Aime Picquet du Boisguy

Aime Picquet du Boisguy

Aimé Picquet du Boisguy

Aimé Picquet du Boisguy
Aimé Picquet du Boisguy
Surnom Le petit général
Naissance 15 mars 1776
Fougères
Décès 25 octobre 1839 63 ans)
Paris
Origine Français, Breton
Allégeance Naval Ensign of the Kingdom of France.svg Association bretonne
Flag of Royalist France.svg Chouan
Flag of the Kingdom of France (1814-1830).svg Royaume de France
Arme cavalerie et infanterie
Grade Maréchal de camp
Service - 1791 - 1800
- 1816 - 1830
Conflits Chouannerie
Guerre de Vendée
Commandement Armée royale de Rennes et de Fougères
Faits d’armes Virée de Galerne
Bataille de Croix-Bataille
Bataille d'Entrammes
Bataille de Fougères
Siège de Granville
Bataille de Dol
Siège d'Angers
Bataille du Mans
Bataille d'Argentré
Bataille de Boucéel
1er Bataille de Saint-James
Bataille du Rocher de La Piochais
Bataille de La Croix-Avranchin
Bataille de Saint-Hilaire-des-Landes
Bataille de Valennes
Bataille de Maisonneuve
2e Bataille de Saint-James
Bataille des Tombettes
Distinctions Chevalier de Saint-Louis
Commandeur de la Légion d'honneur
Famille Blason Famille Picquet.svg Picquet du Boisguy
Image : Portrait probable de Boisguy, peinture de Jean-Baptiste Isabey

Aimé Casimir Marie Picquet, chevalier du Boisguy[1], né le 15 mars 1776 à Fougères, et mort le 25 octobre 1839 à Paris, était un général chouan pendant la Révolution française.

Il était surnommé « le petit général » par ses hommes, en raison de son jeune âge. Encore enfant lors du début de la Révolution française, il se distingua par un engagement royaliste précoce, à 15 ans, il rejoignit l'Association bretonne et devint aide de camp de Armand Tuffin de La Rouërie. Dés lors son influence grandit, à 17 ans il prit la tête des chouans du pays de Fougères et de Vitré, et à 19 ans, il fut reconnu général.

Chef actif et excellent tacticien, Boisguy fit des pays de Fougères et de Vitré la zone la plus importante de la chouannerie d'Ille-et-Vilaine et l'une des principales de Bretagne. Il commandait des troupes disciplinées, bien organisées, souvent en uniforme mais manquant de cavalerie et surtout d'artillerie.

Aussi bien à la pacification de 1796, qu'à celle de 1800, Boisguy fut le dernier général chouan à déposer les armes, ce qui en fit une des figures majeure de la chouannerie.

Sommaire

Famille

Signature du futur général du Boisguy

Aimé du Boisguy naît à Fougères le 15 mars 1776 dans l'hôtel que possédait ses parents [2] et est baptisé le même jour à l'église Saint Léonard. Il était issu d'une famille de noblesse parlementaire divisée en trois branches, celles de La Motte-Picquet, du Boisguy et de Melesse. Ses parents se nommaient Alexandre Marie Picquet du Boisguy et Bonne Joséphine Françoise du Boislebon. Il était le fils cadet d'une famille de cinq enfants, mis à part plusieurs autres morts en bas âge. Deux sœurs, Joséphine Bonne Charlotte Picquet du Boisguy et Colette Appoline Marie Picquet du Boisguy, dont on ne sait que peu de chose, sinon qu'elles devinrent Mesdames d'Argencé et de Pontbriand, deux frères aînés, Guy Marie Alexandre Picquet du Boisguy et Louis Marie Picquet du Boisguy, qui deviendront eux aussi des chefs chouans. Ils étaient les petites-nièces et petits-neveux de Toussaint-Guillaume Picquet de la Motte[3]. La famille vivait au château du Bois Guy dans la paroisse de Parigné[4], mais elle possédait aussi le château de la Bécannière à Javené.

Description physique et traits de caractère

Dans ses mémoires, le colonel de Pontbriand, futur beau-frère d'Aimé du Boisguy, donna de ce dernier la description suivante en 1793 :

« Il venait d'avoir 17 ans depuis deux jours. C'était à ce moment un robuste jeune homme, d'une taille un peu au-dessus de la moyenne, 5 pieds 2 pouces soit environ 1 m 73 ; les cheveux et les sourcils noirs ; les yeux bruns ; la barbe, il n'y avait probablement pas à en parler mais plus tard, elle fut également très brune; le teint, cependant était clair et vermeil ; le nez plutôt fort des natures vigoureusement trempées ; la figure ronde et souriante, avec un air de mâle assurance ; la lèvre supérieure et les coins de la bouche légèrement relevés, accusant l'énergie et pouvant aussi quelquefois exprimer de dédain ; sur tout cet ensemble, un rare cachet de distinction[5]. »
« Aimé du Boisguy avait un caractère gai, franc, ouvert ; à une bravoure qu'on ne pouvait surpasser, il réunissait la prudence dans les occasions importantes. Il avait un coup d'œil pénétrant et savait, dans un instant, choisir les positions favorables pour placer ses troupes et profiter des dispositions du terrain. Calme au milieu de l'action, il suivait avec soin les mouvements de l'ennemi, il donnait ses ordres avec précision et s'il le voyait s'ébranler ou incertain, il s'écriait: Il est temps, amis, suivez-moi ! Ils sont à nous ![5] »

La Révolution

Pour consulter un article plus général, voir : Révolution française.

Sur les conseils de Toussaint-Guillaume Picquet de la Motte, les parents d'Aimé avaient destiné leur fils à servir dans la marine. En 1789, à l'âge de 13 ans, il s'apprêtait à entrer à la garde-marine de Brest mais la Révolution lui fit interrompre ses études[3].

Pendant la Révolution, son père, Alexandre-Marie Picquet, chevalier, « haut et puissant » seigneur du Boisguy, fut arrêté pour un motif inconnu et incarcéré. Il mourut le 7 janvier 1794 dans la prison de Gentilly. Au début de l'année 1793, Guy du Boisguy, le frère aîné d'Aimé, prit le chemin de l'émigration. La même année, sa sœur Joséphine et son beau-frère d'Argencé furent arrêtés et emprisonnés.

L'Association bretonne

Article détaillé : Association bretonne.

En 1791, Armand Tuffin, marquis de La Rouërie, fondit l'Association bretonne. Le marquis, lui-même originaire de Fougères, était une des connaissances de la famille Boisguy et il repéra rapidement les capacités d'Aimé du Boisguy. Bientôt, ce dernier entra dans l'association. Admirateur de La Rouërie, Boisguy, à l'âge de seulement 15 ans, était déjà commissaire et commandant de cavalerie à Fougères. De plus, il devint un des aides de camp de La Rouërie.[3].

Toutefois, la tentative d'insurrection organisée par la conjuration échoua. La Rouërie mourut le 30 janvier 1793 et 12 membres de l'association furent arrêtés et guillotinés. Mais Thérèse de Moëlien avait eu le temps de détruire la liste des associés. Grâce à elle, Boisguy, ainsi que la majorité des conjurés, ne fut guère inquiété. Boisguy regagna son château et dut se résoudre à l'inaction, qui ne dura toutefois que peu de temps.

