Decroissance soutenable

Decroissance soutenable

Décroissance (économie)

La décroissance est un ensemble d'idées soutenu par certains mouvements anti-productivistes, anti-consuméristes et écologistes appelés « objecteurs de croissance ». Ils rejettent l'objectif, en tant que tel, d'une augmentation du taux de croissance économique, dont certains prônent même une réduction contrôlée. Le terme est parfois complété par des adjectifs : « décroissance soutenable » ou « décroissance supportable » (sustainable de-growth).

Les objecteurs de croissance, appelés aussi « décroissants » dans la presse, s'opposent aux défenseurs du « développement durable » ou « développement soutenable » (sustainable development), ceux-ci ne remettant pas en cause l'idéal de croissance. Les partisans de la décroissance contestent en effet l'idée d'un développement économique infini : selon eux, le taux de production et de consommation ne peut pas être durablement accru ni même maintenu, dans la mesure où la création de richesse mesurée par les indicateurs économiques comme le PIB correspond à une destruction du capital naturel et que ce dernier est épuisable.

Les objecteurs de croissance prônent au plan individuel la démarche dite de « simplicité volontaire » et, au plan global, une « relocalisation » des activités économiques afin de réduire l'empreinte écologique et les dépenses énergétiques.

Sommaire

Origines

Le concept de décroissance trouve son fondement théorique chez différents écrits et penseurs du XXe siècle. Parmi les pères de la décroissance, on peut trouver le Club de Rome et Nicholas Georgescu-Roegen sur des aspects théoriques et techniques, mais aussi Jean Baudrillard, André Gorz et Ivan Illich qui avancent des idées assez proches de celles proposées par des économistes contemporains comme Serge Latouche.

L'intérêt porté par les mouvements décroissants à l'articulation de l'individuel et du collectif, via la démarche de simplicité volontaire notamment, les amènent à trouver dans les écrits de Gandhi une base théorique à leur réflexion sur la place de chacun dans la société.

Origine des mouvements décroissants

Les mouvements en faveur de la décroissance peuvent trouver comme précurseurs le vieux courant de pensée anti-industriel du XIXe siècle, situé à la lisière du christianisme et de certaines tendances du socialisme, qui s'est notamment exprimé en Grande-Bretagne à travers John Ruskin et le mouvement Arts & Crafts (1819-1900), aux États-Unis à travers Henry David Thoreau (1817-1862) et en Russie à travers Léon Tolstoï (1828-1911). On pourrait aussi citer comme autres précurseurs possibles, le luddisme, mouvement de sabotage sélectif de certaines machines, et aussi les premières formes du syndicalisme ouvrier.

De manière générale, les mouvements décroissants entendent placer au centre de leurs valeurs celles des courants humanistes, des Lumières[1], et des Droits de l'homme.

La critique de la société de consommation véhiculée par ces mouvements, et l'esprit du mouvement antipub souvent proches de la décroissance, peuvent trouver des similitudes sur certains points avec les courants de pensée soixante-huitard, ainsi que certaines thèses de l'Internationale situationniste. Cette influence n'est cependant pas totale, car les décroissants adaptent généralement une vision plus réformiste que révolutionnaire.

Rapports du Club de Rome

En 1968, le Club de Rome commande à une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology un rapport pour préconiser des solutions pratiques aux problèmes planétaires. Ce rapport publié en 1972, intitulé Limits to Growth (Halte à la croissance ? dans son édition française), est la première étude importante soulignant les dangers économiques de la croissance de la consommation des matières premières et de la croissance démographique que connaît alors le monde.

Un second rapport intitulé Sortir de l'ère du gaspillage : demain fut publié en 1974.

Ces rapports, également connus sous le nom de rapports Meadows, ne sont pas au sens strict des textes fondateurs de la décroissance, car ils défendent seulement la « croissance zéro » [2]. Ils sont cependant considérés comme les premières études « officielles » présentant explicitement la croissance économique comme un facteur essentiel de l'aggravation des dérèglements planétaires (pollution, pénuries de matières premières, destruction des écosystèmes), et sont parmi les premiers écrits qui remettent en cause le modèle de croissance de l'après-guerre.

Thèse de Nicholas Georgescu-Roegen

Nicholas Georgescu-Roegen est considéré comme l'inventeur du concept de décroissance[3] et son principal théoricien[4]. Il publie en 1971 un ouvrage titré The Entropy Law and the Economic Process. En 1979, Jacques Grinevald traduit l'ouvrage sous le titre Demain la décroissance. Entropie, écologie, économie.[5].

Nicholas Georgescu-Roegen estime que le modèle économique néoclassique est fondé sur le paradigme de la mécanique newtonienne[6] et ne prend pas en compte le principe de la dégradation de l'énergie et de la matière. Il se fonde quant à lui sur le paradigme de la thermodynamique et introduit le principe d'entropie (deuxième principe de la thermodynamique) dans son modèle économique. Il associe aux flux économiques de la matière et de l'énergie qui par le biais des différents processus de production se dégradent de manière irréversible. Par exemple les matières premières utilisées pour la construction des ordinateurs sont fragmentées et disséminées à travers toute la planète et il devient pratiquement impossible de reconstituer les minerais d'origine. Quant à l'énergie utilisée pour leur fabrication, elle est dissipée à jamais[7].

Problématiques écologiques et sociales

Le concept de décroissance rencontre un écho important dans le débat public pour différentes raisons, problématiques, et conjonctures :

  • Épuisement des ressources énergétiques : pétrole (pic pétrolier mondial arrivant entre 2008 et 2040 selon les prévisions des compagnies et des gouvernements[8]), gaz (70 ans), uranium (entre 50 et 220 ans)[9],[10], charbon (200 ans[11]) (au rythme actuel de consommation) ou qui serait déjà passé en 2005 selon Colin Campbell de l'ASPO.
  • Dégradation de l’environnement : effet de serre, dérégulation du climat, perte de la biodiversité, pollutions diverses. Corollaire : dégradation de la santé des populations[13]. Stérilité, allergies, malformations, troubles mentaux et augmentation du cancer en France de 63 % de 1980 à 2000 (280 000 cas, dont seuls 30 % sont imputables au tabac et à l’alcool), bien que le vieillissement de la population soit aussi un facteur multiplicateur.
  • Évolution du mode de vie des pays développés : transports, traitement des déchets, alimentation (obésité dans les pays développés, malnutrition dans les pays pauvres). Exploitation des ressources des pays du Sud au profit de ceux du Nord, ressources énergiques et minières, et ressources agricoles (plantes fourragères). Exploitation parfois considérée comme « néo-coloniale » ou « post-coloniale ».
  • Problème de l'empreinte écologique (en hectares) du mode de vie d'un européen moyen (c’est-à-dire la surface estimée nécessaire pour produire ses ressources consommées et pour absorber ses déchets et pollutions). Les estimations montrent qu'il faudrait entre 3 et 8 planètes Terre pour que la population mondiale puisse vivre à la manière d'un européen[14].
  • Crise d'autres explications de la crise écologique, telles que le marxisme. Le fait que les pays qui se réclamaient du marxisme ne protégeaient pas mieux la planète que les autres pays menait à la conclusion que le marxisme était incapable de proposer une solution à la crise écologique.

