Affaire Villemin

Affaire Villemin

Affaire Grégory

L'affaire Grégory est une affaire judiciaire française qui a pour point de départ le meurtre en octobre 1984 de Grégory Villemin, âgé de quatre ans. Les médias français et étrangers ont très largement couvert et exploité cette affaire[1].

Sommaire

Les faits

1984 : Corps de Grégory découvert dans la Vologne

Dans la soirée du 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin, âgé de quatre ans, est découvert dans la Vologne. L'enfant est mort noyé, mains et jambes liées, à Docelles, à sept kilomètres en aval de Lépanges-sur-Vologne, où il vivait avec ses parents, Christine et Jean-Marie Villemin.

Un mystérieux corbeau fait part du crime par un appel téléphonique donné à 17h32. Le lendemain, le 17 octobre, une lettre anonyme adressée à Jean-Marie Villemin revendique le crime : « J'espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. ». La lettre a été postée à Lépange-sur-Vologne, le jour du meurtre, avant la levée de 17h15 (d'après l'oblitération). Ce corbeau harcèlerait le couple Villemin depuis environ 4 années et la mort de Grégory est une exécution des menaces proférées au cours des quatre années. Au village, Jean-Marie Villemin est jalousé bien que sa réussite sociale ne soit pas arrogante.

1984 : Bernard Laroche est accusé

Bernard Laroche, cousin germain de Jean-Marie Villemin, est dénoncé par Murielle, sa belle-sœur de quinze ans. Elle se rétracte, et il clame son innocence, mais il est inculpé du crime par le juge d'instruction d'Épinal, Jean-Michel Lambert, le 5 novembre 1984. Sa nièce déclare en effet l'avoir vu partir avec Grégory, à l'endroit où celui ci fut retrouvé, puis "revenir seul". Les éléments à charge contre Bernard Laroche sont la première étude graphologique, qui le désignait comme corbeau; ainsi qu'un "B L" déformant le bas d'une des lettres du corbeau. Néanmoins cette pièce maitresse du dossier ayant été abîmée, sans le témoignage de la jeune Murielle, le dossier reste bien maigre. Même si pour la police, la supposée jalousie de Bernard Laroche pour son cousin pour sa réussite sociale et familiale forme un mobile valable.

Le 4 février 1985, le juge, contre l'avis du ministère public, libère Bernard Laroche, qui reprend son travail. Ce jour-là, devant les journalistes, Jean-Marie Villemin annonce son intention de le tuer à la sortie de son travail. Mme Laroche demande alors la protection de la police qui la refuse. Le 29 mars, Bernard Laroche est abattu d'un coup de fusil par Jean-Marie Villemin comme celui-ci l'avait annoncé, car il lui imputait l'assassinat de son fils. Mme Laroche devenue veuve a ensuite obtenu la condamnation de l'Etat pour ne pas avoir empêché la mort annoncée de son mari[2]

1985 : Christine Villemin est accusée

La rumeur dans la région laisse entendre que le corbeau et meurtrier pourrait être la mère de Grégory, qui aurait été vue à la Poste le jour du drame par les témoignages concordant de trois collègues de travail. Le 5 juillet 1985, le juge Lambert inculpe Christine Villemin d'assassinat et la place sous mandat de dépôt. Les éléments à charge sont une nouvelle étude graphologique la désignant comme le corbeau, ainsi que des cordelettes identiques à celles ayant ficelé Grégory retrouvées dans la cave du domicile familial. Onze jours plus tard, la chambre d'accusation de Nancy, constatant l'absence totale de charges, la libère. Son cas divise radicalement les acteurs de l'affaire, entre ceux qui sont persuadés de son innocence et ceux qui la considèrent coupable. Bien plus tard, le fait que Mme Villemin n'ait pu passer le coup de téléphone de 17h32 (elle était en voiture, coincée derrière un bus scolaire dont le chauffeur est rentré chez lui après 17h32) l'innocentera pour la justice définitivement. Marguerite Duras, dans un article publié par le quotidien Libération, qualifiera le crime, qu'elle lui attribue, de « sublime, forcément sublime ». Au bout de sept ans d'une enquête qui ne fait apparaître aucun indice l'accusant, Christine Villemin bénéficie d'un non-lieu le 3 février 1993, non-lieu rendu pour « absence totale de charges », une première en droit pénal (il s'agissait par là de rappeler que le dossier d'instruction était vide de charges contre elle).