L'insurrection de mars 1793

La révolte de la Saint-Joseph

Le château de Fougères, il servait de prison et le tribunal y siégeait pendant la Révolution

En mars 1793, de nouveaux troubles apparurent. Dans les environs de Fougères, les opérations de recrutement dans le cadre de la levée en masse devaient débuter le 18 mars à Fleurigné et Laignelet, et le 19 mars à Landéan. Mais cette loi impopulaire rendit la situation explosive. Les paysans n'attendirent pas les commissaires et s'armèrent, refusant le tirage. Les commissaires, accueillis avec hostilité, durent se replier à Fougères. Les paysans s'en prirent alors aux prêtres jureurs qui furent rossés et leurs maisons pillées. Vingt paroisses s'étaient insurgées et les autorités de Fougères estimaient le nombre des révoltés à pas moins de 7 000 hommes. Fougères se trouvait dès lors presque isolée au milieu d'une campagne tenue par les insurgés, elle n'avait pour se défendre que 400 à 500 gardes nationaux, et une vingtaine de Gendarmes. Le lendemain, le 19 mars, à 5 heures du matin, une colonne de 60 gardes nationaux, accompagnée d'une ou deux pièces de canons, sortit de Fougères et se dirigea vers Fleurigné. Le tocsin sonna le rassemblement dans toutes les paroisses insurgées, Parigné était de celles-ci. Aimé du Boisguy, témoin de ces événements qu'il suivait avec curiosité et intérêt, sortit alors de son château, et se dirigea vers le lieu du rassemblement, accompagné de son garde-chasse Decroix . Sur le chemin, ils croisèrent une bande d'insurgés. Ces derniers le remarquèrent, ils crièrent : « Voici notre jeune seigneur : il sera notre général »[3]. Boisguy arriva dès lors à Landéan, où il fut rejoint par son frère Louis et où d'autres notables et nobles avaient également rejoint les insurgés. Les commissaires arrivèrent peu après 8 heures et demie dans la ville où devait avoir lieu le tirage au sort, ils furent aussitôt attaqués par les paysans, un commissaire fut capturé, l'autre dut s'enfuir. Les paysans ayant fait échouer le tirage, une partie d'entre eux, parmi lesquels se trouvait Boisguy, décidèrent de se porter sur Fleurigné à la rencontre des gardes nationaux. Ces derniers arrivèrent les premiers à Fleurigné, qu'ils trouvèrent presque désert. Ils reçurent 300 hommes d'un régiment de chasseurs en renfort. Les paysans venus de Landéan, voyant le nombre important de la soldatesque, se dispersèrent. Les soldats ne voyant rien d'autre à signaler quittèrent la ville, les gardes nationaux repartirent vers Fougères et les chasseurs vers Vitré. Mais peu après leur départ, Fleurigné fut envahi par 2 000 insurgés. Ces derniers se lancèrent à la poursuite de gardes nationaux, les attaquèrent et prirent leurs canons. Toutefois, les chasseurs, peu éloignés, arrivèrent en renfort et provoquèrent la fuite des révoltés.[3]. Cet affrontement ne fut toutefois pas une bataille, les belligérants ne visaient pas à tuer et il n'y eut aucun mort dans ce combat, ni d'un côté, ni de l'autre.

Après ces évènements, à Landéan, les représentants en mission Billaud-Varenne et Sevestre vinrent parlementer avec Bossard, le maire de la ville passé aux insurgés. La troupe se rendit ensuite à Fougères mais les insurgés, intimidés par les murs du château de Fougères, cédèrent à l'idée que Billaud-Varenne avait proposé à Landéan et envoyèrent sept délégués qui réclamèrent principalement la fin des opérations de recrutement. Le conseil de Fougères déclara qu'il ferait valoir les droits des paroisses auprès de la Convention et que les citoyens ne seraient pas inquiétés pour le tirage au sort. Cependant, plusieurs insurgés doutaient de cette promesse qui leur sembla suspecte[6] et tentèrent une charge sur les portes de la ville. La mitraille les repoussa et les insurgés se dispersèrent perdant deux morts, ainsi que plusieurs blessés et prisonniers. Ce furent les derniers troubles de la journée[3].

La répression

Cependant, comme des troubles semblables à ceux que venaient de connaître les environs de Fougères avaient eu lieu dans toute la France, les promesses des autorités de Fougères restèrent sans suite. Même si les campagnes connaissaient encore quelques agitations, la révolte avait été globalement matée. Aimé et Louis du Boisguy étaient, depuis, rentrés chez eux et n'avaient plus participé à aucun soulèvement, lorsque, quelques jours après, ils apprirent qu'ils étaient recherchés par les autorités. Ils furent donc forcés de quitter leur château et de se cacher. La Convention avait ordonné de mater le soulèvement avec une grande sévérité. De mars à avril, plusieurs suspects ou prisonniers furent fusillés, quatorze furent guillotinés et leurs têtes exposées aux portes de la ville[3]. La répression parût d'autant plus sévère que, dans le district de Fougères, aucun patriote n'avait été tué.

Enfin le tribunal rendit publique une liste de douze personnes condamnées à mort par contumace et qui s'étaient soustraites aux recherches. Aimé et Louis du Boisguy se trouvaient en tête de cette liste[3]. Les deux frères commencèrent donc une vie de proscrit qui allait durer six mois. Ils durent se réfugier avec leur mère et leur sœur, également condamnées à mort pour ne pas les avoir dénoncés, dans les souterrains de la forêt de Fougères. Ils rejoignirent d'autres bandes de proscrits et constituèrent de petits groupes de combattants et Aimé du Boisguy en devint le chef. Le petit groupe livra quelques escarmouches mais était plus sur la défensive que sur l'offensive.

La virée de Galerne

Article détaillé : Virée de Galerne.

Six mois s'étaient écoulés depuis la révolte de la Saint-Joseph, lorsque, le 20 octobre, Boisguy apprit que les vendéens venaient de traverser la Loire avec 30 000 combattants. Rapidement, Boisguy rassembla tous ses hommes, soit près de 70, il rejoignit par la suite les bandes du pays de Vitré, fortes de 200 hommes et dirigées par Louis Hubert et le chevalier de la Hardonnière, ainsi que les Mainiots de Jean Chouan et des frères Pinçon dans la forêt du Pertre. La petite armée se dirigea alors vers Laval, ville que les vendéens venaient de prendre. Au total la troupe rassemblait 600 à 800 combattants. Sur le chemin, le groupe arriva près de La Gravelle. Afin d'inaugurer la campagne et de se procurer des armes, Boisguy proposa d'attaquer le village, qui en temps normal était défendu par 200 soldats, sa proposition fut adoptée. Deux femmes, envoyées comme éclaireurs dans la journée affirmèrent que tout était calme et les chouans se divisèrent en trois groupes et attaquèrent pendant la nuit. Mais il se révéla qu'en fait, 1 600 soldats républicains commandés par le général Augustin de Lespinasse se trouvaient dans la ville. Il s'agissait en fait de fugitifs de Laval arrivés dans la soirée, épuisés et démoralisés, ils dormaient presque tous lors de l'attaque et ne purent opposer aucune résistance. Croyant avoir à faire à toute une armée, les bleus mirent bas les armes, Lespinasse fut capturé, en un instant 1 200 soldats républicains avaient été faits prisonniers, les 400 autres, dispersés dans les fermes environnantes, purent s'échapper. Les chouans gagnèrent 1 200 fusils durant l'opération, ainsi que plusieurs chevaux. Les prisonniers républicains durent prêter le serment de ne plus jamais combattre dans l'ouest, ce après quoi ils furent relâchés et conduits vers Vitré. Lespinasse tint par la suite sa parole et fut envoyé à l'armée des Pyrénées-Occidentales[3].

Suite à cette victoire, Boisguy fut reconnu comme chef des Bretons mais l'entente n'était cependant pas très bonne entre les Mainiots et les Bretons qui faisaient bande à part[7]. Les chouans poursuivirent leur route, et le 25 octobre, firent leur jonction à Laval avec l'armée catholique et royale et furent incorporés dans les troupes de Talmont. Boisguy, arrivé dans la ville, s'inquiéta pour sa sœur Joséphine, mariée à Urbain Marie le Febvre d'Argencé et emprisonnée avec son mari dans les prisons de Laval. Mais ils n'étaient plus dans la ville car les républicains avaient fait évacuer leurs prisonniers vers Chartres, on ignore ce qu'ils devinrent tous deux par la suite. Boisguy participa par la suite à toutes les batailles que livrèrent les vendéens lors de la virée de Galerne et servit sous les ordres du prince de Talmont et se distingua à la bataille de Croix-Bataille. Au terme du combat il reçut avec ses hommes les félicitations publiques de Henri de La Rochejaquelein. De leur côté, la deuxième sœur et la mère de Boisguy rejoignirent l'armée vendéenne à Mayenne, peu de temps après. À la bataille de Fougères, Boisguy, pour son retour dans sa ville natale, faisait partie de la cavalerie vendéenne qui prit le château. Il faisait également parti du groupe des 400 chouans qui parvinrent à entrer dans Granville, lors du siège de cette ville. Mais l'armée vendéenne, affaiblie, finit par être écrasée. Finalement, lors du retour des blancs à Laval, le 15 décembre, peu après la bataille du Mans, Boisguy choisit de quitter les vendéens, et repartit vers Fougères. Lors de son retour, son groupe de combattants ne comptait plus que 80 hommes, sa mère et sa sœur Colette avaient également survécus[3].

