Exonymie

Exonymie

L’exonymie est le fait qu'un groupe de personnes dénomme un autre groupe de personnes par un nom distinct du nom régulier employé par l'autre groupe pour se désigner lui-même. Ce nom est l’exonyme. Par extension, toute dénomination d'un groupe d'individus dans une langue étrangère, si elle ne correspond pas phonétiquement au nom régulier, est un exonyme.

Sommaire

Définition de l'exonyme par le GENUNG

L'exonyme est défini par le groupe d'experts des Nations unies (GENUNG) comme un « nom géographique utilisé dans une langue pour désigner un lieu (topos) situé en dehors du territoire dont cette langue est la langue officielle. Les modes de formation des exonymes sont multiples, traductions, adaptations, etc. mais la moindre différence avec le nom local, dans la notation de signes diacritiques par exemple, entraîne de fait la création d'un exonyme. Exemples : Londres, Florence sont les exonymes français de London, Firenze ; Francia ou Parigi sont les exonymes italiens de France et de Paris ».

Source : Glossaire de la terminologie toponymique (Pr Naftali Kadmon).

Exemple

Étymologie du mot

Exonymie provient de exo- (extérieur) et -nymie (nom) en grec.

Les connotations de l'usage

L'emploi de l'exonymie est considéré par certains comme ethnocentrée et comme figurant parmi les symptômes de l'impérialisme culturel. A contrario, on peut aussi arguer que le rejet de l'exonymie est lui-même une forme d'impérialisme, puisqu'il revient à ce qu'une communauté linguistique prétende imposer à une autre l'usage de tel ou tel nom dans sa propre langue.

Les limites de la définition des experts de l'ONU

  • Le fleuve Niger, c'est-à-dire le Nil de Nigérie (en latin Nil du pays des Noirs) constitue la quintescence-même de l'exonyme, le regard étranger et extérieur. Et pourtant, selon la définition des experts de l'ONU, il n'est un exonyme sur aucune portion de son parcours.
  • La ville de Casablanca, le grand port et la capitale économique du Maroc, serait un exonyme pour désigner la ville marocaine de Dar al-Beïda. Et pourtant les Marocains considèrent eux-mêmes "Casa" ou "Casablanca" comme des noms bien à eux qu'ils utilisent très souvent.

La notion de langue officielle du territoire est une notion propre à l'ONU mais bien trop rigide pour convenir dans tous les cas. Les toponymes gaéliques d'Écosse ou amazighs du Maroc ne sont pas des exonymes, même s'ils sont doublés par des toponymes anglais ou arabes.

Le nom de Pignerol que les Français donnent à la ville italienne de Pinerolo n'est pas un exonyme car la ville fut française avant d'être italienne. De même Colonia ou Cologne ne sont pas des exonymes de Köln, ni Potamos Sekouana un exonyme grec pour le fleuve Seine, ni Konstantinoupolis ou Lutèce des exonymes d'Istanbul ou de Paris.

Il faut faire la part des inévitables adaptations phonétiques qui accompagnent le passage d'une langue à une autre : Moskva (Москва) donne Moscou, c'est le droit de chaque langue de s'approprier un vocable étranger et de se donner les moyens de le prononcer. Il faut également faire la part de l'histoire et des cohabitations linguistiques : Cologne fut latine avant d'être germanique et elle fut longtemps habitée par des Germains utilisant le latin.

Gratianopolis et Sophia Antipolis seraient-elles les exonymes grecs des françaises Grenoble et Antibes ? Bien sûr que non. Dans le premier cas il y a antécédence du nom à une époque où le grec était langue de l'Empire et où le français n'existait pas encore, dans le second cas retraduction rétroactive voulue par les Français eux-mêmes.

Affirmer que le mot Égypte serait un exonyme revient à dire que les Coptes et les pharaons seraient des étrangers dans leur propre pays et considérer le mot sémitique Misr ou Misraïm comme un endonyme reviendrait en revanche à accorder un privilège d'occupant légitime non seulement aux Arabes égyptiens mais aussi aux Hébreux. L'ONU s'éloignerait alors de sa mission de paix.

