Suse et de Persépolis. La vie à la cour royale semble réglée par des règles d'étiquette aulique très strictes[83]. Le Roi est entouré de hauts officiers de cour, chargés de s'occuper de différentes affaires (Trésor Royal, chancellerie), et qui lui rendent compte directement. Un personnel nombreux est également chargé du service des audiences. En effet, les solliciteurs et suppliants se présentent à la porte du roi. Ces visiteurs transmettent leur messages à des gardiens ou à des porteurs de message, et ne sont reçus devant le roi que sur convocation[84]. Toute personne s'approchant du roi sans avoir été convoquée est condamnée à mort[85].

Le roi prend généralement ses repas seul, par souci de sécurité. Lors des banquets, la place des convives est soigneusement choisie, à la fois pour témoigner des faveurs du roi et pour assurer sa sécurité. Les auteurs grecs sont tous frappés par le luxe et l'apparat des banquets de cour. Les vivres et aliments du roi sont transportés à part, comme ceux des Immortels[86]. Les empoisonnements sont courants au sein de la cour ; le Roi emmène donc partout avec lui de l'eau du Choaspes, la rivière qui coule à Suse. L'eau est bouillie et transportée dans des vases d'argent[87]. De même, la fonction d'échanson est très importante à la cour ; le Roi boit un vin qui lui est réservé, et l'échanson fait également office de goûteur[88].

Ces mesures ne servent pas seulement à souligner la place particulière du roi, elles semblent aussi être destinées à préserver sa santé[89]. Les médecins tiennent donc également une place importante dans l'entourage royal. Proches du roi comme les échansons, il leur est facile d'empoisonner le monarque. Ces fonctions se destinent donc à des personnes de confiance. Les médecins royaux sont principalement grecs et égyptiens.

Parmi le personnel de la cour se trouvent également les eunuques, divisés en deux catégories : ceux faisant partie de l'entourage proche du roi, et les autres, domestiques. Le service du roi et des princesses royales exige une nombreuse domesticité d'eunuques. Leur rôle est de veiller sur la chambre du roi et des princesses[90]. Ils sont généralement originaires de pays soumis, et leur statut est proche de celui d'esclaves, même si leur intimité avec le roi leur confère un statut particulier[91].

Sceau-cylindre représentant une scène érotique. Marbre jaune, VI-IVe siècles av. J.-C. Provenance : Suse. conservé au Musée du Louvre

De nombreux auteurs anciens nous apprennent que le Roi, et d'autres personnes, pratiquent la polygamie et ont de nombreuses concubines[92]. Les princesses royales, et toutes les femmes en général, disposent d'appartements particuliers. Des concubines résident dans une « maison des femmes » après avoir passé une nuit avec le Grand Roi[93], et restent auprès de lui. Les princesses royales disposent d'une plus grande autonomie et voyagent, comme l'attestent les tablettes de Persépolis. Elles gèrent également leurs terres, leurs domestiques, voire leurs ateliers[94].

La chasse est sûrement le loisir favori des rois. Elle présente en effet l'avantage de constituer une très bonne préparation physique pour le jeune noble, et un évènement au cours duquel il peut montrer son courage, son habileté et sa puissance (le premier trait lui est réservé). La chasse est pratiquée dans les pairidaeza, parcs clôturés de grande étendue: le mot signifiant en effet « ayant une clôture de tous les côtés ». Ces jardins sont à la fois des lieux de détente et d'agrément, aménagés par des horticulteurs, et d'immenses réserves de chasse[95]. Les techniques de chasse sont variées : à pied, à cheval, en char ; utilisant l'épée, l'arc, le javelot, ou le filet. Une lettre adressée par darius à Gadatas, qui transplante des fruits entre l'Euphrate et les côtes asiatiques, fait état de l'intérêt du grand roi pour l'horticulture.

Vie hors de la cour royale

Compte tenu de la nature des documents de l'époque, le quotidien des sujets de l'empire est encore moins bien connu que celui des gens de cour : si les plans des palais royaux sont bien connus, ceux des maisons particulières de l'époque ne l'est pas en dehors de celles de la Babylone achéménide. Les murs sont constitués de briques d'argile crues ajustées avec un mortier d'argile et de paille. L'isolement des parties murales basses est réalisé avec du bitume. Les maisons achéménides semblent être construites autour d'une cour donnant sur un portique, peut-être à une ou deux étages[95]. Concernant le mobilier, la qualité et le caractère précieux des meubles, tapis et autres objets précieux perses sont très réputés.

