Decret-loi

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Décret-loi

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En droit français, le décret-loi est un acte de gouvernement pris en vertu d'une habilitation législative dans un domaine relevant normalement de la compétence de la loi. C'est l'une des deux variantes de la procédure législative déléguée.

Il n'existe plus sous la Ve République. Il a été remplacé par la procédure d'ordonnance régie par l'article 38 de la Constitution de 1958. À l'inverse des décrets-lois, les ordonnances législatives nécessitent l'approbation a posteriori du Parlement avant d'être intégrées dans le corpus législatif.

Sommaire

Décrets-lois sous les régimes antérieurs à la Ve République

Sous la IIIe République

Au terme des lois constitutionnelles de 1875, la pratique du décret-loi est inconstitutionnelle (car le pouvoir législatif s'exerce par les chambres, or dans les principes du droit, on ne délègue pas sans qu'il y ait un texte qui l'y autorise).

Néanmoins, l'inefficacité du travail parlementaire, qui contrôle plus le Gouvernement qu'il ne vote les projets et propositions de loi, conduit durant la Première Guerre mondiale à la première loi de pleins pouvoirs de la IIIe République (équivalent à une loi d'habilitation). Devant la nécessité d'un gouvernement efficace, le Parlement, le 10 février 1918, dote le cabinet Clemenceau des pleins pouvoirs en matière de ravitaillement pour la durée de la guerre et pour les six mois qui suivraient la fin des hostilités. Les domaines où des décrets peuvent être pris sont minutieusement stipulés. Il est également précisé que la ratification parlementaire devra intervenir dans le mois qui suit :

« Art. 1er. — Pendant la durée de la guerre et pendant les six mois qui suivront la fin des hostilités, des décrets pourront réglementer ou suspendre, en vue d'assurer le ravitaillement national, la production, la fabrication, la circulation, la mise en vente, la détention ou la consommation des denrées servant à l'alimentation de l'homme et des animaux. Les dispositions de la présente loi sont applicables aux décrets rendus pour le ravitaillement de la population civile en combustibles. Il pourra être, dans le même but, procédé par décret à la réquisition de la totalité de la flotte marchande. […] Les décrets rendus par application du présent article seront soumis à la ratification des Chambres dans le mois qui suivra leur promulgation. »

— Loi du 10 février 1918, établissant des sanctions aux décrets et arrêtés rendus pour le ravitaillement national.

Le Parlement fut ensuite réticent à accorder de nouvelles lois d'habilitation. Il faut attendre 1924 et le Gouvernement Raymond Poincaré pour qu'une nouvelle fois le Parlement se dessaisisse de ses attributions. Devant les difficultés économiques et l'inefficacité du Parlement, Poincaré demande et obtient en mars 1924 ce qu'il souhaite.

Il faut toutefois attendre 1934 pour que le Parlement renonce régulièrement à légiférer. Étant impuissant à résoudre les problèmes économiques cruciaux que rencontraient la France (crise de 1929), il fait de la loi d'habilitation la procédure législative normale. La délégation est certes limitée, et les mesures prises sont soumises à une ratification ultérieure du Parlement. Mais à partir de 1934 justement, la procédure devient plus lâche, le Parlement ne faisant plus que fixer un objectif à atteindre, laissant donc le gouvernement toute latitude pour les atteindre. De même la ratification législative devient théorique. Le summum est atteint en 1939 : le Parlement confère au Gouvernement Édouard Daladier le droit de prendre en conseil des ministres « les mesures imposées par les exigences de la défense nationale », c'est-à-dire tous les pouvoirs pour défendre le pays, délégation très vaste ; une telle habilitation avait été refusé à Aristide Briand en 1916. Les chambres se sont définitivement dessaisies du pouvoir législatif, et quelques mois plus tard, elles allaient même confier le pouvoir constituant au maréchal Pétain, confirmant ainsi l'abandon de leurs prérogatives.

Une première loi « tendant à accorder au Gouvernement des pouvoirs spéciaux », est votée le 19 mars 1939, quelques jours après l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne, et publiée au Journal officiel du 20 mars 1939[1]. Ces pouvoirs spéciaux expirant le 30 novembre, ils font alors l'objet d'une extension, adoptée par 318 voix contre 175[2].

Sous la IVe République

La pratique pourtant illégale et honnie des décrets-lois réapparaît sous des formes modifiées afin de rendre plus efficient le gouvernement du pays. Le Parlement consent à de nouvelles délégations de compétence malgré l'article 13 qui dispose:

« L'Assemblée nationale vote seule la loi. Elle ne peut déléguer ce droit. »

La délégation de compétence prend trois formes distinctes.

Retour des lois d'habilitation
Les vrais décrets-lois finirent néanmoins par réapparaître. Des lois d'habilitation furent votées par le Parlement, comme celles du 11 juillet 1953 et du 14 août 1954 (pour les gouvernements Joseph Laniel et Pierre Mendès France respectivement). On retrouve les caractéristiques des lois d'habilitation de la IIIe République : délégation limitée dans le temps, décrets entrant en vigueur immédiatement, et ratification ultérieure du Parlement. Toutefois le domaine de la délégation est plus précis, et cette dernière est attachée au Gouvernement qui en a été doté : si le Gouvernement tombe la loi d'habilitation n'est plus valable pour son successeur.

Ces délégations de compétence avait des avantages : elles permettaient de décharger le Parlement, souvent encombré, et elles limitaient les occasions offertes à l'Assemblée nationale de faire tomber un Gouvernement sur par un vote de défiance. Mais, tout comme les décrets-lois de la IIIe République, elles montrent que le Parlement, doté de pouvoirs énormes, était incapable par sa nature profonde, de gouverner réellement le pays, et devait donc déléguer à l'exécutif des moyens de gouverner efficacement.

Décrets-lois transitoires au début de la Ve République

Une disposition transitoire de la Constitution de 1958 d'origine (abrogée par la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995, publiée au JO du 5 août 1995) prévoyait l'usage d'« ordonnances ayant force de loi » pendant une courte période afin d'assurer la transition entre les régimes des IVe et Ve Républiques.

Ces ordonnances extraordinaires, qui n'avaient pas besoin de ratification parlementaire, se comportaient comme des décrets-lois et ont donc pu être nommées comme telles dans la doctrine (par exemple la citation de CE Sect 12 févr. 1960, Société Éky, dans le point 1 du commentaire d'Ingénieurs Conseils dans le GAJA Dalloz 14ème édition, opère une telle confusion linguistique).

Notes

  1. http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0094.asp#P28_4126
  2. http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/histoire-1940.asp

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