Achille Fould

Achille Fould
Achille Fould.

Achille Marcus Fould (Paris, 17 novembre 1800 - Laloubère, banlieue de Tarbes, 5 octobre 1867) est un homme politique français. Ministre des Finances de la Deuxième République sous Louis-Napoléon Bonaparte et Ministre d'État du Second Empire de Napoléon III, Achille Fould était libéral sur le plan économique, mais pas du tout en matière politique (il envisage en 1857 de faire supprimer le suffrage universel). Il s'oppose au tournant libéral de l'Empire, démissionne suite aux décrets réformateurs du 24 novembre 1860 et refuse d'être fait duc.

Sommaire

Sous la Monarchie de Juillet

Fils de Beer Léon Fould, banquier juif converti au protestantisme, originaire de Lorraine et maire de Rocquencourt (Yvelines), il fit une carrière politique sous la monarchie de Juillet, tandis que son frère aîné Benoit succéda à son père à la tête de la maison familiale.

Elu député des Hautes-Pyrénées en 1842, il siégea sur les bancs de la majorité soutenant Guizot et s'y fit naturellement remarquer dans les discussions financières et économiques. Resté dans les coulisses du pouvoir après la révolution de février, il retrouva un siège à l'Assemblée constituante, lors d'une élection partielle, en septembre, comme représentant de la Seine ; et il fut réélu en 1849.

Un proche de Napoléon III

Proche du prince Louis-Napoléon, auquel il prêta de l'argent avant son élection à la présidence de la République, et même ensuite, il devint ministre des Finances dans le cabinet du 31 octobre 1849, et le resta, sauf un court intermède de deux mois et demi, presque jusqu'à la fin de la Deuxième République.

Rappelé le lendemain du coup d'Etat du 2 décembre 1851, bien qu'il s'en fût prudemment tenu à l'écart, il démissionna peu de temps après, au moment de l'affaire des biens de la famille d'Orléans. Il fut néanmoins, jusqu'à sa mort, avec Baroche et Rouher, l'un des principaux personnages du régime : il revint en effet au gouvernement dès juillet 1852, comme ministre d'État ; et, après la proclamation de l'Empire, ses attributions furent élargies à la Maison de l'Empereur. Il resta à ce poste huit ans durant. Intermédiaire entre Napoléon III, les autres ministres et le Conseil d'État, il est le porte-parole de l'ensemble du gouvernement devant le Parlement. Il dirige aussi le secrétariat de l'Empereur et le journal Le Moniteur. En somme, Achille Fould est un conseiller très proche du souverain, d'autant plus qu'il réside auprès de lui aux Tuileries. Il fut un administrateur économe (ce qui lui valut quelques inimitiés à la Cour), et eut à y diriger les travaux de l'Exposition universelle de 1855 ainsi que l'achèvement du Louvre.

Fidèle serviteur de l'Empereur, il adhérait pleinement au système autoritaire. Sous la Seconde République, il n'avait pas hésité à s'attaquer aux fonctionnaires de son administration qui, "poussant l'oubli de leur devoir jusqu'à commettre une trahison véritable, se seraient laissé infecter par les doctrines subversives du socialisme". Hostile aux idées avancées du prince Napoléon, il vit d'un bon œil le mariage de Napoléon III, qui éloignait ce cousin de l'Empereur d'une éventuelle succession. Après les élections de 1857, qui avaient pourtant été un succès pour le régime, il envisagea avec quelques-uns de supprimer le suffrage universel et, en désaccord avec les décrets qui inauguraient une timide évolution libérale, il quitta le gouvernement en novembre 1860.

Napoléon III voulut alors le faire duc, mais l'intéressé refusa. Membre du Conseil privé depuis sa création en 1858, il critiqua la politique dépensière menée par l'Empire depuis sa naissance, et inspira même une campagne de presse en ce sens, qui valut aux journalistes qui l'avaient suivi d'être sanctionnés par l'administration. Le 29 septembre 1861, il adressa à l'Empereur un mémoire qui dénonçait notamment l'accumulation d'une dette flottante d'un milliard de francs à court terme, réclamait des impôts nouveaux pour équilibrer le budget, et recommandait la suppression de la possibilité donnée aux ministres d'inscrire sans vote des crédits supplémentaires.

