Empoisonnement Xénon

Empoisonnement Xénon

Empoisonnement au xénon

Dans un réacteur nucléaire thermique, la fission produit de l'Iode135, qui se dégrade avec un retard de quelques heures en Xénon 135 (135Xe). Celui-ci est rapidement dégradé en absorbant des neutrons de la fission. En temps normal, la production et la dégradation s'équilibrent.

En cas de chute brutale de la quantité de fission (baisse de puissance), les neutrons produits ne suffisent plus à la dégradation du 135Xe, et celui-ci continue à s'accumuler, produit de la fission des heures précédentes. Par la suite, si on tente d'augmenter la quantité de fission (en retirant les barres d'absorbant neutronique ou en diluant le Bore soluble), la montée en puissance ne suit pas, car les neutrons sont absorbés par le 135Xe qui joue alors le rôle d'absorbant neutronique thermique : c'est l'empoisonnement Xénon. En puissance, il faut une dizaine d'heures pour brûler le 135Xe en excès et revenir à un bilan neutronique normal. Quand le réacteur est à l'arrêt la quantité de 135Xe va être divisée par deux toutes les 9h17.

Sommaire

La chaîne Xe

Le Xénon135 est un radionucléide (demi-vie : 9,17h), qui se forme directement dans la fission de l'uranium (dans la proportion de 0.4%) et indirectement par filiation radioactive à partir de l'Iode135 de période 6.7h (dans la proportion de 5.6%).

Le xénon135 formé peut donner du césium135, par décroissance radioactive de période 9.2h, mais également donner du xénon136 par capture d'un neutron (ces deux noyaux sont pratiquement stables et de section efficace négligeable). La proportion relative de ces deux consommations dépend du flux de neutrons.

235U et 239Pu 135Te 135 I 135Xe 135Cs 135Ba
    γ (6,4%)      β (19.2s)      β (6,53h)      β (9,17h)      β (2,6Ma) 

et

135Xe 136Xe
  σ = 3.106 barns (pour les neutrons thermiques)  

Pic de Xénon

Au démarrage d'un réacteur nucléaire thermique, la concentration en 135Xe est nulle. La concentration en Xénon va progressivement augmenter (si le flux neutronique est constant) jusqu'à atteindre une valeur d'équilibre au bout d'un jour ou deux.

À l'arrêt du réacteur, la production d'iode135 s'arrête aussi, ainsi que la consommation du 135Xe par la réaction σ. Le «réservoir d'iode135» se transforme alors encore en 135Xe (avec une demi-vie de 6h30). La demi-vie du Xénon135 étant supérieure à celle de son père, le Xénon135 s'élimine nettement moins vite qu'il n'est formé : il commence alors par s'accumuler (augmentant ainsi l'anti-réactivité associée), jusqu'à ce que la source d'iode135 se tarisse et que la désintégration propre du Xénon135 soit suffisante pour l'éliminer progressivement (avec une demi-vie de 9h). Le niveau du réservoir Xénon passe ainsi par un maximum (au bout d'une dizaine d'heures), puis tend vers 0.

La concentration en Xénon suit donc une dynamique paradoxale : une réduction de la puissance du réacteur entraîne (à l'échelle de l'heure) une augmentation transitoire du Xénon, qui ne se réduit que dans un deuxième temps (à l'échelle de la journée).

Empoisonnement au Xénon

Le Xénon135 a la plus grande section efficace connue dans le domaine des neutrons thermiques : 3 millions de barns, ce qui en fait un poison pour l'entretien de la réaction en chaîne dans une pile atomique.

Du fait, de sa section efficace importante, le 135Xe absorbe des neutrons par capture, d'où le terme « empoisonnement Xénon ». Cet empoisonnement se manifeste de différentes manières dans la conduite d'un réacteur :

  • En fonctionnement stable, cet empoisonnement est proportionnel au flux neutronique du cœur. Cet empoisonnement (perte de criticité) en fonctionnement est de l'ordre de 3000 pcm pour un réacteur REP d'EdF, et n'apparaît donc que quelque temps après la divergence.
  • En cours de pilotage, l'effet paradoxal du Xénon peut créer une véritable instabilité globale du fonctionnement (avec une constante de temps heureusement longue, de 9 à 10 heures) : si la puissance diminue, l'empoisonnement au xénon commence à croître et a tendance à stopper la pile.
  • L'anti-réactivité locale introduite par la concentration en xénon peut provoquer les oscillations dues au xénon, radiales ou axiales. Une augmentation locale de la distribution de puissance radiale (ou axiale) dans le cœur va faire temporairement diminuer la concentration de xénon (il y a plus de xénon consommé qu'il n'en est formé), ce qui accentue le déséquilibre jusqu'à ce que l'empoisonnement soit à l'équilibre avec la nouvelle distribution de puissance, ce qui tend à provoquer au contraire un retour à la puissance normale, et inversement. La période d'une telle oscillation est de l'ordre d'un jour. Par un "contre-pilotage" adapté avec des barres de réglages, on peut directement contenir l'oscillation xénon à l'apparition. Afin de vérifier ce déséquilibre de puissance axial, l'instrumentation des REP informe en permanence l'axial-offset (Dpmax).
  • A l'arrêt d'un réacteur, quand l'anti-réactivité apportée par le 135Xe au « pic Xénon » est trop importante et que les réserves de réactivité sont insuffisantes (par exemple, en fin de vie du réacteur), le réacteur ne peut plus rediverger pendant quelques heures.

Ce dernier phénomène s'était notamment produit suite à la réduction de puissance du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, ce qui avait conduit les opérateurs à relever les barres de contrôle au-delà de la limite autorisée, pour restaurer la réactivité du réacteur, alors que cette conception de réacteur peut être instable à faible puissance. L'augmentation de puissance conduisit à détruire le Xénon, ce qui eut pour effet d'augmenter la réactivité du réacteur trop rapidement pour permettre une reprise du contrôle. Une mauvaise connaissance du phénomène ainsi qu'un non-respect des consignes de sécurité sur l'extraction des barres de contrôle neutronique provoqua finalement la fusion du réacteur le 26 avril 1986.

L'empoisonnement au Samarium149 suit un mécanisme similaire, si ce n'est que cet élément n'est pas radioactif : après son accumulation à l'arrêt, il ne disparaît pas ; et un minimum d'excès de réactivité est nécessaire par rapport à la situation d'équilibre pour redémarrer le réacteur, même après un arrêt prolongé.

Références et liens

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