Empoisonnement au plomb

Empoisonnement au plomb

Saturnisme

Saturnisme
Classification et ressources externes
CIM-10 T56.0
CIM-9 ICD9

Le saturnisme est le nom de la maladie correspondant à une intoxication aiguë ou chronique par le plomb. Il est ainsi appelé en référence à la planète Saturne, symbole du plomb en alchimie.

Le plomb fond à basse température, mais en produisant des vapeurs nocives, dont lors de la fabrication traditionnelle de grenaille de plomb, soldats de plomb, soudure au plomb...
Au XIXe siècle, la mode du « Gothic revival » lancée par Viollet le Duc s'est traduite par une épidémie de cas de saturnisme en Europe, liée à l'utilisation du plomb dans les vitraux et les décorations du bâtiment
Les écailles et poussières de peinture anciennes au plomb semblent être devenues la première cause de saturnisme, au moins dans les pays où le plomb a été interdit dans l'essence
Les peintures anciennes extérieures écaillées peuvent intoxiquer des enfants ou animaux (volailles, vaches dans une étable…). C'est aussi une source de pollution du sol au pied de parois peintes au plomb ou au minium de plomb. Certaines peintures à l'huile ou huiles pures (de lin) ne contiennent pas de plomb, mais un additif (sel de plomb) a pu leur être ajouté comme siccatif, sans que cela ait été précisé sur l'étiquette par le fabricant

Sommaire

Généralités sur la maladie

Le saturnisme induit des troubles qui, selon leur gravité et le moment de l'intoxication, seront réversibles (anémie, troubles digestifs,…) ou irréversibles (atteinte du système nerveux, encéphalopathie,…).
C'est une maladie qui peut affecter tous les mammifères et les oiseaux (saturnisme aviaire) ; pour d'autres espèces on parlera plutôt d'intoxication saturnine ou d'intoxication par le plomb.

Chez l'homme, le seuil légal de danger ou quantité maximale tolérée est en France de 50 µg de plomb par litre de sang alors qu'elle était de 400 µg en 1976[1], mais des auteurs estiment que des effets sur le cerveau et la cognition apparaissent avant ce taux ou quelle que soit la dose. Le jeune enfant, le fœtus et l'embryon y sont beaucoup plus exposés que l'adulte.

Une partie du plomb absorbé par ingestion ou inhalation est excrété, mais le reste s'accumule relativement durablement dans l'organisme, essentiellement dans les os ; 80 à 95% du plomb absorbé se fixe dans les os en s'y substituant au calcium. Dans l'os, le plomb a une demi-vie moyenne de 20 à 25 ans. Il est aussi stocké dans le foie, le rein, le cerveau... où il cause des effets graves et irréversibles sur l'organisme, dont retard mental chez l'enfant, hypertension, troubles neuromoteurs voire paralysie, stérilité, cancer et mort.

Les individus sont plus ou moins prédisposés et sensibles au saturnisme ; selon l'âge et la durée d'exposition, selon certaines caractéristiques génétiques et s'ils sont carencés en certains nutriments et oligo-éléments (calcium notamment).

Le saturnisme n'est pas transmissible au sens infectieux du terme, mais une jeune femme qui a été significativement contaminée par le plomb (éventuellement des années avant (jusqu'à 20 ans plus tôt), quand elle était fillette, adolescente ou jeune adulte) transmet la maladie à son enfant in utero, le plomb franchissant aisément la barrière placentaire.


La toxicité du plomb est connue depuis l'antiquité. Des preuves de cette maladie existent pour l'antiquité depuis l'âge du bronze.

Article détaillé : Histoire du saturnisme.

Le saturnisme aigu touchait autrefois principalement les mineurs et ouvriers de la métallurgie du plomb, ceux qui utilisaient de la vaisselle de plomb, et les ouvriers sertissant au plomb les vitraux. Mais avec l'avènement de la peinture au plomb, et l'essence plombée, le saturnisme est devenu très courant aux XIXe siècle et XXe siècle. C'est une des six premières maladies à avoir été déclarée maladie professionnelle en octobre 1919. Malgré l'interdiction du plomb dans les peintures et l'essence dans de nombreux pays, des cas graves de saturnisme persistent dans la plupart des grandes villes (habitat ancien où les enfants sont exposés aux peintures contenant du plomb) et régions industrielles.

Réduire les risques de saturnisme nécessite des actions à la fois individuelles et collectives, incluant un contrôle des sources de pollutions et une évaluation de tous les risques d’exposition.

Synonymes

  • « Imprégnation saturnine » est synonyme de saturnisme si cette imprégnation se traduit par des symptômes de la maladie ou peut les induire à terme.
  • « Coliques de plomb » désigne les symptômes abdominaux douloureux (coliques) du saturnisme aigu.
  • « Maladie des peintres » est le nom d'un symptôme constaté à l'époque où la céruse de plomb et d'autres peintures au plomb étaient très utilisées.
  • Le « pica » n'est pas un synonyme mais le nom d'un comportement qui consiste chez l'enfant à porter ce qu'il trouve à la bouche. Il est souvent associé au saturnisme chez l'enfant, et plus rarement chez l'adulte (on parle alors de pica-like). Les animaux (par exemple, les vaches dans les étables) peuvent aussi s'intoxiquer gravement, voire mortellement en léchant des peintures anciennes, probablement en raison de leur goût sucré.

Origine et causes de la maladie

À la différence de la plupart des métaux, le plomb n'a aucun rôle connu dans l'organisme humain, ni chez d'autres espèces animales ou végétales. Il semble toxique au niveau cellulaire, quelle que soit sa concentration.

Origine de la toxicité du plomb : Elle semble surtout venir de sa capacité à circuler dans les chaînes alimentaires et les organismes, en « mimant » le comportement d'autres métaux vitaux, dont principalement le calcium, le fer et le zinc.
Le plomb s'y substitue dans différents organes et interagit ainsi avec la production de protéines et molécules impliquant ces trois métaux. Le plomb freine ou empêche ainsi des processus vitaux ou secondaires ; il inhibe la production de certaines enzymes et le transport de l'oxygène par le sang en particulier.
La plupart des premiers symptômes du saturnisme découlent du fait que le plomb interfère négativement avec une enzyme essentielle, Delta-aminolevulinic acid déshydratase (ALAD). L'ALAD est une protéine contenant un pont moléculaire dépendant du zinc. Elle est vitale pour la biosynthèse de l'hème, cofacteur de la production de l'hémoglobine.
Le plomb inhibe aussi une autre enzyme vitale (ferrochelatase) qui catalyse la réunion de la protoporphyrine IX et de l’ion Fe2 + qui forme l’hème.

