Affaire Mohamed Al-Durah

Affaire Mohamed Al-Durah

Affaire Mohammed al-Durah

L'affaire Mohammed al-Durah (arabe : محمد الدرة[1]) désigne les controverses générées par la diffusion d'un reportage de France 2 et Charles Enderlin sur la mort d'un enfant arabe palestinien de 12 ans, Mohammed al-Durah, tué par balles alors que son père tentait de le protéger, lors d'échanges de tirs entre les Forces de sécurité palestiniennes et l'armée israélienne, le 30 septembre 2000, au début de la seconde Intifada. Ces controverses, issues d'un petit nombre de personnes, ont donné naissance à une polémique qui va de la contestation de la provenance des balles jusqu’à la remise en cause de l'authenticité du reportage.

En France, ces controverses ont principalement été portées par Gérard Huber et Philippe Karsenty. Ils qualifient le reportage de France 2 de « mise en scène ».

Après plusieurs années de procédures, la rédaction de France 2 maintient l'authenticité de son reportage[2].

Sommaire

Chronologie

30 septembre 2000

Le 30 septembre 2000, deux jours après la visite d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des mosquées et deuxième jour de l’« Intifada Al-Aqsa », des journalistes de Reuters, d'AP, de la NHK, ainsi que Talal Hassan Abu Rahma, cameraman palestinien de France 2, ont pris place au carrefour de Netzarim, dans la Bande de Gaza[3]. Talal Hassan Abu Rahma filme par intermittence les manifestants, pendant toute la matinée, puis, l'après midi, les échanges de feux et enregistre sur sa caméra, à quelques mètres de lui, l'enfant Mohammed al-Durah atteint par des balles alors qu'il se blotissait dans les bras de son père[3]. Le vidéaste palestinien fait parvenir ses images à Charles Enderlin, qui était au bureau de France 2 à Jérusalem. Celui-ci prend contact avec le service de presse de l'armée israélienne pour l'informer de la gravité des images détenues. Il n'obtient pas de réponse[3]. Les équipes de France 2 transmettent ensuite gratuitement à d'autres équipes de télévision, selon des accords standards entre chaînes[4], le reportage de Abu Rahma et du journaliste Charles Enderlin présentant la mort d'un enfant dans les bras de son père. France 2 diffuse pour sa part, le soir où les événements eurent lieu, et après accord de la rédaction de Paris, un reportage sur le drame, commenté par Charles Enderlin.

Premières réactions

Ces images font rapidement le tour de la planète et, dans le contexte de l'Intifada, suscitent une émotion considérable. L'armée israélienne reconnaît dans un premier temps sa responsabilité, et publie des excuses officielles : le général Giora Eiland déclare à la BBC le 3 octobre que « les tirs venaient apparemment des soldats israéliens postés à Netzarim », répète ces propos sur CNN (« apparemment, l’enfant a été tué par l’armée israélienne »), et dit également : « Autant que nous puissions savoir, l’enfant a été touché par nos tirs » (cité par Haaretz le 25 janvier 2002)[3]. Ces propos sont ensuite confirmés par le général Moshe Ya’alon. La chaîne américaine CNN évoque elle aussi la probable implication de l'armée israélienne[5].

Contestations

La montée des réactions provoquées par les images et la crainte de leur possible instrumentalisation, écrit Hervé Deguine[3], conduisent l'armée à revenir sur ses positions. Une reconstitution de la scène aurait permis de jeter une lumière sur les différentes hypothèses, mais la démolition du site par l'armée empêchera à tout jamais la conduite d'une enquête sérieuse[3] car selon Bernie Schechter, un expert en balistique israélien, cette destruction « élimine 95 % des éléments matériels nécessaires à une preuve »[6].

