Ernest Henry

Ernest Henry

Ernest Henry (1885 à Genève en Suisse - 1950 à Paris en France) est un ingénieur mécanicien. Il a lié son nom aux célèbres moteurs de course, qu'il dessina surtout pour Peugeot et Ballot, qui dominèrent de 1912 à 1921 la plupart des grandes courses automobiles de l'époque. Il fut le précurseur de la technique de compétition moderne.

Biographie

Après des études de mécanique appliquée au Technicum (École d'ingénieurs) de Genève, Ernest Henry travaille, dès 1906, sur des moteurs marins, puis vient s'installer à Paris, en 1909, au service du motoriste Labor (marine et aviation), avant de rejoindre les rangs de Peugeot en 1911.

Il intégrera peu après l'équipe des Charlatans, (nom donné à cette équipe par les cadres technique de chez Peugeot à Beaulieu), composée alors des pilotes officiels Peugeot, Jules Goux, Georges Boillot, René Thomas, et de Paolo Zuccarelli, transfuge de chez Hispano-Suiza, qui avait réussi à convaincre Robert Peugeot, dont la firme Lion-Peugeot venait, en 1910, de fusionner avec les établissements Peugeot d'Audincourt, et nouveau dirigeant cette l'entreprise, de se lancer dans l'étude et le financement d'un projet de voiture de course, moderne, destinée au Grand Prix de l'Automobile Club de France (ACF) et à la Coupe de l'Auto de 1912.

Ernest Henry, qui avait alors 27 ans, partait d'une planche à dessin et d'une feuille blanche, ce service compétition, travail en grand secret à Suresnes dans l'ex-usine Rossel), avec un budget alloué par l'usine Peugeot, grâce à l'habileté et a l'ingéniosité d'Ernest Henry qui saura matérialiser les idées novatrices et parfois un peu iconoclastes de l'équipe; qui, par expérience, voulait obtenir de hauts régimes grâce à l'utilisation d'un double arbre à cames en tête entrainé par arbre avec un couple conique à chaque extrémité, actionnant quatre soupapes inclinées pour chacun des quatre cylindres; un très, très, bon moteur quatre cylindres double arbre à cames en tête, culasse avec chambre de combustion de forme hémisphérique, 16 soupapes en V, de 7,6 l de cylindrée dont on n'a pas fini de parler, voit le jour au début de 1912.

Comme le châssis de cette voiture était également beaucoup plus léger et tenait mieux la route que les monstres des premiers âges, la nouvelle Peugeot, première voiture de grand prix, devint très rapidement la voiture à battre, selon la monte en pneumatique elle pouvait atteindre 190 km/h.

Ces voitures type L76 (L pour Lion) seront engagées au Grand Prix de l'ACF qui se déroulait en formule libre, avec une cylindrée de 7,6 l, et en version 3 l type L3 pour la Coupe de l'Auto, à laquelle n'étaient admises que les voitures de cette cylindrée maximale.

Les Peugeot L76 et L3, sortiront vainqueur du Grand Prix de l'ACF à Dieppe, de la course de côte du Mont Ventoux (avec le record), de la Coupe de l'Auto, du Circuit des Ardennes, du meeting de Boulogne, de la Coupe de la Sarthe, rien ne leur échappe, faisant ainsi triompher les idées de l'équipe, ainsi que la qualité du travail effectué par Ernest Henry.

Ces moteurs, dont Ernest Henry peut en revendiquer indiscutablement la paternité, feront date dans l'histoire de l'automobile. Ils ne sont ni les premiers « 4 soupapes par cylindres » ni les premiers « double arbre à cames en tête », mais ils sont les premiers au monde à combiner les deux techniques. Tous les moteurs de course les plus performants, jusqu'à l'actuelle Formule 1, reprendront cette formule, qui devient aujourd'hui universelle jusqu'en production de série. Le 7,6 l arbore, de surcroît, une commande desmodromique des soupapes et un vilebrequin porté par des roulements à billes.

En 1913, sur une nouvelle évolution de ce moteur en version 5,6 l et 3 l, la commande de distribution, jusqu'alors effectuée par arbre et couples coniques est remplacée par une cascade de pignons, et la lubrification modifiée par l'adjonction d'un carter sec.

Il dessinera également, en 1913, un moteur bicylindre vertical de 500 cm3 destiné aux motos de course, qui reprenait les caractéristiques techniques, double arbre à cames en tête, actionnés par une cascade de pignons, 4 soupapes par cylindre, des moteurs auto, dont sera dérivé un monocylindre de 250 cm3, ces moteurs très sophistiqués, pour l'époque, se révèleront fragiles en utilisation, mais très performants.