Confusions possibles

Le saturnisme n'a pas de symptômes spécifiques. Il est pour cette raison mal détecté, et souvent très tardivement après avoir été confondu avec d'autres troubles bénins (intoxication alimentaire, maux de tête, fatigue, alcoolisme, anomalies congénitales, troubles de comportement..).

Une mutation génétique de l’ALAD cause une maladie assez rare (la porphyrie) qui peut être confondue avec le saturnisme (et que le film The Madness of King George a illustré), mais qui peut en être différenciée par le fait que le plomb produit une anémie, ce qui n’est pas le cas de la porphyrie.

Mesure et seuils de toxicité

Des traces de plomb sont détectables dans le sang de tous les individus. Aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), ou « centres de contrôle et de prévention des maladies », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la plupart des pays de l'Union européenne ont une valeur limite de 10 µg/dL de sang car la plombémie (taux de plomb dans le sang) est l’indicateur le plus communément utilisé dans le monde pour des raisons de commodité, mais il est incomplet. D'autres indicateurs sont donc parfois utilisés :

  • la plombémie indique une contamination récente ;
  • l'analyse du plomb dans les phanères (cheveux, ongles, poils) renseigne sur une contamination moyennement récente (mois précédents, année) ;
  • la mesure du plomb dans les dents (dent de lait le cas échéant), dans l'os renseigne sur une contamination ancienne ;
  • l'analyse du plomb dans l'air et l'environnement (poussières, peintures, eau, alimentation) est aussi un indicateur complémentaire d'exposition.

Il est possible de rétrospectivement détecter des cas de saturnisme via l'étude de teneurs en plomb de cadavres ou squelettes de personnes ou animaux morts (éventuellement il y a plusieurs siècles ou millénaires si leurs restes sont bien conservés).

Seuils de toxicité : Ils sont très discutés depuis les progrès fait en toxicologie ; des plombémies autrefois considérées comme « sûres » correspondent à des taux aujourd'hui considérés comme dangereux[2] ("Blood lead levels once considered safe are now considered hazardous, with no known threshold")[3] et de nombreux toxicologues estiment qu'il n'y a pas de seuils en deça duquel le plomb peut être vraiment considéré comme sans danger, notamment pour le cerveau[4]. Cependant changer la norme légale (proposition étudiée par l'OMS) aurait des implications économiques telles qu'elles semblent encore faire obstacle à cette idée. Cela aurait aussi des implications juridiques complexes concernant l'application du principe pollueur-payeur et le traitement des « maladies professionnelles ».

Exposition moyenne de la population : De nombreux humains vivent aujourd'hui avec une plombémie très supérieure à ce qu'elle était à la préhistoire, avec des taux susceptibles de poser des problèmes de santé et de développement, voire d'interférer avec le fonctionnement du cerveau.
On manque de données pour de nombreux pays dits « pauvres », mais la plombémie moyenne dans les pays riches dépasse généralement 10 microgrammes par décilitre, ou 100 ppb (partie par milliard). Il n'est pas rare de trouver des personnes exposées dont la plombémie dépasse 200 ppb alors que la plupart des symptômes apparaissent aux environ de 100 ppb et que les effets mesurables sur le comportement et la cognition (avec perte de QI) des enfants apparaissent à des doses très inférieures à ces niveaux[5].

Traçage : Des mesures isotopiques du plomb trouvé dans le sang, les os, ou l'environnement permettent - dans certaines conditions - d'en déterminer et tracer l'origine (le plomb de l'essence a par exemple une signature isotopique très différente du plomb de chasse, ou de celui utilisé dans les batteries).

Répartition spatiale et temporelle du saturnisme

Le saturnisme aujourd'hui

Il reste un problème de santé publique, y compris dans les pays riches où la majorité des cas graves et repérés de saturnisme concerne des enfants de moins de douze ans, vivant dans des zones exposées à du plomb d'origine industrielle ou vivant dans un habitat ancien, voire insalubre où des peintures au plomb sont accessibles. Ailleurs la situation est mal connue.
De nos jours, le saturnisme aigu est le plus fréquent chez l'enfant[6] et souvent induit par l'ingestion de plomb sous forme de particule fines ou d'écailles de peinture au plomb (céruse ou hydroxycarbonate de plomb). L'origine de ces cas est le plus souvent une exposition dans l’habitat ancien à la céruse de plomb, peinture très utilisée jusqu’à son interdiction en 1948. La peinture est ingérée directement ou sous forme de poussières produites lors de sa dégradation au cours du temps ou à l'occasion de travaux (ravalements, grattage, brossage, ponçage..). En France, une expertise collective de l’INSERM a estimé en 1999 que 85 000 enfants de 1 à 6 ans étaient encore victimes de ce type de saturnisme.
Plus rarement, on constate des intoxications par l'eau contaminée par d'anciennes tuyauteries en plomb (notamment dans les régions où l'eau est naturellement acide).
L'inhalation est localement (à proximité des usines et de sites pollués par le plomb) un facteur très important de contamination (par exemple dans le nord de la France, la fermeture de l'usine Métaleurop Nord s'est traduite par une chute rapide de la plombémie chez les enfants des zones périphériques, sans toutefois faire disparaitre les traces d'une pollution de fond).
Certains aliments cultivés sur des sols pollués par le plomb, viandes d'animaux ayant ingéré des végétaux riches en plomb ou souillés, et certains champignons sont aussi des sources de saturnisme d'origine alimentaire. En particulier, les consommateurs de gibier d'eau tués dans certaines régions très chassées et fortement contaminées par la grenaille de plomb de chasse sont exposés à un risque élevé de saturnisme. Plus rarement, la pièce de viande située près de l'entrée de la balle dans la chair d'un grand gibier (chevreuil, cerf, sanglier…) tué par balle de plomb pourrait aussi être une source d'intoxication. Elle est en tous cas une source démontrée de saturnisme aviaire chez le condor de Californie.

Occurrence, prévalence

Hors intoxications professionnelles ou liées à l'habitat ancien, la prévalence du saturnisme reste mal connue ; Hormis dans les situations où le risque est connu, la maladie n'est en effet que rarement détectées par la médecine du travail. De même pour la médecine scolaire (quand elle existe), la médecine rurale ou de ville et la médecine d'urgence. On peut y voir plusieurs raisons :

  • non-spécificité des symptômes qui pour la plupart peuvent être confondus avec un problème mineur, banal et ponctuel,
  • la plombémie est rarement proposée en médecine préventive (Cf. coût + éventuel non-remboursement par la sécurité sociale ?)
  • symptômes d'intoxications pouvant apparaître plusieurs années, voire plusieurs décennies après l'exposition (« saturnisme de la ménopause »), qui font que le médecin n'évoque pas spontanément le plomb si le patient ne relate pas d'indices d'exposition passée.
  • absence de test simple et immédiat fiable (la plombémie ne trace qu'une exposition récente, seul l'analyse de l'os renseigne sur l'exposition sur le long terme),
  • lacunes dans la formation des médecins,
  • raisons sociopsychologiques ; parler d'un toxique susceptible d'induire des troubles mentaux n'est pas facile pour le médecin. À titre d'exemple, toutes les grandes maternités pourraient disposer d'un appareil Xray-fluorescence permettant une analyse immédiate de chaque cordon ombilical lors de chaque accouchement. Ceci permettrait de mesurer la prévalence globale du saturnisme dans la population, d'identifier les populations à risque et de prévenir les parents en cas de problème et de recommander une alimentation surveillée pour les premières années de l'enfant. Idéalement, une plombémie devrait être recommandée en début de grossesse, ce qui est très rarement le cas, certains médecins évoquant des raisons éthiques, incluant le risque de troubler la sérénité de la mère durant la grossesse en cas de plombémie élevée.