Amulette-pendentif à la tête de lion. Faïence, œuvre achéménide, fin du VIe-IVe siècle av. J.-C. conservé au Musée du Louvre

Les tenues vestimentaires sont surtout connues au travers des nombreuses représentations de sujets sur des œuvres d'art de l'époque achéménide. Les Perses portent alors des longues robes plissées, avec ou sans manches, soutenues par une ceinture, en guise de survêtement. Ils connaissent également les sous-vêtements (sous la forme d'un pantalon de cuir ou d'étoffe fine), qu'ils portent surtout pour monter à cheval. Les chaussures sont de deux types : des souliers plats fermés avec 3 ou 4 lacets, ou des bottes. Les couvre-chefs sont de formes et matériaux variés : allant du simple serre-tête à la casquette sphérique, au chapeau à cannelures ou aux feutres et bonnets. La couleur des vêtements sert à distinguer les classes sociales tout au long de l'époque achéménide. Le rouge est la couleur des guerriers, le blanc, celle des prêtres et le bleu celle des paysans. Le roi porte des vêtements dans toutes ces couleurs pour montrer son autorité sur les trois classes sociales. Ce sont les reliefs de Persépolis qui indiquent ces renseignements sur l'habillement des hommes[95].

Les diverses sources connues donnent très peu d'informations sur l'éducation des jeunes. Même si l'éducation est en principe ouverte à tous les Perses, les enfants de paysans restent très largement illettrés. D'après les textes connus, il semble que l'éducation des jeunes nobles achéménides commence dès l'âge de cinq ans, et dure de dix à vingt ans selon les sources. Strabon dit que les jeunes s'exercent à la gymnastique, sont entraînés à la chasse à l'arc, à la lance et à la fronde, et apprennent à planter des arbres, à cueillir des plantes et à fabriquer des vêtements et des filets. Xénophon signale que leur éducation comprend aussi une partie destinée à développer leur sens de la justice, leur obéissance, leur endurance et leur maîtrise de soi[95].

Religion

Article détaillé : Religion de la Perse achéménide.

C'est durant la période achéménide que le zoroastrianisme atteint le sud-ouest de l'Iran, où il est adopté par les souverains, devenant à travers eux un élément déterminant de la culture persane.

Sous le patronage des rois achéménides, vers le Ve siècle av. J.-C., le zoroastrisme devient de fait la religion de l’État et atteint les limites de l'empire. Dans le même temps, la religion est sujette à un fort syncrétisme, en particulier avec les religions de la Mésopotamie, dont les divinités prennent un aspect astral et planétaire.

Au milieu du Ve siècle av. J.-C., c'est-à-dire pendant le règne de Artaxerxès Ier et Darius II, Hérodote écrit : « les Perses n'ont pas d'images de Dieu, pas de temples ni d'autels, et considèrent leur utilisation comme une folie. Cela vient, je pense, du fait qu'ils ne croient pas que les dieux ont la même nature que les hommes, comme les Grecs l'imaginent. » Affirmant également que les persans offrent des sacrifices « au soleil et à la lune, à la terre, au feu, à l'eau et aux vents », il donne également des précisions : « Ce sont les seuls dieux dont l'adoration trouve son origine dans les temps passés. Plus tard, ils ont commencé à adorer Urania, qu'ils ont emprunté aux arabes et aux assyriens. Mylitta est le nom sous lequel les Assyriens connaissaient cette déesse, que les arabes appellent Alitta et les persans Anahita. » En fait, il s’agirait plutôt de Mithra, depuis longtemps confondue avec Anahita. Les deux déesses sont en effet couramment adorées dans les mêmes temples. Concernant les sacrifices, Hérodote ajoute « ils n'élevaient pas d'autels, n'allumaient pas de feu, ne versaient pas de libations. » On peut noter que cette phrase est souvent interprétée à tort comme faisant référence à des pratiques zoroastriennes : l’érection d’autels et l’utilisation rituelle du feu, ainsi que le service du Yasna, correspondent à des pratiques zoroastriennes modernes, n’étant pas encore développées à cette époque.