La chouannerie

Début des combats

Article détaillé : Chouannerie.

Les frères du Boisguy, rentrés au pays de Fougères durent recommencer leur vie de proscrit. Le passage des vendéens ayant de nouveau soulevé les campagnes, la répression reprit. Les environs de Fougères et Vitré étaient alors quadrillés par les 10 000 hommes du général Jean-Baptiste Beaufol Beaufort de Thorigny. Trois commissions militaires furent créées et condamnèrent 114 personnes du district de Fougères à mort en six mois. Mais au bout des quelques semaines, les républicains estimèrent avoir vaincu les chouans du pays, et le nombre de soldats fut réduit à 8 000. Boisguy, lassé de rester terré dans les souterrains de la forêt de Fougères, estima alors que le moment était opportun pour reprendre le combat. Il convoqua un rassemblement pour la nuit du 14 au 15 février 1794, 200 chouans furent au rendez-vous. Aimé du Boisguy prit la tête de ce groupe et entra en campagne. Dés le lendemain, Mellé fut prise et vingt bleus furent tués, le 16 ce fut au tour de Saint-Brice-en-Coglès où douze républicains et un chouan périrent. Deux cent cinquante soldats républicains arrivèrent en renfort depuis Fougères mais ils tombèrent dans une embuscade et eurent 55 morts. Les succès de Boisguy se succédèrent, adoptant parfaitement les techniques de guérilla telle que les résuma d'Andigné:

« Surprendre l'ennemi, fondre sur lui avec la rapidité de l'éclair, le poursuivre l'épée dans les reins, sans lui donner le temps de se rallier, voilà la tactique que nous avions adoptée et qui nous réussit presque toujours. Si l'ennemi se trouvait plus fort que nous ne l'avions supposé, ou s'il annonçait une résistance trop opiniâtre, nous décampions au plus vite, dans cinq minutes, nous étions hors de vue.[8] »

Et, en 1815 lorsque d'Andigné conversa avec un officier prussien qui venait d'arriver à Laval avec sa troupe :

«  Cet officier désira connaître notre manière de combattre. Elle est facile à expliquer, lui répondis-je. Si vous veniez nous attaquer, vous ne pourriez certainement pénétrer dans le pays qu'en suivant la grande route. Dans ce cas, nos hommes borderaient les haies et les fossés, qui leur serviraient d'abri ; ils tireraient sur vos gens comme on tire à la cible ; vous seriez tous tombés avant d'avoir vu un seul d'entre nous, il n'en demanda pas davantage.[8] »

Les chouans avaient le soutien de la majorité de la population qui les hébergeait, leur fournissait des vivres et les renseignait sur les positions des républicains. Les mois s'écoulant, de plus en plus d'hommes venaient rejoindre les rangs de Boisguy, en particulier des jeunes gens réfractaires à la conscription. Cela était, entre autres, provoqué par le fait qu'une nouvelle conscription militaire était prévue pour le mois de mars. En réaction, les représentants déclarèrent que « Tout Chouan, Brigand ou révolté pris les armes à la main serait fusillé sur-le-champ » de plus, le général Beaufort décida de raser les bois ou les couverts, placés trop près des chemins fréquentés par l'armée.

Mais, le 15 mars, le général Beaufort fut remplacé par le général Vachot, un des vainqueurs du siège de Granville, cela ne changea toutefois rien au court des évènements. Pendant les mois de février et de mars, la chouannerie s'intensifia, plusieurs communes comme La Chapelle-Saint-Aubert, Billé, Javené furent prises par les chouans. La plupart des communes du pays de Fougères échappaient au contrôle des républicains. De nombreux assassinats, règlements de compte et actes de vengeance étaient fréquemment commis par les deux camps[9]. Il fallut l'arrivée en avril, du général Jean-Baptiste Kléber à Vitré, avec 3 000 hommes, pour freiner un peu la chouannerie et la limiter aux campagnes en défendant les petites villes. Cependant, les généraux républicains Jean Humbert et Vachot déclarèrent avoir perdus plus de 500 hommes en deux mois sans avoir eu aucune affaire un tant soit peu importante[3].

Boisguy commença aussi à organiser ses troupes ; chaque paroisse qui fournissait au moins une vingtaine d'hommes formait une compagnie dirigée par un capitaine. Les effectifs de ces compagnies augmentèrent toutefois dans les années suivantes et allèrent jusqu'à compter une centaine d'hommes chacune. Plusieurs compagnies formaient une colonne ou canton et plusieurs colonnes formaient une division ou légion. Les principaux lieutenants de Boisguy dans le pays de Fougères étaient alors : Hay de Bonteville ; François Louis Angenard, dit Francoeur ; Michel Larchers-Louvières, surnommé « Hoche » ; le chevalier de Saint-Gilles, dit « Du Guesclin » ; Marie-Eugène Tuffin de La Rouërie, cousin d'Armand Tuffin de La Rouërie ; François Poirier, dit « Sans-Chagrin » ; Julien Saulcet, dit « Duval »; Dauguet dit « Fleur de rose » ainsi que son frère Louis Picquet du Boisguy.

À partir du mois de juillet toutefois, les opérations républicaines et chouannes diminuèrent, les républicains s'aventuraient de moins en moins dans les campagnes et s'étaient retranchés dans des cantonnements et dans des bourgs fortifiés, une tactique efficace contre les chouans, qui, en l'absence de canons, ne pouvaient espérer les prendre sans éprouver de lourdes pertes. De plus au mois d'août, une armée devant se rendre en Bretagne arriva dans le pays de Fougères, elle y resta jusqu'à la fin du mois de septembre. Face à de telles troupes, Boisguy donna l'ordre de suspendre les combats. La troupe républicaine commit de l'aveu même des chouans très peu de pillages. Un climat de paix s'installa et dura jusqu'au mois de juin 1795[10]

Les négociations de La Prévalaye

En effet, suite à la fin de la Terreur, des courants pacifistes commençaient à apparaître dans les deux camps et le nouveau généralissime de l'armée de l'Ouest, Lazare Hoche, multipliait les mesures d'apaisements. Même si les combats continuaient, des chouans et des républicains entamaient des pourparlers et on envisageait la possibilité d'une paix. Boisguy lui-même diminua ses actions.[11]

Toussaint du Breil de Pontbriand écrivit dans ses mémoires :

«  Ce qui empêcha du Boisguy de faire une guerre plus active, fut des dépêches qu'il avait reçues de Paris au commencement de novembre, lui annonçant qu'il s'était formé, dans cette ville, par l'ordre des princes français, un Comité dont plusieurs membres de la Convention faisaient partie[12], et qui projetait de rétablir une monarchie modérée, en profitant de l'horreur que la France avait conçue pour l'affreux régime de la Terreur. On ajoutait que, bientôt, on proposerait aux royalistes de l'Ouest des conditions qu'ils seraient heureux d'accepter; que leur concours serait même nécessaire pour le rétablissement de l'ordre; mais on leur conseillait, pour le moment, de se tenir seulement sur la défensive et de compléter leur organisation.
On a dit que ce Comité était formé par S. A. R. le comte de Provence ; il paraît certain que ses vues n'étaient pas conformes à celles du Conseil de S. A. R. le comte d'Artois, et qu'il n'y avait pas accord entre les deux frères sur les moyens à prendre pour rétablir la Monarchie.[5] »

Le 3 janvier 1795, le major-général Pierre Dezoteux de Cormatin, remplaçant du généralissime Joseph de Puisaye auprès des chouans, signa un premier armistice avec les républicains. Cormatin se fit dès lors un des plus chauds partisans de la paix, il multiplia les visites et les courriers auprès des principaux chouans. Mais il fut toutefois accueilli avec méfiance, car cet homme soudainement si haut gradé, était peu connu des officiers royalistes. Finalement, le 30 mars 1795, les principaux chefs du Maine et de Bretagne se réunirent à La Prévalaye, près de Rennes, afin d'entamer des négociations.