Sources principales d’empoisonnement

Risque et danger...
La source originelle (le danger) peut être :

  • du plomb-métal (ex : bijou contenant du plomb, en contact direct avec la peau, grenaille de plomb ingérée et piégée dans l'appendice)
  • du plomb moléculaire (ex : vapeurs de plomb ; le plomb est sublimé en vapeur de plomb à une température inhabituellement basse chez les métaux)
  • sels de plomb (ex. : pigments composé d'oxydes de plomb)

Le risque est que ce plomb soit absorbé par l'organisme, et tout particulièrement par le fœtus, embryon ou jeune enfant.

Absorption de plomb :
Elle est multiple et varie selon les pays et les contextes (époques, lieux, comportements à risque, âge..) ; Ce sont notamment :

  • inhalation d'air pollué par le plomb (pollution industrielle, vapeurs, poussière ou fumées contaminées, ponçage de peintures anciennes, essence plombée, atmosphère confinée d'un stand de tir...)
  • ingestion de nourriture ou d'eau contaminée par le plomb (eaux acides ayant corrodés des tuyaux de plomb, des soudures contenant du plomb, ou des robinets ou éléments de plomberie en laiton (contenant du plomb). Ingestion d'animaux ou plantes contaminés par un environnement pollué, aliments contaminés par des pesticides illégaux (arséniate de plomb, etc.). Quelques cas particuliers concernent des enfants ou adultes qui portent volontiers à la bouche des objets à risque (soldats de plomb ou objets de plomb, crayons d'artiste à mine de plomb). Il y a eu quelques cas de fraudes où par exemple du faux paprika avait été teint par des sels de plomb (minium)
  • pénétration percutanée, devenue rare, mais possible (cas d'onguents et khôls contaminés, de jouets ou bijoux en plomb, en matériau contenant du plomb ou peints avec des pigments au plomb)


Principales voies d'empoisonnement :
Rappel préalable : Chez les mammifères, dans tous les cas, une contamination intergénérationnelle peut se faire de la mère au fœtus in utero ou via l'allaitement (chez l'oiseau, le saturnisme aviaire de la mère peut aussi influer sur la survie et les capacités du poussin).


La première voie demeure, semble-t-il, l’ingestion directe de particules (peinture) au plomb ou de sol et poussières contaminées. Les jeunes enfants ont aussi tendance à sucer la peinture de barreaux ou de châssis de fenêtres, ou peuvent parfois être intoxiqués en portant leurs doigts à la bouche après avoir touché les plaques de plomb utilisés pour l'étanchéité de toitures, gouttières ou chéneaux autour de châssis de fenêtres (ou autres éléments accessibles d'architecture). Depuis la fin du XXe siècle, dans un nombre croissant de pays, et dans la plupart des États américains et d’Europe, les propriétaires, loueurs et/ou vendeurs de maisons anciennes doivent à leurs frais faire un diagnostic, et informer les résidents potentiels du danger.
Les enfants sont parfois contaminés par une exposition chronique à des particules de plomb involontairement rapportés à la maison par des parents travaillant dans la métallurgie du plomb, les batteries ou la plomberie (ce plomb est rapporté sur les cheveux, la peau et les vêtements et chaussures). Ainsi par exemple lors d'une étude[7] nord américaine, 75% de 16 enfants de travailleurs exposés au plomb présentaient une plombémie nettement supérieure à celle des autres enfants de leur quartier (en moyenne 22.4µg/dL contre 9.8 µg/dL, p=.049). Une autre étude[8] a porté sur 50 enfants âgés de 6 ans (31 enfants de parents exposés au plomb dans le secteur du bâtiment, et 19 cas-témoins, enfants de parents non exposés) ; les enfants de travailleurs exposés étaient 5 fois plus nombreux à avoir une plombémie jugée excessive (25.8% contre 5.3% pour les cas témoins). Une autre étude[9] a porté sur 18 enfants (de moins de 7 ans) de réparateurs de radiateurs automobile (soudures contenant du plomb, et radiateurs éventuellement contaminés par le plomb de l'essence); tous les enfants dépassaient le seuil critique de 10 µg/dL.
Des intoxications d'enfants sont également régulièrement constatées suite à utilisation de jouets en plomb, et de faux bijoux ou objets décoratifs portés sur la peau ou que les enfants peuvent porter à la bouche. Idem pour des jouets peints avec une peinture au plomb.
L’alimentation reste une source de fond d’apports en plomb, généralement faibles, mais avec certains aliments plus à risque : champignons capables de fortement bioconcentrer et bioaccumuler le plomb, comme le font aussi d'autres espèces dont les moules, huitres, autres coquillages et poissons ou mammifères carnivores. Les légumes ayant poussé sur des sols pollués, le gibier d’eau tiré au plomb ou ayant vécu dans une zone humide depuis longtemps chassée, c’est-à-dire polluée par la grenaille de plomb, et moindrement gibier tiré à balle de plomb sont d'autres sources alimentaires de plomb qui peuvent être ponctuellement facteur de saturnisme.
L’air est une source localement importante. La plombémie moyenne a nettement décliné dans la décennie qui a suivi l’interdiction du plomb tétra-éthyl dans l’essence, mais certains pays ne l’ont interdit que tardivement ou ne l’ont pas encore interdit (Nigéria, Arabie saoudite, exceptions pour les territoires d’outre-mer pour la France..). Dans les régions industrielles, à proximité d’incinérateurs anciens et non mis aux normes, de certains sites miniers ou d’usines métallurgiques, l’inhalation de vapeurs et microparticules de plomb est une source majeure de plomb à ne pas sous-estimer.
L’eau du réseau de distribution d'eau potable, là où elle est naturellement acide ou neutre, peut apporter une quantité non négligeable de plomb. L’UE a imposé la suppression progressive de toutes les tuyauteries en plomb. Le plomb dissous dans l'eau peut provenir des tuyaux, mais aussi des soudures et d'accessoires en laiton de mauvaise qualité, riche en plomb lentement soluble dans l’eau.[10]. Dans les zones à risque, il est recommandé de faire couler l'eau qui a stagné la nuit dans les tuyaux avant de la boire ou de l'utiliser pour la cuisson.
Certains cosmétiques importés tels que les khôls traditionnels du Moyen-Orient, d'Inde, du Pakistan, et de certaines régions d'Afrique sont également source d’intoxications, notamment d'enfants (certains khôls traditionnellement réputés protéger les yeux de diverses maladies contiennent jusqu'à 83% de plomb). Une étude ayant porté sur 538 fillettes âgées de 6 à 12 ans a montré que le khôl provoquait une augmentation de la plombémie des fillettes[11],[12]. Une autre étude[13],[14] a porté sur 175 enfants pakistanais et indiens âgés de 8 mois à 6 ans vivant au Pakistan ; ceux qui ont été traités avec du kohl traditionnel présentaient des plombémie moyenne triplée et excessive (12.9 µg/dL contre 4.3 µg/dL pour les autres enfants n'ayant pas utilisé ce cosmétique).
Des poteries cuites avec des émaux au plomb, des étains de mauvaise qualité ou des théières traditionnelles soudées avec du plomb ont fréquemment été des sources avérées d’intoxication, ayant justifié diverses alertes sanitaires et retraits de vente.

