Des glaneuses

Des glaneuses
Des Glaneuses
Image illustrative de l'article Des glaneuses
Des Glaneuses, Musée d'Orsay
Artiste Jean-François Millet
Année 1857
Type Huile sur toile
Dimensions (H × L) 83,5 cm × 110 cm
Localisation Musée d'Orsay, Paris
Le Rappel des glaneuses, Jules Breton, 1859
Jean-François Millet, Des glaneuses (Eau-forte), après 1857

Des glaneuses (souvent nommé Les Glaneuses) est un tableau de Jean-François Millet, peint en 1857, et présenté la même année au Salon.

Sommaire

Description

Sur le tableau figurent trois femmes, une vieille et deux jeunes, parmi les plus pauvres de la campagne, puisque contraintes de glaner des épis de blés pour manger, et illustre ainsi la misère de la population rurale en s'inscrivant dans la veine réaliste, sans misérabilisme[1]. Les trois femmes figurent les trois gestes du glanage : se baisser, ramasser, se relever. Le travail de ces femmes est pénible (courbure du dos, maigreur de la récolte), mais leurs vêtements ne sont pas des haillons[2]. Cette pauvreté (et une certaine fracture sociale) est accentuée par l'apparente richesse de la récolte de blé chargée sur les charrettes en arrière plan par le maître et les gens de ferme. Millet représente dans le ciel une nuée d'oiseaux, prêts eux aussi à picorer les grains oubliées, à l'instar des glaneuses[1].

Le glanage est un sujet connu à cette époque. Balzac, dans Les Paysans, met en scène le régisseur du comte de Montcornet qui conteste le droit de glaner[3]. Deux ans plus tard, Jules Breton prend le contre-pied de Millet dans Le rappel des glaneuses, où celles-ci sont montrées sans souffrance, dans une ambiance presque festive.

Comme pour son tableau Moissonneurs (1852), Millet a pu en observant les paysannes de Chailly, d'un passage de la Bible, mettant en scène Booz et Ruth, le premier autorisant la seconde à glaner dans son champ, puis à partager le repas des travailleurs.

Ce tableau s'inscrit dans une série de peintures de Millet illustrant la vie paysanne[2].

Acheté pour 2000 francs par M. Binder, de l'Isle-Adam, sur les conseils de Jules Dupré[4], Des glaneuses est entré dans la collection du Louvre en 1890 grâce au don de Mme Pommery, et a été affecté au Musée d'Orsay en 1986.

Le tableau a été détourné par l'artiste de rue Banksy, qui a fait sortir le personnage de droite du cadre de la toile pour le représenter fumant une cigarette ; l'œuvre a été exposée en 2009 au musée de Bristol[5],[6]

Critiques de 1857

Pour les critiques de droite, ces femmes sont le symbole d'une révolution populaire menaçante, quand les journaux de gauche y voient le peuple rural appauvri par le Second Empire.