Convaincu, Napoléon III fit publier ce mémoire au Moniteur et le rappela au ministère des Finances. Ce retour eut un effet foudroyant dans les milieux économiques ; c'était le succès du groupe des "budgétaires". De fait, le 31 décembre, un sénatus-consulte rétablissait le vote du budget par section (et non plus par ministère) et la nécessité d'un vote du Corps législatif pour l'inscription de crédits supplémentaires ou extraordinaires.

À l'affût de toute possibilité d'économie, et méfiant vis-à-vis des aventures extérieures, coûteuses pour le budget, il essaya en particulier de réduire les dépenses militaires, à une époque où l'expédition du Mexique pesait sur les finances de l'État, et malgré le danger prussien, qui se faisait de plus en plus pressant.

Financier traditionnel opposé à la théorie des "dépenses productives" des économistes et des hommes d'affaires saint-simoniens qui avaient fait la prospérité des premières années de l'Empire, il pensait que les richesses financières de la France n'étaient pas inépuisables. Il fut, de ce fait, en butte à de nombreuses critiques dans l'entourage de Napoléon III.

Persigny, par exemple, dénonce dans ses Mémoires "le beau système de monsieur Fould de traiter une grande nation comme un propriétaire obéré, de confondre les dépenses productives et les dépenses nécessaires ; de réduire les unes comme les autres, et de ne permettre d'achever l'outillage du pays qu'à l'aide des ressources ordinaires du budget", ainsi que "l'aberration de cet étrange ministre des Finances qui jette l'alarme pour relever le crédit, qui crie misère au milieu d'immenses richesses, qui repousse du pied les milliards que l'épargne lui offre pour terminer nos travaux indispensables, mais leur ouvre la porte de l'étranger pour aller s'y perdre, au grand préjudice du pays".

Fould ne réussit pourtant pas mieux - ni plus mal - que ses prédécesseurs, et dut user d'expédients pour équilibrer ses budgets : conversion de rente, emprunts, ventes de forêts du domaine de la Couronne, etc. Pierre Magne, son rival, ne manquait pas de le souligner. Celui-ci, en effet, tout en partageant l'attachement de Fould à des finances ordonnées, acceptait mal les critiques que ce dernier faisait indirectement à sa gestion passée en se donnant l'allure de redresser une situation financière compromise par ses prédécesseurs.

Lors du remaniement du 20 janvier 1867, Fould, malade, abandonna le ministère, et il mourut quelques mois plus tard.

Vision Financière et Economique

Bien qu'ayant été en conflit, Fould et Pierre Magne ont mené une politique financière assez semblable qui en fait les modèles de l'épanouissement de Finances publiques classiques sous le Second Empire. Si Pierre Magne contribue au développement de l'équipement ferroviaire français, Fould se distingue néanmoins par ses encouragements aux innovations bancaires des frères Pereire, saint-simoniens dont il est loin de partager toutes les opinions.

Un économiste classique, adepte très réservé du saint-simonisme

Économiste libéral classique du XIXe siècle, il est partisan du libre-échange mais s'oppose complètement aux saint-simoniens quant à leur conception des dépenses publiques que lui refuse de considérer comme « productives ». Il est ainsi l'artisan d'une politique budgétaire qui se veut, au moins dans ses objectifs, extrêmement économe.

Si Achille Fould s'oppose sur plusieurs points aux saint-simoniens, il est quand même le fondateur, avec les frères Pereire du Crédit Mobilier en 1852 qui marque l'essor des innovations financières lancées par les grandes banques d'affaires de la seconde révolution industrielle en France (notamment avec l'accroissement des prêts, hypothécaires en matière agricole et liés à des émissions obligataires dans le milieu industriel). Très libéral avec le monde bancaire dès son ministère sous la IIe République, il favorise le développement de ces échanges financiers et donc la spéculation qui s'épanouit sous le Second Empire (ce que dénonce Emile Zola dans « La Curée »). Il s'opposera par la suite de façon véhémente aux frères Pereire.

Un ministre symbole des Finances publiques classiques

Ministre des Finances entre 1849 et 1867, Achille Fould a mené sur une ampleur nationale la politique économe qu'il a eu pendant ses huit années de ministériat d'État chargé de la maison de l'empereur. « Financier traditionnel opposé à la théorie des "dépenses productives" des économistes et des hommes d'affaires saint-simoniens qui avaient fait la prospérité des premières années de l'Empire, il pensait que les richesses financières de la France n'étaient pas inépuisables » ( F. Choisel).