Pendentif achéménide représentant le dieu égyptien Bès maîtrisant deux chèvres. Or, fin du VIe-IVe siècles av. J.-C. Provenance : Syrie. conservé au Musée du Louvre

Confirmant les écrits d’Hérodote, l’utilisation de représentations matérielles divines par les perses semble débuter avec l’érection de statues par Artaxerxès II. Le prêtre-savant babylonien Bérose rapporte en effet qu’Artaxerxès est le premier à rendre hommage aux statues de divinités et qu'il en a placé dans les temples des villes principales de l'empire[96].

Hérodote observe aussi qu’aucune prière ou offrande ne peut être faite sans la présence d'un mage. Traditionnellement responsables des rituels et services religieux, les mages ne sont pas associés à une religion particulière. En outre, leur fonction de prêtre se transmet par hérédité.

Le règne de Darius Ier voit la religion devenir particulièrement liée à l’idéologie monarchique. Les multiples témoignages laissés par Darius puis son fils Xerxès Ier sur les inscriptions et reliefs royaux de Behistun, Persépolis, ou Suse, attestent d’un souci constant de légitimer le pouvoir royal et la succession de Darius par la volonté d’Ahura Mazda. Persépolis exprime ainsi l’image d’un pouvoir royal souverain et illimité, le roi assurant l’unité du monde par ses vertus conférées par la protection d’Ahuramazda[97].

Le dieu, alors invoqué comme étant le plus grand, représente la source du pouvoir et du rayonnement royal[98]. Un des reliefs du palais des 100 colonnes de Persépolis décrit ainsi l’ordre des choses, montrant de haut en bas : Ahura Mazda, le roi sur son trône, puis plusieurs rangs de soldats le soutenant. Le message délivré par ce relief est clair : le roi tient son pouvoir d’Ahura Mazda qui le protège, et commande l’armée qui porte son pouvoir[99].

Art

L'art achéménide est un art de dignification, servant à l'échelle de l'empire à glorifier la dynastie régnante[2]. L'extension de l'empire achéménide permet un développement de l'art à sa mesure. L'apogée de l'art achéménide culmine au moment où le pouvoir persan est également à son apogée, notamment grâce aux tributs récoltés dans tout l'empire.

Architecture et urbanisme

Voir aussi : Persépolis
Colonne de l'Apadana, par Eugène Flandin, 1840.

Une des caractéristiques de l’empire achéménide est l’érection dès le règne de Cyrus le Grand de constructions monumentales palatines en totale rupture avec l’absence de telles constructions au cours des périodes antérieures. En effet, les Perses ne possédaient pas à l’origine de bagage architectural propre : il s’agissait en effet d’un peuple semi-nomade de pasteurs et cavaliers[100]. Ils font donc appel au savoir-faire d’ouvriers, artisans et architectes provenant de toutes les nations de l’empire, intègrent ces influences et proposent rapidement un art original dont le style est marqué par la combinaison d’éléments issus des civilisations assujetties. Il ne s’agit pas d’une hybridation, mais plutôt d’une fusion des styles qui en créent un nouveau. L’architecture perse est utilitaire, rituelle, et emblématique[101]. Présent au moyen orient avant les Perses, le principe d’espaces internes créés par des supports et plafonds en bois évolue, la salle hypostyle devient l’élément central du palais. L'apport des techniques grecques permet à l'architecture perse d'aboutir à des constructions différentes où l’espace a des fonctions différentes : le dégagement de vastes espaces au moyen de colonnes hautes et fines constitue une révolution architecturale propre à la Perse. Les salles hypostyles y sont destinées aux foules et plus seulement aux prêtres comme en Grèce ou en Égypte[102]. Du fait de l’inclusion de l’Ionie dans les satrapies de l’empire, l’architecture perse achéménide est marquée par une forte influence grecque ionienne, particulièrement visible dans les salles hypostyles et les portiques des palais de Persépolis[103]. Des architectes lydiens et ioniens sont en effet engagés sur les chantiers de Pasargades, puis plus tard sur ceux de Persépolis, et Suse. Ils en réalisent les principaux éléments, et on trouve ainsi des graffitis en grec dans les carrières proches de Persépolis, mentionnant les noms de chefs carriers. Ils jouent un rôle majeur dans l’éclosion du style perse, autant dans l’appareil que dans la maçonnerie. La participation de Grecs à l’érection de colonnes et à l’ornement de palais en Perse est également mentionnée par la charte de Suse, ainsi que par Pline l'Ancien[104],[105]. Les palais achéménides portent également les marques d’influences mésopotamiennes (en particulier dans la formule palatine associant deux palais, l’un pour l’audience publique et l’autre pour l’audience privée), babylonienne (reliefs émaillés et polychromes), assyriennes (orthostates ornés de bas reliefs, hommes-taureaux ailés des portes), égyptiennes (gorges des corniches surplombant les portes, portiques)[101],[106].