Aimé du Boisguy était un de ceux qui se méfiaient de Cormatin, il suspendit toutefois les hostilités au début du mois d'avril et se décida à participer aux pourparlers. À Fougères lors d'un dîner, peu avant son départ, le général Jean Humbert, pourtant un des officiers républicains qui avait pris l'initiative d'entamer des démarches négociatrices, lui avoua ses doutes quant à la durée de la paix.

Aimé du Boisguy arriva tardivement à La Prévalaye, il était accompagné par son frère Guy Picquet du Boisguy, récemment rentré d'immigration, et était escorté par 150 hommes. Son autre frère Louis Picquet du Boisguy avait été gravement blessé quelques mois plus tôt lors du combat du Châtellier où il perdit son bras droit, et ne put faire ce voyage. Les frères du Boisguy arrivèrent à La Prévalaye le 14 avril, où ils furent accueillis par Cormatin qui leur proposa rapidement de signer le traité. Mais après l'avoir lu, les frères du Boisguy refusèrent, remarquant qu'aucun général républicain ne l'avait fait. De plus, Guy du Boisguy remarqua que seulement trois délégués de la Convention avaient apposé leurs signatures contre dix pour le traité de La Jaunaye, conclu quelques semaines plus tôt avec les vendéens. Malgré les instances de Cormatin, les frères Boisguy demeurèrent intransigeants. Aimé déclara qu'il ne signerait pas tant que la signature du général Hoche n'apparaîterait pas sur le traité. Les deux frères restèrent à La Prévalaye pendant six jours, mais, ne s'y sentant pas en sécurité, ils repartirent vers Fougères juste après la fin des négociations[3].

Le traité de paix, appelé traité de La Mabilais, dont les conditions étaient identiques au traité de La Jaunaye négocié avec Charette, fut déposé le 20 avril aux autorités républicaines, mais seulement 22 officiers chouans sur 121 l'avaient signé. Bien que plusieurs chefs non-signataires, dont Boisguy, acceptèrent de ne pas reprendre les hostilités et d'en respecter les clauses, ce traité était loin d'être vécu comme un succès.

Les tensions

Emblême des chouans

Toussaint de Pontbriand admettra qu'aucun des deux camps n'était entièrement de bonne fois lors de ces négociations. Aussi l'échec du traité de La Mabilais fut mal vécu par les républicains pacifistes qui furent pris de vives inquiétudes en voyant le peu d'engouement des chouans pour leurs propositions de paix. Aussi, le 27 mai, Cormatin fut arrêté par les républicains qui le soupçonnaient de ne pas jouer franc-jeu. Il fut toutefois relâché peu de temps après, mais les dérapages continuèrent. À Rennes, deux officiers chouans signataires furent retrouvés assassinés. Les républicains imputèrent ces meurtres à des chouans radicaux, les chouans, à des soldats républicains indisciplinés. À La Prévalaye, des affrontements eurent lieu entre les bleus et les chouans encore présents, ces derniers, après cet incident, vidèrent les lieux[3].

Après de tels troubles, la paix était compromise, quant au général Lazare Hoche, s'il était montré favorable à la paix conclue avec les vendéens, il avait refusé toute négociation avec les chouans, il prit donc la décision de faire arrêter tous les officiers chouans qui avaient refusé de signer le traité. Les frères du Boisguy faisaient donc partie des cibles. Le 27 mai, Aimé du Boisguy, ignorant les incidents de Rennes, reçut une lettre de Hoche lui demandant de le rejoindre à Fougères afin de l'entretenir sur l'organisation d'un corps franc prévu par le traité. Boisguy, ne soupçonnant rien, se rendit donc le lendemain à Fougères, mais une fois arrivé dans la ville, il fut rejoint par un officier républicain qu’il avait rencontré lors des négociations de la Prevalaye. Ce dernier l'avertit qu'il s'agissait d'un piège et qu'une colonne de soldats se dirigeait vers le château du Boisguy dans le but d'arrêter son frère Guy Picquet du Boisguy. Boisguy retourna donc à toute allure vers son château, devança la colonne républicaine, avertit son frère et sa famille, puis convoqua ses soldats[3].

Aimé du Boisguy décida donc de tendre une embuscade à Hoche pour son retour à Rennes. Le lendemain matin, après avoir réunis 400 soldats, Boisguy se posta avec ses hommes, près de Romagné, attendant l'arrivée du général. Finalement, à 9 heures du matin, une petite troupe républicaine arriva à proximité. Les chouans attaquèrent mais il s'avéra que Hoche ne se trouvait pas à la tête des républicains. Ces derniers ne soupçonnaient rien, et, pris complètement par surprise, furent mis en totale déroute. Les bleus résistèrent toutefois et ils laissèrent un très grand nombre de morts, 21 soldats républicains furent capturés dont un lieutenant nommé Marcel. Boisguy proposa ensuite aux prisonniers de se rallier à sa cause, ce que quatre firent. Les 17 autres, dont le lieutenant, furent libérés et renvoyés à Hoche afin de lui demander des explications sur sa conduite[13].

Article détaillé : Combat de la Chène.

En fait, le général Hoche était parti bien plus tôt, pendant la nuit, avec seulement six cavaliers. Celui-ci, approché par le lieutenant Marcel à Rennes, reconnu avoir tenté d'arrêter les frères du Boisguy, affirmant qu'il s'agissait du seul moyen de pacifier le pays de Fougères mais s'offusqua qu'on lui prêta l'intention d'avoir voulu les faire fusiller, déclarant que son intention était de leur proposer de servir dans l'armée républicaine ou de les renvoyer en Angleterre[13] [14].

Reprise des hostilités

À partir de ces évènements, les effectifs de Boisguy allaient sensiblement augmenter. De plus, son autorité commençait à s'étendre aux environs de Vitré. Les officiers de ce pays, Louis Hubert et Du Bouays de Couësbouc passèrent progressivement sous ses ordres. Le 6 juin 1795, lors d'une bataille dans le bois d'Argentré, face au général Humbert, pour la première fois, les chouans alignèrent des effectifs d'au moins 1 000 hommes. Finalement après plusieurs heures de combats, Humbert choisit de battre en retraite et regagna Vitré. 80 chouans et 300 républicains furent tués ou blessés lors de la bataille.

Article détaillé : Bataille d'Argentré.

Boisguy prit également des mesures pour briser les ravitaillements et les réquisitions afin d'isoler les villes. Les campagnes commençaient à passer entièrement sous le contrôle des chouans. En juin 1795, les administrateurs du pays de Fougères affirmèrent que « la situation du district n'avait jamais été si inquiétante »[3].

Boisguy apprit tardivement le débarquement des émigrés à Quiberon et ne put y prendre part, il s'employa toutefois à essayer de ralentir les renforts républicains en attaquant leurs troupes mais aussi et surtout, en faisant détruire les ponts par la population réquisitionnée.

Fougères, elle-même, était fréquemment assaillie à ses avants postes. Des proclamations, affichées aux murs de la ville, signées par Picquet du Boisguy, invitaient les soldats républicains et la population à se joindre aux chouans[15]. Dans les campagnes, les républicains étaient presque systématiquement vaincus, car ils combattaient sur des terrains qui les désavantageaient et ils commençaient à se retrouver en infériorité numérique lors des combats. Le nombre de chouans servants sous les ordres de du Boisguy était alors de 5 000 à 6 000 hommes, bien que les soldats républicains de la région étaient au nombre de 10 000. Le 24 juillet 1795, les 800 chouans de Boisguy remportèrent une éclatante victoire face à un convoi défendu par 700 républicains, près de Landéan. Le convoi transportait des vivres, des munitions et un fourgon de la messagerie de Rennes à Caen, sa perte fut au coup très dur pour les républicains de la région. Les chouans prirent possession d'un butin considérable. Mais lors de ce combat, Aimé du Boisguy eut la douleur de perdre son frère Guy, qui fut tué lors du combat par des gardes territoriaux. En l'apprenant, Aimé du Boisguy aurait alors eu un accès de fureur au cours duquel il tua de sa main, à coups de sabre, plusieurs gardes territoriaux faits prisonniers par ses hommes.