C'est alors que des contre-réactions s'organisent. La première provient de Nahum Shahaf, physicien, qui dirige une petite entreprise travaillant pour l’armée. Nahum Shahaf avait, quelques années plus tôt, contesté l’authenticité du film vidéo amateur établissant la responsabilité d’Ygal Amir dans l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995. Le 19 octobre, il prend contact avec le général Yom Tov Samia et tente de le persuader de la non-responsabilité de l'armée. Selon Hervé Deguine[3] l'enquête de Shahaf est « totalement approximative, ne reposant sur aucune base scientifique - nul expert en balistique n’est convié à y participer - ». Shahaf est aidé par Yossef Duriel, un proche de Moshe Feiglin, extrémiste du Likoud condamné pour « sédition » à l’époque de l’assassinat de Rabin. Le surlendemain de la mort de Mohamed Al-Dura, il écrit une lettre au quotidien israélien Haaretz, dans laquelle il affirme avant même de se livrer à l’examen des faits : « L’armée doit dire que les Palestiniens ont tué l’enfant à des fins de propagande. » Le général Samia le met à l’écart de l’enquête. Pour Hervé Deguine, « censée établir l’innocence de l’armée, la reconstitution organisée par Shahaf la ridiculise ». La chaîne américaine CBS, bénéficiant d'une exclusivité sur l'affaire, produit un documentaire, jugé accablant par le journal Haaretz qui titre : « L’armée se tire une balle dans le pied. »[3] . Le 27 novembre, le général Yom Tov Samia convoque une conférence de presse durant laquelle il essaie d'utiliser le travail de Shahaf et Duriel, mais Shaul Mofaz, chef d'état major des armées, prend ses distances « en révélant que l’équipe enquêtant sur les circonstances de la mort de Mohamed Al-Dura a été constituée à l’initiative personnelle du général Samia, et non sur requête officielle »[3].

L'affaire va ensuite connaître un rebondissement important en France. Claude Lanzmann s'exprima à propos du preneur d'images palestinien dans le journal Le Monde, et écrivit qu'à son avis, on ne pouvait prendre en compte la version d'un « journaliste arabe »[7]. Ensuite, France 2 sera soumise à des pressions pour qu'elle diffuse le documentaire d'Esther Schapira (de) produit pour la chaîne de télévision allemande ARD, « Trois balles et un enfant mort »[8] qui reprend l’essentiel des thèses de Shahaf et Duriel. En octobre 2002 fut attribué à Charles Enderlin et France 2 le « Prix de la Désinformation » par un collectif d'associations dirigé par Pierre Lurçat[9], qui organisa, le 2 octobre 2002, une manifestation (désavouée par le CRIF) sous les fenêtres de France 2, faisant suite au « Prix Goebbels »[3] décerné en mars 2002 à l'AFP par la Ligue de défense juive, une organisation extrémiste. Charles Enderlin sera obligé par la suite de déménager avec toute sa famille, en raison des lettres de menaces et des intimidations dont il fut la cible[3].

Philippe Karsenty

C'est à ce moment qu'intervient Philippe Karsenty, ancien candidat aux élections législatives, sous l'étiquette « Energies Démocrates » (mouvement présidé par Christian Blanc), qui sera adjoint au maire de Neuilly-sur-Seine (Jean-Christophe Fromantin) en 2008, chargé des nouvelles technologies. Karsenty rapporte en France un exemplaire du film de la Metula News Agency (« Ména »), et s'en sert en partie pour construire sa version, ce qui sera à l'origine de tensions entre l'agence et Karsenty. Pour la Ména et Karsenty, selon un article de 2008 du Monde Diplomatique, la scène dans sa totalité est une fiction créée de toute pièces par les Palestiniens[10].. Karsenty dispose du soutien de l’écrivaine américaine Nidra Poller, et il tente avec quelque réussite d’attirer l’attention des milieux néoconservateurs américains sur l'affaire[3]. Il est également soutenu par un universitaire américain, Richard Landes. Karsenty expose la thèse d'une manipulation opérée par les Palestiniens lors du procès en appel du 27 février 2008, et il citera les thèses présentées entre autres par Shahaf. Karsenty est aussi le fondateur et directeur du site Media-Ratings[11]. Il est le fer de lance en France de la campagne menée contre le reportage de France 2 et Charles Enderlin.