C'est Cyrus qui, le premier, utilise l'architecture et l'urbanisme pour exprimer la diversité culturelle de l'empire et affirmer la force du pouvoir central. Pasargades est conçue par le roi et ses conseillers, et les travaux sont réalisés par des artisans lydiens et mésopotamiens, dont la présence est attestée par des tablettes[107]. Les emprunts stylistiques aux régions anatoliennes, assyro-babyloniennes voire phéniciennes et égyptiennes sont nombreux à Pasargades. Le résultat n'est cependant pas une juxtaposition de styles hétérogènes mais bien un nouvel ensemble qui s'inscrit dans un programme impérial et dynastique[107].

Pasargades marque donc une première étape dans le développement du style architectural et urbanistique perse : située dans une plaine au sein d’un vaste parc irrigué et dominé par une forteresse, sa structure couvre environ 10 hectares et est organisée selon un plan orthogonal mais pas encore symétrique. Des pavillons carrés ornés de colonnades en façade forment les accès aux différentes zones de l’ensemble qui comprend également deux palais hypostyles asymétriques. L’un flanqué latéralement de 2 grands portiques de longueur inégale revêt ainsi une forme de « H » ; l’autre, véritable ébauche stylistique, annonce les futurs apadana de Suse et Persépolis. Ses ailes asymétriques ainsi que la présence de renfoncements latéraux sont révélateurs de recherches et tâtonnements architecturaux encore inaboutis[108].

Afin de marquer son avènement au pouvoir, et d’assurer sa légitimité au trône, Darius le Grand lance par la suite un gigantesque programme de construction, de transformation et d'embellissement à Pasargades, puis à Suse, et surtout à Persépolis. Il mène ensuite plus avant ce travail d'urbanisation en créant Naghsh-e Rostam et entreprend des travaux à Babylone, et Ecbatane. Les inscriptions et les dépôts de fondation indiquent clairement que Darius veut montrer l'image de son pouvoir souverain et illimité[109]. Ce programme monumental sera ensuite repris par ses successeurs : Persépolis reste ainsi en construction jusqu'à la chute de l'empire Perse.

Le style architectural perse est alors à son apogée. Le plan de Persépolis est ainsi rationalisé et équilibré : le plan carré est systématisé, les espaces hypostyles sont généralisés. Les colonnes sont strictement arrangées, y compris dans les annexes des palais. Autre innovation majeure : les transitions des portiques aux côtés latéraux sont assurées par des tours d'angle à l'Apadana. Des grandes portes et différents passages distribuent la circulation vers les bâtiments majeurs[110].

Statue de Darius Ier construite sur ses ordres afin d'être placée à Héliopolis pour montrer que « le persan a pris l'Égypte ». Elle a ensuite été ramenée à Suse par Xerxès Ier après avoir brisé une révolte en Égypte.
conservée au Musée national d'Iran

Les artisans qui ont travaillé sur ces chantiers devaient suivre à la lettre les consignées données par les conseillers du roi. Les emprunts aux arts antérieurs de la région sont alors fondus en un art royal qui suit un programme précis : montrer la domination du Grand Roi sur les peuples conquis (comme le montrent les proclamations écrites ou représentations figurées de Suse, Persépolis et Naghsh-e Rostam par exemple) ; mais aussi montrer que le Grand Roi assure l'unité du monde tout en soulignant sa diversité ethnique et culturelle sous la protection d'Ahura Mazda[109].

Tous les palais achéménides avaient systématiquement des murs en brique crue, ce qui peut paraître surprenant dans une région où la pierre de construction est disponible en quantité. C'est en fait une caractéristique commune à tous les peuples de l'Orient, qui ont réservé les murs de pierre aux temples et aux murailles. Aucun mur de Persépolis n'a donc survécu, les éléments encore dressés sont les chambranles des portes et les colonnes de pierre[110].