Le concept de décroissance tente de montrer qu'augmenter constamment la production de biens et services augmente nécessairement la consommation des ressources naturelles, ne faisant donc qu'accélérer le moment de leur épuisement complet. Il tente de montrer aussi que la dématérialisation de l'économie[15], espérée par les partisans de la croissance, est un leurre.

Pour certains de ses partisans, l'arrêt de la croissance sera, tôt ou tard, imposé par la raréfaction des ressources naturelles, en particulier des ressources en énergie (pétrole, gaz, charbon et uranium). Selon Yves Cochet, « On n'a pas à choisir si l'on est pour ou contre la décroissance, elle est inéluctable, elle arrivera qu'on le veuille ou non » [16]. La question est donc selon eux de la choisir maintenant afin d'enrayer les risques qui peuvent survenir dans un futur assez proches : pénuries, pics de l'énergie ou tensions géopolitique qui pourraient en découler, ou d'attendre que ces évènements arrivent pour la choisir. C'est dans cette logique qu'ils critiquent vivement la classe politique contemporaine qui considère la croissance comme la solution aux problèmes actuels de société, alors qu'elle en serait la cause.

Présentation

Le concept de « décroissance » naît d'une remise en cause du concept de croissance économique et de l'outil privilégié de sa mesure, le PIB. Les promoteurs du concept de décroissance affirment que la croissance telle que mesurée par le PIB n'est « que quantitative » (par opposition à qualitative), puisqu'elle ne mesure que l'augmentation de la production et de la vente de biens et services sans tenir compte du bien-être des populations, de la santé des éco-systèmes et des équilibres climatiques. Ils privilégient des indices de développement alternatifs tels que l'Indice de développement humain, l'empreinte écologique, l'indice de santé sociale.

Les partisans de la décroissance affirment que ce type de développement économique s'oppose aux « valeurs humaines »[17] et ne tient pas compte du fait que la Terre est limitée aussi bien dans ses ressources naturelles que dans sa capacité à supporter la destruction de son biotope (résilience).

La théorie appelée « bioéconomie » telle qu'exprimée par Nicholas Georgescu-Roegen dans The Entropy law and the Economic Process (1971) fait partie des fondements de la décroissance, tout comme les critiques de l'industrialisation des années 1950, 60 et 70, comme celle de Günther Anders (L'Obsolescence de l'homme, 1956) et d'Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne, 1958), celle du Club de Rome, à travers notamment le rapport Meadows de 1972 qui a pour titre français Halte à la croissance ?, ou encore celle d'Ivan Illich avec La Convivialité (1973).

Critique des catégories de l'économie

Les partisans de la décroissance affirment que la recherche d’une évaluation de l’évolution des richesses, liée aussi bien à des besoins politiques que scientifiques, a conduit les économistes à créer des indicateurs ne prenant en compte que les richesses mesurables, c'est-à-dire les biens et services marchandisables (i.e. pouvant faire l'objet d'une évaluation monétaire). Cependant, les services non marchands sont mesurés dans la comptabilité nationale. Les tenants de la décroissance arguent que la mesure du PIB est une mesure abstraite ne prenant pas en compte le bien-être des populations ni la pérennité des éco-systèmes.

Les partisans de la décroissance constatent que les modèles économiques actuels ne tiennent compte que des facteurs de production capital et travail, et qu'ils ne prennent pas en compte le facteur terre (ressources naturelles).

En effet, de nombreux éléments de la richesse ne sont pas pris en compte dans la mesure du Produit Intérieur Brut : les ressources naturelles, mais aussi les loisirs non marchands, les activités sociales et politiques qui représentent des déterminants importants de la qualité de vie perçue, et qui risquent d’être négligés par la trop grande attention portée à l’indicateur partiel qu’est le PIB. Réciproquement, certaines activités sont prises en compte dans la mesure du PIB, qui sont pourtant généralement perçues comme n'allant pas dans le sens de « l'utilité et la jouissance de l'espèce humaine[18] ». L'exemple souvent repris dans la littérature sur la décroissance est l'exemple économique classique, critiqué par Frédéric Bastiat dans son sophisme de la vitre cassée, mis en lumière par John Maynard Keynes[19] et repris par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice[20]

De ces décalages entre le concept de richesse et sa représentation par le PIB, il peut résulter des critiques sur les moyens de mesure de la richesse plutôt qu'à la notion de croissance elle-même. Elles ne forment cependant pas l'intégralité des approches discutées dans le cadre de la décroissance puisque d'autres sont fondées sur la critique, à la fois plus radicale et plus générale, de l'invention de l'économie[21]. Une partie de la mouvance de la décroissance propose de « sortir de l’économie »[22] et remet en cause les catégories de base de l’économie : les « besoins », les « ressources », la « rareté », la « valeur », la « richesse », la « pauvreté », l’argent, le salaire, la valeur d’échange, les prix, le pouvoir d'achat, le crédit et l'intérêt, les « lois économiques », etc.

Décroissance et développement durable

La décroissance s'oppose au productivisme économique proposé comme modèle depuis l'ère industrielle [23]. Elle s'oppose donc en partie au développement durable lorsqu'il est défini comme nécessitant une croissance durable ou continue des systèmes de production matérielle et marchande et d'échange de biens et valeurs financières.

Pour les partisans de la décroissance, une société qui consomme toujours plus de ressources ne peut pas être respectueuse de l'environnement et sera rapidement confrontée au manque de certaines ressources vitales. Ils estiment que pour être durable et soutenable sur une planète finie, le développement humain devra au contraire pouvoir se passer d'une croissance matérielle perpétuelle, au profit de réponses justes aux besoins matériels et socio-psychiques (incluant la santé et la sécurité affective, individuelle et collective), et au profit d'une croissance partagée de la qualité et du plaisir de vie, du savoir et des cultures. La critique de la croissance passe toutefois nécessairement par une réflexion sur ce qu'est le "progrès", qui comme le "développement", est une vision unidirectionnelle de l'histoire; aussi grossière que l'a été l'évolutionnisme social, théorie qui a prévalu aux temps de la colonisation.

Ce productivisme est, depuis peu, partiellement remis en question par le « développement durable », concept qui est souvent vu par les partisans de la décroissance comme un oxymore (une contradiction dans les termes) : ceux-ci soutiennent qu'avec les déséquilibres qu’il entretient, (20 % de la population planétaire représentent déjà 86 % de la consommation privée[24] ), le développement ne peut pas être durable. La croissance économique pourrait cependant être conjuguée avec une diminution des ressources naturelles consommées si l'intensité énergétique diminue plus vite que l'économie ne croît.