L'enquête sera l'occasion de tous les dérapages : violations du secret de l'instruction et de la vie privée ; partis-pris de la presse ; manque de précautions des enquêteurs dans la collecte des indices ; indécision des magistrats ; rivalité exacerbée entre la Gendarmerie et le SRPJ ; inexpérience du juge d'instruction. Bien que l'affaire passionne l'opinion publique, le meurtrier n'a jamais pu être identifié.

Jean-Marie Villemin a été jugé pour l'assassinat de Bernard Laroche en novembre 1993 à Dijon, où l'affaire avait été dépaysée. Après six semaines d'audience, il est condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis. Deux semaines plus tard, ayant purgé l'essentiel de sa peine lors de la détention préventive, il est libéré. Le juge Lambert, qui avait manqué de maîtrise du dossier, est qualifié par les juges de « mémorable funambule de la pensée »[3].

2003 : Analyse ADN

Début 2003, l'espoir a été relancé par l'analyse de l'ADN présent sur un demi-timbre qui aurait pu conserver la salive du « corbeau ». Les analyses n'ont rien donné. Le 3 février 2003, le dossier du meurtre de Grégory Villemin, non élucidé, est définitivement clos. L'État français est condamné le 28 juin 2004 à verser 35 000 euros d'indemnités pour « faute lourde » à chacun des époux Villemin, qui vivent désormais dans l'Essonne.

Contre l’avis du parquet, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande de réhabilitation de Jean-Marie Villemin, condamné en 1993 à cinq ans d'emprisonnement pour l'assassinat de son cousin Bernard Laroche, qu'il suspectait d'avoir tué son fils. Jean-Marie Villemin n’a jamais contesté être l’auteur du meurtre de son cousin mais la loi permet à tout condamné de déposer une requête en réhabilitation. Ce qu’il avait fait en avril 2005.

2008 : Réouverture de l'instruction

Le 9 juillet 2008, le procureur général de la Cour d'appel de Dijon a annoncé qu'il requerrait la réouverture de l'instruction judiciaire concernant l'assassinat du garçonnet pour procéder à des tests sur l'ADN, auparavant jugé inexploitable, qui aurait pu être laissé par le "corbeau" sur un timbre[4]. Le 3 décembre 2008, la cour d'appel de Dijon a ordonné la réouverture de l'enquête »[5].