La définition des experts de l'ONU s'explique par une vision du monde une organisé exclusivement de façon juridique où coexistent des États dont les territoires sont mutuellement extérieurs les uns aux autres et où seules les langues officielles sont reconnues. Mais le monde géographique réel est aussi organisé de nombreuses autres façons. Il y a des aires linguistiques vivantes où anciennes que l'on peut cartographier même si les langues ne sont pas reconnues officiellement ni même tolérées par les autorités de l'État. La toponymie est souvent révélatrice d'une histoire qui constitue pour les populations actuelles un patrimoine à protéger.

Il faut aussi tenir compte du fait que les hommes bougent et emportent avec eux l'usage de leur langue habituelle et de quelques autres langues. Les personnes qui exercent des activités commerciales utilisent les langues de leurs clients si bien que, par exemple, le russe a remplacé le finnois parmi les langues étrangères les plus utilisées à Chypre depuis 1990.

Une vision excessivement nationaliste a fait considérer comme une menace, depuis le XIXe siècle, la proximité d'une langue étrangère à la langue nationale officielle. Au XXIe siècle, on a plutôt tendance à la considérer comme un signe ou une source de richesse culturelle ou économique. L'Union européenne, pour sa part, encourage l'apprentissage des langues et reconnaît l'existence des langues minoritaires. La signalisation routière française signale désormais parfois l'entrée d'une localité par un toponyme inscrit non seulement en français mais aussi dans une langue locale. Or ni Avignon, ni Avignoun ne sont des exonymes.

Proposition alternative de définition

On peut tenter d'avancer une autre proposition de définition de l'exonyme : c'est un « nom géographique utilisé dans une langue pour désigner à distance un lieu (topos) ou un peuple étranger dans une situation délibérée d'ignorance des noms ou des notions utilisés par les populations du lieu. Les contacts commerciaux et culturels équitables limitent l'exonymie à l'adaptation phonétique rendue nécessaire par le passage d'une langue à une autre ».

Selon cette définition, l'adaptation phonétique ou significationnelle (la traduction) ne seraient pas des cas d'exonymie mais au contraire des cas d'appropriation et de respect du toponyme issu d'une langue étrangère, dans un contexte linguistique où l'usage de plusieurs langues est possible en un même lieu.

La lecture exotique d'une graphie endonymique serait en revanche potentiellement génératrice de caconymie voire d'exonymie. Lire en effet "Saho Paolo" quand les lusophones écrivent "Sao Paolo" mais prononcent approximativement "San Paol" c'est manquer délibérément de respect pour le nom originel. Il est en effet préférable de lire "San Paol(o)" ou même de traduire "Saint-Paul". On peut prendre un autre exemple : le toponyme "Lisboa" est respecté, autant que faire se peut, par la forme anglaise "Lisbon" ou française "Lisbonne", mais il est véritablement déformé par la prononciation prétendue endonymique "Lisboha".

Le déformations faussement érudites d'une toponymie rurale mal interprétée par des cartographes officiels mais extérieurs au milieu local seraient aussi, selon la définition ci-dessus, des cas particuliers d'exonymie. Le village gascon des Pyrénées-Atlantiques qui porte le nom officiel de Saint-Dos, s'appelle en réalité "Sendos" depuis des siècle et n'a aucun rapport ni avec la sainteté ni avec un personnage qui se serait appelé Dos et qui n'a jamais pas existé. On pourrait citer en France de nombreux exemples de cette exonymie opérant dans le cadre de la langue nationale.

La volonté du pouvoir mussolinien de rebaptiser en Ulzio la localité d'Oulx, dans la haute vallée francophone de Suze, dans les Alpes piémontaises, serait aussi, selon cette dernière définition, une tentative d'imposer l'exonymie à la population d'un lieu. Conformément aux désirs du dictateur, la vallée est devenue italophone depuis 1945 mais elle n'a jamais accepté que le toponyme italophone vienne remplacer, ni dans l'usage du lieu, ni dans la terminologie officielle, le nom francophone originel, porteur d'une histoire transalpine et d'une identité dauphinoise qui, en l'occurrence, n'exclut absolument pas l'appartenance loyale à la nation italienne.