Un autre site, acmédias.org, diffusa une pétition, intitulée « l'appel des 4000 », pour exiger que France 2 rende public l’ensemble des rushes[12]. Cette pétition figure aux côtés d'une autre, dirigée contre l'AFP, accusée par acmedia de surestimer le nombre de morts palestiniens dus à l'occupation. Parmi les signataires de la première, on note Pierre-André Taguieff et Robert Redeker. Le site affirme avoir obtenu pour la seconde 3 165 signatures ; mais fin 2008, la liste complète de tous les signataires n'était cependant toujours pas disponible, pour aucune des deux pétitions (le site n'est plus réactualisé depuis 2006).

Karsenty et son site mirent donc en doute l'authenticitê du reportage d'Enderlin. France 2 affirma en retour que les images sont authentiques, que l’enfant est bien mort et que l’ensemble de la bande filmée le prouve, mais que l’intensité dramatique de la scène d’agonie interdit déontologiquement sa diffusion complète[13].

Visionnage de l'enregistrement original

Diagramme montrant les partis en présence lors du drame. Ce dessin est extrait de la déclaration écrite sous serment par le cameraman de Framce 2, Talal Abu Rahma, à Raji Sourani, avocat à Gaza, et enregistrée le 3 octobre 2000. Source: Palestinian Centre for Human Rights[14].

Le vendredi 22 octobre 2004, suite à de nombreuses pressions, France 2 accepta de diffuser en cercle privé la totalité de la cassette. Deux journalistes présents (Daniel Leconte d'Arte et Denis Jeambar, directeur de l’Express), avaient été auparavant approchés par Luc Rosenzweig qui leur avait présenté des éléments allant, selon lui, dans le sens d'un montage opéré par les Palestiniens. Jeambar et Leconte rapportèrent ainsi que la vidéo ne contenait pas, selon eux, les scènes insoutenables d’agonie auxquelles il avait été fait allusion, mais, soupçonnant une manipulation, changèrent assez radicalement d'attitude par rapport à la thèse portée par Rosenzweig et la Ména, : dans un article paru dans le Figaro, ils affirmèrent que, selon eux, il n'y avait pas eu de « mise en scène ». Denis Jeambar, par ailleurs habituellement favorable aux positions pro-israéliennes et Daniel Leconte se retournent dans leur article du Figaro contre la Ména, qu'ils accusent de les avoir « instrumentalisés » et contre son correspondant, Luc Rosenzweig: « à ceux qui, comme la Mena, ont voulu nous instrumentaliser pour étayer la thèse de la mise en scène de la mort de l’enfant par des Palestiniens, nous disons qu’ils nous trompent et qu’ils trompent leurs lecteurs. Non seulement nous ne partageons pas ce point de vue, mais nous affirmons qu’en l’état actuel de notre connaissance du dossier, rien ne permet de l’affirmer, bien au contraire »[15]. Le 18 novembre 2004, suite à l’extension de la polémique, et pour prouver la bonne foi de M. Enderlin et de son cameraman, Arlette Chabot projeta leur reportage tel qu’il avait été diffusé sur la chaîne ainsi qu’un autre reportage tourné au même moment, mais sous un autre angle, par l’agence Associated Press. On montra aussi des images du cadavre de l’enfant à la morgue, ainsi que des images récentes du père de l’enfant montrant ses cicatrices. France 2 maintient sa position et annonce également avoir porté « plainte contre X » pour diffamation[16]. Selon la rédaction de France 2, les deux séquences prouvent qu’une « mise en scène » est hautement improbable. En outre, pour répondre aux accusations selon lesquelles Jamal Al Dura n’aurait jamais été blessé, un autre reportage de la télévision jordanienne, tourné le 1er octobre 2000 à l’hôpital militaire Al Hussein à Amman, montra le prince Abdallah rendant visite au père du jeune Mohamed, transporté en Jordanie pour y subir plusieurs opérations. De plus, France 2 demanda au cameraman Talal Hassan Abu Rahma d’aller interviewer Jamal Al Dura à Gaza, où il vit toujours. Montrant sa carte d’identité pour bien se faire identifier, l’homme accepta de se déshabiller devant la caméra pour montrer que ses cicatrices correspondaient bien à l'emplacement de ses blessures filmées sur son lit d’hôpital. Pour la Ména, citant le Dr Yehouda David[17] et Philippe Karsenty[18] ces cicatrices correspondraient à des blessures par hache de 1992 que le docteur aurait soignées. Concernant le petit Mohamed, France 2 a par ailleurs effectué une comparaison entre les photos de l’enfant prises à la morgue avec ses blessures au visage et les arrêts sur image de son visage lors de la fusillade. « Il s’agit bien du même enfant et nous sommes prêts à livrer ses photos pour une expertise officielle », a souligné Arlette Chabot[19].