Sculpture

Le forme la plus connue et la plus répandue de sculpture achéménide est le bas-relief, particulièrement à Persépolis, où les bas-reliefs décorent systématiquement les escaliers, les côtés des plateformes des palais et l'intérieur des baies. On suppose également qu'ils étaient utilisés dans la décoration des salles hypostyles. On peut y voir des inspirations égyptiennes et assyriennes, voire grecques pour la finesse de l'exécution. On y rencontre la plupart des stéréotypes des représentations orientales antiques : tous les personnages sont représentés de profil ; si la perspective est parfois présente, les différents plans sont généralement rendus l'un sous l'autre ; les proportions entre les personnages, les animaux et les arbres ne sont pas respectées ; le principe d'isocéphalie est strictement appliqué, y compris sur différentes marches d'escalier. Les sujets représentés sont des défilés de représentants des peuples de l'empire, de nobles perses et de gardes, des scènes d'audience, des représentations royales et des combats entre un héros royal et des animaux réels ou imaginaires. Ces bas-reliefs sont remarquables pour leur qualité d'exécution, chaque détail y est rendu avec une grande finesse[110].

Statue d'un chien, provenant de la tour sud-est de l'Apadana, Musée national de Téhéran.

On connaît très peu de sculpture achéménide en ronde-bosse ; celle de Darius, retrouvée à Suse est la plus connue (voir ci-contre). Il ne s'agit cependant pas d'un exemple unique ; par exemple, Plutarque mentionne qu'à Persépolis se trouvait une grande statue de Xerxès Ier[111].

Cependant, de nombreux éléments de décoration peuvent être considérés comme de la ronde-bosse. Elle est surtout utilisée pour des représentations d'animaux réels ou mythologiques, souvent inclus comme éléments architecturaux dans les portes et les chapiteaux. Ce sont essentiellement des taureaux qui sont représentés comme gardiens des portes, ainsi qu'au portique de la salle des Cent Colonnes. Les chapiteaux de colonne se terminent par des impostes de protomes animaliers : taureaux, lions, griffons… Les animaux sont très stylisés, sans aucune variation[110]. Quelques statues entièrement en ronde-bosse ont également été retrouvées, telle celle représentant un chien, qui décorait une tour d'angle de l'Apadana.

Polychromie

Sphinx du palais de Darius à Suse. Briques siliceuses à glaçure, vers 510 av. J.-C. conservé au Musée du Louvre

Contrairement à Persépolis, les palais de Suse ne présentent pas de bas reliefs taillés dans la pierre. La décoration y est assurée par des ensembles en brique émaillée réalisant de vastes panneaux de céramique polychrome d’inspiration mésopotamienne. Y sont déclinées des figures animales (lions, taureaux, griffons) et des représentations de Mélophores comme celles des reliefs persépolitains. La polychromie joue donc un rôle considérable dans l’art représentatif achéménide, transfigurant les personnages et figures représentés, donnant aux palais un éclat coloré[112].

Nonobstant la découverte de céramiques polychromes de Suse, l’utilisation de peintures colorées à Persépolis a souvent été mésestimée du fait des nombreuses altérations que subissent les pigments au cours du temps. La mise en évidence de multiples couleurs sur de nombreuses pièces issues de la plupart des palais et bâtiments persépolitains atteste de la richesse et de l’omniprésence de peintures polychromes à Persépolis. Il ne s’agit pas seulement de preuves reposant sur des traces pigmentaires persistant sur des objets, mais de preuves consistantes comme des agglomérats de peintures formant des grumeaux, de couleurs ayant pris en masse dans des bols retrouvés en de multiples endroits du site. Ces couleurs étaient utilisées non seulement sur les éléments architecturaux (murs, reliefs, colonnes, portes, sols, escaliers, statues), mais aussi sur les tissus et autres décorations. Briques vernissées, revêtement de sols en chaux colorée à l’ocre rouge ou gypseux vert-gris, colonnes peintes et autres tentures paraient ainsi les intérieurs et extérieurs des palais. La grande palette des couleurs retrouvées donne en effet une idée de la richesse polychromique présente à l’origine : noir (asphalte), rouge (verre rouge opaque, vermillon, hématite de l’ocre rouge), vert, bleu égyptien, blanc, jaune (ocre ou doré). L’utilisation de pigments végétaux est évoquée, mais n’est à ce jour pas démontrée[113].

Orfèvrerie de Cour

Anse de vase en forme de bouquetin ailé. Argent partiellement doré, IVe siècle av. J.-C..