L’exposition au plomb-métallique liée à l’ingestion de petits objets (grenaille de chasse, lests de pêche) est peu réputée pour conduire à une plombémie élevée, mais on connaît quelques exceptions ; quand le plomb stagne dans le tube digestif et en particulier dans l’appendice où il peut rester piégé des années, ce qui n’est pas exceptionnel chez les grands consommateurs de gibier d’eau. Chez les oiseaux, le problème est très différent, car les morceaux de plomb ingérés (grenaille de plomb, plomb de pêche) sont rapidement érodés et solubilisés dans le gésier, provoquant un saturnisme aviaire, souvent aigu, très commun chez les oiseaux d'eau dans les zones très chassées mais également plus fréquent qu'on ne l'a d'abord cru chez d'autres espèces, hors des zones humides.


De nombreux composés organiques du plomb passent facilement au travers de la peau et des barrières intestinales. C'est le cas du plomb tétraéthyl qui était ajouté à l'essence, et l'est encore dans certains pays.
Certains "remèdes" populaires dont l’« Azarcon » ou le « greta » qui contiennent jusqu'à 95% de plomb, utilisés pour "guérir", sont des sources graves d'intoxication[15]. Ce médicament est si toxique que, s'il tue tous les microbes, il contribue aussi à empoisonner gravement l'organisme, celui des enfants en particulier.

La médecine militaire et la médecine d'urgence ont parfois à faire face à des cas particuliers d'empoisonnement saturnin liés à des plaies balistiques (par balles ou grenaille de plomb).

Jusqu’à une période très récente presque toutes les balles et grenailles étaient composées de plomb. Le plomb est un métal particulièrement mou, surtout s'il n'a pas été durci par ajout de 5 à 10 % d'arsenic ou antimoine (deux métaux qui sont également des toxiques) comme c'est souvent le cas pour les munitions d'armes à feu. Lorsqu’une balle ou de la grenaille pénètre à grande vitesse dans un organisme, notamment s’il y a contact avec un os, des molécules et fragments de plomb peuvent être arrachés au métal et dispersé dans l’organisme via le sang et la lymphe. Exceptionnellement, il arrive que le plomb d’une balle conservée dans un organisme puisse être à l’origine d’un saturnisme mortel[16]. Le problème est plus grave pour des balles ou grenailles piégées dans des articulations où elles risquent de se décomposer plus rapidement en libérant leur plomb[17].
Cela vaut pour l’animal tué à la chasse (Les bonnes pratiques de boucherie veulent que la chair située autour de la zone pénétrée par une balle soit excisée).


Le cas de la grenaille de plomb est plus complexe. La grenaille ingérée par un oiseau est difficile à détecter, et dans un gésier elle est rapidement érodée. Dans la chair d'un oiseau tué à la chasse, elle est encore plus difficile à détecter, surtout sans détecteur de métaux. Elle est encore souvent encore présente dans la viande cuite et dans certains pâtés (gésier), voire ingérée avec la viande ; dégradée dans une viande hachée ou transformée en pâté, ou mise en contact avec un acide (citron, sauce tomate, vinaigre...), la grenaille de plomb peut libérer des quantités significatives de plomb et contaminer la viande et sa sauce (si elle est acide). Des intoxications chroniques et insoupçonnées pourraient ainsi concerner les consommateurs de certaines espèces à risque (gibiers d'eau atteints de saturnisme aviaire et/ou contaminés par de la grenaille de plomb), même si elles sont a priori rarement mortelles.

Susceptibilités individuelles et vulnérabilités particulières

Vulnérabilité de l'enfant

Le saturnisme est plus fréquent et grave chez le jeune enfant, pour au moins 4 raisons ;

  1. Le jeune enfant est plus susceptible d'ingérer des substances contaminées. (L'enfant porte naturellement les doigts et les objets à la bouche (Pica). De plus l'oxyde de plomb a un goût légèrement sucré)
  2. et parce que de 40 à 50% du plomb ingéré par un enfant passe dans son sang (contre 5 à 10% pour un adulte). Le plomb assimilé n'est que très peu et lentement éliminé naturellement.
  3. sa peau et ses muqueuses sont plus fine, et par kg de poids corporel le volume de nourriture qu'il ingère, et la quantité d'air qu'il inhale sont plus important.
  4. Il a en raison de sa croissance des besoins accrus en calcium (auquel le plomb se substitue chimiquement facilement). Le plomb passe facilement de la mère à l'enfant via le lait si elle allaite.

Un enfant est généralement considéré comme nécessitant des soins à partir d'une plombémie de 100 µg par litre de sang, mais ce seuil pourrait être revu à la baisse en raison d'effets démontrés sur le cerveau à des doses bien inférieures.

En terme d'impacts sur le cerveau, on a longtemps considéré que les enfants étaient le plus vulnérable au plomb de l'état fœtal jusqu'à l'âge de 2 ans, mais une étude récente a montré qu'à l'âge de 6 ans, les effets neurologiques, pour une exposition au plomb inférieur à celle d’un enfant de 2 ans, induisaient davantage de troubles neurologiques. [18]. Les risques de handicap mental, troubles psychomoteurs, du langage et de l’attention ou de la cognition, anémie seraient encore plus élevés à 6 ans qu'à 2 ans.