En octobre 2006, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a condamné pour diffamation publique le directeur du site Web Media-Ratings, Phillippe Karsenty. Puis, à la suite d'une série de procédures (voir le paragraphe Actions judiciaires ci-dessous), Philippe Karsenty a été relaxé par la Cour d’appel de Paris le 21 mai 2008. France 2 et Charles Enderlin se sont depuis pourvus en cassation.

Thèse du crime rituel

Plus récemment, Pierre-André Taguieff publie dans la revue Le Meilleur des mondes un article, intitulé « L'affaire al-Dura ou le renforcement des stéréotypes antijuifs », dans lequel il envisage l'affaire sous la perspective de la légende du « crime rituel »[20]. Taguieff transporte cette légende jusqu'à l'affaire Al-Durah, et déclare : « après avoir transformé les Palestiniens en symboles des pauvres, des humiliés et des offensés, puis en victimes de « l’impérialisme d’Israël » ou du « racisme » incarné par « le sionisme », et, plus largement, d’un « complot américano-sioniste » mondial, ils [ceux que Pierre-André Taguieff appelle les « propagandistes »] leur donnent le visage de prétendus enfants « martyrs ». C’est en effet par assimilation avec la légende du « crime rituel » que s’est opérée l’exploitation internationale, par toutes les propagandes « antisionistes », du prétendu assassinat par l’armée israélienne, au cours d’une fusillade au carrefour de Netzarim. »[20].

En octobre 2008, Gérard Grizbec publia, dans la même revue une réponse, d'abord à destinée à Pierre-André Taguieff, dans laquelle Grizbec dit de Taguieff qu'il « se contente malheureusement de reprendre à son compte […] la litanie de mensonges entendus depuis des années », en particulier l'affirmation, reprise par Taguieff, selon laquelle le caméraman palestinien, aurait été membre du Fatah, et en second lieu consacrée à réaffirmer la position initiale de France 2, sans en changer une ligne. Gérard Grizbec termine sa lettre par ces mots : « Arlette Chabot a déjà dit que si l’on prouvait un jour que le reportage de Charles Enderlin était bidon, ce jour-là elle licencierait tout le personnel du bureau de France 2 à Jérusalem et elle viendrait expliquer sa décision au journal de 20 heures, avant de donner sa démission. Mais, vous, Pierre-André Taguieff, que ferez-vous dans le cas contraire ? »[21].

Controverses

Contexte de l'occupation et impact des médias

Le comportement de l'armée israélienne dans les territoires occupés est, depuis plusieurs décennies, l'objet de rapports et de controverses. Ainsi, postérieurement à l'affaire Al-Durah, en novembre 2004, le quotidien israélien « Yedioth Ahronot »[22] révélait, à la suite des « photos de trophée » prises par des soldats de l'armée à l'encontre d'un jeune palestinien (soldats qui furent par la suite reconnus coupables et condamnés) des pratiques jugées courantes par l'armée israélienne[23], et, antérieurement, le journal Libération avait montré des photos de militaires israéliens brisant, à coups de pierre, les os d'un palestinien dans les territoires occupés[24],[25].