Décroissance et pays peu développés

Certains tenants de la décroissance envisagent une croissance pour les zones peu développées et les communautés et individus les plus pauvres, mais considèrent que le processus n'est pas « durable » :

  • Un développement durable impliquerait de toujours différencier le développement qualitatif et humain (le développement du bien-être, scolaire, culturel et de règles de fonctionnement communautaires harmonieuses, etc.) des aspects matériels limités par leur consommation de ressource. La biodiversité doit être préservée. Le développement devient alors nécessairement un « écodéveloppement » plus respectueux de l'environnement et de l'Homme (d'où les idées émergentes de haute qualité environnementale et d’écocertification plus ou moins bien appliquées selon les cas). Pour atteindre ce but :
    • il faut préserver les populations d'une conjoncture mondiale de fin des ressources vitales. La relocalisation des économies (priorité à la production et à la consommation locales et à la réduction des transports motorisés) en est un des moyens proposés.
    • faire profiter les zones pauvres des meilleures technologies et stratégies en matière d'efficacité énergétique et écologique.
    • Des idées récemment reformulées, mais qui étaient embryonnaires dans l'écodéveloppement d'Ignacy Sachs ou de René Dumont puis de René Passet sont la notion de « remboursement de la dette écologique », voire d'une dette sociale, et une réduction partagée et équitable de l'empreinte écologique, dans une vision de développement solidaire.

« Effet rebond »

L'« effet rebond », couramment utilisé en économie de l'énergie, décrit l'effet d'une amélioration d'efficacité de l'utilisation d'une ressource sur sa demande : si l'efficacité d'utilisation augmente d'1%, la consommation diminue dans une proportion bien moindre, et peut même augmenter dans certains cas. Certains partisans de la décroissance postulent un « effet rebond » systématique : selon eux, tout progrès technique, toute amélioration de productivité, au lieu de diminuer la consommation de matières premières et d'énergie, conduirait au contraire à produire beaucoup plus, donc à consommer davantage, phénomène observé dans le paradoxe de Jevons.

Par exemple, l'avènement de l'informatique et des réseaux dans ses débuts a laissé penser à une disparition possible du support papier. En fait, on en a constaté dans un premier temps une augmentation de la consommation[25]. Selon le fabricant de fournitures de bureau Esselte, la demande de papier a progressé de 40% dans les entreprises qui ont instauré un système de courrier électronique, parce que les employés ont tendance à imprimer leurs e-mails avant de les lire. La diminution a par ailleurs été compensée par l'essor des pays émergents devenus consommateurs. Toutefois, la baisse de tirage des journaux papiers a fini par l'emporter, notamment en Amérique du Nord, et est l'une des causes de la crise papetière de 2005.

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Autre exemple : l'industrie automobile. Il est aujourd'hui possible de produire des véhicules moins polluants par unité de puissance qu'il y a quelques dizaines d'années ; mais comme leur nombre, leur puissance, leur masse, les kilomètres parcourus, les habitacles climatisés augmentent, la pollution automobile augmente aussi. Le même argument est avancé concernant le recyclage dont l'effet, pourtant important, ne suffit pas toujours à compenser l'augmentation de production de déchets par habitant[26].

Serge Latouche avance : « les baisses d'impact et de pollution par unité se trouvent systématiquement anéanties par la multiplication du nombre d'unités vendues et consommées. »[27].

« Effet débond »

Répondant au principe sus-évoqué, l'effet débond, sur le plan individuel, passe par une acceptation d'un mode de vie personnel en harmonie avec une simplicité volontaire : autrement dit, les gains de productivité doivent être investis en temps gagné pour des loisirs non "consommateurs" de ressources pour la planète, et non pas réinvestis par effet rebond pour accélérer cette consommation.

Les militants de la décroissance proposent par conséquent des solutions qu'ils considèrent pratiques et rationnelles pour réduire autant que possible la dépendance au pétrole des sociétés occidentales.

Décroissance soutenable

Le concept de « décroissance soutenable »[28] fait référence au développement durable. Il en reprend l'objectif, qui est de « répondre aux besoins des générations actuelles, sans pour autant compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ». Les tenants de la « décroissance soutenable » ajoutent que cet objectif ne peut correspondre qu'à une diminution de l'empreinte écologique collective et individuelle dans les situations où le seuil de durabilité est dépassé. Cela conduit à la nécessité politique d'organiser, voire d'imposer les changements requis. Le terme « soutenable » traduit alors le souhait que les politiques engagées ne provoquent pas d'effondrement catastrophique de la société.

Décroissance équitable

La décroissance équitable regroupe les objecteurs de croissance qui souhaitent concilier les contraintes environnementales avec le souci de justice sociale par un retour au politique. Ces militants se sont retrouvés en 2006 lors des États Généraux de la décroissance équitable à Lyon. Ils comptent aussi parmi les organisateurs du contre-Grenelle de l'environnement. Ces militants sont souvent adeptes du revenu universel inconditionnel et du revenu maximal autorisé. Paul Ariès est l'un des principaux théoriciens de ce courant avec sa proposition de nouveau paradigme de gratuité de l'usage et de renchérissement du mésusage. Ces thèses sont notamment développées dans les journaux La Décroissance et Le Sarkophage.

Acteurs

Les partisans de la décroissance soutenable proposent des démarches d'initiative individuelle (voir par exemple la simplicité volontaire) et des démarches collectives de sensibilisation, notamment en organisant des conférences et des marches.

En France, un Parti pour la décroissance a été créé en 2005[29]. Même s'il faut nuancer les concepts de décroissance et de décroissance soutenable, c'est bien de décroissance soutenable qu'il s'agit[30].

Le parti politique français Les Verts a, depuis 2004, formalisé une position favorable à la notion de décroissance qui s'est étayée depuis, tout en y apportant la notion de « décroissance sélective et équitable »[31].

Une partie du mouvement libertaire reprend à son compte les idées de la décroissance, notamment Jean-Pierre Tertrais dans sa brochure « Du développement à la décroissance » sous-titrée « De la nécessité de sortir de l'impasse suicidaire du capitalisme ».De même Alternative libertaire a adopté une motion sur ce sujet à son congrès de 2006 [4]. L'approche libertaire est bien plus portée sur la volonté de changer radicalement les structures économiques et sociales de la société que de tabler sur des initiatives individuelles ou étatistes. Pour eux, c'est le mécanisme capitaliste de la plus-value qui est à la base de la surproduction et de la destruction des éco-systèmes[32]. La solution serait de promouvoir une organisation de la société en fédération de communes libres, la pratique de l'autogestion sur les lieux de travail et dans les quartiers ainsi que la relocalisation de l'économie.

