Ecriture Bamoun

Ecriture Bamoun

Écriture Bamoun

L’écriture shü-mom généralement appelée l’écriture Bamoun ou l’écriture de Njoya, est l’un des rares systèmes d’écriture développés en Afrique noire sans aucun apport extérieur, dont la simple existence est l’objet des thèses et des commentaires les plus opposés.

Les versions approximatives

Dans leur ouvrage commun « L’écriture des Bamum » Mémoire de l’IFAN publié en 1950, J. DUGAST et JEFFREYS M.D.M. ont laissé entendre que Njoya se serait inspiré de l’écriture arabe qu’il aurait découvert chez les Peuhls musulmans venus du Nord Cameroun. Cette thèse est solidement défendue par Claude Tardits qui, dans son livre « Le Royaume Bamoun » a soutenu fermement lors du colloque organisé à Foumban en février 1985 que Njoya s’est inspiré de l’écriture arabe. Tardits affirme:

« Au lendemain de la victoire remportée sur la dissidence à la suite de l’intervention rapide et efficace de la cavalerie peuhl, Njoya décide trois choses: doter son armée d’une cavalerie et pour ce faire il achète des chevaux, se familiariser avec les pratiques de l’Islam, en particulier apprendre la prière, et il a fait venir des marabouts à Foumban, enfin disposer d’une écriture et pour y parvenir il l’inventa. » in Actes du colloque du centenaire du palais de Foumban, P.27

« Les faits sont bien établis: l’idée de disposer d’une écriture vint à Njoya à la vue d’ouvrage religieux et de l’écriture arabe. Néanmoins, il écarta tout de suite l’idée d’avoir recours à cet alphabet étranger. » in Actes du colloque du centenaire du palais de Foumban, P.28

Nul ne peut faire un procès d’intention à Dugast, Jeffreys et Tardits, qui ont le mérite d’avoir contribué avec de recherches solides à la célébrité de l’écriture shü-mom. Toutefois, il est très important de signifier clairement que l’inadéquation de leur version avec la réalité tient, non seulement à la manipulation de leurs informateurs, mais aussi et surtout de leur méconnaissance de certains détails historiques. Les arguments allant contre les affirmations de Tardits existent: Les travaux d’Eldridge Mohammadou et du professeur Thierno Moktar Bah ont permis d’établir avec certitude que les Bamoum et les Peuhls n’ont jamais été en contact avant 1895, date à laquelle lesdits Peuhls viendront secourir le roi Njoya fragilisé par une rébellion très populaire conduite son ex-Premier Ministre Ngbetnkom Ndombouo. Or, Njoya commence à rassembler les premiers signes de son écriture avant ladite guerre civile. Par conséquent, il n’est pas possible qu’il se soit inspiré de l’écriture arabe, pour la simple raison qu’il n’en avait jamais vu, ni soupçonné l’existence, lorsqu’il créait son écriture.

Dugast et Jeffreys, ont également entretenu un doute qui a donné l’impression que « Mama » et « Adzia » étaient des Foulbé implantés au pays Bamoun depuis longtemps, et qu’ils aurait aidé le Roi Njoya à mettre sur pieds l’écriture en se basant sur l’arabe qu’ils étaient supposés connaître. C’est une véritable fantaisie que beaucoup de spécialistes ont pourtant facilement et naïvement acceptée. Cette thèse a été exploitée par beaucoup d’historiens et linguistes Européens de grande réputation, dans leur tentative de démontrer que l’écriture bamoum n’avait rien d’originale et qu’elle ne serait en revanche qu’une pâle copie de l’écriture arabe que « Mama » et Ajiya" auraient enseigné au Roi Njoya. La vérité est toute autre:

La naissance du premier alphabet de Njoya

Mama est en effet le fameux Nji Mama, Notable Bamoun et grand commis royal dont le nom est associé à la plupart des réalisations du Roi. Adjia quant à lui est un grand notable du nom de Adjia Nji Gboron, qui fit partie du premier cercle mis sur pieds par le Roi pour réfléchir sur l’opérationnalité de l’écriture shü-mom. Nji Mama et Adjia Nji Gboron que le roi trouvait très intelligents ont été associés dès la genèse, à la mise sur pieds de l’écriture.