Point de vue en Israël

L'affaire n'a pas fait l’objet de débats en Israël, où, des reportages sont revenus sur cette affaire sans mettre en avant la thèse d’une manipulation. En 2008 néanmoins, une émission de la première chaîne nationale israélienne (Al Dura spin ou symbole)expose cette thèse : sans prendre parti sur le fond, l'émission donne la parole à Stéphane Juffa, Nahum Shahaf, et à leurs contradicteurs. L’armée israélienne a admis dans un premier temps sa probable implication dans la mort de l’enfant, avant de soutenir que Mohamed Al-Durah avait tout aussi bien pu être tué par des tirs palestiniens (voir ci-dessus). Peu de temps après ces événements, l'armée israélienne a procédé à la démolition du mur devant lequel se trouvaient le père et son enfant, ce qui, selon Bernie Schechter, un expert en balistique israélien « élimine 95 % des éléments matériels nécessaires à une preuve »[6], mur qui contenait les impacts des balles. Cette démolition sera interprétée différemment par les deux parties : ceux qui soutiennent la thèse d’une manipulation affirment que la position occupée par le père et l’enfant les mettait hors de portée de tirs, des soldats israéliens, et que, la reconstitution des événements est devenue délicate du fait que les structures en place sur le carrefour de Netzarim ont été rasées par l’armée israélienne[26]. Ils affirment également que les images diffusées par France 2 n’appuient ni l’idée de la mort de l’enfant, ni une responsabilité israélienne dans cette affaire. Le soutien de Charles Enderlin à l'intégrité de son preneur d'images palestinien restera indéfectible pendant toute l'affaire.

Point de vue médiatique et politique dans la bande de Gaza

La mort du garçon diffusée dans les territoires palestiniens, avec la version de la responsabilité israélienne, a provoqué des événements sanglants : deux réservistes de l'armée israélienne, habillés en civil, ont été lynchés par une foule en colère le 12 octobre 2000 aux cris de « Vengeance pour le sang de Mohammed Al-Dura! ». Le directeur du bureau de presse du gouvernement israélien interprète cet évènement en déclarant : « les images diffusées sur l'assassinat présumé de petit Al-Dura par France 2 ont enflammé le monde arabe et fait de nombreuses victimes en Israël et dans le monde »[27],[28].

Le jour de la mort de Mohammed Al-Durah, l'organisation B'Tselem nota que 15 autres civils palestiniens furent tués, dont un garçon de 12 ans, Samir Sudki Tabanjeh, et trois mineurs. Aucune de ces morts ne suscita de controverse[29].

Point de vue des instances représentatives juives en France

La plupart des instances représentatives juives françaises, comme le CRIF, qui en d’autres occasions ont pris position sur le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien en France, ont refusé de prendre part à la polémique sur les images. Ménahem Macina, de l'UPJF (Union des Patrons Juifs de France), proposa une thèse alternative : les Palestiniens auraient organisé une opération de toutes pièces, mais, lors de sa réalisation, ils auraient tiré accidentellement sur le petit Mohamed et son père : « ma position, en la matière, est que la séquence des Al-Dura pris sous les tirs croisés a d’abord été filmée à des fins de propagande, mais qu’au cours de la prise des vues rapprochées […] des Palestiniens ont réellement ouvert le feu sur l’enfant et son père »[30]. Le site de l'UPJF rendra compte des arguments de Philippe Karsenty et des événements le concernantlors des procès ultérieurs. En ce qui concerne le CRIF, cette organisation a officiellement demandé au chef de l'État français Nicolas Sarkozy l'ouverture d'une commission d'enquête. Richard Prasquier, son président, a présenté cette demande dans une conférence de presse le 2 juillet 2008[31].