En 2007, Alain de Benoist, représentant de la « Nouvelle Droite », a publié le livre Demain la décroissance. Penser l'écologie jusqu'au bout, un essai reprenant l'idée de décroissance. Des tenants français de ce mouvement, venus de la gauche, l'ont fustigé comme une « récupération »[33], d'autres l'ont soutenu[34], ou du moins accepté le débat[35]. Alain de Benoist s'inscrit dans la critique traditionnelle du progrès et de la modernité ancrée dans un antilibéralisme de droite.

Actions

Les partisans de la décroissance défendent leurs convictions par le biais de certains événements comme la « journée sans achat » ou des « marches pour la décroissance ». Ces marches s'inscrivent, aux yeux de leurs participants, dans la tradition des marches de désobéissance civile comme la marche du sel menée par Mohandas Karamchand Gandhi[36]. Elles sont généralement autogérées et autonomes : aucun véhicule motorisé n'est utilisé pour transporter la nourriture et les tentes. Les objets lourds ou volumineux sont transportés par des ânes, des vélos ou sur des carrioles. Même si toutes les marches ne se réclament pas explicitement de la décroissance, ces événements constituent un aspect du militantisme décroissant. Avec la lenteur et la convivialité comme valeurs principales, les « marcheurs de la décroissance » sillonnent les routes et peuvent prendre le temps de s'arrêter pour discuter avec les personnes rencontrées en chemin. Les débats et la transmission des idées se font de personne à personne, plutôt que par l'intermédiaire des médias de masse.

Plusieurs marches se sont tenues depuis 2005[37], rassemblant jusqu'à 500 personnes. En particulier, le 3 juillet 2005, environ 500 personnes[38] ont défilé sur 15 km pour demander la suppression du Grand Prix automobile de France de Formule 1, considéré comme symbole de la société de croissance et de gaspillage des ressources. José Bové, Albert Jacquard, Serge Latouche et François Schneider ont pris la parole sur la place du village de Magny-Cours.

Processus de mise en place

La décroissance n’est pas envisagée comme un projet politique dont l'objectif serait de bâtir une « société de décroissance » qui serait un renversement caricatural régi par le dogme d'une croissance négative. Les objecteurs de croissance décrivent leur projet comme une tout autre organisation dans laquelle le loisir est valorisé à la place du travail, où les relations sociales priment sur la production et la consommation de produits jetables inutiles, voire nuisibles[39].

En particulier, le processus de réduction de l'empreinte écologique de l'activité humaine et du niveau de vie des populations des pays les plus développés est pour les tenants de la décroissance rendu inévitable par la raréfaction des ressources et l'augmentation de la population mondiale (phénomènes exogènes). Mais cette question de plus en plus prégnante du partage des ressources et des richesses qui en sont tirées, traduite sur le mode volontariste par la démarche de « simplicité volontaire », n'épuise pas les questions politiques posées par la reconsidération collective du mode de développement actuel.

Si le modèle théorisé par les partisans de la décroissance, passant en grande partie par une relocalisation complète des activités économiques, ne trouve pas encore beaucoup d'applications à grande échelle, on voit cependant apparaitre des initiatives locales qui s'inscrivent dans une démarche décroissante. On peut citer en exemple les associations pour le maintien d'une agriculture paysanne qui sont une alternative concrète à l'industrie agro-alimentaire et qui illustrent ce que Serge Latouche nomme la « sortie de l'économie »[40], c'est-à-dire la transformation du rapport client-fournisseur en un lien relocalisé de coproduction et de cogestion. Ainsi au sein des AMAP la valorisation des produits (fruits et légumes) ne dépend pas de la loi de l'offre et de la demande. La relation entre le producteur et les adhérents est une relation d'entraide et de soutien qui dépasse le cadre économique du simple rapport marchand[41].

Critiques

La plupart des critiques de la décroissance sont en réalité des défenses de la croissance économique et ne prennent pas en compte le fait que les théories sur la décroissance portent au contraire sur la mesure de la croissance :

Critiques sur le plan économique

La plupart des écoles de pensée économique estiment que la croissance économique permet la création de richesses, d'emploi, l'amélioration du niveau de vie, l'amélioration de l'éducation et des systèmes de santé et l'allongement de l'espérance de vie. A contrario, la décroissance est considérée comme devant générer une récession et son corollaire : hausse du chômage, perte de pouvoir d'achat des ménages et violences sociales. Christian Blanc exprime cela par l'expression « la croissance ou le chaos »[42].

L'autorégulation du marché

Les principales théories macroéconomiques[43] estiment que dans une économie de marché, « l’allocation des ressources est guidée par les mécanismes de prix »[44], système d'allocation bien plus efficace que celui par une autorité centralisée, ce qui signifie que la production s'oriente dans le sens des préférences révélées par le système des prix. La recherche du profit pousse à financer des activités qui assurent la perpétuation de la croissance. Le capitalisme permet ainsi l'arbitrage vers des ressources plus abondantes ou vers d'autres biens, et signale par les prix du marché une ressource qui se raréfie. Toute manne financière procurée par la hausse des prix peut être affectée au financement de la recherche de nouvelles sources d'énergie et d'efficacité pour perpétuer la production et diminuer ses coûts. Ainsi le prix du pétrole, soumis à une demande soutenue et une offre limitée augmente, ce qui rend profitable l'exploitation de gisements qu'on avait auparavant ignoré car trop coûteux à exploiter (par exemple : gisement très profond ou situé dans une zone sans état de droit) ou la recherche relative à de nouvelles sources d'énergie.

Selon Robert Solow et Joseph Eugene Stiglitz, répondant directement au défi posé par la théorie de Nicholas Georgescu-Roegen, le capital et le travail peuvent se substituer aux ressources naturelles que ce soit directement ou indirectement dans la production, assurant la pérennité de la croissance ou tout du moins un développement durable[45].

Anti-malthusianisme économique

Certains opposants à la décroissance l'assimilent à une forme de néo-malthusianisme économique[46], ou à une résurgence de formes antérieures du malthusianisme sous-tendant que la croissance est conditionnée par l'exploitation des ressources, les thèses « anti-malthusiennes » prônant au contraire que l'exploitation des ressources dépend du développement économique. Ainsi, l'économiste du développement et géographe Sylvie Brunel considère que le succès de la décroissance et du développement durable participe d'une « résurgence du malthusianisme »[47]. Selon elle, le monde n'est pas près de manquer de ressources, « des réserves de production considérables existent, autant en augmentant les rendements [..] qu'en étendant les surfaces cultivées [..]. La planète est parfaitement capable de nourrir une population qui ne doublera plus jamais. Elle est en réalité loin d'avoir atteint sa "capacité de charge" »[48].

