Doriot

Doriot

Jacques Doriot

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Jacques Doriot
Parlementaire français
Naissance 26 septembre 1898
Décès 23 février 1945
Mandat Député 1928-1937
Début du mandat
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Circonscription Seine
Groupe parlementaire PCF (1928-1934)
NI (1934-1937)
IIIe république

Jacques Doriot (Bresles dans l'Oise 1898 - Mengen, dans le Wurtemberg, en Allemagne, 1945) fut un homme politique et journaliste français. Le nom de Doriot reste attaché au Parti communiste français, au fascisme français (il fut le fondateur du Parti populaire français) ainsi qu'au collaborationnisme.

Sommaire

Éléments biographiques

Le communiste

Ouvrier métallurgiste, il devient secrétaire général de la Jeunesse communiste. Condamné pour ses positions contre la guerre du Rif, il sort de prison en 1924 grâce à son élection au poste de député de Saint-Denis, ville dont il devient maire en 1930. Il est exclu du Parti communiste en 1934 pour avoir lancé la création d'un Comité de Défense Antifasciste avec des membres de la SFIO et du Parti radical et radical-socialiste, tandis que le Parti communiste et Moscou prônaient le principe de « classe contre classe ». Il s'oppose à la politique de Maurice Thorez et du Komintern qui refusent tout front unique avec les socialistes, puis évolue vers une certaine forme de fascisme.

Le collaborateur

En 1936, Doriot fonde le Parti populaire français (PPF) et reprend le journal La Liberté, lequel prend position contre le Front populaire. Durant la guerre, Doriot est un partisan radical de la collaboration. Il contribue, ainsi, à la création de la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (LVF) et combat personnellement sous l'uniforme allemand sur le front russe, avec le grade de lieutenant.

Il se réfugie en Allemagne en 1944, et tente de mettre en place un Comité de libération française ; il est tué lors du mitraillage de sa voiture par deux avions alliés. Selon certaines thèses, il aurait été victime de divergences entre les nazis.

Les années communistes

L'essor de sa carrière politique

Jacques Doriot est né le 26 septembre 1898 à Bresles dans l'Oise. Il appartient à une famille ouvrière : son père est forgeron et sa mère couturière. Il commence à travailler dès l'âge de quinze ans dans une usine puis trouve un emploi dans une laiterie voisine. En 1915, à l'âge de 17 ans, il s'installe à Saint-Denis et travaille dans plusieurs usines en tant qu'ouvrier métallurgiste. En 1916, il s'inscrit à la section locale des Jeunesses socialistes lesquelles partagent les idées pacifistes de la minorité de la SFIO. Il vit dans un milieu ouvrier las de la guerre.

En avril 1917, il est mobilisé, et en 1918 son unité est décimée au Chemin des Dames. Il est décoré de la croix de guerre pour avoir ramenené des lignes ennemies un camarade blessé, mais il a été, également, condamné à un mois de prison pour indiscipline, ce qui illustre déjà son attitude à la fois rebelle et solidaire. Son unité part ensuite à l'Armée d'Orient ce qui explique une démobilisation tardive en 1920.

Il revient alors à Saint-Denis et rejoint le camp des partisans de la Troisième Internationale au sein de la SFIO. En automne, les Jeunesses socialistes se rattachent à l'Internationale communiste des jeunes, et Doriot est élu au Comité National. Marqué par la guerre, sans attaches familiales, Doriot va devenir un révolutionnaire professionnel. De 1921 à 1923, il représente les Jeunesses communistes françaises à Moscou, auprès de l'Internationale Communiste des Jeunes. Durant son séjour en Union soviétique, il fait l'apprentissage de l'agitation et rédige des textes de propagande. Il voyage beaucoup, prend la parole à de nombreuses réunions politiques, et fait la connaissance de Lénine à qui il voue une grande admiration. À son retour en France en 1922, il est plaçé à la tête des Jeunesses communistes. Sous sa direction, elles deviennent un instrument de bolchevisation du Parti communiste français (PCF) qui était, jusqu'à cette époque, toujours fortement marqué par le modèle socialiste. En 1923, Doriot qui a alors vingt-cinq ans est condamné à un an de prison pour avoir rédigé une série d'articles appelant les soldats à désobéir. En 1925, les effectifs des Jeunesses Communistes atteignent le point le plus haut des années 1920.