Exonymie et démocratie

On le voit la notion d'exonymie et les différentes définitions qu'on peut en donner relèvent éminemment de deux questions très sensibles : l'identité nationale et son aptitude plus ou moins grande à se définir à l'intérieur d'un cadre démocratique et respectueux de tous. Il est indispensable que les deux notions complémentaires d'exonymie et d'endonymie intègrent les notions opposées de respect de l'identité ou de refus délibéré du respect de l'identité d'autrui. À cet égard, le préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Paris, 1789) pourrait nous servir de guide : « L'ignorance, l'oubli, sont la cause de tous les maux ».

La toponymie en effet n'est pas seulement un patrimoine national, elle est un patrimoine de l'humanité. Les langues n'appartiennent pas seulement aux États qui les adoptent comme langue officielle mais à tous les locuteurs qui prennent la peine de les apprendre et de s'en servir.

Listes existantes

  • Exemple d'exonymes de langue française concernant les pays
Exonyme Nom dans le peuple d'origine
Allemagne Deutschland
Arménie Hayastan ("La terre de Haïk")
les Aztèques Mexica ou Tenochca
Bhoutan Druk Yul (« Terre du dragon » en dzongkha)
Canton Guangzhou (廣州), les caractères signifiant (« Vaste Préfecture »)
Chine Zhongguo (中國), les caractères signifiant (« Pays du milieu »)
Corée Chosŏn (Joseon) (조선 / 朝鮮) en Corée du Nord et Hanguk (한국 / 韓國) en Corée du Sud, mais Goryeo (고려 / 高麗), à l'origine du mot Corée, est également utilisé comme mot neutre pour désigner la Corée ; voir les articles détaillés Noms de la Corée et Pays du Matin calme.
Empire byzantin L'Empire romain ou la Romanie (Geoffroi de Villehardouin), en grec archê ton Rhômaion, litt. "État des Romains" (Constantin VII Porphyrogénète)
Égypte Miṣr (مصر) en arabe, Maṣr en arabe égyptien; signifiant « un pays » ou un « État » (du nom de Misraïm). L'exonymie est discutable.
Finlande Suomi en finnois, mais est appelée Finland en suédois
Géorgie Sakartvelo
Grèce Ellás (Ελλάς) ; voir Noms des Grecs.
Hongrie Magyarország
les Incas Tawantinsuyu (« Quatre Coins »)
Inde Bhārat en hindi, mais India est également reconnu officiellement ; voir Origine du nom de l'Inde
les Iroquois Haudenosaunee (« La Ligue de Paix et de puissance »)
Japon Nippon / Nihon (日本, « L'origine/racine du soleil », souvent traduit en Occident « pays du Soleil levant » ; voir Noms du Japon)
Maldives Dhivehi raajj'e ; (« Les îles du peuple Dhivehi » en langue dhivehi (divehi) ; voir Histoire des Maldives)
Maroc al-Maghrib (« Le Couchant » en arabe ; voir aussi Maghrib et Maghreb) L'exonymie est discutable car le royaume de Maroc (de Marrakech) fut un royaume marocain. Le mot al-Maghrib en revanche s'oppose à al-Mashreq et procède d'une vision panarabe.
Monténégro Crna Gora / Црна Гора (« Montagne noire » en serbe ; voir Histoire du Monténégro)
Nouvelle-Zélande New Zealand / Aotearoa (« La terre du nuage long et blanc »)
Sumer Ki-en-gi (« Lieu des seigneurs civilisés »)
les Sumériens Sag-gi-ga (« Le peuple à tête noire »)
Exonyme Nom dans le peuple d'origine
Berbères Imazighen (singulier Amazigh, « homme libre »)
Tziganes Roms (« homme » en sindhi) - De nombreux exonymes existent, voir l'article.
  • Exonymes correspondant aux toponymes
Exonyme Nom dans le peuple d'origine
Mont Everest Chomolugma (mont), c'est un cas certain d'exonymie
Mont Sinaï Moussa (Djebel), l'exonymie est discutable car le mont fut Sinaï avant d'être le mont de Moïse.

Voir aussi

Liens internes

  • Endonymie lorsque le nom régulier pour se désigner soi-même est abusif (exemple : citoyens des États-Unis d'Amérique se nomment Américains pour se désigner, alors que l'on pourrait penser aux habitants de tout le continent).
  • Ethnonymie, ou exonymes correspondant aux ethnies

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Exonymie de Wikipédia en français (auteurs)

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