Raymond Aron rapporte dans ses Mémoires qu'une partie de la gauche dans les années 1950 accusait les capitalistes de refuser la croissance qui mettrait en danger leur position[49].[précision nécessaire]

Critique sur les ressources

Un problème mal posé

Un des présupposés essentiels de la décroissance est que le monde manquera de matières premières et qu'il faut donc en limiter l'usage. Cette façon de poser le problème est fortement critiquée, par exemple par le «Prix Nobel» d'économie Robert Solow. Selon lui, se demander quelle quantité de tel ou tel produit nous pouvons nous permettre d’utiliser est « une façon étroite et préjudiciable de poser la question »[50]. Ce qui est important, c'est le capital humain, la capacité des hommes à inventer de nouvelles solutions : « Il est très facile de substituer d'autres facteurs aux ressources naturelles, il n'y a donc pas de 'problème' de principe. Le monde peut, en fait, se débrouiller sans ressource naturelle, donc l'épuisement n'est qu'un événement, pas une catastrophe. » Toutefois Solow est partiellement revenu sur ce point de vue en déclarant qu'« il est possible que les Etats-Unis et l'Europe se rendent compte que ... soit la croissance continue sera trop destructrice pour l'environnement et qu'ils sont trop dépendants de ressources naturelles rares, soit ils feraient mieux d'utiliser l'augmentation de la productivité sous forme de loisirs. »[51]

Bjorn Lomborg reprend cette analyse en soulignant également la difficulté de se mettre d'accord sur l'importance d'une éventuelle réduction. Quelle que soit cette baisse, les ressources finies s'épuiseront dans le schéma intellectuel de la décroissance. Il réaffirme également l'importance du progrès et de l'inventivité de l'esprit humain, accusant les partisans de la décroissance d'irresponsabilité en faisant selon lui l'apologie d'une société primitive. Lomborg écrit ainsi : « Si notre société, qui a épuisé le pétrole et le charbon, a simultanément mis au point un nombre considérable de connaissances, de capital et de moyens techniques afin d’être en mesure d’utiliser d’autres sources d’énergie à moindre frais, c’est un acte plus responsable que de laisser l’énergie fossile sous la terre telle quelle. »[52]

Le cas des ressources pétrolières

Par le passé, certaines prévisions sur l'épuisement des ressources énergétiques se sont révélées inexactes. Cécile Philippe de l'Institut économique Molinari rappelle ainsi que, par exemple, dès 1914, le Bureau des mines aux États-Unis estimait que la production future de pétrole était limitée à 5,7 millions de barils, soit peut-être dix ans de consommation. Elle ajoute également, entre autres exemples, que le Rapport Meadows prévoyait en 1972 pour avant la fin du XXe siècle un épuisement de certaines ressources dont la substitution paraissait impossible[53]. À l'inverse des prévisions sur l'épuisement des ressources énergétiques, Daniel Yergin, spécialiste américain de l'énergie, considère que, grâce aux réserves et aux progrès de la technologie, « le monde n'est pas près de manquer de pétrole »[54]. Toutefois le géologue Marion King Hubbert, qui a étudié le phénomène du pic pétrolier et a donné son nom au modèle appelé Pic de Hubbert, annonça avec justesse en 1956 que la déplétion pétrolière commencerait en 1970 aux États-Unis[55]. D'autres pays producteurs de pétrole atteignent à leur tour leur pic de production.

Le cas des ressources en métaux

Le géo-chimiste Claude Allègre avance que la problématique d'épuisement des ressources en métaux peut être résolue par le recyclage. Aujourd'hui, 50 % du fer utilisé est recyclé, 90 % du platine et 80 % de l’or[56]. M. Allègre appelle de ses vœux un développement de ces filières pour toutes les ressources terrestres : « À une économie unidirectionnelle à ressources infinies (on produit – on utilise – on jette) doit se substituer une économie cyclique à ressources finies. »[57]. Cela dit, les matériaux high-tech produits en masse par les sociétés de croissance reposent sur des ressources et des procédés de fabrication qui ne peuvent se contenter des qualités médiocres des productions issues du recyclage. Par ailleurs, une conception « orientée recyclage » d'un produit peut en limiter les performances : elle peut être incompatible avec un certain niveau de miniaturisation et d'intégration des composants[58].

Critique tiers-mondiste

Une des principales critiques opposées à la décroissance par ses détracteurs est que les classes bourgeoises des pays développés, sous couvert de protéger l'environnement, souhaiteraient en fait empêcher les pays dits « sous-développées » d'emprunter le même chemin économique que les pays occidentaux. L'économiste du développement et géographe Sylvie Brunel estime ainsi que les mouvements de développement durable et de décroissance sont nés dans l'affolement des années 1970 face à la montée de la population du Tiers Monde. Elle ajoute : « la peur du nombre suscite des prévisions catastrophiques »[59]. Elle considère qu'en est sortie une politique qui a stigmatisé les pauvres, accusés de « dilapider les ressources de la planète »[60]. Claude Allègre considère aussi que la décroissance conduirait à imposer une réduction de la croissance des pays pauvres[61].

Les analyses de Sylvie Brunel ont fait l'objet de critiques de la part de Bertrand Zuindeau, maître de conférence à l'Université Lille I[62], qui écrit : « l’ouvrage, loin d’apparaître comme une synthèse neutre des différentes conceptions sur le développement durable, constitue une contribution engagée » et plus loin : « Les réserves et les interrogations sont donc nombreuses à l’issue de la lecture de ce livre. »[63][précision nécessaire]

Selon les partisans de la décroissance, les critiques se trompent puisqu'ils visent les populations riches jugées en état de surconsommation et dont l'opulence est basée sur l'exploitation des ressources des pays pauvres. Cette idée que les « riches détruisent la planète  » a fait l'objet d'un livre du journaliste Hervé Kempf[64]. Les objecteurs de croissances tiennent à rappeler que « 20 % de la population mondiale consomme 80 % des richesses de la planète ». Un des buts des décroissants est donc de faire « décroître » les pays riches afin que les pays pauvres puissent profiter pleinement de leurs ressources et organiser leurs activités économiques pour régler leurs problèmes d'infrastructures mais surtout de famine ou d'extrême pauvreté.

Cependant, Sylvie Brunel ou d'autres assurent que c'est le développement des pays du Nord qui permet, entre autres, de tirer celui des pays du Sud. Faire décroître les pays développés aurait donc fatalement des conséquences négatives pour les pays en développement qui perdraient des marchés pour exporter leurs matières premières, leurs produits manufacturés et leurs services.

« Croissance propre » et part de l'immatériel

La théorie de la croissance endogène considère que les facteurs humains, la connaissance et l'innovation technologique prennnent le relai d'une croissance basée sur des facteurs matériels.