Doriot jouit alors d'une grande popularité dans le Parti : il apparaît comme un élément prometteur. Sa carrière politique prend son essor à cette époque. Doriot est ambitieux, visant notamment à atteindre des postes de direction, mais l'Internationale ne lui attribue pas la position qu'il recherche. Il se replie alors sur le parti français dans lequel il est très influent et très apprécié, et où il commence à se détacher de la direction de l'Internationale. Du militant bolchevik dévoué qu'il était, il se transforme progressivement en un politicien habile et calculateur. Ses relations avec le groupe dirigeant sont tendues, et il doit faire face à un rival, Maurice Thorez. En 1931, Doriot est élu maire à Saint-Denis qui devient un bastion du PCF mais aussi sa place forte personnelle. Des dirigeants communistes français, il est l'un des plus avertis sur les questions internationales : porte-parole du parti, il dénonce le traité de Versailles et l'impérialisme français, il proclame le droit des peuples à l'autodétermination, y compris pour l'Alsace-Lorraine.

À partir des années 1930, le nazisme et le communisme montent en puissance. Doriot a l'occasion d'aller en Allemagne pour apporter au Parti communiste d'Allemagne le soutien du PCF, et observe outre-Rhin le succès foudroyant du parti nazi. Dans les années 1932-1934, le parti communiste décline en puissance et en influence. Aux élections législatives de 1932, alors que le parti subit un recul important, Doriot obtient une victoire franche, et est le seul candidat communiste élu au premier tour. Il profite de ce succès pour se rendre à Moscou et dresser un bilan sévère de l'état du Parti. Il met alors en valeur sa réussite personnelle afin d'obtenir la direction de toute la région parisienne, qui représente un tiers des effectifs du PCF, mais le Komintern ne lui donne pas satisfaction. En effet, les ambitions de Doriot, sa recherche d'intérêts personnels transparaissent dans ses discours, ce qui le rend peu fiable aux yeux des dirigeants soviétiques. Doriot veut rester dans le mouvement communiste, il veut aussi gagner la direction du parti français, mais pour cela il dépend de l'Internationale. Il montre son allégeance envers celle-ci, cherche à gagner ses faveurs, mais il ne réfrène pas les marques d'affirmation de son indépendance. Comme il refuse de n'être qu'un pion de l'Internationale et qu'il cherche plutôt le statut de partenaire, la situation est tendue. À cela s'ajoute l'établissement de la dictature hitlérienne, et l'écrasement du parti communiste d’Allemagne qui représente pour l'Internationale la plus grosse défaite de son histoire.

Au sein du parti communiste, Doriot subit donc des échecs provoqués par ses ambitions frustrées. Il se sent à l'étroit et, voulant donner au parti une orientation nouvelle, il nourrit des tensions avec les dirigeants.

Divergences avec le Komintern

En 1933, des pourparlers s'engagent entre socialistes de la SFIO et communistes en vue de l'organisation de controverses publiques sur le thème de l'unité ouvrière, mais ces pourparlers sont rompus, ce que désapprouve Doriot qui voudrait créer un front commun. En fait, Doriot veut exploiter l'affaiblissement de la SFIO qui vient d'exclure son aile droite néo-socialiste et son aile d'extrême gauche, l'Action socialiste. Son but est de rapprocher les deux partis, pour que le communisme retrouve de l'influence. L'Internationale rejette sa proposition, qu'elle juge opportuniste. Doriot insiste dans sa proposition de changer de tactique en démontrant les avantages qui pourraient en découler : les propositions de front unique qu'il s'agit d'envoyer à la direction socialiste permettraient d'élargir la scission de la droite et de rallier au parti communiste le groupe de l'Action socialiste. Et surtout, le rapprochement avec le parti socialiste pourrait permettre au parti communiste de prendre la tête d'un mouvement de masse anti-fasciste. Mais l'Internationale continue de rejeter cette proposition et Thorez rappelle que le parti socialiste est un ennemi. En effet les socialistes étaient perçus comme affaiblissant la lutte des classes en collaborant avec la bourgeoisie.