Article détaillé : Combat du Rocher de La Plochais.
Chouan de la division de Fougères

La mort de son frère mit Aimé du Boisguy dans un état d'abattement, et il tenta d'ouvrir des négociations avec les républicains, mais ceux-ci refusèrent. Le 30 août, le général Chérin écrivit à Hoche :

«  Crublier vous a écrit que le scélérat Boisguy demandait à parlementer. Je lui ai répondu suivant intentions que le temps des pacifications était passé, qu'il n'était plus question de parlementer et qu'il fallait avant tout commencer par remettre les armes. Le capitaine Bernard de la 28e demi-brigade légère, commandant à Saint-Aubin, m'a fait part que deux compagnies de chouans demandaient à se rendre, je lui ai donné une instruction qui se réduit à l'autoriser à les recevoir à discrétion attendu que la République ne traite pas avec des assassins.[16] »

Mais finalement, en août, Boisguy, à la tête de 2 000 hommes, porta le combat vers Cossé-le-Vivien et Craon face aux deux demi-brigades et quatre canons du général Claude Ursule Gency. Près de la La Chapelle-Saint-Aubert, Boisguy tendit une embuscade au bataillon des volontaires de Paris, un des trois qui avait accepté de fusiller les prisonniers royalistes après la bataille de Quiberon. Cette fois-ci, les chouans ne firent aucun prisonnier. Les républicains furent mis en déroute et massacrés, les fuyards furent poursuivis jusqu'à ce que presque tous ou tous soient tués.

Après ce combat sanglant, les hostilités se calmèrent à la fin du mois. Avec l'arrivée de la moisson, les paysans durent retourner à leurs champs et Boisguy signa une trêve de quelques jours avec le général Crublier. Mais Hoche, qui n'avait pas été prévenu, la rompit, et le 2 septembre, les combats reprirent. Le lendemain, près du Ferré Boisguy attaqua avec 900 hommes un convoi républicain. Le commandant républicain Joré arriva en renfort avec ses carabiniers, les meilleures troupes d'élite des environs. Boisguy faillit d'ailleurs trouver la mort dans ce combat, un soldat républicain désarmé le prit au corps et courut vers ses lignes avant qu'un chouan, nommé Jean Tréhel, ne le poursuive et ne frappe le soldat à coup de baïonnette. Le combat se solda toutefois par une défaite pour les bleus qui laissèrent au moins 33 morts et environ autant de blessés, les chouans, presque trois fois plus nombreux, eurent 6 morts et 17 blessés.

Article détaillé : Combat de la Bataillère.

Campagne en Normandie

Cachet de l'armée royaliste de Bretagne

Le mois d'octobre, étant une période d'élection, les actions des chouans diminuèrent. Ces derniers tentèrent, avec quelques succès semble-t-il, de faire élire des royalistes, ou du moins, des républicains modérés. Dès le mois de novembre, toutefois, les combats reprirent. Alors que les officiers Couësbouc, Pontbriand, Boishamon, Rossignol et Hubert combattaient au pays de Vitré, Boisguy tenta d'étendre son territoire vers la mer afin d'essayer d'obtenir des contacts avec les Anglais.

Début novembre, Boisguy attaqua Tremblay, un bourg d'une importance stratégique, mais dont la population était fortement patriote. Peu nombreux, les républicains se réfugièrent dans l'église et parvinrent à résister un moment. Mais finalement, les chouans en vinrent à bout en incendiant l'église, ce qui força les républicains à se rendre.

Article détaillé : Combat de Tremblay.

Boisguy attaqua ensuite Saint-Georges-de-Reintembault, le 19 novembre. La ville résista et il résolut d'y mettre le siège afin que la faim force les patriotes à se rendre. Le 27 novembre, près du Châtellier, Boisguy battit une colonne de carabiniers dirigée par le commandant Joré, au terme d'une bataille serrée qui coûta la vie à 49 républicains et 27 chouans.

Article détaillé : Combat de la Vieuxville.

Par la suite, il se porta en Normandie et remporta de nouvelles victoires à Boucéel et Saint-James, cette dernière paroisse resta en son pouvoir jusqu'à la fin de la guerre.

Article détaillé : Combat de Bois-Rouland.
Article détaillé : Combat de Boucéel.
Article détaillé : Première bataille de Saint-James.

Boisguy était parvenu assez près des côtes pour tenter d'envoyer des courriers au gouvernement des princes en exil et au gouvernement britannique. Début décembre, deux des plus fidèles capitaines de Boisguy, Gervais Marie-Eugène Tuffin de La Rouërie et Julien Saulcet dit Duval, furent chargés de demander des uniformes, de la poudre, de l'argent et quatre canons. Les deux capitaines purent gagner Jersey, et de là, Édimbourg, où se trouvait le prince d'Artois.

Mais pendant l'attente de leur retour, le siège de Saint-Georges-de-Reintembault dû être levé le 21 décembre car une colonne de 1 800 soldats républicains arriva en renfort et put ravitailler la ville. Le lendemain, Boisguy et ses 2 800 hommes se portèrent à sa rencontre et s'embusquèrent au lieu-dit du rocher de la Plauchais. Ces soldats républicains n'avaient aucune expérience des guerres chouannes et tombèrent sans se méfier dans le piège. Tandis que les capitaines Hay de Bonteville et de Saint-Gilles, dit Du Guesclin, mitraillèrent l’avant-garde républicaine, Boisguy attaqua la queue de la colonne. Les républicains furent mis en complète déroute et eurent des centaines de tués, les chouans n'eurent que 32 morts et 40 blessés. Les républicains avouèrent 250 morts, les chouans portèrent ce nombre à 1 200. Jamais Aimé du Boisguy ne remporta une aussi large victoire, aidée toutefois par sa nette supériorité numérique, l'avantage du terrain et l'inexpérience des soldats républicains[3].

Article détaillé : Bataille du Rocher de La Piochais.

Cette défaite fut vécue comme un véritable désastre par les républicains et le général Gabriel d'Hédouville envoya le général Louis Emmanuel Rey depuis Brest, tandis qu'à Fougères et Vitré, le général Humbert tentait de réorganiser les troupes, le général Bonnaud envoya aussi des renforts depuis Alençon.

À La Croix-Avranchin, Boisguy livra une autre bataille que cette fois-ci, il faillit perdre. Avec 600 hommes, sans attendre les troupes de Bonteville en retard, il attaqua une colonne républicaine qu'il ne croyait guère plus importante que la sienne. Mais par une erreur de renseignement, elle comptait en fait environ 2 000 hommes. Les chouans, constatant leur erreur, se replièrent et les républicains se lancèrent à leur poursuite. Mais Bonteville, qui avait été ralenti à cause du mauvais temps put arriver à temps avec ses 1 200 hommes. Les républicains s'étant dispersés lors de la poursuite furent repoussés et se replièrent. Le combat avait fait 35 morts et plus de 80 blessés du côté des chouans, les républicains perdirent 50 à 60 hommes tués, ainsi que de nombreux blessés ou prisonniers.

Article détaillé : Combat de La Croix-Avranchin.

Arrivée de Joseph de Puisaye

Joseph de Puisaye, généralissime des chouans de Bretagne de 1794 à 1796

Après ces grands succès, à l'aube de l'année 1796, la chouannerie du pays de Fougères allait progressivement connaître un déclin. Au début de l'année, Boisguy tomba malade, ce qui l'empêcha un temps d'exercer pleinement son commandement. Le 11 janvier, Bonteville fut chargé d'attaquer un convoi, près de La Chapelle-Saint-Aubert. Les 600 républicains se défendirent et parvinrent à se replier sur Romagné. Ils y fixèrent les chouans pendant que le convoi pu gagner Fougères, face à cet échec les blancs se replièrent.