À la marge, un courant de pensée estime que le XXIe siècle sera celui de la noosphère[65], où la principale ressource sera l'information et la culture. Par exemple les partisans de la société de l'information, considèrent que l'humanité est entrée dans une nouvelle ère technologique, et qu'il est désormais possible, grâce à l'informatique et aux télécommunications, de créer de la richesse (i.e. de la croissance) en produisant des services et de l'information. Cette production « immatérielle » est considérée comme non-polluante. Ce qui permet à certains penseurs (notamment Joël de Rosnay ou Bernard Benhamou) d'affirmer qu'il est possible de générer de la croissance sans produire de déchets.

Cela dit, un réseau utilise des supports matériels (satellites, câbles, actifs réseaux et ordinateurs) et le transit des informations immatérielles a un coût énergétique. Pour les tenants de la décroissance, même s'il existe une richesse immatérielle mesurable et représentant une part importante de la croissance économique des pays développés, la composante matérielle des activités immatérielles ne permet pas à leurs yeux d'envisager que ce type de croissance puisse garantir la prospérité des populations.

Critiques sur le plan physique et scientifique

Destruction créatrice

Le concept économique de la décroissance est fondé sur l'hypothèse que produire toujours plus implique de consommer de plus en plus d'énergie ou de matières premières, tout en diminuant la main-d'œuvre pour la remplacer par des machines. Cette analyse est toutefois contestée par certains, qui estiment que la technique et le progrès technologique permettent de produire plus avec moins, y compris dans le domaine des services. C'est que l'on appelle la destruction créatrice, c'est-à-dire le processus de disparition de secteurs d'activité conjointement à la création de nouvelles activités économiques. Cette théorie a été fondée par l'économiste Joseph Schumpeter en 1911, dans son ouvrage Théorie de l’évolution économique : toute innovation technologique importante entraîne un processus de destruction créatrice.

Confiance dans les progrès de la science (scientisme)

Évolution de l'intensité énergétique des grandes économies mondiales depuis 1980

Une forme de critique de la décroissance défend l'idée que le progrès technique résoudra la question des énergies, des déchets et de la raréfaction des matières premières. Elle s'appuie sur l'esprit des lumières pour développer une vision technophile et optimiste de la recherche scientifique. Ainsi, Claude Allègre considère que c'est la croissance qui peut contribuer à résoudre les problèmes écologiques[66] Le Prix Nobel d'économie Amartya Sen développait des idées voisines, déclarant ainsi : « Le développement [humain] au fond est un processus de responsabilisation et ce pouvoir peut être utilisé pour préserver et enrichir l’environnement au lieu de le décimer. »[67].

Ils s'appuient par exemple sur l'évolution de l'intensité énergétique des grandes économies mondiales qui a fortement baissé depuis 20 ans (cf. graphe), bien que plus lentement que la croissance du PIB. Par exemple, les activités de R&D dans le domaine de l'énergie nucléaire pourraient fournir des solutions de substitution face à la probable pénurie de pétrole. À plus long terme, les partisans de la fusion nucléaire prédisent que les réacteurs de type ITER seront des sources d'énergie quasiment inépuisables et peu polluantes.

L'argument de l'intensité énergétique est affaibli par la stagnation de l'intensité carbonique récemment mise en évidence par les chercheurs du Global Carbon Project[68][précision nécessaire].

L'intensité énergétique est un des facteurs de l'équation de Kaya, qui tend à démontrer, comme l'explique par exemple Jean-Marc Jancovici, que soit la décroissance économique, soit la décroissance de la population sont indispensables pour éviter la catastrophe écologique.

Par ailleurs, la décroissance implique une baisse globale de la consommation énergétique, ce qui ne contredit pas la recherche d'énergie nouvelles, moins polluantes.

Critique de Georgescu-Roegen

L'économiste roumain Georgescu-Roegen a fondé sa « théorie bioéconomique » sur une interprétation de la seconde loi de la thermodynamique pour s'opposer à une croissance matérielle et énergétique illimitée, invitant à une décroissance économique. Certains estiment que cette analogie contredit l'analyse scientifique des phénomènes d'émergence et de néguentropie qui affectent les systèmes dynamiques complexes tels que l'organisation sociale humaine[69].

Critique marxiste

Le point de vue marxiste s'oppose au concept de la décroissance, considérant qu'il ne différencie pas entre la croissance d'une production utile pour les êtres humains, et la croissance qui vise simplement à augmenter les bénéfices des entreprises (construire un nouvel hôpital ou un porte-avions militaire provoquent tous les deux de la croissance).

Les marxistes considèrent ainsi que c'est la nature et le contrôle de la production qui est déterminant, et non pas sa quantité dans l'absolu, et pensent donc que c'est le contrôle et la stratégie de la croissance qui permettront un développement social et écologique.

Cette critique est très courante parmi les militants de Lutte ouvrière[70], de la Ligue communiste révolutionnaire[réf. souhaitée] et du PCF[71].

Jean Zin, tout en reconnaissant un « effet pédagogique » à la mise en avant du concept de décroissance et la justesse de sa mise en cause du développement durable, voit dans le courant décroissant « un certain volontarisme idéaliste » et « une surévaluation du politique alors que les forces sociales qui seraient nécessaires manquent absolument »[72].

Bibliographie

Ouvrages

  • Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance. Entropie-Écologie-Économie. Années 1970.
  • Serge Latouche, Justice sans limites. Le défi de l’éthique dans une économie mondialisée, Fayard, Paris, 2003
  • Paul Ariès, Décroissance ou barbarie, Éditions Parangon (ISBN 2914475764) (ou Éditions Golias)
  • Frédéric Durand, La décroissance: rejet ou projets? Croissance et développement durable en question, Éditions Ellipses, Paris, 2008 (ISBN 9782729837440)
  • Michel Bernard (dir), Objectif décroissance, vers une société harmonieuse, Éditions Parangon, 2003, (ISBN 2841901211)
  • Gérard Moreau, Dictature de la croissance, Ginkgo éditeur, 2005
  • Serge Latouche, Le Pari de la décroissance, Fayard, 2006, (ISBN 2213629145)
  • Jean-Marc Jancovici avec Alain Grandjean, Le Plein s'il vous plaît !, Éditions du Seuil, février 2006, Paris, (ISBN 2020857928)
  • Jean Aubin, Croissance : l'impossible nécessaire, Éditions Planète Bleue, 4e édition : mars 2006, (ISBN 2951953631)
  • Cyril Di Méo, La face cachée de la décroissance. La décroissance : une réelle solution face à la crise écologique ?, Éditions L'Harmattan, Paris, septembre 2006 (ISBN 2296012248)
  • Cécile Philippe, C'est trop tard pour la terre, Éditions Jean-Claude Lattès, 2006, (ISBN 2709629194)
  • Nicolas Ridoux, La décroissance pour tous, Éditions Parangon, 2006, (ISBN 2841901556)
  • Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète 2007
  • Alain de Benoist, Demain la décroissance ! Penser l'écologie jusqu'au bout, Éditions Édite, 2007
  • Jean-Paul Fitoussi et Eloi Laurent, La nouvelle écologie politique. Économie et développement humain, Coll. La République des idées, Éditions du Seuil, 2008

Médias

La revue alternative S!lence a publié dès 1993 un premier dossier intitulé « Le temps de la décroissance », puis s'est spécialisée sur cette question et fait paraître de nouveaux dossiers sur cette thématique environ 3 à 4 fois par an depuis février 2002. Elle a également publié le livre Objectif décroissance en 2003 aux éditions Parangon, ouvrage qui rassemble un très grand nombre d'articles publiés sur le thème de la décroissance dans la revue S!lence (revuesilence.net), et qui a déjà été vendu à plus de 12.000 exemplaires.