Doriot est exaspéré par la rigidité du Komintern. En 1934, il dénonce la menace fasciste qui se manifeste lors des émeutes du 6 février. Il remet à nouveau en question la direction du parti et demande la formation d'une coalition avec les socialistes pour combattre cette menace. En fait il perçoit, comme de nombreux hommes de gauche, que la division entre les socialistes et les communistes en Allemagne a joué en faveur de Hitler et veut éviter de voir la même erreur se reproduire en France. Mais cet appel visant à changer de ligne de conduite est considéré comme un manquement à la discipline du parti par Thorez et par le Komintern. Thorez se sert alors du journal L'Humanité pour ternir la réputation de Doriot et déformer sa position. Doriot réagit : le 8 février 1934, il profite de la réaction de la gauche vis à vis des émeutes du 6 février pour négocier avec les responsables de la SFIO à Saint-Denis, sans tenir compte des ordres du PCF. Il prend part à la création du Comité de vigilance anti-fasciste de Saint-Denis composé de communistes et de représentants locaux de la SFIO et de la CGT.

En réaction, Thorez organise une réunion des responsables communistes de Paris pour faire rentrer Doriot dans le rang. C'est l'occasion d'un vote sur la remise en cause de la politique du parti, où une majorité de délégués se prononcent en faveur de la ligne de conduite officielle. En réaction à ce désaveu, Doriot démissionne de sa fonction de député-maire de Saint-Denis. Le 11 avril, il rédige une lettre au Komintern pour exposer à nouveau sa volonté d'unir socialistes et communistes contre le fascisme. Il va même plus loin en présentant un projet alternatif cohérent, qui laisse de côté la révolution du prolétariat et vise à atteindre le pouvoir grâce à une politique fondée sur la collaboration des classes. L'Internationale convoque Doriot à Moscou, mais ce dernier refuse de s'y rendre. En juin, l'Internationale adopte la politique d'alliance avec la gauche, qui était pourtant considérée auparavant comme hérétique. Mais le refus de Doriot d'aller à Moscou, ses désobéissances, et ses ambitions sur la direction du PCF ne sont plus tolérées. Au congrès annuel de juin, Thorez propose d'exclure Doriot du parti et la motion est adoptée à l'unanimité.

Cette exclusion provoque un déchirement chez Doriot, mais surtout une grande colère et une soif de vengeance contre la direction du parti. Il reste dans le jeu politique, mais craint de se faire évincer par la collaboration qui est en train de se former entre les deux grands partis ouvriers. En réaction Doriot décide de surenchérir dans l'unité ouvrière ; le 5 juillet 1934 il lance le mot d'ordre « une seule classe, une seule CGT, un seul parti ». Pour diffuser son point de vue, il utilise L'Émancipation nationale, journal qu'il dirige. Il cherche à constituer un parti de synthèse, mais refuse une fusion dans un parti existant. Pour lui, la division des mouvements ouvriers est la raison majeure de la défaite face au fascisme, et il cherche la solution dans une structure neuve avec lui à sa tête. Mais Doriot ne réussit pas à concrétiser la percée qu'il espérait, et demeure un élément isolé au sein de l'extrême gauche française. Sa politique de lutte contre le communisme devient de plus en plus nette et s'accompagne d'une promotion de la paix passant, alors, en premier thème de sa propagande. Il affirme une volonté d'entente avec l'Allemagne nazie.