Aux USA, dans les pays où le plomb est encore très utilisé dans l'essence, autour de certaines aires industrielles ou là où il est récupéré par les enfants, les cas de saturnisme infantile sont encore nombreux. A titre d'exemple, en France en 2006, ce sont encore 437 nouveaux cas de saturnisme infantile qui ont été repérés en métropole. Il s'agissait essentiellement d'enfants de 1 à 5 ans, vivant en Île-de-France pour 56% des cas, et dans le Nord-Pas-de-Calais pour 13% (deux régions où le dépistage est beaucoup plus poussé (Cf. risques liés aux séquelles industrielles et aux peintures au plomb dans l'habitat ancien. 89% de ces enfants avaient une plombémie de moins de 250 µg/L; mais 9 enfants dépassaient les 450 µg/L, et l'un dépassait 700µg/L[19]. l'INVS note que sur 349 cas notifiés, 20 ne l'ont été notifiés qu'à la seconde plombémie dépassant 100 μg/L (tout signalement tardif à la DDASS retarde le traitement du risque environnemental, et augmente le risque d'aggravation de l’intoxication alerte l'INVS).

Autres vulnérabilités particulières

  • L'embryon et le fœtus sont beaucoup plus sensibles au plomb que l'adulte et l'enfant . Or, le plomb sanguin de la femme enceinte passe très facilement dans le sang du fœtus, en se substituant au calcium que l'embryon pompe dans le sang qui lui arrive par le cordon ombilical.
  • Un « saturnisme féminin de la ménopause » peut exister. À cette période, la femme tend en effet à perdre du calcium (ostéoporose) et avec ce calcium, du plomb stocké par les os est brusquement libéré. Si la femme en avait stocké beaucoup, une intoxication générale peut être induite, rarement suspectée par le médecin s'il n'a pas été alerté sur une exposition antérieure au plomb (qui peut avoir eu lieu jusqu'à 20 ans plus tôt) par la patiente. De plus, la contamination par le plomb, notamment s'il y a eu contamination conjointe par le cuivre semble pouvoir aggraver l'ostéoporose en bloquant la production de critaux d'hydroxyapatite de calcium et fragilisant l'os [20],[21] .
  • Saturnisme induit par une fracture : Toute fracture entraine en réponse physiologique une libération (rapide, normale et importante) de calcium osseux dans le sang ; ce calcium est utilisé pour la réparation osseuse. Ceci explique, que chez un individu ne présentant pas de plombémie anormale, mais ayant antérieurement stocké du plomb dans les os, une fracture puisse également libérer une quantité très significative de plomb dans le sang, susceptible le cas échéant d'induire un saturnisme. Ce type de saturnisme a très peu de chance d'être détecté si le médecin n'a pas été alerté sur ce risque par le patient (qui souvent n'en est pas conscient). Les symptômes sont mis sur le compte de l'effet de choc ou du traumatisme lié à l'accident.
  • Saturnisme fœnduit par une fracture survenue lors d'une grossesse ou juste avant : Dans ce cas le plomb "osseux" brutalement libéré est capté par le fœtus ou l'embryon en même temps que le calcium qu'il utilise pour construire son squelette et son organisme. Ce risque est rarement pris en compte par les équipes soignantes lors d'une fracture de femme enceinte. Dans ce cas une carence de la mère en calcium bioassimilable et en fer aggrave fortement le problème. De plus, le fœtus « détoxiquant » ainsi l'organisme de sa mère, aucun symptôme n'apparait chez celle-ci. Et si la plombémie était suffisante pour induire des symptômes chez la mère, le risque serait grand qu'ils soient confondus avec de banals troubles liés à la grossesse.
  • Saturnisme fœtal induit par l'allaitement. Un afflux de plomb sanguin lors de l'allaitement ou en fin de grossesse (afflux provoqué par l'alimentation ou par une carence en calcium lié à l'allaitement, ou induit par une fracture récente ou subie durant l'allaitement (cf. § ci dessus) peuvent également induire un saturnisme chez le bébé ou le jeune enfant allaité.
  • Synergies : De nombreuses synergies entre plomb et autres polluants semblent possibles. Par exemple, Gorell et al. ont montré[22] que le plomb associé à d'autres cations dont de cuivre était impliqué dans la maladie de Parkinson.
    Associé à l'alcool, le plomb peut avoir des effets aggravés sur le fœtus... La présence de cadmium dans l'organisme augmenter la teneur en plomb du lait des brebis[23].

Sources d'intoxication

Intoxication exogène

Une cause démontrée de saturnisme de l'adulte et surtout de l'enfant est l'intoxication par de la viande contaminée d'animaux qui ont ingéré du plomb issu des munitions, cartouches (et plus rarement balles) utilisées pour la chasse. Chez les gros oiseaux (tels oies et cygnes) le plomb de pêche est aussi une cause significative de saturnisme aviaire, qui peut être source d'intoxication de consommateurs de gibier. Certains champignons sont fortement bioaccumulateurs du plomb.

L'essence a été une source importante de plomb, en forte diminution là où le plomb dans l'essence est interdit, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays; en Chine, au Nigeria comme dans d'autres pays producteurs de pétrole et dans certains pays en développement, l'essence est encore plombée.

Selon une conférence de consensus de 2003 sur le plomb et la femme enceinte (Kremp, 2003), le vin rouge serait la principale source de plomb dans l'alimentation des français. Ce pourrait être à cause du plomb désorbé par le bois de chênes des tonneaux, car le jus de raisin n'en contient pratiquement pas. La bière contient parfois des taux élevés de plomb, probablement en raison de la fixation du plomb sur la cuticule des grains d'orge qui ne sont pas lavés avant utilisation. Le laiton ou les soudures des installations pourraient parfois être en cause. Le cacao et le chocolat en contiennent parfois des doses préoccupantes, pour des raisons mal comprises. Chez l'animal, c'est le foie, mais surtout les os qui en contiennent le plus.

Intoxication endogène ?

Toute fracture entraîne en réponse physiologique une libération (rapide, normale et importante) de calcium dans le sang. Ce calcium est essentiellement prélevé dans les os. Or c'est dans ces mêmes os que 80 % à 95%[24] environ du plomb absorbé par le patient (humain), ou l'animal soigné a été stocké dans les années et décennies précédentes (le cycle du plomb ou temps moyen de séjour du plomb dans l'os est estimé être de 20 ans chez l'homme).
Ceci explique, que chez un individu ne présentant pas de plombémie anormale avant la fracture ou au moment de la fracture, mais ayant antérieurement stocké du plomb dans les os, un saturnisme puisse être induit par la libération d'une quantité significative de plomb « osseux » dans le sang. Ce type de saturnisme a très peu de chance d'être détecté si le médecin n'a pas été alerté sur ce risque par le patient (qui souvent n'en est pas conscient). Les symptômes sont mis sur le compte de l'état de choc ou du traumatisme lié à l'accident.
- Si le patiente est une femme enceinte ou allaitante, ce plomb peut intoxiquer respectivement le fœtus ou l'embryon et le bébé allaité.
- Si le patient est une personne se préparant à avoir des enfants, il est possible que ce plomb puisse être source d'infertilité provisoire (le plomb est en effet connu comme étant reprotoxique chez l'homme, au moins en tant que facteur de délétion de la spermatogenèse; en revanche ses effets sur la fertilité féminine n'ont pas été suffisamment étudiés).

