Ecotaxe

Ecotaxe

Écotaxe

L’écotaxe est une taxe pigouvienne, du nom de l’économiste libéral Arthur Cecil Pigou, qui proposa d’internaliser les déséconomies externes, c’est-à-dire les dommages engendrés par l’activité d’un agent qui en rejette le coût sur la société. L’écotaxe concerne spécifiquement les dommages environnementaux.

Sommaire

L’écotaxe comme outil de contrôle des émissions industrielles

Les pays signataires du protocole de Kyoto se sont engagés à réduire d’ici 2010 leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2) de 8% par rapport à leur niveau de 1990. Si l’on occulte les limites administratives et les normes, jugées insuffisamment flexibles, il existe deux outils concurrents pour réduire ces émissions. Ce sont les taxes et les permis d'émission négociables (PEN), qui ont chacun leur légitimité, leurs effets pervers et leurs champs d’application privilégiés.

Le principe des taxes, qu’elles portent sur l’énergie ou directement sur les émissions (ce qui demande de mettre en place un dispositif de mesure systématique et précis), est simple : il s’agit d’inciter les unités de production à réduire leurs émissions en pénalisant ces dernières. Le principe des permis d’émissions est moins connu : il s’agit de titres échangeables sur le marché, comme des actions, qui confèrent à leur détenteur un « droit à polluer ». Le volume de titres étant contrôlé par les autorités, le système permet de fixer précisément la quantité d’émissions. De plus, sa grande flexibilité permet de minimiser les coûts de la réduction des émissions de CO2 : il permet en effet de réduire d’abord les émissions là où il est le moins coûteux de le faire. La principale différence entre taxes et permis d’émission tient à ce qu’avec les premières l’État prélève de l’argent et pas avec les seconds, à condition toutefois que les permis soient initialement distribués gratuitement aux entreprises au prorata de leurs émissions passées, et non vendus aux enchères.

Les détracteurs de la taxe pigouvienne soutiennent souvent qu’en l’absence d’autorité mondiale, il est impossible de généraliser le recours à des instruments fiscaux. C’est là un argument fallacieux car la mise en place d’un marché de permis d’émission requiert également l’existence d’institutions internationales. Il est clair que permis et écotaxes nécessitent un cadre économique et politique encore inexistant : ce n’est pas sur ce point que doit se faire le choix.

Il existe en fait une différence fondamentale entre ces deux outils économiques : comme l’État n’a qu’une vague idée du coût des réductions, il ne peut pas être sûr du résultat en termes de réduction d’émissions au moment de fixer la taxe, tandis qu’avec les permis, on sait chiffrer la réduction mais pas son coût. Face à cette double incertitude, il faut se référer aux critères de choix établis par l’économiste Martin Weitzman, à condition toutefois d’avoir une idée de l’allure des courbes des coûts. Si les coûts des dommages croissent plus vite que ceux des réductions d’émissions, il vaut mieux être sûr de contrôler la pollution, donc utiliser un système de permis. En revanche, si les coûts qui ont la plus forte croissance sont ceux de la diminution des rejets, il est préférable d’utiliser l’écotaxe afin de plafonner le coût de l’effort de dépollution.

Ces considérations théoriques ne sont cependant pas les seules à prendre en compte. Dans le cas de l’écotaxe, on peut notamment faire valoir le « double dividende » : d’une part réduire les émissions de CO2 et d’autre part diminuer les cotisations sociales, c'est-à-dire favoriser l’emploi sans changer le volume global des prélèvements fiscaux.

Enfin, il peut être judicieux d’envisager une combinaison entre taxes et permis, à l’image du programme présenté par le gouvernement français en janvier 2000 : instituer une écotaxe dont seraient exemptées les entreprises fortement consommatrice, à condition qu’elles entrent dans un système restreint de permis. Invalidé par le conseil constitutionnel en décembre 2000, ce système hybride avait le mérite de permettre la convergence des coûts marginaux dans le secteur où ils sont élevés, et de préserver la concurrentialité de l’économie française. L’Union européenne, quant à elle, a imaginé un mécanisme hybride pour l’application du protocole de Kyoto : chaque pays membre s’est vu assigné un objectif de réduction de ses émissions, de telle sorte que la réduction globale corresponde à l’engagement pris mais avec un coût global le plus faible possible. Ainsi, la France, dont les émissions par habitant sont déjà très basses, doit se stabiliser à 0% tandis que l’Allemagne, dont les coûts marginaux de réduction sont peu élevés à cause de la restructuration à l’est, doit réduire ses émissions de 35% par rapport à 1990. À chaque pays d’adopter par la suite les mesures qu’il préfère : permis, écotaxe ou une combinaison des deux.

