Ephrem le Syrien

Ephrem le Syrien

Éphrem

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Éphrem le Syrien

Éphrem le Syrien (en syriaque :ܐܦܪܝܡ ܣܘܪܝܝܐ, Ap̄rêm Sûryāyâ; en grec : Ἐφραιμ Συρος, Ephraim Syros; en latin : Ephraem Syrus) naquit à Nisibe vers 306 et vécut à Édesse ; il mourut en 373.

C'est un saint chrétien reconnu par les Églises catholiques et orthodoxes fêté le 28 janvier.

Sommaire

Rôle et œuvres

C'était un diacre, théologien et auteur prolifique d'hymnes en langue syriaque, du IVe siècle, d'une très grande importance autant pour l'Église catholique que pour l'Église orthodoxe. Il fut reconnu comme docteur de l'Église catholique. Il est vénéré comme un saint par les chrétiens du monde entier, mais particulièrement parmi ceux de Syrie.

Éphrem a écrit avec la plus grande variété des hymnes, des poésies et des homélies en vers, aussi bien que des commentaires bibliques en prose. Il s'agissait pour ces derniers d'ouvrages de théologie pratique pour l'édification de l'Église en des temps troublés.

Ses œuvres étaient si populaires qu'on allait jusqu'à les lire à l'office au titre d'écritures inspirées, comme on le fit un certain temps pour le Pasteur d'Hermas et les Épîtres de Clément Romain, et que durant des siècles après sa mort, des auteurs chrétiens rédigèrent sous son nom des centaines d'ouvrages pseudépigraphiques.

Les écrits d'Éphrem témoignent d'une expression de la foi chrétienne encore primitive mais vibrante, peu influencée par les modes de pensée européens et plus enracinée dans les façons de parler de l'Orient.

Biographie

Éphrem naquit vers 306, dans la ville de Nisibe (aujourd'hui Nusaybin en Turquie, à la frontière syrienne).

En se fondant sur l'hymnologie d'Éphrem, la critique interne suggère que ses deux parents faisaient partie de la communauté chrétienne croissante de la ville, bien que plus tard des hagiographes aient écrit que son père était un prêtre païen qui, de colère en voyant son fils converti, l'aurait chassé de sa maison. On parlait de nombreuses langues à Nisibe au temps d'Éphrem, surtout des dialectes araméens. La communauté chrétienne se servait du dialecte syriaque.

Diverses religions païennes, le judaïsme et quelques-unes des premières sectes chrétiennes rivalisaient entre elles pour gagner les cœurs et les esprits du peuple. C'était une époque de grande tension religieuse et politique.

En 298 l'empereur romain, Dioclétien avait signé avec son homologue de Perse, Narseh, un traité qui transférait Nisibis aux Romains. La persécution violente et le martyr de chrétiens sous Dioclétien étaient un souvenir vivace de l'Église nisibienne dans la jeunesse d'Éphrem.

Jacob, le premier évêque de Nisibe, fut nommé en 308 et Éphrem grandit alors qu'il dirigeait la communauté. Jacob de Nisibe est signalé comme un des signataires au premier Concile de Nicée en 325. Éphrem fut baptisé quand il était jeune homme et, presque certainement, il est entré dans une fraternité, une forme inhabituelle du proto-monachisme syrien. Jacob le nomma professeur (en syrien malp̄ānâ, titre qui est toujours très respecté chez les chrétiens syriaques).

Il fut ordonné diacre, soit à l'occasion de son baptême, soit plus tard.

Il commença à composer des hymnes et écrire des commentaires bibliques dans le cadre de ses fonctions éducatives. Dans ses hymnes, il parle quelquefois de lui comme d'un « berger de brebis » (`allānâ), de son évêque comme d'un pasteur (rā`yâ) et de sa communauté comme d'un bercail (dayrâ). La tradition populaire voit en Éphrem le fondateur de l'école de Nisibe, qui dans les siècles suivants fut le centre éducatif de l'Église orientale.

En 337 mourut l'empereur Constantin, qui avait favorisé le christianisme dans l'Empire romain. Saisissant cette occasion, Shapur II de Perse commença une série d'attaques dans le Nord de la Mésopotamie romaine.

Nisibe fut assiégée en 338, 346 et 350. Éphrem affirme que, pendant le premier siège, c'est l'évêque Jacob qui a défendu la ville par ses prières. Cet évêque pour lequel Éphrem avait beaucoup d'affection mourut peu après et Babou dirigea l'église dans ces temps troublés, remplis d'escarmouches de frontière. Lors du troisième siège, en 350, Shapur détourna le cours de la rivière Mygdonius pour faire crouler les murs de Nisibe.