L’orfèvrerie est un domaine capital du tribut imposé aux nations assujetties par les souverains perses. Les reliefs des tributaires ainsi que les tablettes de Persépolis mettent en évidence l’importance du drainage d’œuvres d’art par les perses au travers de toutes leurs possessions[114].

Les multiples découvertes de nombreuses pièces de vaisselle en métaux précieux (or, électrum, argent) datant de l’époque achéménide témoignent de l’importance d’un art d’apparat au service de banquets somptuaires lors de fêtes cultuelles. Directs héritiers de l’art métallurgique de Marlik ou d’orfèvres grecs, des rhytons d’or et d’argent sont remarquables par leur maturité esthétique et leur perfection technologique. De même, amphores d’argent, coupes, et plats à goderons, vases, bijoux, parures, armes d’apparat, mêlent classicisme et syncrétisme. À l’instar des autres domaines artistiques perses, l’orfèvrerie intègre donc des influences et savoir-faire multiples provenant de tout l’empire, qu’elle combine en un nouveau style royal perse propre et original[114].

Si le travail de l’or était déjà développé sur le territoire correspondant à l’empire Perse à Hasanlu, en Amlach, ou dans l’Urartu, la similitude entre certaines pièces d’orfèvrerie achéménide et d’autres provenant de Marlik est telle qu’elles semblent sortir des mêmes ateliers, bien que réalisées parfois à quelques décennies voire siècles d’écart. Certaines analogies stylistiques et de thèmes se rencontrent en Anatolie, en Grèce, en Perse, et jusqu’en Thrace, et témoignent de l’importance des diffusions de style au travers de tout l’empire au travers notamment de migrations tribales Scythes[114].

Bilan du règne des Perses dans le Proche-Orient ancien

Dans l'histoire du Proche-Orient ancien, l'empire Achéménide a une place particulière. C'est sous le règne de Achéménides qu'ont été réunis des royaumes auparavant concurrents dans une même formation étatique qui s'étendait entre l'Indus et la mer Égée. Les royaumes précédents ont effectivement disparu, remplacés par l'organisation administrative de l'empire ; empire qui a d'ailleurs conservé les différentes traditions des empires conquis et les a refondés en un nouvel ensemble en y introduisant une idéologie nouvelle comme le montrent notamment l'art achéménide ou certaines traditions administratives. Les éléments proprement iraniens sont prépondérants dans celles-ci. C'est vraisemblablement à travers l'appui que trouvaient les Rois sur la noblesse Perse que les Grands Rois Achéménides ont réussi à assurer leur pouvoir aussi longtemps[115].

Cependant, l'extrême diversité des peuples qui composent l'empire rend difficile toute vision précise de la nature exacte de l'emprise du pouvoir royal sur les différentes nations de l'empire. Mais sa structure rendait peut-être difficile sa transformation en État-nation. Cette faiblesse permet aux macédoniens de faire aboutir leurs attaques sur l'empire perse. Alexandre reprend à son compte une partie du modèle achéménide et se pose en successeur de Darius III, ce qui lui attire l'opposition de la noblesse macédonienne, qui n'arrive pas à organiser la succession d'Alexandre après son expédition en Inde[115].

La création des grands royaumes séleucides et hellénistiques qui a suivi dans la région est en partie intervenue dans la continuité des pratiques achéménides. Certains rois des pays helléniques et balkaniques reprennent même à leur compte des pratiques sociales des Perses pour créer une communauté de culture avec les nobles du pays conquis[115].