L’écriture shü-mom dont il est question, est l’œuvre d’un homme qui était jaloux d’une sagesse qu’il voulait et savait supérieure à celle des autres; un homme dont la volonté de créer et d’innover n’avait jamais quitté l’esprit. Il n’est plus question aujourd’hui de réduire les informations relatives à l’écriture et à la langue shü-mom aux seuls textes de Dugast et de Jeffreys.

L’écriture shü-mom, contrairement à ce dit Tardits, n’a connu aucune influence extérieure. L’étude approfondie d’un certain nombre de documents de l’époque montre que l’idée des manuscrits arabes que le roi Njoya aurait vu en premier, des mains des musulmans venus du Nord, n’est que pure fantasme intellectuel bien développé dans le cercle des Bamoun anti-monarchistes qui se faisaient appeler « Bamoun évolués » dont le but n’était autre que de régler leurs comptes avec le Roi Njoya. Ces « Bamoun évolués » qui seront très nombreux parmi les informateurs de Dugast, Jeffreys et Tardits.

« Autre fois, les Bamoum ne savaient pas écrire ; l’écriture dont ils se servent maintenant a été imaginée par le roi Njoya. » (29) Libonar OskaUne nuit de 1894, au cours d’un profond sommeil, le roi Njoya eut un rêve : Un inconnu se présenta à lui et lui dit, « Roi, prends une planchette et dessine une main d’homme, lave ce que tu auras dessiné et bois. »

Le roi Njoya prit la planchette et y dessina une main d’homme avec un morceau de charbon de bois, comme cela venait de lui être indiqué. Il rendit la planchette à ce mystérieux inconnu qui y griffonna une écriture et la lui remit. Puis il se retrouva devant l’assemblée de plusieurs personnes dont il connaissait la plupart, à qui il enseignait l’écriture. Chacun dessinait un caractère qu’il remettait ensuite à son frère.

Dès qu’il se réveilla, le roi Njoya exécuta de manière concrète les instructions qui lui avaient été données dans cet étonnant songe. Puis il consulta les devins et les mages de la cour pour comprendre la signification de ce rêve. Nonobstant la divergence des interprétations qu’il reçut, le roi Njoya était convaincu que le rêve présageait de l’invention d’un système de communication. Le roi révéla à quelques personnes de son entourage, son projet de mise sur pieds d’un système qui permettra à une personne « de parler sans qu’on l’entende. » Seule la reine-mère l’encouragea. L’ensemble des notables de la cour trouvait ce projet insensé et sans lendemain. Le roi fut très triste de l’accueil réservé à un projet qui lui tenait à cœur, mais ne céda point au découragement. « Si vous dessinez beaucoup de choses différentes et que vous les nommiez, je ferais un livre qui parlera sans qu’on l’entende. »

Tous trouvaient en cette action une vaine initiative. L’homme ne dût imposer le projet que par la force indicible de son caractère. Beaucoup se mirent au travail avec une bonne dose de pessimisme qui ne fit guerre avancer les travaux : « Quoiqu’on fasse, on ne réussira pas, » insistèrent certains. Le roi se mit lui-même au travail et fut progressivement suivi par beaucoup de serviteurs. C’est en ce temps que survint la guerre civile de Gbetnkom Ndombouo, alors que le roi Njoya avait déjà réuni une première « moisson » de 510 signes qui vont constituer le premier alphabet shü-mom. En 1895, à la fin de la guerre, alors qu’il venait d’apprendre l’existence de l’écriture arabe, le roi eut le temps d’étudier tous les signes auxquels il affecta des prononciations.


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