1913 sera une grande année dans l'histoire de Peugeot et de l'automobile française , le 30 mai Jules Goux au volant d'une L76 (avec la cylindrée moteur ramenée à 7.3 l), gagne les 500 miles d'Indianapolis, 804,5 km à 122,155 km/h de moyenne, c'est la première victoire d'une voiture européenne aux États-Unis, le retentissement, des deux côtés de l'atlantique est énorme, surtout que cette victoire fut acquise devant tout le " gratin automobile " mondial, les nouvelles 5,6 l font 1re et 2e au GP de l'A.C.F., gagne au Mont-Ventoux, une L76 profilée bat le records de l'heure à 170,788 km/h sur l'anneau de vitesse du Circuit de Brooklands, et s'adjuge plusieurs autres records sur le même circuit aux mains de Goux et Boillot.

En 1914, les voitures passent en 2,5 l et 4,5 l tout en conservant la même conception technique du moteur, les résultats , dues à des problèmes techniques autres que mécanique (pneus en particulier) ne seront pas aussi brillant qu'en 1913 mais néanmoins les Peugeot feront 2ème et 4ème aux 500 miles d'Indianapolis (Arthur Duray avec une 3 l et Jules Goux avec la 5,6 l) et Georges Boillot avec la 4,5 l tiendra tête à l'armada Mercedes jusqu'au dernier tour de l'historique Grand Prix de l'A.C.F. disputé le 4 juillet 1914 , un mois avant le début du premier conflit mondial, avant d'abandonner non sans avoir pris des risques sérieux pour compenser le retard dû aux nombreux arrêts causés par des pneus défectueux.

En 1915, avec une Peugeot du même type que celle de 1914, avec le moteur de 4,5 l le pilote Dario Resta se classa 2ème aux 500 miles d'Indianapolis et gagna l'année suivante à la moyenne de 133,994 km/h , la troisième victoire Peugeot à Indianapolis fut remportée en 1919 lorsque les glorieuses 4,5 l (de 1914) de Howard Wilcox et de Jules Goux s'adjugèrent respectivement la 1re et la 3e place, la L25 gagnera pour sa part la Targa Florio en 1919.

L'avance technique des conceptions d'Ernest Henry était telle qu'elle permettait encore à ces moteurs, 5 ans après leurs création, de gagner des courses, alors qu'il n'étaient plus développés par l'usine, Ernest Henry ayant avait quitté Peugeot entre-temps.

Ces performances ne resteront pas sans suite aux États-Unis, le dessin du moteur Peugeot va influencer durablement les ingénieurs américains pendant de nombreuses années.

Les voitures des précédentes campagnes qui sont restées aux États-Unis, seront vendues à des pilotes américains, qui les feront entretenir par des motoristes locaux, parmi ceux-ci Harry Arminius Miller qui ne tardera pas à copier cette architecture mécanique exceptionnelle pour faire triompher ses propres moteurs en version 4 et 8 cylindres, puis après la faillite de Miller ce sera un de ces employés, Fred Offenhauser qui construira sous son nom, dans les années 1930, ce type de moteur en version 4 cylindres et ce jusqu'à la fin des années 1970, la dernière victoire en catégorie Indy d'un Offenhauser date de 1976...

Ernest Henry, lui, a quitté Peugeot en février 1915, remplacé par l'ingénieur Marcel Grémillon qui, accessoirement, développera en 1920-1921 une variante du L3 à trois ACT et cinq soupapes par cylindre...

En 1915, Ernest Henry, qui n'était pas mobilisable en raison de sa nationalité suisse, travaille pour Ettore Bugatti, qui a quitté Molsheim au début du conflit et qui est mobilisé sur place, à Paris après l'entrée en guerre de l'Italie, qui s'est lancé dans l'étude et la réalisation d'un moteur d'avion, dans un local situé rue Chaptal à Levallois, Henry participera activement à l'élaboration et à la réalisation d'un 8 cylindres en ligne de 220 cv et par la suite d'un 16 cylindres (en deux rangées de 8 cylindres côte à côte) de 410 cv dont la licence de construction sera achetée par l'armée de l'air américaine.

Dès la fin du conflit, en décembre 1918, on retrouve Ernest Henry chez Ballot, car Ernest Maurice Ballot vient de mettre sur pied une nouvelle écurie de course pour participer aux premiers 500 miles d'Indianapolis de l'après-guerre.