Annexes

Notes et références

  1. Briant, p.17
  2. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l  et m (en) R. Schmitt, « Achaemenid Dynasty », in Encyclopædia Iranica en ligne, (consulté le 2/11/2006)
  3. a  et b Briant, p.28
  4. E. F. Weidner, Die älteste Nachricht über das persische Königshaus, Archiv für Orientforschung 7, 1931-32, pp. 1-7
  5. Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio. 127 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  6. (en) David Stronach, Darius at Pasargadae: A Neglected Source for the History of Early Persia, Topoi, 1997, p. 37-40
  7. Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio. 129 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  8. Briant, p.43
  9. Briant, p.46
  10. Briant, p.64
  11. Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio. 30-38 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  12. Briant, p.109
  13. Hérodote, Histoires. « Livre III, Thalie. 68 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  14. Briant, p.156
  15. Briant, p.558
  16. L'inscription des daivā (Xph §3) répertorie toujours les Ioniens qui vivent près de la mer, les Ioniens qui vivent au-delà de la mer et les habitants de Skudra.
  17. Briant, p.582-583
  18. Briant, p.588
  19. Tablettes des fortifications des Persépolis, PT 76-77
  20. PT 79
  21. Briant, p.590
  22. Diodore XI, 71.3-6
  23. Briant, p.592
  24. Briant p.605
  25. Briant, p.607
  26. Briant, p.610-61
  27. Parmi lesquels Xénophon, qui évoquera le sort de ces mercenaires dans l'Anabase
  28. Briant p.640-650
  29. Briant, p. 653-664
  30. Briant, p.668
  31. Briant précise, p.671, que la date est donnée par Isocrate dans son Panégyrique, seule source disponible faisant allusion à l'opération contre les égyptiens.
  32. Briant, p.692-694
  33. Plutarque, §26.4-5
  34. Briant, p.699-700
  35. Briant, p.701-709
  36. Olmstead, 1948. p. 489
  37. voir Élien, VH XII, 43 ou Plutarque, Moralia 326e, 337e, 340b
  38. voir Diodore, XVII, 6.1-3 ou Justin X.3
  39. Briant, p.799-800
  40. Briant, p.800-820
  41. a , b  et c Briant, p.884-891
  42. vieux-persan : dahyāva
  43. d'après le nom des gouverneurs, les satrapes. En vieux-persan : xšaçapāvan, qui signifie « protecteur du royaume ».
  44. Geo Widengren, Der Feudalismus im alten Iran, Köln and Opladen, 1969
  45. vieux-persan : bandaka DB I.21ff., IV.65-67
  46. DB I.21ff., IV.65-67
  47. Xénophon, Cyropédie 8.6.22, Xénophon, Anabase 3.5.l5
  48. Briant, p.91
  49. DB II.93ff.
  50. Hérodote, Histoires. « Livre IX, Calliope. .113.2 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  51. Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio. 114.2 » [détail des éditions] [lire en ligne], Xénophon, Cyropédie 8.2.10-12, 6.16
  52. DB I.19ff., I.22ff., 23ff.
  53. DB I.14-7
  54. Olmstead, p. 122ff
  55. (en) Shapour Suren-Pahlav Cyrus Charter of Human Rights Iran Chamber (consulté le 10 octobre 2006)
  56. Voir inscriptions de Darius [DB I.22ff.] et de Xerxès [XPh 49f., 51-53]
  57. Diodore 1.95.4
  58. Livre d'Esdras 7:11-26 ; Néhémie 8:1
  59. Hérodote, Histoires. « Livre III, Thalie.31.2-3 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  60. Hérodote, Histoires. « Livre VII, Polymnie. 194.1-2 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  61. Hérodote, Histoires. « Livre V, Terpsichore. 25.1 » [détail des éditions] [lire en ligne] et Histoires. « Livre VII, Polymnie. 194.1-2. » [lire en ligne] Voir aussi les inscriptions DB II.73-76, 88-91 qui traitent de la mort des rebelles Phraortès et Ciçantaxma
  62. on lit dans Hérodote, Histoires. « Livre IV, Melpomène. 166.2 » [détail des éditions] [lire en ligne] que Darius Ier a frappé sa monnaie de l'or le plus pur. Il adopte en ceci une réalisation des Lydiens, dont le roi Crésus avait introduit le premier vrai système monétaire.
  63. Le paiement en argent massif, quelle que soit sa forme (lingots, bijoux, etc.) était déjà utilisé par les babyloniens.
  64. Huyse, p.103-104
  65. R.Schmitt le suggère dans l'article de l'Encyclopædia Iranica, en se basant sur les documents des Murashu, banquiers et collecteurs de taxes à Nippur sous le règne d'Artaxerxès. cf. également Guillaume Cardascia, Les Archives des Murashu, Paris, 1951