Cette campagne pacifique marque un tournant dans la vie politique de Doriot. Par là, il abandonne la lutte au profit de la conciliation et annonce un combat ouvert contre le parti communiste. Cette politique marque aussi l'échec de l'unité ouvrière qu'il recherchait. Doriot est donc dans une position fragile, avec pour seule motivation la revanche. En 1935 il est toujours un homme politique de gauche. Les élections de 1936 confirment la situation précaire de Doriot et sa perte d'influence. Peu après les élections de 1936, Gabriel Leroy-Ladurie, président de la banque Worms, prend contact avec lui. Il représente les grandes entreprises qui voudraient détruire l'assise du Front populaire, et demande à Doriot de former un parti politique pour l'aider dans cette manœuvre.

Le Parti populaire français

La création du parti et sa montée en puissance

La plupart des historiens sont d'accord pour considérer que le Parti populaire français représente la forme la plus proche du type fasciste qui ait existé en France, cependant d'autres historiens vont plus loin et estiment qu'on peut le qualifier de véritable parti fasciste.

À l'origine, ni dans la conception de son fondateur, ni dans la réalité, le Parti populaire français (PPF) n'a été un parti fasciste. Au contraire, il apparait initialement comme un parti d'extrême gauche rival du parti communiste. Sa fondation a lieu en juin 1936, juste après la vague de grèves du mouvement ouvrier : c'est le 27 et 28 juin que Doriot présente le PPF à quelques centaines de personnes. Ce parti se définit comme un mouvement de rassemblement national visant à regrouper tous les Français, sauf les dirigeants communistes, pour assurer au pays la paix et l'indépendance. Dans cette logique, Doriot ne s'affirme pas opposé au Front populaire.

Le programme du nouveau parti est très vague, notamment sur le plan des institutions. Le mouvement social de juin provoque une peur de la gauche, ce qui est bénéfique pour le PPF qui reçoit alors l'appui de certains journaux de droite et le ralliement d'hommes d'extrême-droite, et le soutien matériel d'une partie du patronat.

Doriot, pour continuer à bénéficier de ces appuis, met en avant la lutte contre le communisme dans son programme politique et fait passer en second plan la lutte contre le conservatisme et le grand capitalisme. Cependant, visant avant tout à un rassemblement national, il ne laisse pas son parti glisser indéfiniment à droite.

Ainsi, durant la première année d'existence du PPF, il garde une ligne assez souple et modérée qui privilégie l'isolement du parti communiste et le rapprochement du pouvoir. La volonté de revanche de Doriot sur le parti qui l'a exclu se ressent donc toujours fortement sur sa ligne de conduite.

Quant aux relations avec les socialistes, elles restent mesurées. En juillet 1936, Doriot affirme clairement son objectif : il désire accéder au pouvoir pour procéder à une révolution nationale. Le parti est présenté comme d'un type nouveau, à la fois populaire, national et social.

Face à la question du fascisme, on peut se demander quels sont les éléments de nature fasciste dans l'organisation du PPF. Il faut d'abord noter que le parti refuse de se doter d'une organisation paramilitaire, mais c'est seulement pour ne pas braquer l'opinion en imitant les ligues ou les partis fascistes. Il y a quand même des cérémoniaux qui empruntent fortement aux mouvements fascistes : on peut citer le salut presque similaire au salut romain (repris par les fascistes et les nazis), le cri «en avant, Jacques Doriot», l'existence d'un insigne, d'un drapeau, d'un hymne et surtout d'un serment de fidélité.