Article détaillé : Bataille de Romagné.

Hoche, de son côté, ordonna au général Rey d'exécuter de façon définitive l'élagage des bois et le nivellement des prés et des haies qui bordaient les routes des départements insurgés. Mais, la municipalité répondit que c'était impossible car les chouans s'y opposaient par les armes et que personne n'oserait entreprendre ce travail sans la protection de l'armée.

En janvier, Hoche fit également afficher plusieurs circulaires dans tout l'ouest, destinée à détourner la population de la chouannerie.[17]

Le 24 janvier, le général Humbert fit mettre la ville de Vitré en état de siège. Le 2 février, le général Rey quitta Fougères et chargea l'adjudant général Bernard de la défense, celui-ci fut également chargé de mettre Fougères en état de siège mais il se rendit aussi coupable de nombreuses exactions[18]. En réponse, les chouans firent afficher que « les campagnes étant à eux, défense était faite aux habitants des villes, sous peine d'être fusillés, d'y aller sans être munis de passeports délivrés par leurs chefs, ou au moins d'être parfaitement connus d'eux ».

Sur ces entrefaites, à la mi-février, les divisions de Fougères et de Vitré virent l'arrivée du généralissime Joseph de Puisaye. Ce dernier, discrédité par son échec et surtout par sa fuite à la bataille de Quiberon venait de quitter le Morbihan, passé désormais sous le commandement de Georges Cadoudal. Malgré tout, Puisaye conservait l'appui du Prince d'Artois et de William Pitt et voyait le pays de Fougères et de Vitré comme un bon endroit pour relancer son pouvoir.

En raison de l'épisode de Quiberon, Boisguy avait lui-même peu d'estime pour Puisaye qui fut accueillis assez froidement, malgré tout, Boisguy le reconnut comme commandant supérieur de la Bretagne. Puisaye, pour se faire mieux accepter, remit au nom des princes la croix de Saint-Louis à Boisguy et à plusieurs de ses colonels et capitaines. Puisaye nomma également Boisguy général lieutenant de l'armée de Rennes et de Fougères et brigadier des armées du roi. Boisguy recevait ainsi le commandement de toute l'Ille-et-Vilaine ainsi que d'une partie des Côtes d'Armor. Cependant ce commandement ne fut pas vraiment mis en pratique. De par la position de Rennes, le centre de l'Ille-et-Vilaine était majoritairement patriote et coupait ainsi les chouans de Fougères et Vitré des divisions de l'ouest du département.

L'arrivée de Puisaye dans la division de Fougères entraîna l'arrivée de nombreux émigrés venus d'Angleterre. Mais les émigrés et en particulier les chevaliers catholiques, corps d'élite commandé par Puisaye et constitué essentiellement d'aristocrates, provoquèrent l'hostilité des chouans par leur arrogance et par les reproches qu'ils adressaient aux officiers chouans. Ils leur reprochaient la trop grande jeunesse et les origines roturières de la plupart d'entre eux. Boisguy se plaignit à plusieurs reprises auprès de Puisaye du comportement des chevaliers catholiques dont la valeur militaire était toutefois réelle. Mais dans la division de Vitré, un sous-officier chouan de Pontbriand nommé La Poule fut à deux doigts de provoquer un soulèvement contre les émigrés. Cette tentative échoua et La Poule fut condamné à mort et fusillé sur ordre de Puisaye. Mais les tensions étaient toutefois vives avec les émigrés, et un sentiment anti-émigré commença à poindre parmi les chouans même s'il n'y eut plus d'autres tentatives de soulèvements.[5]

Article détaillé : Chevaliers catholiques.

Transactions des chouans avec l'Angleterre

Le 21 février, Boisguy reçut la réponse de Gervais Tuffin de La Rouërie, qui devait revenir d'Angleterre:

«  Mon cher ami, j'ai trouvé le prince prêt à tout tenter pour nous secourir. Tu verras, par la copie de la lettre que j'ai écrite à M. de Puisaye, le moyen que je lui ai proposé. Tu verras aussi ma conduite envers les émigrés; j'ai usé du droit d'impertinence, ayant à soutenir l'honneur de mes braves compagnons d'armes. Je te dirais le tout à mon arrivée. [...] Nous partons demain compte que je ne perdrai pas de temps ; je désire trop être auprès de toi. Adieu, cher ami tu recevras en peu des effets, trente espingoles et de la poudre qui te sera directement adressée. Je crois que tu te serviras utilement d'espingoles dans les déroutes que tu ne cesseras d'infliger aux « crapauds ». Tu recevras aussi de l'argent et des pierres. Notre ami Duval t'embrasse, et nous te prions tous les deux de ne pas nous oublier auprès de nos camarades. PS : Je te préviens que M. de Puisaye a la confiance du gouvernement et que la conduite du Morbihan a été très mal vue. Si le projet pour le débarquement a lieu, tu recevras armes et munitions.
Tuffin de La Rouërie, de Jersey, le 10 février 1796. [3] »
Article détaillé : Combat de Romazy.

Pour permettre aux Britanniques de débarquer des armes, Boisguy attaqua Romazy et Rimou, les deux bourgs furent pris sans difficulté. Mais les gardes nationales de Dol-de-Bretagne, Pontorson et Antrain furent prévenues et attaquèrent à leur tour. Pendant ce temps, une flottille de trois navires anglais partit de Jersey et procéda à trois débarquements d'armes, le premier dans le Cotentin, les deux autres dans la baie de Cancale. Tuffin de La Rouërie, Duval et une quarantaine d'émigrés furent débarqués près de Saint-Méloir-des-Ondes dans la nuit du 15 au 16 mars. Mais cherchant leur chemin dans un pays qu'ils ne connaissaient pas, ils tombèrent sur une patrouille républicaine. Tuffin de La Rouërie fut tué ainsi que quelques autres, Duval parvint à prendre les lettres et à s'enfuir. Après s'être réfugié à Pleine-Fougères, il put rejoindre du Boisguy. L'opération avait été lourde pour les chouans, Duval n'avait pu sauver que 1 000 louis d'or et Boisguy fut fort affecté de la mort de Tuffin qui était un de ses meilleurs officiers et amis.

Mais la situation des chouans n'allait cesser de s'aggraver, Stofflet avait été fusillé le 26 février à Angers, suivi de Charette le 29 mars. La Vendée avait été vaincue, Hoche pouvait alors s'occuper de la chouannerie et transféra son état-major à Rennes. Le 17 mars, il reprenait la direction des opérations. Les renforts républicains en Bretagne augmentaient et, en conséquence, les demandes d'aides des chouans aux Anglais, également. Début avril, Puisaye demanda au gouvernement britannique : des uniformes, des armes, de la poudre, quelques pièces d'artillerie, 500 hussards de Choiseul, les cadres de quelques autres régiments, des officiers du génie et d'artillerie, ainsi que 15 000 livres pour payer les troupes. Les chouans promettaient d'assurer le débarquement à condition d'être prévenus quelques jours à l'avance. Colin de La Contrie partit avec le courrier le 10 avril pour Londres, mais il dut fortement négocier avec le gouvernement et un temps précieux fut perdu. Enfin, à la fin du mois d'avril Puisaye quitta les divisions de Fougères et Vitré et partit vers le sud-ouest de l’Ille-et-Vilaine sans donner d'explications[19].