Effets et symptômes chez l'homme

Lorsque l'intoxication est légère, les symptômes permettent rarement de conduire au diagnostic de saturnisme. Avec l'augmentation du taux de plomb dans l'organismes, les symptômes suivant apparaissent :

  • Nausées, vomissements, diarrhées/constipation, maux de tête, avec fréquente perte d'appétit et de poids ;
  • Apparition d'un goût métallique dans la cavité buccale, éventuellement suivi dans les cas d'intoxication forte d'apparition d'un liseré grisâtre ou bleuâtre sur les gencives, dit "«liseré de Burton »" (très rare chez le jeune enfant, plus fréquent chez l'adulte gravement intoxiqué).
  • Douleurs abdominales (dites « coliques de plomb ») ;
  • Troubles neurologiques, avec réduction des capacités cognitives (difficulté de concentration, trouble de la mémoire), fatigue et comportement léthargique ou au contraire hyperactivité ;
  • Irritabilité ; c'est un symptôme qui a d'abord été constaté en milieu scolaire chez les enfants des régions ou familles exposées. Mais certains auteurs estiment qu'il a été sous-estimé chez l'adulte.
  • Insomnie ;
  • Retard de développement mental chez l'enfant, avec séquelles irréversibles si l'intoxication a concerné l'embryon, le fœtus ou le jeune enfant ;
  • Troubles psychomoteurs : Le plomb affecte les systèmes nerveux central et périphérique, d'abord de manière totalement indolore. Un des premiers signes d'atteinte périphérique (neuropathie chronique) étant une faiblesse des muscles extenseurs de la main (qui apparaît après quelques semaines d'exposition). Si l'exposition perdure ou est élevée, des douleurs articulaires apparaissent, puis une Paralysie éventuelle des membres ;
  • Anémie
  • Dysfonctionnement des reins ;
  • Hypertension artérielle ;
  • Stérilité masculine (par effet toxique et/ou de perturbation endocrinienne) ;
  • Perte auditive ;
  • Hyperuricémie (accumulation d'acide urique suite à une excrétion insuffisante dans l'urine ]);
  • Cancers (induit par certaines formes chimiques du plomb);
  • Coma puis mort, généralement provoquée par une encéphalite.

Comme le mercure, le plomb semble pouvoir être un perturbateur endocrinien quand il touche le foetus in utero, avec effet différé sur le développement mental. Wieslaw Jedrychowski (Université de Jagiellonian Cracovie Pologne) « Faible exposition prénatale au plomb et développement mental durant la petite enfance. Etude de la cohorte prospective de Cracovie », colloque «Environnement chimique, reproduction et développement de l’enfant», Paris, 2008 11 25

Plomb et épidémiologie de la violence et de la criminalité

Les effets délétères du plomb n'intéressent pas que les médecins. Ils préoccupent aussi le politique, les responsables de la santé, les assureurs et les économistes.
Le plomb moléculaire n’est en effet ni biodégradable, ni dégradable. Et étant bioaccumulable, il restera pour cette raison longtemps un problème de santé publique dans la plupart des pays, en dépit de son interdiction d’usage dans l’essence et les peintures. De plus la production mondiale de plomb a continué à croître au début du XXème siècle, avec des expositions importantes de la population en Chine et dans les pays où l'essence est restée plombée.

On se demande depuis longtemps si les effets sociaux de l'exposition au plomb se limitent à une simple irritabilité (par exemple constatée chez les enfants exposés au plomb, et qu'on a attribué à une possible souffrance du cerveau), ou si au-delà d'effets simplement pénalisants pour l’intégration sociale d'individus, le saturnisme pouvait conduire à des troubles graves du comportement, sources de violence et favorisant des comportements criminels.

Saturnisme et criminalité : Rick Nevin (consultant en économie) a en mai 2000 rendu public un essai d'évaluation quantitative du problème. Il concluait que d'après l'étude comparative des statistique d'exposition moyenne au plomb, et de criminalité, que l'exposition au plomb pouvait expliquer aux États-Unis et dans d'autres pays 65% à 90% de la variation des taux de la criminalité violente, avec des vagues d'augmentation de la criminalité qui suivent systématiquement l'augmentation de la plombémie moyenne, avec un léger décalage. C'était la première fois qu'un auteur liait si directement l'augmentation de comportements agressifs ou criminels à une exposition environnementale au plomb[25],[26].
Les résultats de cette étude ont été rappelés 7 ans après (en juillet 2007) par le Washington Post dans un article[27] qui a relancé l'intérêt porté à l’intoxication saturnine comme facteur de violence.
Les résultats de Rick Nevin ont en effet été confortés par les conclusions de Roger D. Masters[28] de l’Université de Dartmouth et des travaux similaires d'autres chercheurs non issus du monde de la médecine ou de la toxicologie. Un document de Jessica Reyes économiste d’Amherst est disponible en pré-publication en ligne[29]

Saturnisme et schizophrénie: On se demande depuis longtemps si le plomb peut expliquer certains troubles mentaux, dont certaines schizophrénies.
- En janvier 2004 un article du Scientific American estimait à propos de la schizophrénie que le blocage des récepteurs NMDA (protéine jouant un rôle essentiel dans le développement du cerveau et la cognition) pouvaient produire les symptômes de la schizophrénie, mais sans en expliquer le mécanisme.
- Il est depuis reconnu que le plomb est un puissant inhibiteur du récepteur NMDA, et notamment dans l'hippocampe[30].
- Selon un article récent (2007) sur l'encéphalopathie induite par l’exposition du cerveau au plomb, le plomb interfère aussi avec les phénomènes de neurotransmission liés au glutamate. Ceux-ci sont responsables de l’activité de plus de la moitié des synapses du cerveau humain, et sont essentiel pour l'apprentissage. Le récepteur du glutamate, réputé expliquer l’étonnante plasticité neuronale du cerveau et du développement, est une molécule réceptrice dénommée N-methyl-D-aspartate (NMDA). Or cette NMDA est sélectivement bloquée par le plomb, qui pour partie passe facilement les barrières méningées protégeant le cerveau. L’intoxication saturnine perturberait ainsi les réseaux neuronnaux de l’apprentissage et expliquerait les troubles de la conservation permanente de l'information nouvellement acquise par le cerveau[31].