Le premier congrès du PPF se déroule en novembre 1936 et illustre ce que le parti prétend être : un parti de rassemblement national et un parti populaire. Le comité central est partagé également entre les hommes venus de gauche, majoritairement communistes, et les hommes de droite, des Volontaires nationaux mais aussi des Jeunesses patriotes et des hommes de l'Action française. Vis à vis de la politique extérieure, le pacifisme est resté depuis le départ un des points principaux de la politique du PPF : dans ses discours, Doriot rappelle son passé d'ancien combattant et les horreurs de la guerre. Le parti appuie donc les désirs de paix des Français et désigne le Parti communiste comme un parti de la guerre. Doriot soutient dans sa propagande que la paix est la seule chose qui peut faire retrouver à la France « son dynamisme, sa force, son prestige ». Il met aussi en avant que la réussite du PPF est la seule solution de paix qui reste à la France.

Mais au tournant de 1937, Doriot aborde une nouvelle tactique, qui fait nettement glisser le parti vers la droite.

La dérive fasciste

Doriot se pose en défenseur des libertés menacées par les communistes, qui seraient aidés par les socialistes : il les accuse d'empêcher l'exercice des droits d'expression et de réunion. Il lance la formule du Front de la liberté, pour appeler à un rassemblement de tous les groupements et partis politiques qui se situent entre l'extrême droite et les socialistes.

Peu répondent, mais la position nouvelle du PPF place le parti à la charnière entre la droite modérée et l'extrême-droite. Le Front de la liberté obtient donc une faible adhésion cependant que le PPF montre un essoufflement.

À cette perte d'influence s'ajoute en mai 1937, l'invalidation de Doriot de la mairie de Saint-Denis, ce qui marque un tournant dans l'histoire du parti. C'est une enquête administrative, menée par le ministre de l'intérieur Marx Dormoy, qui met au jour des irrégularités et conduit à cette invalidation. Doriot démissionne alors du conseil municipal, pousse à organiser de nouvelles élections, mais il subit une défaite.

Cet échec est symbolique puisqu'il signifie un retour de Saint-Denis aux mains des communistes et qu'il montre clairement l'échec de Doriot à rassembler autour de lui la classe ouvrière.

Doriot réagit alors en abandonnant son mandat de député qui était le dernier lien le rattachant aux institutions. À partir de là, la fascisation du parti s'accentue encore plus nettement. Les responsables du PPF, tels que Pierre Drieu La Rochelle, Victor Arrighi, Bertrand de Jouvenel attendent du parti qu'il devienne l'équivalent français du nazisme. Les doriotistes voient comme une nécessité de créer en France une nouvelle élite, comme le sont en Allemagne le parti nazi et en Union soviétique le parti communiste.

Devant l'échec du rassemblement national, le PPF se transforme : il s'aligne sur les modèles fascistes et accentue ses attitudes extrémistes. Le parti se rapproche nettement de l'extrême droite, allant même jusqu'à l’Action française : Doriot déclarant notamment vis-à-vis de la monarchiequ'il n'est pas opposé à cette solution mais quelle n'est pas encore assez « mûre ».

Un projet de totalitarisme fasciste s'affirme de plus en plus, comme le montre le discours de Doriot au 2econgrès du PPF en mars 1938 : il veut voir renaître une paysannerie forte, déplore la prolétarisation de la France, et présente la famille comme la cellule fondamentale de la nation. Il présente aussi le nationalisme comme la doctrine primordiale du parti et ambitionne même de façonner un homme nouveau. Cet homme nouveau doit avoir « le goût du risque, la confiance en soi, le sens du groupe, le goût des élans collectifs ». Doriot élabore une charte du travail qui reprend le modèle mussolinien.

Les thématiques et les méthodes fascistes se sont donc clairement installées dans le parti et d'autres indices attestent aussi de la fascisation : quand Doriot arrive en avion et survole le stade à l'anniversaire de la création du parti en juin 1938, c'est une réédition de la descente de Hitler sur Nuremberg.

C'est aussi sur le plan de la xénophobie, du racisme et de l'antisémitisme que des changements surviennent, après la mort de son ami juif, Alexandre Abremski. Ainsi dans le congrès de mars 1938, on discute de la « question juive » en Afrique du Nord. La presse doriotiste exprime enfin de manière ouverte son admiration pour les régimes fascistes, les voyages en Allemagne et en Italie des doriotistes se multiplient, et la propagande devient plus dure.