Victoire des Républicains

Lazare Hoche, généralissime républicain de l’Armée des côtes de Brest

La Vendée, puis le Maine ayant capitulé, les derniers centres de résistances, le Morbihan, le sud de la Normandie et les territoires dirigés par Boisguy, devaient voir un afflux de troupes républicaines. Hoche tenta alors de détacher les paysans de la chouannerie et proposa aux paysans la remise des taxes arriérées et institua le travail des champs compté comme temps de service dans les armées. Les colonnes mobiles commandées par Hoche et Quantin attaquaient systématiquement les repaires de chouans, réquisitionnant les champs et les bêtes des fermes dont les hommes étaient absents, les communes dans lesquelles des patriotes étaient assassinés furent soumises à de lourdes amendes, les patrouilles le long des côtes s'intensifièrent et les troupes se positionnèrent dans de nombreux cantonnements[20]. Plusieurs chouans sensibles aux avances républicaines commençaient à mettre bas les armes. De leur côté, les capitaines chouans osaient de moins en moins faire disperser leurs troupes après les combats comme cela se faisait habituellement, ils étaient progressivement acculés, n'attaquant que les plus faibles détachements. Les chouans n'ayant plus l'avantage lors des combats, ne pouvaient plus refaire leurs provisions de poudre. De plus, la présence de Puisaye handicapait les chouans d'Ille-et-Vilaine, car il ne participait pas aux combats et de nombreux soldats étaient immobilisés pour veiller à sa protection.

Article détaillé : Combat de Saint-Hilaire-des-Landes.

Le 5 mai 1796, Boisguy fut même à deux doigts d'être capturé, il fut surpris par une colonne de chasseurs de la Montagne commandés par le général Gency, près de Montours. Boisguy chevauchait alors seul avec un de ses capitaines, François Poirier dit « Sans-Chagrin ». Celui-ci fut capturé mais Boiguy parvint à s'enfuir. [21]

Il est certain toutefois que Sans-Chagrin fit croire aux républicains qu'il était le général du Boisguy. Les soldats l'amenèrent alors au général Claude Gency à La Selle-en-Coglès ou bien à Coglès où Sans-Chagrin fut fusillé[22]. Les autorités républicaines publièrent alors la nouvelle de la mort d'Aimé du Boisguy:

«  Un chef des chouans, trop célèbre pour ses forfaits, un homme aussi renommé dans le département d'Ille-et-Vilaine que Charette dans la Vendée, un digne émule de ce barbare de conspirateur, le féroce Boisguy, vient d'expirer sous les coups de la République, il n'est plus. [3] »

Toutefois, dès le lendemain, le général Hédouville dut démentir la nouvelle mais la rumeur dura encore un certain temps[23].

«  Je vous annonçais hier la mort de Boisguy, chef des chouans du district de Fougères, dans l'affaire qui a eu lieu le 5 à Saint-Sauveur. Des gens, dignes de foi, nous assurent qu'il a été vu depuis le jour où les chasseurs de la Montagne croient l'avoir tué. Leur conduite et surtout celle du tambour-major Mileson n'en est pas moins louable. Il est bien constant que deux chefs de brigands sont tombés sous leurs coups. Puisse Boisguy être du nombre car il n'en existe pas de plus féroce et de plus sanguinaire.[24] »

Face aux difficultés qu'ils rencontraient, les chouans ne voyaient que l'aide anglaise comme seule chance de résister. Au milieu du mois de mai, les troupes d'Aimé du Boisguy et de Louis de Frotté firent leur jonction, ils décidèrent de faire action commune afin d'organiser une opération permettant un débarquement d'armes, de munitions, voire, peut-être de troupes, dans la baie du mont Saint-Michel. Les deux généraux se promirent une assistance mutuelle[3].

Mais les chouans n'étaient plus victorieux que lors des petits engagements, pendant le mois de mai 1796, Boisguy fut battu à deux reprises par les troupes de l'adjudant général Bernard.

Article détaillé : Combat de Valennes.
Article détaillé : Combat de Maison-neuve.

Devant la situation alarmante des chouans, les Anglais se décidèrent enfin à faire débarquer des munitions en Normandie pour Louis de Frotté, ce dernier, au début de juin, envoya un courrier à Boisguy lui demandant de venir chercher la part qui lui était destinée. Mais pour cela, il fallait traverser des zones tenues par les républicains, Puisaye proposa une attaque en masse que Boisguy refusa, il chargea le capitaine Duval d'aller prendre la livraison avec 400 hommes d'élite et de traverser le terrain discrètement. Le voyage aller se déroula bien, au retour cependant, près de Saint-Hilaire-du-Harcouët, l'alerte fut donnée et Duval fut accroché, mais les troupes républicaines ne parvinrent pas à se réunir suffisamment vite et le convoi put passer. Duval ne perdit que deux morts et huit blessés, il ramenait plus de 100 barils de poudre. C'en était une très grande quantité, mais il était toutefois un peu tard[3].

Soumission de Boisguy

Partout en Bretagne, les chouans se rendaient. Dans le Morbihan, Cadoudal fit sa soumission le 18 juin, Louis de Frotté ordonna la cessation des combats le 23 juin puis s'embarqua pour l'Angleterre. Aimé du Boisguy fut le dernier à rendre les armes avec la division de Fougères, ce fut le 26 juin 1796. La division de Vitré, informée plus tard, fit sa soumission le 30 juin au général Spital. Les conditions de paix étaient de déposer les armes et de remettre les munitions. Les transfuges ralliés aux chouans devaient rejoindre l'armée républicaine, les émigrés devaient quitter la France. En contrepartie, l'Ouest était exempt de conscription, les chouans étaient amnistiés et on rappelait que la constitution tolérait tous les cultes religieux.

Le 15 juillet 1796, le Directoire annonçait que « les troubles dans l'Ouest sont apaisés ».

La pacification

Vie de Boisguy lors de la pacification

Si Boisguy fut le dernier à rendre les armes, il respecta les clauses du traité et ne provoqua pas de troubles. Boisguy se retira dans son château avec sa mère et son frère, quelques anciens officiers chouans venant parfois lui rendre visite. Le commissaire Julien Loysel écrivit :

« Boisguy est toujours au château du Boisguy, dans la commune de Parigné. Il y vit avec sa mère ; quelques ci-devants chefs de chouans y vont parfois, dit-on, entre autres Larcher-Louvières, surnommé « Hoche ». Il y a quelque temps qu'on nous avait donné des inquiétudes sur le compte de ces deux chefs ; mais ceux mêmes qui nous annonçait la Chouannerie comme près de se révéler disaient que du Boisguy n'était pas de cet avis, qu'au contraire, il faisait réparer son château et l’ameublait. Au reste, la commune de Parigné qu'il habite et qui était très mauvaise, est on ne peu plus tranquille. Ceux qui y dominent principalement voudraient même qu'on prit les plus grandes mesures pour réprimer les pillages et les brigandages qui se commettent encore de temps en temps. Enfin, dans nos cantons les ci-devants chouans se marient sans cesse et prennent des fermes autant qu'il s'en trouve de vacantes. Quant à Boisguy, on le regarde assez généralement ici comme un de ceux qui sont rentrés avec le plus de bonne foi[25]. »

Le 7 septembre 1796, Boisguy assista au mariage, à Parigné, de sa sœur Colette Apolline Marie Picquet du Boisguy avec son compagnon d'armes, Toussaint du Breuil, vicomte de Pontbriand, l'ancien commandant de la division de Vitré. Ce dernier invita ensuite Boisguy chez lui, au château de La Caunelaye, près de Dinan et dans lequel Boisguy séjourna deux mois avant de repartir pour son château, continuer à s'occuper des réparations et de l'ameublement.

Emprisonnement de Boisguy

Le château de Saumur où Boisguy fut emprisonné

Mais cette vie calme finit par être interrompue car, dans la nuit du 17 au 18 mars 1797, Boisguy fut arrêté chez lui par les républicains et envoyé à Saumur, où il fut emprisonné au château, dans la tour Grainetière. Les motifs de son arrestation restent inexpliqués. Le commissaire du canton de Parcé écrivit :

« On vient d'arrêter le citoyen Picquet du Boisguy, ci-devant chef des chouans de notre pays. On ignore absolument les motifs de son arrestation. Quels qu’ils soient, on en craint généralement les suites, surtout ceux qui, comme moi, sont obligés, pour l'intérêt public, de s'exposer au matin dans les campagnes, et les craintes sont d'autant plus fondées que cette arrestation inattendue rejette une très grande méfiance parmi les individus qui sont compris dans la pacification[26]. »

Pontbriand intervint alors auprès du général Hédouville afin de dénoncer la captivité de son beau-frère. Mais ce dernier n'avait pas le pouvoir de libérer Boisguy car l'ordre venait du gouvernement qui le considérait comme dangereux. Toutefois, Hédouville put obtenir un allègement de la peine. Il fut déclaré que Boisguy aurait la ville de Saumur pour prison, il fut sorti de la tour Grainetière et mis en liberté après avoir fait et signé la promesse de ne pas s'éloigner au-delà des limites qui lui étaient assignées[3].