« Saturnisme utérin » et schizophrénie  : Dans une étude[32] épidémiologique à long terme présentée au congrès annuel 2004 réunion de l'American Association for the Advancement of Science, à Seattle (États-Unis), Ezra Susser et son équipe ont à l’université Columbia de New York ont exploité les données de suivi d’un panel de 12 094 enfants nés à Oakland (Californie) de 1959 à 1966. Des échantillons de sérum sanguins collectés chez leurs mères alors qu'elles étaient enceintes, avaient été congelés et conservé pour une analyse ultérieure.
Les analyses ont montré que les enfants exposés in utero à des taux plus élevés de plomb présentaient un risque doublé de développer une schizophrénie ou des troubles apparentés plus tard. L'étude doit être prolongée sur d'autres populations et sur un panel d'enfants encore plus large, avec des questionnaires plus précis pour les mères afin d'essayer de déterminer s'il y a des périodes d'exposition in utero où le risque est plus élevé de provoquer une future schizophrénie (on peut supposer que la période dite de synaptogenèse est la plus critique, mais cela demande confirmation).
Ezra Susser a émis l'hypothèse d'un impact sur le cerveau du fœtus comparable à celui de l'alcool qui empêche précocement la formation de connexions neuronales, ce qui peut conduire à la mort de groupes de cellules qui auraient du jouer un rôle dans le développement futur du cerveau. Cette même étude a d'ailleurs détecté d'autres facteurs que le plomb qui peuvent aussi agir ou peut-être s'additionner. L'impact de l'alcool était connu, mais l'étude a montré que les enfant nés d'une mère qui a été grippée dans la première partie de sa grossesse ont trois fois plus de risque de développer une schizophrénie plus tard. D'autres études ont aussi montré un risque accru d'avoir un QI plus bas pour l'exposition in utero à ces trois facteurs (plomb, alcool, grippe).

Conclusion provisoire : les données semblent confirmer l'hypothèse émise depuis longtemps d'un lien (non exclusif) entre exposition au plomb (éventuellement in utero) et troubles comportementaux, générant d'éventuelles violences et conflits. Elles éclairent d’un jour nouveau les violences qui ont caractérisés certaines périodes et lieux ou caractérisent encore certaines zones géographiques où le plomb a été massivement utilisé par l’industrie, mais aussi par les armée et lors de guerres civiles (en particulier lors des guerres mondiales, et peut-être dès l’antiquité dans les zones de contamination de l'environnement ou des individus). Ces résultats incitent aussi à éradiquer au plus vite le plomb des munitions, y compris de chasse.

Traitement médical

  • Il commence avec l'arrêt de l'exposition, et si nécessaire la rénovation des logements anciens. Les enfants ne doivent pas avoir accès aux peintures écaillées. Le lavage fréquent des jouets, des mains, des ongles limite le risque. Faire couler l’eau du robinet de canalisations en plomb quelques instants avant consommation, éviter le gibier d'eau ou tué à la grenaille de plomb, les légumes et fruits de jardins pollués par le plomb, ainsi que les plats, poteries et vaisselle terre cuite, étain, argent soudé ou à usage décoratif, non certifié apte au contact alimentaire ; s’assurer de l’absence d’autres sources d’intoxication (ex grenaille de plomb avalée avec du gibier et stockée dans l'appendice); éviter les cosmétiques de type khôl ou surma et produits médicamenteux de provenance moyen-orientale ou asiatique.
  • Décontamination cutanée, si nécessaire.
  • Aide à l'élimination naturelle en cas d'exposition récente aiguë : lavage d'estomac, lavement.
  • Traitement chélateur, améliorant l'élimination par l'urine en transformant le plomb tétraéthyle assimilable par l'organisme en plomb inorganique. Ce traitement est associé à une hyperhydratation (perfusion ou absorption d'une grande quantité de liquides) afin d'augmenter ses effets (sous contrôle médical). Les traitements disponibles sont : l'EDTA (ou calcium édétate de sodium), le dimercaprol, le DMSA (succimer ou acide dimercaptosuccinique).
  • Le traitement des symptômes doit se poursuivre par un suivi à long terme, notamment chez l'enfant, la femme et la jeune femme en raison de séquelles possibles à long terme (en particulier par relargage du plomb stocké dans les os au moment de la grossesse ou de la ménopause).
  • Manger régulièrement une nourriture non contaminée, équilibrée et riche en vitamine C, vitamine D, fer et calcium limite l’absorption du plomb. Le rôle du calcium reste discuté chez l'homme, mais il reste recommandé par l'INVS.

Lutte contre le saturnisme

La reconnaissance en tant que maladie professionnelle a permis une meilleure prise en charge de la maladie dans les pays riches, où la détection et la prévention restent les deux piliers sanitaires de cette lutte. Les pays riches ont tous des programmes spécifiques de gestion du risque de saturnisme et de la maladie chez l'enfant, notamment aux États-Unis[33] La lutte contre le saturnisme, infantile notamment, reste à développer dans de nombreux pays notamment en Asie où il s'est fortement développé ou dans certains pays africains comme le Nigéria qui a connu les plus haut taux de plomb dans l'essence.

Article détaillé : Plomb (maladie professionnelle).

Détection

Elle est nécessaire pour planifier l'action et améliorer la prévention. Elle se fait, théoriquement au moins, dans la plupart des pays, s'appuyant surtout sur les déclarations obligatoires envoyés par les médecins aux autorités sanitaires, mais on sait que de nombreux cas sont confondus avec d'autres maladies. Quelques études épidémiologiques, souvent dans les grandes villes ou autour de sites industriels ont permis de mieux connaître la maladie.

En France

En France, cette maladie figure sur la liste des Maladies infectieuses à déclaration obligatoire, bien qu'il ne s'agisse pas d'une maladie infectieuse. Sans être contagieuse, elle peut en effet se transmettre de la mère à l'enfant.
Un programme d’actions s'appuie sur les dispositions de la loi [34], avec deux grands types de mesures :

  • Actions suites aux signalements (Art.L.1334-1 à 1334-4 du C.S.P.) ; chaque cas de saturnisme infantile ou d’un risque d’accessibilité au plomb, permet au préfet d'imposer un diagnostic de l’immeuble (par ses services ou par un opérateur agréé). Si une source de plomb est présente, il peut imposer les travaux palliatifs nécessaires. S'il y a refus du propriétaire, le préfet fait exécuter les travaux aux frais de ce dernier.
  • Prévention (Art.L.1334-5 à L.1334-6 du C.S.P.) ; un état des risques d’accessibilité au plomb doit désormais être annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d’achat d’un bien immobilier affecté en tout ou partie à l’habitation construit avant 1948 ou situé dans une zone à risque d’exposition au plomb (zone délimitée par arrêté préfectoral, généralement à partir des données INSEE ou de recensements passés).