Partant là aussi d'une feuille blanche, Ernest Henry a 101 jours (il fallait en effet, pour ne pas manquer le bateau, quitter Paris au plus tard le 26 avril 1919), pour créer 4 voitures complètes pour cette épreuve.

Ces quatre Ballot, qui furent conçues dans le plus grand secret, ressemblent étrangement aux Peugeot d'avant-guerre, mais Ernest Henry, qui a eu le temps pendant les hostilités de perfectionner son dessin d'avant guerre, a repris son épure de culasse hémisphérique à quatre soupapes par cylindre, inclinées à 60°, commandées par un double arbre à cames en tête, pour équiper un 8 cylindres en ligne (expérience acquise chez Bugatti) de 4,9 l dont le vilebrequin est porté par 5 paliers à rouleaux, capable de tourner normalement à 3 000 tr/min donnant 140 ch et entraînant la voiture à près de 200 km/h, le reste du châssis de la voiture restant très classique pour l'époque.

Au cours des essais, le pilote René Thomas fit sensation en accomplissant le tour le plus rapide à 168 km/h de moyenne, dépassant ainsi pour la première fois le mur fatidique des 100 miles à l'heure, vitesse alors très convoitée.

Cette architecture moteur (8 cylindres en ligne) allait à nouveau rapidement faire école dans le monde du sport automobile (en 1921 plus de la moitié des voitures courant à Indianapolis étaient des 8 cylindres).

Cependant, lors de la course, des ennuis répétés de pneumatiques et de roues ne permirent pas de concrétiser les espoirs entrevus aux essais, seul Albert Guyot parvint à se classer 4ème derrière deux Peugeot, à moteur Henry, et une Stutz.

En 1920, la formule retenue pour Indianapolis limita la cylindrée à 3 l, c'est pourquoi Ernest Henry conçut, toujours selon la même architecture technique, un nouveau moteur de 2,97 l, 8 cylindres en ligne, la vitesse maximale de la voiture fut légèrement réduite à 180 km/h mais les possibilités d'utilisation encore améliorées, et cette fois les Ballot finirent 2e 5e et 7e.

En 1921, la marque Ballot fut la seule à représenter la France au Grand Prix de l'ACF au Mans en juillet 1921, 3 voitures à 8 cylindres et une nouvelle quatre cylindres 2 l, à moteur conçu par Ernest Henry également, participèrent à la course, De Palma finit deuxième derrière la Duesenberg de l'Américain Murphy, et la 2 l se classa troisième avec Jules Goux à plus de 110 km/h de moyenne !!!

Après cet exploit Ballot, surnommé par Charles Faroux, le père de la deux litres, décida de construire en série ce qui allait être le type 2 LS, avec un moteur quatre cylindres 2 l à deux arbres à cames en tête, et 8 soupapes, reprenant l’entraînement de distribution par arbre, dont il poursuivit la fabrication jusqu'en 1924, en dépit de son prix élevé dû au raffinement de sa conception et au soin de sa construction.

Toujours en 1921, les 8 cylindres s'illustrèrent au Grand Prix d'Italie disputé à Brescia et remporté par Jules Goux sur une 3 l.

Ernest Henry partira, en décembre 1921, chez Sunbeam-Talbot-Darracq, suite à une offre de Louis Coatalen, mais il ne demeura que peu de temps en Angleterre, il collaborera, semble-t-il, au dessin du 2 litres de Grand Prix de 1922 et, enfin, chez le constructeur d'automobiles Omega, qu'il quittera semble-t-il en 1925.

La suite de sa carrière est moins bien connue, essentiellement en raison du caractère même du personnage, assez ombrageux et peu communicatif. Il travaille à domicile, en artisan, et il semble qu'on ne lui doive plus aucun moteur après les années 1920. Au moment de sa mort, en 1950 à l’âge de soixante-cinq ans, il travaillait dans une entreprise de mécanique de Levallois en banlieue parisienne.

Notes et références

  • "Alpha Auto Encyclopédie" 1974-1975-1976, Éditions Grange Batelière, Paris
  • "Histoire du Sport Automobile", Raymond Flower, Éditions E.P.A. 1975 ISBN 2-85120-042-9
  • "Peugeot en Compétition", Rétroviseur N°241, Janvier 2009, Editions LVA
  • "French Correction", Rétroviseur N°253, Février 2010, Editions LVA

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ernest Henry de Wikipédia en français (auteurs)

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