En politique extérieure, le PPF comptait jouer sur un plan égal avec les régimes fascistes italien et allemand, mais devant leur montée en puissance, cette politique a pris l'allure d'une coopération passive puis d'une soumission.

En effet il ne faut pas oublier que dès sa création, le parti met en avant son pacifisme, et au printemps de 1938, Doriot organise une série de manifestations contre la guerre, en prônant une union pour le maintien de la paix.

Mais en cette même année 1938, la perte de confiance dans le PPF est généralisée : le parti, qui ne propose pas de politique conquérante, manque de dynamisme. Pour redonner de l'attraction au parti, Doriot évoque le thème nouveau d'une mission extérieure, l'exhortation à gagner quelque chose dans le monde.

Mais cette proposition, qui correspond en fait à la dimension fondamentale du fascisme, apparaît inconsistante et saugrenue, elle arrive beaucoup trop tard. L'année 1938 met en lumière la crise de plus en plus prononcée du PPF, notamment par la démission de plusieurs de ses dirigeants (Arrighi et Marion).

En 1939, le parti prend une dimension de tradition nationaliste. Doriot, dans ses discours, déplore la dénatalité, causée selon lui par le capitalisme libéral et le marxisme. Il déplore aussi dans la jeunesse une perte du respect de la foi, de l'autorité, de la famille, de la nation et de la patrie.

Ce repli vers une ligne traditionnelle peut s'expliquer par l'opportunisme et la déception de Doriot devant la régression de son mouvement. Le 3 septembre 1939, la France entre en guerre au côté de la Grande-Bretagne et Doriot est mobilisé. Il affirme que le but des Alliés doit être de supprimer la puissance allemande, mais il ajoute que Staline est tout autant l'ennemi que Hitler. Il espère que l'après-guerre verra s'installer l'ordre nouveau dont il rêve, avec une carte de l'Europe redessinée au détriment de l'Allemagne et de l'URSS.

Après la défaite de la France et la signature de l'armistice en juin 1940, Doriot – par un nouvel élan d'opportunisme – cherche à obtenir une place dans le gouvernement de Vichy, mais il est tenu à l'écart. Il est cependant nommé membre du Conseil national instauré par Vichy. Il se rapproche alors de Marcel Déat (1894-1955) avec qui il envisage un projet de parti unique lequel n'aboutira pas.

Il regagne Paris en 1940, et s'attache à remettre sur pied le PPF qui a été désorganisé par la défaite. À la mi-octobre, il lance Le cri du Peuple, un journal qui doit servir à attirer la classe ouvrière en profitant de l'absence de l'Humanité. Ses efforts de regroupement sont inefficaces, le PPF ne se développe pas, et à cela s'ajoute une méfiance envers les autorités d'occupation.

Progressivement, Doriot entre en relation avec le vainqueur de la guerre, qui lui apporte l'appui et les ressources matérielles nécessaires pour rester dans la course. Le PPF accentue ainsi sa position de collaboration, et affiche sa confiance dans la victoire de l'Allemagne. Doriot devient de plus en plus raciste, sans doute pour plaire à ses contacts de la SS, et l'attaque de l'Allemagne contre l'URSS le 22 juin 1941 le fait définitivement passer dans le camp allemand. Doriot appuie la création le 8 juillet 1941 de la LVF, la Légion des volontaires français qui combattent sous l'uniforme allemand. Il s'engage lui-même, et effectue de longs séjours (18 mois au total) sur le front de l'Est, durant la période 1943-1944. Il est décoré de la Croix de fer par les Allemands[1].