Suite à des insuffisances dans l'application de cette loi, notamment grâce à l'association des familles victimes du saturnisme[35], une réglementation renforcée a vu le jour le 9 aout 2004, les décrets ayant été publiés deux ans plus tard[36] au journal officiel. La loi oblige à effectuer un Constat de Risque d'Exposition au Plomb (CREP) en cas de vente de logements anciens construits avant le 1er janvier 1949. Ce n'est seulement qu'à partir d'août 2008 que cette obligation est étendue aux nouvelles mises en location.

Un rapport annuel[37] décrit les cas de saturnismes chez les enfants (437 cas signalés en 2006). Une enquête de prévalence est conduite en 2008-2009 par l’InVS, car les seules données disponibles sont encore celles de 1995-1996 selon lesquelles 2 % des enfants âgés de 1 à 6 ans en France seraient victimes de saturnisme (environ 85 000 enfants)[38].

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Glorennec, Aide à la décision d'un dépistage systématique du saturnisme infantile autour des sites industriels en France, thèse Biologie et sciences de la santé Université Rennes I, 2006.
  • O. Kremp (2003) Conférence de consensus `Intoxication par le Plomb de l'enfant et de la femme enceinte, Prévention et prise en charge médico-sociale' Mercredi 5 et jeudi 6 novembre 2003, Université catholique – Lille. Organisé sous la présidence de O. Kremp, avec la participation de la Société française de pédiatrie et Société française de santé publique Recommandations de la conférence

Liens externes

Notes et références

  1. Rapport Afee n°3 repris in Revue du Palais de la découverte, volume 26, n°255, de février 1998
  2. Lead Toxicity: What is Lead?, United States Center for Disease Control. Consulté le 2007-09-09
  3. Lead Toxicity Cover Page, United States Center for Disease Control. Consulté le 2007-09-09
  4. Lead and Brain Injury. Consulté le 2007-08-14
  5. Lanphear, Hornung, et al, « Low Level Environmental Lead Exposure And Children's Intellectual Function: an International Pooled Analysis », Children's Health. Consulté le 2007-09-09
  6. Le saturnisme infantile ou "l'épidémie silencieuse", 1998, BIE Bulletin d'information épidémiologique
  7. Gittleman JL, Engelgau MM, Shaw J, et al. Lead poisoning among battery reclamation workers in Alabama. J Occup Med 1994;36:526-32.
  8. Whelan EA, Piacitelli GM, Gerwel B, et al. Elevated blood lead levels in children of construction workers. Am J Public Health 1997;87:1352-5.
  9. Nunez CM, Klitzman S, Goodman A. Lead exposure among automobile radiator repair workers and their children in New York City. Am J Ind Med 1993;23:763-77
  10. Lead in drinking water. Consulté le 2007-08-14
  11. Al-Saleh I, Nester M, DeVol E, et al. Determinants of blood lead levels in Saudi Arabian schoolgirls. Int J Occup Environ Health 1999;5:107-14.
  12. Mojdehi GM, Gurtner J. Childhood lead poisoning through kohl. Am J Public Health 1996; 86:587-8
  13. Sprinkle RV. Leaded eye cosmetics: a cultural cause of elevated lead levels in children. J Fam Pract 1995;40:358-62
  14. Warley MA, Blackledge P, O’Gorman P. Lead poisoning from eye cosmetic. BMJ 1968;1:117.
  15. Trotter RT 2d. Greta and Azarcon: a survey of episodic lead poisoning from a folk remedy. Hum Organ 1985;44:64-72.
  16. A fatal case of lead poisoning due to a retained bullet (cas fatal d’un empoisonnement au plomb induit par une balle non retirée)
  17. Increased lead absorption and lead poisoning from a retained bullet
  18. étudepubliée le 4 mai 2008 par le Children’s Hospital Medical Center, de Cincinnati, Ohio, USA
  19. Rapport INVS (2006)
  20. Skinner, H.C.W., 2000. In praise of phosphates, or why vertebrates chose apatite to mineralise their skeletal elements. Geol. Int. 42, 232–240.
  21. Tandon, S.K., Chatterjee, M., Bhargava, A., Shukla, V., Bihari, V., 2001. Lead poisoning in Indian silver refiners. Sci Total Environ. 281, 177–182.
  22. Gorell, J.M., Johnson, C.C., Rybicki, B.A., 1999. Occupational exposure to manganese, copper, lead, iron, mercury and zinc and the risk of Parkinson’s disease. Neurotoxicology 20 (2–3), 239–247
  23. « Toxicité du plomb chez les ruminants: 1. Surveillance biologique du saturnisme subclinique chez les bovins. 2. Toxicocinétique chez la brebis en lactation: modifications provoquées par le zinc et le cadnium » (Thèse de Smaïl Mehennaoui Fiche INIST/CNRS)
  24. Julian Josephson, Measuring Lead Effects Blood and Bone Together Are Better, Environmental Health Perspectives Vol.112, N°11, Aout 2004Lien vers article
  25. Research Links Lead Exposure to Changes in Violent Crime Rates Throughout the 20th Century, ICF International
  26. Nevin, Rick, « How Lead Exposure Relates to Temporal Changes in IQ, Violent Crime, and Unwed Pregnancy », dans Environmental Research, vol. 83, no 1, May 2000, p. 1-22 
  27. Research Links Lead Exposure, Criminal Activity, Washington Post (July 8, 2007). Consulté le 2007-07-13.
  28. Masters, Roger D., « Toxins, Brain Chemistry, and Behavior », Dartmouth University. Consulté le 2007-09-09
  29. Reyes, Jessica Wolpaw, « Environmental Policy as Social Policy? The Impact of Childhood Lead Exposure on Crime », 2007, National Bureau of Economic Research, Working Paper No. 13097 (prepublication). Consulté le 2007-09-09
  30. How Lead Changes the Brain to Impair Learning and Memory, How Lead Changes the Brain to Impair Learning and Memory. Consulté le 2007-08-14
  31. eMedicine - Lead Encephalopathy : Article by Christopher P Holstege, MD, FACEP, FACMT. Consulté le 2007-08-14
  32. Résumé / New Scientist
  33. exemple de Guide du CDC des États-Unis, de 2002 (Managing Elevated Blood Lead Levels Among Young Children: Recommendations from the Advisory Committee on Childhood Lead Poisoning Prevention)
  34. loi n°98-657 du 28 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions reprises dans le Code de la Santé Publique (Art.L.1334-1 à L.1334-6 et R.32-1 à R.32-12). et complétées par différents textes d’application
  35. AFVS
  36. art 72 à 78
  37. Description des cas de saturnisme de l’enfant survenus en France au cours de l’année 2006.
  38. Communiqué inserm 2008


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