Les Nisibéniens réparèrent rapidement les murs tandis que la cavalerie d'éléphants de l'armée perse s'embourbait dans la terre humide. Éphrem célébra le sauvetage miraculeux de la ville dans un hymne où il la comparait à l'Arche de Noé flottant en sécurité au-dessus de l'inondation.

Un important lien physique avec le temps où vécut Éphrem est le baptistère de Nisibis. L'inscription dit qu'il fut construit en 359 sous l'évêque Vologèse. C'était l'année où Shapur recommença à ravager la région. Les villes autour de Nisibis furent détruites l'une après l'autre et leurs habitants tués ou expulsés. L'Ouest de l'Empire romain était l'objet de graves préoccupations tandis que Constance et Julien luttaient pour le pouvoir. Finalement, après la mort de Constance, Julien l'Apostat se mit en marche vers la Mésopotamie. Il s'avança dans une campagne imprudente vers la capitale perse, Ctésiphon, au cours de laquelle, submergé par le nombre, il fut contraint à une retraite immédiate. Julien périt à cette occasion et l'armée élut Jovien comme nouvel empereur. À la différence de son prédécesseur, Jovien était chrétien nicéen. Les circonstances le contraignirent à demander à Shapur un armistice et à céder Nisibis à la Perse, avec la clause que la communauté chrétienne de la ville pourrait partir. L'évêque Abraham, successeur de Vologèse, conduisit ses fidèles en exil.

Éphrem se retrouva au milieu d'un grand nombre de réfugiés qui avaient fui vers l'ouest, d'abord à Amida (Diyarbakır), et qui s'étaient installés finalement à Édesse (aujourd'hui Şanlıurfa) en 363. Éphrem, vers la fin de la cinquantaine, se remit au travail dans sa nouvelle Église et semble avoir continué à enseigner, peut-être à l'École d'Édesse. Au cœur du monde de langue syriaque, cette ville abritait un grand nombre de philosophies et de religions rivales. Éphrem remarque que les chrétiens fidèles à l'orthodoxie nicéenne étaient simplement appelés « Palutiens » à Édesse, d'après le nom d'un ancien évêque. Les différentes sectes : ariennes, marcionites, manichéennes, bardaisanites et gnostiques, se proclamaient chacune comme la vraie Église. Dans cette confusion, Éphrem écrivit un grand nombre d'hymnes pour défendre l'orthodoxie nicéenne. Un auteur syriaque tardif, Jacob de Serugh, a écrit qu'Éphrem utilisa des chœurs entièrement féminins pour faire chanter sur le forum d'Édesse ses hymnes adaptées aux mélodies populaires syriaques. Après avoir résidé dix ans à Édesse, et alors qu'il avait dépassé la soixantaine, Éphrem succomba à la peste pendant qu'il prodiguait ses soins spirituels aux malades. La date la plus probable pour sa mort est le 9 juin 373.

Écrits

Plus de quatre cents hymnes composés par Éphrem nous sont parvenus. Comme on sait que certains ont été perdus, la productivité d'Éphrem n'est pas douteuse. L'historien de l'Église Sozomen lui attribue plus de trois millions de vers. Éphrem réunit dans sa manière d'écrire un triple héritage : il a pris les modèles et les méthodes au premier judaïsme rabbinique, il utilise adroitement avec la science et la philosophie grecques et il goûte la tradition mésopotamienne et perse du symbolisme mystérieux.

Les plus importants de ses travaux sont ses hymnes lyriques et didactiques (madrāšê). Ces hymnes sont remplis d'une riche imagerie tirée des sources bibliques, de la tradition populaire et d'autres religions et philosophies. Les madrāšê sont écrits en strophes de vers syllabiques mettant en œuvre plus de cinquante schémas métriques différents. Chaque madrāšâ avait son qālâ, un air traditionnel identifié par son premier vers. Tous ces qālê sont maintenant perdus. Il semble que Bardaisan et Mani aient composé des madrāšê et qu'Éphrem ait estimé convenable d'utiliser contre eux leurs propres armes. Les madrāšê sont rassemblés dans des cycles d'hymne différents. Chaque groupe a un titre — Carmina Nisibena, Sur la Foi, Sur le Paradis, Sur la Virginité, Contre les Hérésies — mais certains de ces titres ne reflètent pas la totalité de la collection (par exemple, seule la première moitié du Carmina Nisibena parle de Nisibis). Chaque madrāšâ avait d'habitude un refrain (`unîṯâ), répété après chaque strophe. Des auteurs récents ont suggéré que les madrāšê ont été chantés par des chœurs entièrement féminins avec accompagnement de lyre.