Actions judiciaires

Le 19 octobre 2006, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a condamné pour diffamation publique le directeur du site Web Media-Ratings[32], Phillippe Karsenty, qui avait relayé les soupçons de trucage du reportage exprimés par la Metula News Agency (Mena). Le tribunal a estimé que la « contre-enquête » menée par la Mena se basait « essentiellement sur des extrapolations et des amalgames ». Le tribunal poursuit en affirmant qu’« aucune autorité officielle israélienne […] [n'a] jamais accordé le moindre crédit [aux affirmations de la Mena] »[33].

Le 28 novembre 2006, le tribunal correctionnel de Paris a débouté la société France 2 et son correspondant en Israël, Charles Enderlin, de leurs demandes contre Pierre Lurçat poursuivi pour diffamation dans le cadre de l’affaire al-Dura. Il n’a pas examiné le fond des propos incriminés. Il a aussi débouté le prévenu de sa demande de dommages intérêts pour avoir été attrait en justice sans raison. Il a reproché notamment aux parties civiles de n’avoir pas prouvé que Pierre Lurçat fut le directeur de la publication du site www.liguededefensejuive.com qui a publié un texte appelant à manifester le 2 octobre 2002 pour remettre le Prix de la désinformation à France 2 et à M. Enderlin.

Le 18 janvier 2007, le site Desinfo est partiellement relaxé. Le site était poursuivi par France 2 et charles Enderlin depuis 2002, pour avoir relayé, dans le cadre d'une revue de presse, un commniqué de la Mena.

Le 17 février 2007, « Nicolas Ciarapica, directeur de publication du site Internet Blogdei/Bethel, [est condamné] pour diffamation raciale à l’égard de Charles Enderlin » par la XVIIe chambre du Tribunal de grande instance de Paris[34] « en raison de la mise en ligne d’un article de Stéphane Juffa, rédacteur en chef de la Metula News Agency (Mena), évoquant, en 2006, notamment l'affaire al-Dura »[35].

Le 19 septembre 2007, la Cour d’appel de Paris, examinant la requête du site Media-Ratings condamné en première instance, a demandé à France 2 de lui présenter l’intégralité des images tournées. La communication de l’intégralité des images tournées étant une demande permanente des opposants à France 2, avec un mérite supposé de « clarifier la situation ».

Le 3 octobre 2007, la cour d’appel de Paris a confirmé sa demande de se voir communiquer les 27 minutes d’images tournées le 30 septembre 2000 par le caméraman de France 2, Talal Hassan Abu Rahma. Cet arrêt a confirmé la décision qui avait été annoncée oralement lors de l’audience du 19 septembre dernier. Les images sont visionnées le 14 novembre 2007.

Le 14 novembre 2007 Charles Enderlin a présenté une version expurgée (moins 9 minutes) des rushes. Il s’est justifié des coupures en affirmant qu’elles n’avaient pas de lien avec cette journée. Richard Landes, apparu en séance comme témoin opposé à Enderlin, affirmera par la suite qu’elles cachent des éléments essentiels montrant une « manipulation ». La vidéo présentée est interprétée par la partie appelante comme montrant Mohammed Al Dura vivant après la dernière image publique, ce que réfute Charles Enderlin.

Le 27 février 2008, l’audience d’appel a eu lieu devant la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris. Commandé par Philippe Karsenty, un rapport balistique [36], remis à la Cour le 19 février 2008, est présenté par la partie appelante. La défense a proposé d’entendre Jean-Claude Schlinger comme témoin, mais cette demande fut rejetée. Durant les débats, le contenu de ce rapport, les conditions de se réalisation, ont été contestés par l'accusation, qui n'a néanmoins pas demandé à ce qu'il ne figure pas au dossier[37],[38].

Le 12 mai 2008, le cabinet d’avocats « Israel Law Center – Shurat ha-Din » (Tel Aviv) a demandé à la Cour Suprême de l’État d’Israël la révocation des accréditations de Charles Enderlin et de Talal Hassan Abu Rahma[39].