  66. Hérodote, Histoires. « Livre III, Thalie.96.2 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  67. Hérodote, Histoires. « Livre V, Terpsichore. 52-54 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  68. Hérodote, Histoires. « Livre II, Euterpe. 158 » [détail des éditions] [lire en ligne] et Strabon 17.1.25
  69. Hérodote, Histoires. « Livre IV, Melpomène. 44 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  70. Polybe 10.28.3
  71. Albert T. Clay, Business documents of Murashû sons of Nippur dated in the reign of Darius II (424-404 B.C.), Philadelphia : Department of Archæology and Palæontology of the University of Pennsylvania, 1904
  72. Hérodote, Histoires. « Livre VII, Polymnie. 83 » [détail des éditions] [lire en ligne] et Histoires. « Livre VII, Polymnie. 40-41 » [lire en ligne]
  73. Diodore 18.48.4
  74. B Porten, Archives from Elephantine. The Life of an ancient Jewish military colony, Los Angeles, 1968.
  75. Briant, p. 352
  76. les plus braves des peuples de l'empire selon Hérodote, Histoires. « Livre VII, Polymnie. 83.2 » [détail des éditions] [lire en ligne] et Diodore 19.21.4
  77. Hérodote, Histoires. « Livre VII, Polymnie. 61 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  78. a , b , c  et d Briant, p.207-211
  79. Xénophon 1.8.9 et Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio. 103.1 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  80. La perse antique, p.161
  81. Briant, p.266
  82. Cyropédie, VIII, 5.2 et Quinte-Curce III, 8.7
  83. Huyse, p. 233
  84. Hérodote, Histoires. « Livre III, Thalie. 117-119 » [détail des éditions] [lire en ligne] ou Xénophon, Helléniques I, 6.7,10 ; Cyropédie VI, 1.1
  85. Livre d'Esther, 4.11
  86. Hérodote, Histoires. « Livre VII, Polymnie. 83 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  87. Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio, 188 » [détail des éditions] [lire en ligne]
  88. Xénophon, Cyropédie I, 3.8
  89. Briant, p. 275
  90. le terme grec, eunoukhos, signifie « gardien de la couche »
  91. Briant, p.284
  92. Hérodote, Histoires. « Livre I, Clio, 135 » [détail des éditions] [lire en ligne] ; Dinon Athénée XIII, 556
  93. Livre d'Esther 22, 2-17
  94. Briant, p.296
  95. a , b , c  et d Huyse, p. 216-246
  96. Bérose, III.65
  97. Pierre Briant, p. 183-184
  98. Pierre Briant, p. 259
  99. Werner F. Dutz & Sylvia A. Matheson, p.82
  100. Henri Stierlin, p. 86
  101. a  et b Henri Stierlin, p. 86,94,102,111,115
  102. Henri Stierlin, p. 78,92,93
  103. Henri Stierlin, p 78,89
  104. Henri Stierlin, p. 82,92,137
  105. C. Nylander, Ionians in Pasargadae. Studies in Old Persian Architecture, Uppsala, 1970. p.12
  106. L'inscription DSf trouvée sur un bâtiment à Suse précise tous les peuples apportant leur travail ou leurs matériaux dans la construction du palais. Lire l'inscription DSf (28-55) sur avesta.org
  107. a  et b Briant, p.89
  108. Henri Stierlin, p. 88,89
  109. a  et b Briant, p.183-184
  110. a , b , c  et d Guy Lacaze, « Un art iranien », dans Regards sur la Perse antique
  111. Plutarque, La Vie d'Alexandre le Grand (accédé le 11 décembre 2006)
  112. Henri Stierlin, p. 115
  113. (en) [pdf] Janet Ambers, St John Simpson Some pigment identifications for objects from Persepolis ARTA 2005.002, Achemenet.com (consulté le 16 janvier 2007)
  114. a , b  et c Henri Stierlin, p. 122,131
  115. a , b  et c Briant, p.893-896

Sources primaires

Bibliographie

  • Pierre Briant, Histoire de l’Empire perse, de Cyrus à Alexandre, 1996 [détail des éditions] 
  • (fr) Philip Huyse, La Perse antique, éditions Les Belles Lettres, Paris, 2005, 298 p. (ISBN 2-251-41031-7)
  • Collectif, Regards sur la Perse antique, 1998 [détail des éditions] .
  • Henri Stierlin, Splendeurs de l’Empire Perse. Gründ, Paris 2006, 280pp, (ISBN 2-7000-1524-X).
  • (en) A. T. Olmstead, History of the Persian Empire, Chicago, 1948.
  • (en) Werner F. Dutz & Sylvia A. Matheson, Parsa (Persepolis) Archaelogical sites in Fars (I). Yavassoli Publications, Téhéran 1998, 144pp, (ISBN 9643060012).

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