D'autres revues sont également consacrées à cette thématique : Entropia (revue d'étude théorique et politique de la décroissance)[73], Passerelle Eco[74] ou encore L'Âge de faire. L'association Casseurs de pub édite quant à elle une revue (ex Revue de l'environnement mental) et le journal La Décroissance.

Articles

  • « Les objecteurs de croissance », Le Monde 2, no 110, 25-31 mars 2006, p. 18-25
  • « Décroissance : prise de conscience individuelle et démarche collective » in No pasarán, no 33, octobre 2004.
  • « Décroissance : penser la transition » in S!lence, no 336, juin 2006.
  • « Défaire le développement, refaire le monde », numéro spécial, L'Écologiste no 6, Hiver 2001.
  • « La décroissance est-elle un remède », La Nef, no 187, novembre 2007
  • Dossier « Travailler moins pour vivre mieux », Courrier international, no 896, 3 janvier 2008.
  • (en) From limits to growth to degrowth within French green politics. Baris Gencer Baykan, Environmental Politics p. 8° 5887 (2007-06) vol.16:no 3, p. 513-517.
  • Dossier «Décroissance et socialisme», Pages de gauche, no 64, février 2008.
  • Geneviève Azam, « Entre croissance et décroissance, réinventer le politique », Mouvements, no 32, mars-avril 2004. [lire en ligne] [pdf]
  • Jacques Grinevald, « Histoire d'un mot. Sur l'origine historique de l'emploi du mot décroissance », Entropia, Parangon, no 1, automne 2006, p. 185-188.
  • Jean-Marie Harribey, « Les théories de la décroissance : enjeux et limites », Cahiers français, Développement et environnement, no 337, mars-avril 2007, p. 20-26.
  • Eric Dupin, « La décroissance, une idée qui chemine sous la récession », Le Monde diplomatique, août 2009.

Filmographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. En particulier chez Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1754
  2. Patrick Piro, écrit dans un article intitulé En finir avec la religion de la croissance, Politis, 11 décembre 2003 : « Le Club [de Rome] se fait le héraut d’une « croissance zéro », afin de mettre un frein à la consommation effrénée de biens, énergie et ressources planétaires qu’engendre l’expansion économique. »
  3. Martin Parker, Valérie Fournier et Patrick Reedy, The Dictionary of Alternatives: Utopianism and Organization, Zed Books, 2007, p. 69.
  4. « C'est sans doute Nicolas Georgescu-Roegen qui est le maître-penseur de la décroissance. C'est lui qui a incarné le mieux cette pensée radicale et a fourni une identification forte au mouvement de la décroissance » écrit Beat Bürgenmeier in Economie du développement durable, De Boeck, 2005, p. 21.
  5. « Décoloniser notre imaginaire de croissance ? Ça urge ! », sur le site de la commission économique et sociale des Verts, 7 avril 2004.
  6. Dans ses réflexions épistémologiques sur les rapports entre économie et sciences de la nature, Georgescu-Roegen (cf. La Science économique, première partie) met en évidence l'importance de cette notion d'économie de pensée développée à la du XIXe siècle, et notamment dans son histoire de La Mécanique, par le philosophe des sciences autrichien Ernst Mach, suivi d'ailleurs sur ce point par Karl Pearson.
  7. [pdf] Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance. Entropie - Écologie - Économie, 1995.
  8. Selon un rapport du Ministère français de l'industrie & de la Direction générale de l'énergie et des matières premières, intitulé « L'industrie pétrolière en 2004 », la production pétrolière aura atteint son pic de production et entrera en déclin à partir de 2013. Information relayée par la BBC : « 'Peak oil' enters mainstream debate », 10 juin 2005.
  9. « Besoins en énergie et ressources en uranium », discours de Dominique Maillard, directeur général de l'énergie et des matières premières (DGEMP), convention de la SFEN, 13 et 14 juin 2006.
  10. « Uranium : l'abondance au rendez-vous » sur cea.fr.
  11. « Panorama minier 2000 : le charbon », Armand Coumoul, Claude Heinry.
  12. Voir l'article de The Inquirer : « Certains métaux se font rare et les prix grimpent »
  13. Voir par exemple Dominique Belpomme, Ces maladies créées par l'homme : Comment la dégradation de l'environnement met en péril notre santé, Albin Michel, 2004.
  14. (en) Global Footprint Network, site de référence concernant l'empreinte écologique.
  15. La « dématérialisation de l'économie » ([1]) désigne le déplacement de l'économie - alors que celle-ci continue de croître -, vers un secteur tertiaire qui utiliserait moins de ressources naturelles, et notamment moins d'énergie. Mais si l'« intensité énergétique de l'économie » baisse légèrement, on ne peut, selon les décroissants, en espérer trop : [2]
  16. conférence du 22 mai 2008, à Paris [3]
  17. Notamment Serge Latouche, 'La déraison de la raison économique', introduction.
  18. Thomas Robert Malthus, Principes d'économie politique, 1820.
  19. Keynes déclarait ainsi ironiquement : « The government should pay people to dig holes in the ground and then fill them up. [..] The point is it doesn't matter what they do as long as the government is creating jobs ».
  20. Ils écrivent de manière imagée que « si un pays rétribuait 10% des gens pour détruire des biens, faire des trous dans les routes, endommager les véhicules, etc., et 10% pour réparer, boucher les trous, etc., il aurait le même PIB qu'un pays où ces 20% d'emplois (dont les effets sur le bien-être s'annulent) seraient consacrés à améliorer l'espérance de vie en bonne santé, les niveaux d'éducation et la participation aux activités culturelles et de loisir. Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesse, La Découverte, 2005, p. 21.
  21. Serge Latouche, L'invention de l'économie, 2005, Albin Michel
  22. Serge Latouche, Sortir de l'économie, Politis
  23. Reynald Evangelista, agronome et responsable développement durable au sein du groupe Dagris, écrit dans les Cahiers d'études et de recherches francophones / Agricultures Volume 15, Numéro 1, 123-7, Janvier-Février 2006 : « Les politiques productivistes, qui ont vu le jour avec l’ère industrielle à la fin du XIXe siècle, ont connu leur pleine expansion, dans le monde occidental, à l’issue de la seconde guerre mondiale. »
  24. Selon un rapport du Fonds des Nations Unies pour la population sur l’État de la population mondiale en 2001, Les pays les plus riches du monde, avec 20 % de la population mondiale, représentent 86 % de la consommation privée tandis que les 20 % les plus pauvres n’en représentent que 1,3 %. Un enfant né aujourd’hui dans un pays industrialisé ajoutera plus à la consommation et à la pollution, tout au long de sa vie, que 30 à 50 enfants nés dans les pays en développement. sources : http://www.un.org/french/pubs/chronique/2002/numero3/0302p35_population_mondiale.html
  25. Dominique Lachenal, « Le papier, un matériau complexe », EFPG, 2004 (VI - L'industrie papetière mondiale, Croissance prévue jusqu'en 2015)
  26. [pdf] Exemples en chiffres au Québec
  27. Serge Latouche, Le pari de la décroissance, Fayard, 2006, p. 49.
  28. Institut d'Études Économiques et Sociales pour la Décroissance Soutenable
  29. decroissance.info - Création du Parti pour la décroissance
  30. La décroissance soutenable est une transformation démocratique conditionnée par le respect des droits humains présentation du parti de la décroissance
  31. La position des Verts vis-à-vis de la décroissance peut être analysée à partir de la lecture de cette page
  32. Face au défi écologique, trois révolutions sont nécessaires, acte du VIIIe congrès d'Alternative libertaire, Agen, octobre 2006.
  33. Ainsi, Paul Ariès a dénoncé Alain de Benoist sur la base de son passé politique, ainsi que sur l'anti-égalitarisme professé selon lui dans le livre (cf. « Demain la décroissance d'Alain de Benoist : un livre dangereux ! » La Décroissance, février 2008)
  34. Pour Bernard Langlois, « ce n'est pas parce que certains considèrent Benoist comme le diable que je me priverai de dire du bien de Demain la décroissance, un essai bien intéressant, notamment dans sa dimension philosophique. » (Cf. « Les ponts du potomac », Politis, 30 avril 2008)
  35. Cf. « La Décroissance est-elle réactionnaire ? », Revue du MAUSS, 10 avril 2008
  36. Les références à Ghandi et plus généralement les réflexions sur la non-violence et désobéissance civile sont omniprésentes lors des marches pour la décroissance, par exemple lors des Ateliers de la marche du Nord-Pas de Calais en 2006.
  37. decroissance.info - En Avant Marches !
  38. Marche pour la décroissance
  39. Serge Latouche, dans Politis le 9 janvier 2003, dans un article intitulé « Sortir de l’économie »
  40. « Sortir de l'économie ça veut dire quoi ? »
  41. Qu'est-ce qu'une AMAP ?
  42. Biographie de Christian Blanc sur premier-ministre.gouv.fr
  43. Denis Clerc, De l'état stationnaire à la décroissance, in L'Économie politique
  44. lexique d'éconoclaste, l'économie pour les nuls et les autres
  45. (en) William D. Sunderlin, Ideology, Social Theory, and the Environment, Rowman & Littlefield Publishers, 2002, p. 154-155.
  46. malthusianisme économique : « Ce terme désigne l'attitude ou des pratiques reposant sur la réduction volontaire de la production. », Dictionnaire d'Économie et de sciences sociales, Hatier, p.490 (« Malthusianisme économique »)
  47. Brunel, 2008, p.133
  48. Brunel, 2008, p.134 et 136.
  49. Raymond Aron in Mémoires p.457 : « Jean Pouillon reprenait la thèse favorite de Jean-Paul Sartre (note de bas de page : il l'avait emprunté à Alfred Sauvy sans bien comprendre la pensée de celui-ci.) : le malthusianisme des capitalistes français, leur refus de la croissance parce que celle-ci mettrait en péril leur pouvoir et leurs privilèges. »
  50. Solow, Robert M. 1986 “On the intergenerational allocation of natural resources.” Scandinavian Journal of Economics 88:141-9.
  51. cité par Peter A. Victor - Bigger isn’t Better (2009)
  52. Bjorn Lomborg, L'écologiste sceptique, Cherche-midi, p.178
  53. Cécile Philippe, C'est trop tard pour la terre, 2006, Éditions Jean-Claude Lattès, ISBN 2709629194, p. 29.
  54. Le monde n'est pas près de manquer de pétrole : Grand angle avec Daniel Yergin, spécialiste américain de l'énergie, Les Échos, 14 novembre 2007
  55. Jean-Luc Wingert, La Vie après le pétrole, p. 49-51.
  56. Claude Allègre, Ma vérité sur la planète, p. 144.
  57. Claude Allègre, op. cit., p. 145.
  58. « Les enjeux des nouveaux matériaux métalliques », Christian Hocquard, BRGM, 2005.
  59. Sylvie Brunel, A qui profite le développement durable, Larousse, 2008, p. 42.
  60. Sylvie Brunel, op. cit., p. 12.
  61. Claude Allègre écrit : « Aux objecteurs de croissance, Toute limitation de la croissance se fait au détriment des pauvres ! C'est une vision de riches ! » dans Le Monde le 8 novembre 2006
  62. Page Bertrand Zuindeau sur le site de l'Université de Lille
  63. Lectures : Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sais-je?
  64. Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, Seuil, 2007
  65. « …l’avènement de l’homme marque un palier entièrement original, d’une importance égale à ce que fut l’apparition de la vie, et que l’on peut définir comme l’établissement sur la planète, d’une sphère pensante, surimposée à la biosphère, la noosphère. En elle, l’immense effort de cérébralisation qui commença sur la terre juvénile va s’achever, en direction de l’organisation collective ou socialisation… » Pierre Teilhard de Chardin
  66. « le programme de décroissance [..] tourne le dos au progrès » Claude Allègre, Ma vérité sur la planète, p.31. Il écrit ainsi à propos de la décroissance : « Or, c’est exactement le contraire qui est souhaitable pour développer l’écologie. Il faut en faire le moteur d’une croissance vigoureuse, un élément essentiel du progrès économique et social ! ».
  67. Rapporté par le journaliste S. Kaufman, dans Le Monde du mardi 13 février 2007
  68. Raupach et al., Global and regional drivers of accelerating CO2 emissions, Compte-rendu de l'Académie des Sciences Américaine, 2007, vol. 104, no. 24
  69. Article de Jean Zin dans EcoRev' « Entropie et décroissance », critiquant l'argument entropique de Nicholas Georgescu-Roegen
  70. Article de Lutte Ouvrière
  71. Croissance, décroissance ou nouveau type de développement, compte-rendu de la Commission territoires - écologie - décentralisation du PCF.
  72. Jean Zin, L'écologie politique à l'ère de l'information, Ere, 2006, p. 68-69.
  73. editions-parangon.com
  74. passerelleco.info
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