Le 21 mai 2008, la Cour d’appel de Paris a relaxé Philippe Karsenty, directeur du site Web Media-Ratings. Vers la fin du journal de 20 h sur France 2, le jour même, David Pujadas a présenté le jugement en affirmant que la Cour d'Appel avait « reconnu la diffamation mais accordé le bénéfice de la bonne foi à l'auteur de ces propos diffamatoires » et annoncé que la chaîne « a décidé de se pourvoir en Cassation ». Lors de ce communiqué de 3 secondes, France 2 a réaffirmé qu'al-Durah avait été tué au cours de la scène filmée par France 2 mais pas que les tirs étaient d'origine israélienne, contrairement à son accusation originale. Dans son commentaire du même jour sur le site Pajamas Media[40], Philippe Karsenty présente cette décision comme une victoire de la liberté de penser par soi-même face à la propagande, demande à France 2 de « reconnaître qu'elle a créé et continue de perpétuer la pire diffamation antisémite de notre époque » et affirme qu'il est de la responsabilité du Gouvernement et au final du Président de la République, qui sont les plus hauts dirigeants de France 2, de révéler la vérité. Le texte de l'arrêt, mis en ligne par Richard Landes le 24 mai[41], montre que le tribunal a rejeté « l'exception de vérité » (invoquée par Philippe Karsenty) parce que démontrer que le reportage était faux ne peut suffire à démontrer « le fait d'avoir sciemment diffusé un "faux reportage" »[42] et la reconnaissance que Philippe Karsenty a « exercé de bonne foi son droit de libre critique » sans avoir dépassé les limites de la liberté d'expression, considérant que les éléments de l'enquête « constituent une base factuelle suffisante pour que les propos litigieux, souvent proches d'un jugement de valeur, aient pu être tenu par l'auteur de l'article et du communiqué ». La Cour relève toutefois que Philippe Karsenty « qualifie le premier épisode de pure fiction, ce qui est aussi soutenu par plusieurs des grandes signatures de la presse et de l’information ayant vu les rushes en octobre 2004 » et que « il apparait que l’examen en cause d’appel, des 18 minutes de rushes de Talal Hassan Abu Rahma communiquées par FRANCE 2 ne permet pas d’écarter les avis des professionnels entendus au cours de la procédure ou ayant versé leurs contributions aux débats, les attestations produites par les soins du cameraman (…) ne pouvant pas, en revanche, au vu de leur présentation comme de leur contenu, être tenues pour parfaitement crédibles. »[43].