Exil et mort

Après le débarquement allié, il s'exile en Allemagne. Arrivé à Sigmaringen avec toute la nébuleuse collaborationniste, Jacques Doriot était alors optimiste, son départ pour l'Allemagne revêtant pour lui un aspect tactique. En effet, selon lui, les « forces françaises » s'étaient exilées en Allemagne afin de se ressourcer devant l'imminence du mauvais coup des communistes qui venaient, toujours selon Doriot, de commencer leur prise de pouvoir en France. Le but de Doriot fut dès lors l'avènement d'un « État populaire français », où il aurait bien évidemment eu un rôle majeur, et exempt des vices de Vichy. Pour Doriot, du résultat de cette entreprise dépendait le retour de la France en tant que puissance européenne à même de discuter d'égale à égale avec l'Allemagne hitlérienne. Doriot, Déat, Bucard et Brinon rencontrèrent le Führer lui-même en décembre 1944 afin de mener à bien ce projet.

Cependant, toutes ces manœuvres manquaient d'énergie pour un Doriot toujours plus activiste que jamais, malgré la fuite des dirigeants collaborationnistes. Aussi annonça-t-il la création, le 8 janvier 1945, d'un « Comité de libération française », réplique collaborationniste de l'entreprise gaulliste en Angleterre[2]. Ce Comité devait rassembler le petit groupe des exilés de Sigmaringen et assurer le pouvoir au chef du PPF.

Cependant, deux autres dirigeants collaborateurs se montraient encore réticents : Déat, l'éternel rival, et Bucard, toujours en froid avec Doriot depuis que le PPF était devenu en 1937 l'attributaire officiel de l'aide financière accordée par Mussolini, auparavant bailleur de fonds de l'organisation de Bucard, le parti franciste. Aussi, rendez-vous fut pris avec Déat le 22 février 1945. Le rapprochement entre les deux hommes se profilait.

Le 22 février 1945, Doriot, son chauffeur et une secrétaire du Comité prirent place dans la voiture du conseiller d'ambassade Struve, le véhicule personnel de Doriot étant en panne. À quelques centaines de mètres de Mengen, la voiture fut probablement attaquée en piqué par deux avions alliés. Doriot, déjà atteint par une première rafale, tenta de quitter le véhicule, mais pas assez rapidement pour qu'une seconde rafale ne le frappât mortellement cette fois. Prévenus par la secrétaire miraculeusement indemne, Déat et le fidèle lieutenant de Doriot, Marcel Marshall, arrivèrent sur les lieux et ne purent que constater le décès.

Doriot fut inhumé au cimetière de Mengen où il repose toujours. En 1961, des soldats d'occupation découvrirent sa tombe, la piétinèrent et la souillèrent. Peu après, l'ordonnance de l'armée française qui interdisait de l'entretenir tomba dans l'oubli.

Jusqu'à une date très récente, Victor Barthélemy et Marcel Marshall organisèrent chaque 22 février une cérémonie à la mémoire de celui qui fut leur chef.