Témoignages

  • Laurence Lacour, Le Bûcher des innocents, éd. Les Arènes, paru en 1993, réédité en 2006, 1er prix du livre d'investigation 2006. Alors, jeune journaliste à Europe 1, elle était restée quatre ans dans les Vosges pour couvrir le déroulement de l’affaire. Dans son livre, elle relate le drame et les dérapages des journalistes, enquêteurs et magistrats. Selon elle, l'affaire Grégory a abouti à plusieurs réformes : la création de l'Institut de recherche criminelle au sein de la Gendarmerie nationale et le vote de la première loi sur la présomption d'innocence en janvier 1993. Elle considère également que l'affaire a suscité chez les journalistes une certaine prise de conscience des écueils possibles dans le traitement des faits divers.
Pascal Bonitzer et Raoul Peck ont adapté ce livre pour écrire le scénario d’un téléfilm retraçant les dérives et les rebondissements de l’enquête. Réalisé par Raoul Peck, L'Affaire Villemin est diffusé sur France 3, les 28, 29 et 30 octobre 2006 en 6 épisodes de 55 mn : La Foudre, La Meute, L'Engrenage, Dérapage, La Traque et L'Espoir. Seuls les époux Villemin — joués par Armelle Deutsch et Francis Renaud — et la journaliste Laurence Lacour ont accepté de garder leur identité.
  • Christophe Hondelatte, Faites entrer l'accusé. L'Assassinat du petit Grégory, éd. Michel Lafon, avril 2005. D’après l’émission télévisée, Faites entrer l'accusé, réalisée par Bernard Faroux, présentée par Christophe Hondelatte. L'histoire est relatée pendant près de 2 heures avec de nombreuses images d'archives et des intervenants de l'époque. Diffusée sur France 2, en 2003, rediffusée le 22 janvier 2006 et les 10 et 13 février 2009.
  • Colonel (en retraite) Étienne Sesmat, Les deux affaires Grégory, éd. Belmond, août 2006. Capitaine de Gendarmerie à l'époque des faits, il fut le premier à conduire l'enquête. Aujourd’hui, il sort de son silence en apportant des informations précises sur les débuts de l’enquête et répond aux accusations dont la gendarmerie a été la cible en soulevant certaines questions. Pourquoi furent-ils dessaisis au profit de la police alors qu'ils savaient déjà beaucoup de choses et qu’ils étaient sur le point de toucher au but ? Pourquoi a-t-il fallu neuf années à la justice pour parvenir aux mêmes conclusions que celles rendues par la gendarmerie au bout de trois semaines ? Néanmoins, il rend hommage à feu le Président Simon pour avoir eu le courage d'abandonner les charges contre Christine Villemin. Il n'est en revanche pas tendre avec le juge Lambert, le commissaire Corazzi et la presse.
  • Denis Robert, Au cœur de l’affaire Villemin, éd. Hugo doc. octobre 2006. Recueil de reportages, chroniques, comptes rendus d’audiences et photos d’époque. Envoyé spécial pour Libération, le journaliste fut surnommé « le rat de la Vologne », lors de sa couverture du fait divers. Ce livre fut écrit après sa réaction au roman de Philippe Besson, L’Enfant d’octobre, Grasset, 2006 – dans lequel l’auteur se met dans la peau de Christine Villemin.
  • L'Affaire Villemin, Minisérie télévisée de Raoul Peck (France, 2006, 6x52mn) d’après Le Bûcher des innocents de Laurence Lacour et Le Seize octobre de Christine et Jean-Marie Villemin.
  • Loïc Le Ribault, Affaire d'Etat? ou Le Livre Noir des clowns en bleu (dossier de presse, p. 49-52): créateur du Centre d'Applications et de Recherches en Microscopie électronique (CARME), il est reçu le 6 juillet 1987 par le juge Simon dans son bureau de Dijon, et lui expose les microanalyses qu'il peut entreprendre afin de contribuer à la volonté du juge Simon de réparer les erreurs des enquêteurs précédents (p. 49). Loïc Le Ribault constate le peu de soin et de considération apporté aux scellés (p. 50). Le juge Simon rédige quatre projets d'ordonnances de commission d'expert à son intention (p. 50-51. Mais la police et la gendarmerie, informées de sa prochaine nomination dans l'affaire Grégory en tant qu'expert, et craignant que le CARME ne montre leurs erreurs et ne les humilie en réussissant là où ils ont échoué (rivalité, jalousie...), interviennent auprès du parquet afin que le magistrat ne fasse pas appel au CARME (p. 51).

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « La fièvre journalistique, telle qu’elle s’est développée ces dernières années, pousse à entrer dans le premier registre. L’information d’abord, dans un traitement de plus en plus nerveux… [...] Il faut lire le récit minutieux de l’affaire Grégory fait par Laurence Lacour, dans Le Bûcher des innocents (éd. Plon), pour comprendre quelle spirale infernale s’est ainsi peu à peu installée » écrit Vincent Hugeux, « L’éthique des journalistes », Étvdes, 2004/2 - Tome 400, p. 223-236.
  2. TC 19 octobre 1998 Demoiselle Bolle
  3. POLICEtcetera - Blog LeMonde.fr
  4. Affaire Grégory: la justice ne renonce pas, Geoffroy Tomasovitch, Le Parisien, 10 juillet 2008.
  5. « La justice rouvre l'enquête sur la mort du petit Grégory », Le Monde, 3 décembre 2008.
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