Notes et références

  1. parfois transcrit en al-Dura ou al-Doura ou al-Durrah, avec ou sans tiret
  2. Le meilleur des mondes.
  3. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k  et l Hervé Deguine, Charles Enderlin. Il gagne la guerre du soupçon, Médias no 11, décembre 2006, accessible (en ligne).
  4. (fr) Le meilleur des mondes.
  5. (en) voir entre autres ce reportage de CNN
  6. a  et b (en) Haaretz.
  7. cf. Claude Lanzmann : Israël, Palestine : la séparation illusoire Le Monde, article publié le 7 février 2001.
  8. Drei Kugeln und ein totes Kind
  9. Liste des associations attribuant ce prix (Source : Guysen) : ABSI - Keren Or (Association pour le bien-être du soldat israélien), AJGE (Association des jeunes juifs des grandes écoles), Amitiés judéo-chrétiennes de Boulogne, Amitiés judéo-chrétiennes de Toulouse, Association France-Israël, Avocats sans frontières, Centre Simon Wiesenthal, Cercle d’études hébraïques de Loire-Atlantique, CIMO (Comité information Moyen-Orient) Comité mondial pour la justice et la paix Forum citoyen juif, G2PI, HEVEL (Association internationale d’aide aux victimes de la violence), Ligue de défense juive, Ligue contre la désinformation, Maccabi-inter Créteil Maccabi-inter Sarcelles MIGDAL, SASSOUN (Association d’amitié du peuple arménien avec le peuple juif), SIONA, TASK FORCE, UPJF (Union des patrons juifs de France).
  10. (fr) Dominique Vidal, « Acharnement contre Charles Enderlin », Le Monde diplomatique, 29 mai 2008.
  11. Site M-R
  12. Observatoire de l’information et des medias
  13. Guillaume Weill-Raynal, « Retour sur l'« affaire Enderlin » : Guet-apens dans la guerre des images ou harcèlement dans la diffamation ? », dans Revue internationale et stratégique, Dalloz et IRIS, no 58 « La société française et le conflit israélo-palestinien », été 2005, p. 187–194 (ISSN 1287-1672) (ISBN 2-247-06251-2) [texte intégral] .
  14. Abu Rahma, Talal. "Statement under oath by a photographer of France 2 Television", Palestinian Centre for Human Rights, October 3, 2000.
  15. D. Jeambar & Daniel Leconte, Guet-apens dans la guerre des images, Le Figaro, 15/10/2007, disponible en ligne.
  16. Archives
  17. [1]
  18. [2]
  19. Une photo du cadavre de Mohammed Al-Durah à la morgue est disponible ici, extraite de cet article
  20. a  et b Pierre-André Taguieff, L'affaire al-Dura ou le renforcement des stéréotypes antijuifs.
  21. cf. Le meilleur des mondes.
  22. (en) [3]
  23. (fr) Ism-France
  24. (fr) « La Répression israélienne sur les écrans du monde entier », Libération no 2106 du 27 février 1988.
  25. Ces images furent commentées en autres par Amnon Kapeliouk du Monde Diplomatique, cf. A. Kapeliouk, article du Monde Diplomatique d'août 2006 : « [elles] firent le tour du monde montrant des soldats israéliens exécutant les ordres de M. Itzhak Rabin, ministre de la défense qui, au début de l’Intifada, ordonna à ses soldats de « briser les os [des Palestiniens]… »
  26. (fr) Alterinfo.
  27. lynchage du 12 octobre 2000 :
    • AFP, « Année 2000 » sur www.fil-info-france.com. Consulté le 05 juillet 2008
  28. Toutes ces informations ont été également reprises du journal en ligne Guysen Israël News
  29. Anthony H. Cordesman & Jennifer Moravitz, The Israeli-Palestinian War: Escalating to Nowhere, Praeger Security International, (ISBN 0275987582), 2005.
  30. Affaire Al-Dura : la bonne et la mauvaise presse selon AcMedias, Menahem Macina
  31. c.f. guysen news.
  32. Media-Ratings : la Première Agence de Notation des Médias
  33. Charles Enderlin et France 2 gagnent leur procès, Le Monde, 20 octobre 2006
  34. Menahem Macina, Nicolas Ciarapica, protestant évangélique ami d’Israël, condamné pour antisémitisme !, UPJF, 13 février 2008.
  35. Véronique Chemla, Charles Enderlin poursuit un chrétien ami d’Israël dans l’affaire al-Dura, Guysen International News, 12 février 2008.
  36. Rapport établi[pdf] par Jean-Claude Schlinger expert en armes et munitions
  37. cf. Alterinfo
  38. cf. (en)Conspiracy Watch.
  39. http://www.menapress.com/article.php?sid=2055 Menapress : Vipères lubriques (1ère partie) - Par Stéphane Juffa (14 mai 2008)
  40. (en)« French Court Vindicates Al-Dura Hoax Critic » 21 mai 2008, par Philippe Karsenty]
  41. Texte de l'arrêt du 21 mai 2008 de la Cour d'Appel de Paris[pdf]
  42. Page 8 de l'Arrêt du 21 mai 2008 : « Qu'en faisant valoir que ses offres de preuves établiraient "un montage douteux, largement contesté à la date de diffusion des propos incriminés", le prévenu ne peut prétendre démontrer le fait d'avoir sciemment diffusé un "faux reportage", tant il est vrai que la première imputation ne constitue au mieux qu'un diminutif de l'imputation poursuivie ; »
  43. Page 12 de l'Arrêt du 21 mai 2008

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