  • « Ses trois glaneuses ont des prétentions gigantesques : elles posent comme les trois Parques du paupérisme. Ce sont des épouvantails de haillons plantés dans un champ, et, comme les épouvantails, elles n'ont pas de visage : une coiffe de bure leur en tient lieu. M. Millet paraît croire que l'indigence de l'exécution convient aux peintures de la pauvreté : sa laideur est sans accent, sa grossièreté sans relief. Une teinte de cendre enveloppe les figures et le paysage ; le ciel est du même ton que le jupon des glaneuses ; il a l'aspect d'une grande loque tendue. Ces pauvresses ne me touchent pas ; elles ont trop d'orgueil, elles trahissent trop visiblement la prétention de descendre des sibylles de Michel-Ange et de porter plus superbement leurs guenilles que les moissonneuses du Poussin ne portent leurs draperies. Sous prétexte qu'elles sont des symboles, elles se dispensent de couleur et de modelé. Ce n'est pas ainsi que je comprends les représentations de la misère, « chose sacrée », dit le poète latin, — sacrée et naive. L'art doit la peindre sans emphase, avec émotion et simplicité. Il me déplaît de voir Ruth et Noémi arpenter, comme les planches d'un théâtre, le champ de Booz. » Paul de Saint-Victor[4]
  • « Millet peint avec une austère simplicité des sujets simples. Quoiqu'il étudie la nature d'assez près pour savoir le fin du fin, il ne se laisse pas aller au péché mignon des observateurs subtils; il échappe à la tentation de tout dire à la fois, et vous ne trouverez jamais chez lui cette multiplicité d'intentions, ce caquetage de détails qui fatigue dans les œuvres de M. Meissonier. Ses tableaux péchaient même par un excès de sobriété, et l'on pouvait croire que M. Millet, à force de réduire la nature à sa plus simple expression, se trouvait, comme un alchimiste imprudent, devant un creuset vide. Mais les Glaneuses de 1857 se distinguent des œuvres précédentes par cette abondance dans la sobriété qui est la marque des talents achevés et la signature commune des maîtres. Le tableau vous attire de loin par un air de grandeur et de sérénité. Je dirai presque qu'il s'annonce comme une peinture religieuse. Tout est calme là-dedans, le dessin est sans tache et la couleur sans éclat. Le soleil d'août chauffe vigoureusement la toile, mais vous n'y surprendrez pas un de ces rayons capricieux qui s'ébattent dans les tableaux de M. Diaz comme des écoliers en vacances : le soleil de M. Millet est un astre sérieux qui mûrit les blés, qui fait suer les hommes, et qui ne perd pas le temps à badiner. Au fond de la toile, les moissonneurs bien nourris entassent les gerbes opulentes et la richesse du propriétaire. Sur le premier plan, trois glaneuses ramassent un à un les épis oubliés. Je ne crois pas cependant que M. Millet ait spéculé sur le contraste et voulu frapper les esprits par une antithèse déclamatoire. Il n'a pas suspendu aux épaules de ses paysannes ces haillons pathétiques que les Troyennes d'Euripide étalaient aux yeux des Achéens ; il ne leur a prêté ni les grimaces pitoyables de la pauvreté larmoyante ni les gestes menaçants de la misère envieuse : les trois femmes ne font appel ni à la charité ni à la haine : elles s'en vont, courbées sur les chaumes, et elles glanent leur pain miette à miette, comme elles grappilleront leur vin à l'automne, comme elles ramasseront leur bois en hiver, avec cette résignation active qui est la vertu des paysans. Elles ne sont ni fières ni honteuses ; si elles ont eu des malheurs, elles ne s'en vantent point ; si vous passiez près d'elles, elles ne se cacheraient pas la face; elles empochent simplement et naturellement l'aumône du hasard qui leur est garantie par la loi. » Edmond About[7]
  • « Élégantes Parisiennes, arrêtez-vous devant ce tableau, et comprenez, si vous pouvez, pourquoi il fut un temps où vos pères, vos maris et vos frères étaient si souvent éveillés à l’appel du tambour. Voilà les gueux de la campagne, vous pouvez voir ceux de la ville en sortant. » Léon Daléas[1]

Notes et références

  1. a, b et c Les peintres, le Salon, la critique, 1848-1870, fiche de visite, Musée d'Orsay, Paris
  2. a et b Œuvre commentée sur le site du Musée d'Orsay
  3. « -- Monsieur le comte, répondit le régisseur. Vos pauvres touchent de vous plus que l'État ne vous demande. Un petit drôle comme Mouche glane ses deux boisseaux par jour. Et les vieilles femmes, que vous diriez à l'agonie, retrouvent à l'époque du glanage de l'agilité, de la santé, de la jeunesse. Vous pourrez être témoin de ce phénomène, dit Sibilet en s'adressant à Blondet ; car, dans six jours, la moisson, retardée par les pluies du mois de juillet, commencera. Les seigles vont se couper la semaine prochaine. On ne devrait glaner qu'avec un certificat d'indigence donné par le maire de la commune, et surtout les communes ne devraient laisser glaner sur leur territoire que leurs indigents ; mais les communes d'un canton glanent les unes chez les autres, sans certificat. Les Paysans, Édition Charles Furne, 1845, vol.XVIII, p.542 »
  4. a et b Alfred Sensier, La Vie et l'œuvre de J.-F Millet, A. Quantin, 1881
  5. Guy Duplat, « Banksy au musée », La Libre Belgique, 17 juin 2009.
  6. (en) Paul Mitchell, « Britain: The strengths and limitations of Banksy’s “guerrilla” art », World Socialist Web Site, 10 septembre 2009.
  7. Nos Artistes au Salon de 1887, p. 103.

Sources

  • Laurent Manœuvre, Millet - Les Saisons, Le Musée miniature - Herscher, Paris, 1996
  • Geneviève Lacambe, Henri Soldani et Bertrand Tillier, L'ABCdaire de Millet, Flammarion, 1998

Voir aussi


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