Publications

  • L'Armée et la défense du capitalisme, Courbevois, La Cootypographie/Paris, Librairie de l’Humanité, « Bibliothèque des jeunes communistes », 1924.
  • (et Marcel Cachin), Contre le plan Dawes et la trahison socialiste, pour la reconnaissance des Soviets. Discours prononcés à la Chambre des députés, les 22 et 23 août 1924, préface de Paul Marion, Paris, Parti communiste français (S.F.I.C.), « Les Cahiers du militant », 1924.
  • Le Militarisme français à l'œuvre au Maroc. Un document sensationnel, Paris, Librairie de l’Humanité, 1925.
  • (et Marcel Cachin), Pour la défense de l'Union soviétique. Discours de Marcel Cachin à la Chambre des députés, séance du 6 novembre 1930. Contre le plan Young et les traités d'esclavage. Discours de J. Doriot à la Chambre des députés, séance du 13 novembre 1930, Paris, Bureaux d’éditions, « Le Parti communiste et la politique étrangère », 1930.
  • La Syrie aux Syriens ! Discours prononcé par Doriot, à la Chambre des députés, le 20 décembre 1925, Paris, Georges Daugon-Librairie de l’Humanité, 1926.
  • Les Colonies et le Communisme, Paris, Montaigne-Aubier, 1929.
  • Les Communistes et le Chômage, Paris, Bureau d’éditions, 1932.
  • Tu veux la paix, ouvrier socialiste, Paris, Bureau d’éditions, 1932.
  • Journée de sept heures avec salaire de huit heures, Paris, Bureau d’éditions, 1932.
  • Les Soviets veulent la paix. Discours prononcé à la Chambre des députés le 17 mai 1933, préface de Marcel Cachin, Paris, Les Publications révolutionnaires, 1933.
  • La France ne sera pas un pays d'esclaves, Paris, Les Œuvres françaises, 1936.
  • Toutes les preuves. C'est Moscou qui paie, Paris, Flammarion, 1937.
  • Le ″Front de la Liberté″ face au communisme, Paris, Flammarion, 1937.
  • « Préface », Paul Guitard, La France retrouvée, Paris, Les Œuvres françaises, 1937.
  • « Préface », Simon Sabiani, Colère du peuple, Paris, Les Œuvres françaises, 1937.
  • La France avec nous!, Paris, Flammarion, 1937.
  • Refaire la France, Paris, Grasset, 1938.
  • L'Agonie du communisme. Discours prononcé à Lyon le 22 juin 1941 [au Congrès du Parti populaire français], Paris, Imprimerie Curial-Archereau, 1941.
  • Je suis un homme du Maréchal, Paris, Grasset, 1941.
  • La Légion des volontaires français contre le bolchevisme au combat. Discours prononcé le 1er février 1942 au Palais des sports, Paris, Imprimerie du P.P.F., 1942.
  • La France est Gaulliste ? Non ! Regardez..., Paris, Bureau central de Presse du P.P.F., 1942.
  • Le Mouvement et les hommes, Paris, Éditions de France, « Les Temps nouveaux », 1942.
  • Réalités, Paris, Éditions de France, « Les Temps nouveaux », 1942.
  • Le Destin français, Paris, Imprimerie du P.P.F., 1944.
  • « Préface », Le Code du travail et la Défense des jeunes ouvriers, Paris, sans date.
  • « Préface », Les Communistes de Saint-Denis et les événements du 6 au 12 février, Paris, sans date.

Périodiques

Le Cri du peuple (1940-1944). Quotidien de Paris. Directeur : Jacques Doriot ; rédacteur en chef : Henri Lèbre.

Article connexe

Bibliographie

  • Pierre Drieu La Rochelle, Doriot ou la vie d'un ouvrier français, éditions du PPF, 1936 ;
  • Raymond Millet, Doriot et ses compagnons, Plon, 1937 ;
  • Dieter Wolf, Doriot. Du communisme à la collaboration, Paris, Fayard, 1969 ;
  • Jean-Paul Brunet, Jacques Doriot. Du communisme au fascisme, Paris, Balland, 1986 ;
  • Philippe Burrin, La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery 1933-1944, Paris, Editions du Seuil, 530p, 1986 (édition de poche avec une préface inédite, 2003) ;
  • Michel Winock (dir. ), Histoire de l'extrême droite en France, Paris, Editions du Seuil, coll. « Points «-histoire, 1994 ;
  • Robert O. Paxton, La France de Vichy, Paris, Editions du Seuil, coll. « Points «-histoire, 1999 ; Le Fascisme en action, Paris, Editions du Seuil, 2004 ;
  • Robert Soucy, Fascismes français ?, Paris, Editions Autrements, 2004 ;
  • Jean-Claude Valla, Doriot, Pardès (coll. « Qui suis-je ? »), 2007

Notes et références

  1. Dictionnaire de la seconde guerre mondiale et de ses origines - Jean Dumont
  2. Henry Rousso, Pétain et la fin de la collaboration, Sigmaringen 1944-1945, Editions Complexe, 1999, p.279
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