Économiste libéral, il s'oppose, en bon disciple de M. Thiers, aux projets d'impôt sur le revenu qui commencent à fleurir. Il demande cependant l'accroissement de la pression fiscale pour venir à bout de la dette flottante qui est pour lui insupportable[1]. Farouche opposant des doctrines socialistes, il critique ses subordonnés des Finances qui « poussant l'oubli de leur devoir jusqu'à commettre une trahison véritable, se seraient laissé infecter par les doctrines subversives du socialisme. »

Sur le plan du droit budgétaire, il contribue à accroître le contrôle parlementaire sur les ministres dépensiers. Il demande ainsi dans son mémoire précité de 1861 la suppression de la possibilité donnée aux ministres d'inscrire sans vote des crédits supplémentaires. Opposé aux crédits exceptionnels, il obtient, par sénatus-consulte du 31 décembre 1861, la nécessité d'un vote du Corps législatif pour l'inscription de crédits supplémentaires ou extraordinaires. Cette opposition viscérale aux finances extraordinaires l'amène à rechercher la réduction des dépenses militaires. Il n'est ainsi pas favorable à l'expédition mexicaine ni au réarmement face à la Prusse.

Son objectif reste néanmoins de limiter les dépenses, ce pour quoi, à rebours du développement du principe de spécialité, il obtient, par le même sénatus-consulte du 31 décembre 1861, le rétablissement du vote du budget par section (et non plus par ministère). Cela s'explique aisément par le fait que le vote par section annihile la volonté dépensière qui se manifeste beaucoup plus aisément en cas de vote par ministère. En effet, lors d'un vote par ministère, ministres et parlementaires sont plus facilement amenés à voir l'insuffisance des dotations accordées à telle ou telle action gouvernementale. En cas de vote par section, le ministre des Finances peut plus facilement effrayer les représentants des contribuables avec les montants globaux et plus désincarnés des crédits publics.

Malgré les critiques dont il abreuva ses prédécesseurs, sa politique budgétaire ne fut pas plus rigoureuse que la leur. Pierre Magne aussi avait fait adopter des budgets en équilibre[2]. Si Magne est loué par l'impératrice Eugénie aussi bien que par Persigny, Fould n'attire pas pour autant l'approbation. Le même Persigny dénonce dans ses Mémoires " le beau système de monsieur Fould de traiter une grande nation comme un propriétaire obéré, de confondre les dépenses productives et les dépenses nécessaires ; de réduire les unes comme les autres, et de ne permettre d'achever l'outillage du pays qu'à l'aide des ressources ordinaires du budget ".

Comme le souligne F. Choisel, « Fould ne réussit pourtant pas mieux - ni plus mal - que ses prédécesseurs, et dut user d'expédients pour équilibrer ses budgets : conversion de rente, emprunts, ventes de forêts du domaine de la Couronne, etc. Magne, son rival, ne manquait pas de le souligner. Celui-ci, en effet, tout en partageant l'attachement de Fould à des finances ordonnées, acceptait mal les critiques que ce dernier faisait indirectement à sa gestion passée en se donnant l'allure de redresser une situation financière compromise par ses prédécesseurs ».

En somme, il reste très représentatif des Finances publiques dites « classiques », autant par sa défense obstinée d'un ordre suranné les assimilant à des finances privées, que par son incapacité à les adapter à la réalité de dépenses publiques sans cesse croissantes avec le développement de l'interventionnisme de l'Etat (notamment en matière d'équipements publics). L'œuvre des fondateurs des Finances publiques de la restauration est ainsi parachevée[3] mais déjà leur future crise s'annonce.

Descendance

Chalet des roses, à Vichy, construit en 1864 pour loger Achille Fould.

Marié en 1823 à Henriette Goldschmidt (1800-1870), il en aura quatre enfants :

Notes et références

  1. cf. son mémoire de 1861
  2. Sur le « mythe » de l'équilibre budgétaire pendant cette période cf. G. Orsoni, Réflexions sur la politique d’équilibre budgétaire. Bilan et perspectives, Revue de droit prospectif, n°6, 1978, pp. 65-81 ainsi que les contributions au colloque dirigé par L. Tallineau et publié chez Economica
  3. cf. Décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique, rédigé par le marquis d'Audiffret

Bibliographie

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  • Le dictionnaire des ministres

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