Exemples d'application

Le cas suédois

En Suède, l’écotaxe a été mise en œuvre pour réduire les émissions de dioxyde de soufre (SO2), responsables des pluies acides. Cette mesure, adoptée en 1988, s’est accompagnée d’une baisse de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, afin que la part des prélèvements obligatoires dans le PNB ne soit pas modifiée. Cette écotaxe était réellement incitative puisqu’elle s’élevait à 4 500 euros par tonne de SO2 émise. Elle permit de ramener les émissions à un niveau raisonnable, bien que légèrement en dessous des espérances.

L’expérience suédoise n’est peut-être pas directement transposable à la réduction des émissions de CO2, dans la mesure où il n’existe pas de solutions techniques aussi simples et rapides dans ce cas que dans celui du dioxyde de soufre. Alors que le SO2 est généralement le produit de réactions secondaires ou indésirables, le CO2 est le produit attendu de toute combustion. Dans le premier cas on peut jouer sur les réactifs (par exemple substituer un charbon à basse teneur en soufre au charbon habituel) ou les process industriels alors que dans le second cas il est impossible de réduire directement les émissions, à moins de disposer d’une production d’énergie renouvelable importante. Cette situation est rarement rencontrée, surtout si l’on exclue la filière nucléaire du renouvelable (la filière nucléaire produit bel et bien du CO2 si l’on considère l’ensemble de ses activités, de l’extraction au stockage des déchets.)

Le cas allemand

Il n’y a pas à proprement parler d’écotaxe en Allemagne : son principe n’a pas été explicitement introduit dans la législation. C’est pourtant bien dans l’esprit de l’écotaxe qu’a été introduite la taxe sur l’électricité, à partir du 1er avril 1999, simultanément à l’augmentation de la taxe sur les hydrocarbures. Ces mesures doivent générer un double dividende, à la fois environnemental et socio-économique :

  • diminution concomitante des rejets de dioxyde de carbone et de la dépendance énergétique allemande par l’amélioration de l’efficacité énergétique des entreprises et le financement de politiques de développement des énergies renouvelables
  • résolution du problème de vieillissement de la population par l’affectation des recettes de cette écotaxe implicite à la stabilisation des cotisations retraite.

Les recettes fiscales des taxes sur l’énergie et leur utilisation (en millions d’euros) (Source : Bundestagdrucksache, 15/5212, 7 avril 2005)

Année Recettes Part consacrée au paiement des retraites Part consacrée au développement des énergies renouvelables
1999 4 300 4 500 100
2000 8 800 8 400 100
2001 11 800 11 200 200
2002 14 300 13 700 200
2003 18 700 16 100 100
2004 18 100 16 000 100

Depuis 1999, ces taxes ont connu plusieurs augmentations et des aménagements pour les entreprises du secteur tertiaire à haute intensité énergétique et le transport aérien.

Le cas français

  • Les taxes touchées par l'Agence de l'eau sur la consommation d'eau par les privés et industriels sont parfois présentées comme des écotaxes.
  • En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin a cherché à instaurer une écotaxe pour financer le passage aux 35 heures mais le projet a été invalidé par le conseil constitutionnel.
  • Une « écotaxe » porte sur les équipements électriques et/ou électroniques depuis 2006 pour financer la collecte, recyclage ou valorisation des Déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) La taxe (ex : 7 à 15 euros pour un réfrigérateur) est touchée par les municipalités qui doivent soutenir le tri sélectif des DEEE (environ 15 Kg/hbt/an de produits chaque année en France, par habitant).
  • En Août 2007, lors du début du Grenelle de l'environnement, une proposition d'aquataxe a été faite par l'association de consommateurs UFC - Que choisir, qui, incluse dans le prix des pesticides, pourrait servir à aider les agriculteurs à « changer leurs pratiques dans le domaine de l'eau »[1].
  • Dans le cadre de l'achat d'une voiture, partir de 161g d'émission de CO2 par kilomètre parcouru le consommateur devra payer une surtaxe suivant le barème ci-après. Il s'agit dans ce cas d'une volonté de sensibiliser les consommateurs à une démarche d'achats durables.
    • 161-165g/km = 200 €
    • 166-200g/km = 750 €
    • 201-250g/km = 1600 €
    • 250g et plus = 2600 €

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

Notes et références

  1. la France agricole, page 13, N° 31 aout 2007.
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