Éphrem a aussi écrit, en distiques heptosyllabiques, des homélies en vers (mêmrê). Ces sermons en poésie sont loin d'être aussi nombreux que les madrāšê.

La troisième catégorie des écrits d'Éphrem est son travail en prose. Il a écrit des commentaires bibliques sur le Diatessaron (Harmonisation des Évangiles simple, utilisée par l'Église syriaque primitive), sur la Genèse et l'Exode et sur les actes des Apôtres et les épîtres de Paul. Il a aussi écrit des réfutations contre Bardaisan, Mani, Marcion et d'autres.

Éphrem a écrit exclusivement en syriaque, mais il existe des traductions de ses œuvres en arménien, copte, géorgien, grec et d'autres langues. Certaines n'existent plus qu'en traduction (surtout en arménien). Les Églises syriaques utilisent toujours beaucoup d'hymnes d'Éphrem dans le cadre du cycle liturgique annuel, mais la plupart d'entre eux sont des versions revues et adaptées.

Le texte critique le plus complet et le plus authentique d'Éphrem a été compilé entre 1955 et 1979 par Dom Edmund Beck OSB dans le cadre du Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium.

Éphrem le Grec

Les méditations subtiles d'Éphrem sur les symboles de la foi chrétienne et sa position contre l'hérésie ont partout fait de lui dans l'Église une source populaire d'inspiration. C'est à ce point qu'il existe à son sujet un énorme corpus de pseudépigraphie et d'hagiographie légendaires.

Certaines de ces compositions sont en vers, souvent une version de ses distiques heptosyllabiques. La plupart de ces œuvres sont des compositions en grec très tardives. Les chercheurs attribuent souvent ce corpus (Clavis Patrum Græcorum 3905-4175) à un seul auteur, imaginaire, qu'ils appellent Éphrem le Grec ou Ephraem Graecus (par opposition au vrai Éphrem le Syrien). Cela ne signifie pas que tous les textes en grec attribués à Éphrem soient des faux, mais beaucoup le sont. Bien que les compositions grecques soient la source principale de la matière pseudépigraphique, il y a aussi des œuvres en latin, en slavon et en arabe. Il y a eu très peu d'études critiques de ces documents et beaucoup sont encore vénérés par certaines Églises qui les regardent comme authentiques.

La plus connu d'entre eux est la Prière de Saint Éphrem qui fait partie de la liturgie pour la plupart des jours de jeûne dans le christianisme oriental:

Seigneur et maître de ma vie,
ne m'abandonne pas à l'esprit d'oisiveté, d'abattement,
de domination et de vaines paroles.
Mais accorde-moi l'esprit d'intégrité, d'humilité,
de patience et d'amour,
à moi ton serviteur.
Oui, Seigneur Roi,
donne-moi de voir mes fautes
et de ne pas juger mon frère,
car Tu es béni dans les siècles des siècles.
Amen.
Ô Dieu, purifie-moi, pêcheur. (12 fois)

Lors de l'audience générale du mercredi 28 novembre 2007, le Pape Benoît XVI présenta Saint Ephrem et les particularités de son oeuvre. On peut en retenir le passage suivant :

"La réflexion d'Ephrem sur le thème de Dieu créateur est importante : rien n'est isolé dans la création, et le monde est, à côté de l'Ecriture Sainte, une Bible de Dieu. En utilisant de manière erronée sa liberté, l'homme renverse l'ordre de l'univers. Pour Ephrem, le rôle de la femme est important. La façon dont il en parle est toujours inspirée par la sensibilité et le respect : la demeure de Jésus dans le sein de Marie a grandement élevé la dignité de la femme. Pour Ephrem, de même qu'il n'y a pas de Rédemption sans Jésus, il n'y a pas d'incarnation sans Marie. Les dimensions divines et humaines du mystère de notre rédemption se trouvent déjà dans les textes d'Ephrem ; de manière poétique et avec des images fondamentalement tirées des Ecritures, il anticipe le cadre théologique et, d'une certaine manière, le langage même des grandes définitions christologiques des Conciles du Ve siècle." (source : Zenit)

Son culte en tant que saint

Une icône contemporaine (roumaine) représentant Éphrem comme le veut la tradition habillé comme un moine (aux habits marrons tirant sur l'orange — couleur du Feu de l'Esprit Saint)

Peu après la mort d'Éphrem, des récits légendaires sur sa vie ont commencé à circuler. Une des « modifications » les plus anciennes est l'affirmation que son père aurait été un prêtre païen d'Abnil ou d'Abizal. Pourtant, la critique interne indique qu'il a été élevé par des parents chrétiens. Cette légende peut relever de la polémique antipaïenne, ou au plus refléter la religion de son père avant qu'il passât au christianisme.

La deuxième légende attachée à Éphrem est qu'il était moine. À son époque, le monachisme était tout à fait à ses débuts en Égypte. Il semble avoir fait partie d'une fraternité, une communauté urbaine de chrétiens étroitement unie qui s'étaient engagés eux-mêmes à servir et garder la continence. Certains des termes syriaques par lesquels Éphrem a eu l'habitude de décrire sa communauté ont été plus tard utilisés pour décrire des communautés monastiques, mais affirmer qu'il était moine constitue un anachronisme. Les hagiographes postérieurs l'ont souvent décrit comme un rigoureux ascète, mais la critique interne de ses écrits authentiques montre qu'il a joué un rôle très actif, tant à l'intérieur de sa communauté ecclésiale que comme témoin envers ceux du dehors. Éphrem est vénéré comme un exemple de discipline monacale dans le christianisme oriental. Dans le schéma hagiographique orthodoxe, il est compté au nombre des moines qu'on vénère.

On croit dans le peuple qu'Éphrem a fait des voyages légendaires. Au cours de l'un d'eux il aurait rendu visite à Basile de Césarée, ce qui relierait le Syrien Éphrem aux Pères de Cappadoce et jetterait un pont important en théologie entre leurs conceptions spirituelles à tous deux, qui ont beaucoup de points communs. Éphrem est censé aussi avoir visité Anba Bishoi (Pisoes) dans les monastères du Wadi Natun en Égypte. Comme dans le cas de la visite légendaire chez Basile, cette visite est un pont en théologie entre les origines du monachisme et sa propagation dans toute l'Église.

Le 5 octobre 1920, le pape Benoît XV proclama Éphrem Docteur de l'Église. Cette déclaration fut faite avant que fussent disponibles des éditions critiques des écrits authentiques d'Éphrem.

Le titre le plus populaire pour Éphrem est « Harpe de l'Esprit » (en syriaque Kenārâ d-Rûḥâ). Il est appelé également « Diacre d'Édesse », « Soleil des Syriens » et « Colonne de l'Église ».

Aujourd'hui, saint Éphrem offre un modèle à suivre pour le christianisme asiatique, il pourrait fournir une source théologique pour les communautés chrétiennes qui veulent s'évader du moule culturel européen. Éphrem montre aussi que la poésie n'est pas seulement un véhicule parfaitement légitime pour la théologie, mais qu'elle est dans ce domaine bien supérieure au discours philosophique. Il donne un exemple de lecture de la Bible qui est enracinée dans la foi plus que dans l'analyse critique. Son sentiment profond d'un accord entre toutes les choses créées pourrait lui faire jouer dans l'Église le rôle d'un saint écologiste. Des études modernes concernant la façon dont Éphrem voyait les femmes le regardent comme un champion du féminisme dans l'Église. D'autres études se sont concentrées sur l'importance de son image comme saint guérisseur. Éphrem présente donc à l'Église contemporaine l'exemple d'un saint orthodoxe engagé dans une théologie qui est en même temps non occidentale, poétique, écologique, féministe et tournée vers la guérison.

Références

  • Brock, Sebastian P (1985). The luminous eye: the spiritual world vision of Saint Ephrem. Cistercian Publications. ISBN 0-87907-624-0.
  • Brock, Sebastian (trans) (1990). Hymns on paradise: St. Ephrem the Syrian. St Vladimir's Seminary Press, Crestwood, New York. ISBN 0-88141-076-4.
  • Griffith, Sidney H (1997). Faith adoring the mystery: reading the Bible with St. Ephraem the Syrian. Marquette University Press, Milwaukee, Wisconsin. ISBN 0-87462-577-7.
  • Matthews, Edward G and Joseph P Amar (trans), Kathleen McVey (ed) (1994). Saint Ephrem the Syrian: selected prose works. Catholic University of America Press. ISBN 0-8132-0091-1.
  • McVey, Kathleen E (trans) (1989). Ephrem the Syrian: hymns. Paulist Press. ISBN 0-8091-3093-9.
  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Ephrem the Syrian ».

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