Nouveaux troubles

Mais à Paris, les conséquences du coup d'État du 18 fructidor an V allaient faire renaître les troubles qui gagnèrent l'Ouest lors de l'hiver 1797. Au début de l'année 1798, le commissaire François Loysel, remplaçant son frère Julien, décida de relancer les actions des faux chouans. Il soudoya un ancien capitaine d'Aimé du Boisguy, Joseph Boismartel dit « Joli-Cœur ». Ce dernier avait notamment été soupçonné par ses chefs d'avoir participé aux meurtres de deux jeunes femmes, lors du premier combat du Rocher de La Plochais. Resurnommé « Le Prâ », Boismartel prit la tête d'une bande de faux chouans qui s'occupa d'assassiner des prêtres réfractaires, d'anciens chouans, des suspects. Le colonel Pontbriand estima que le nombre de leurs victimes aurait été de 200 en quelques mois[5]. En réaction, quelques bandes de chouans se réorganisèrent et pendant quelque temps, on vit presque des affrontements entre chouans et faux chouans et de multiples règlements de compte. Finalement, le 18 février 1799, Boismartel fut fusillé sommairement par quatre chouans, sa mort provoqua un coup d'arrêt au mouvement des faux chouans du pays. Mais l'exaspération atteint son paroxysme lors de l'application de la loi des otages, qui permettait d'arrêter arbitrairement les familles des suspects. Les chouans décidèrent alors de reprendre les armes et suite à une réunion des officiers, la reprise des hostilités fut fixée pour le 25 octobre 1799.

La chouannerie de 1799

Le dernier sursaut

Georges Cadoudal, généralissime des chouans de Bretagne à partir de 1799

Face aux difficultés du Directoire, les royalistes estimèrent que le moment était opportun et passèrent à l'attaque. De son côté, Boisguy avait été renfermé au mois de janvier dans la tour Grainetière. Il parvint à s'évader de Saumur au mois de septembre, mais, blessé lors de l'évasion des suites d'une chute, il ne put participer au début de l'insurrection.

À Challain-la-Potherie, le 2 octobre 1799, Boisguy écrivit à Pontbriand :

« J'arrive au quartier général de Châtillon, où je vais passer quelques jours pour me mettre en état de rejoindre mes braves de Fougères et combattre à leur tête. Mais, avant d'arriver, je veux t'apprendre mon évasion de Saumur. J'ai fait une chute de cinquante pieds de haut en me sauvant. Je me suis fracturé la rotule du genou droit, ce qui a mis un peu de retard à mon arrivée. Je commence à monter à cheval ; je ne veux pas tarder davantage à me mettre à la tête de nos braves.

J'ai appris que ton intention était d'aller à Vitré reprendre ton ancien commandement. Je te prie de n'en rien faire et d'aller de suite prendre le commandement de l'arrondissement de Dinan, où tu t'occuperas sans relâche des moyens de communiquer avec l'Angleterre. Je t'engage d'autant plus à aller où je dis que tu sais combien, dans la dernière guerre, nous avions besoin de faire venir des munitions qui ne nous parvenaient que très difficilement, faute que quelqu'un d'actif ne donnât toute son attention à cette partie si essentielle. Il régnera toujours entre nous un accord parfait, ce qui nous fera entreprendre toutes les choses nécessaires pour atteindre le but que nous nous proposons et qui sera d'une si grande utilité pour nos troupes et celles de toutes les armées royales, auxquelles nous pourrons fournir abondamment toutes les munitions dont elles ont grand besoin.

Adieu, mon ami ; aussitôt que je serai sous Fougères, je te le manderai, pour que nous nous réunissions pour arrêter verbalement tous nos plans de campagne
Ton ami et frère, Picquet du Boisguy
Général lieutenant de l'armée de Rennes et de Fougères, brigadier des armées du Roi [3] »

Boisguy put enfin gagner Fougères à la mi-novembre, mais son évasion n'avait pas été prévue par les royalistes. Georges Cadoudal, le généralissime de l'armée royale de Bretagne, avait placé à sa place le chevalier de La Nougarède dit « Achille le Brun » et Picot de Limoëlan comme chefs des divisions de Fougères et de Vitré, ainsi que le chevalier de La Prévalaye comme commandant de l'Ille-et-Vilaine. Boisguy renonça à récupérer son ancien poste et décida d'aller combattre un peu plus au sud, dans les environs de Châteaubriant, il y combattit les troupes républicaines des généraux Taponier, Schilt et Harty.

Le 24 novembre 1799, le général Alexandre Camille Taponier écrivit à Hédouville :

« Le chouan nommé Aimé du Boisguy, et qui est devenu redoutable à tous nos cantonnements, s'est mis sur le train de ne jamais laisser passer tranquillement une voiture chargée de trésors publics. Il les arrête toutes, saisit les fonds destinés au gouvernement, respecte les individus qui voyagent, et, quelquefois même offre aux plus pauvres des secours. Il prétend que la République a assez volé pour se laisser voler à son tour » [3] »

Conséquences du coup d'État du 18 brumaire

Mais le 9 novembre, le Directoire avait été renversé par le général Napoléon Bonaparte, qui instaura le Consulat. Ce changement de régime fit espérer aux royalistes une restauration de la monarchie et des pourparlers furent entamés. Fin novembre, les hostilités furent suspendues et un armistice fut signé le 18 décembre avec le général Hédouville. Mais des officiers comme Boisguy, Cadoudal, Frotté et Bourmont ne faisaient pas confiance au nouveau régime. Ils ne purent toutefois entraver les négociations. Parallèlement, fin décembre, Boisguy reprenait son poste à Fougères. Il reprit sous ses ordres son frère Louis Picquet du Boisguy, ainsi que les capitaines Hay de Bonteville et Saint-Gilles. Boisguy expulsa d'ailleurs de sa troupe des chouans coupables de brigandages, parmi lesquels, les frères Bobon, ceux qui avaient tué Boismartel. En revanche, en son absence sa colonne normande, dirigée par Dauguet, était passée sous les ordres de Frotté, Boisguy n'avait à ce moment qu'environ 2 000 hommes sous ses ordres.[3].

Mais Bonaparte traitait pour gagner du temps. Rétablissant la situation aux frontières, il rappela le général Brune de Hollande et l'envoya, avec ses 30 000 hommes dans l'Ouest, tandis que Hédouville tentait de poursuivre les négociations, ce dernier parvint à prolonger l'armistice jusqu'au 22 janvier. Mais les républicains étaient désormais en position de force. Face à l'arrivée de telles troupes, les chouans comprirent qu’il était inutile de résister. D'Autichamp se rendit le 18 janvier, le 20 janvier, les chefs du Bas Maine et de l'Anjou mettaient bas les armes. Seuls Cadoudal, Boisguy, Frotté et Bourmont entendaient résister, encouragés par des rumeurs annonçant l'arrivée prochaine du comte d'Artois à la tête de 20 000 soldats royalistes et anglais.

Le 20 janvier, malgré la trêve, le combat reprit dans les environs de Saint-James, Boisguy pour les chouans et Dumoulin pour les républicains, rejoignirent le combat qui finit par opposer 2 200 chouans à 4 000 républicains. Malgré leur infériorité numérique, les chouans furent vainqueurs.

Article détaillé : Deuxième bataille de Saint-James.

Par la suite 1 800 soldats républicains prirent position à Saint-James et 1 200 autres, à Fougères. Boisguy décida alors d'évacuer le pays de Fougères, de n'y laisser que quatre compagnies, et de se porter vers le sud afin de rassembler les troupes de Vitré et du Maine. Il espérait regrouper 6 000 à 7 000 combattants. Mais lors de la retraite, sur le chemin de la Vieuxville, Boisguy et ses Chouans croisèrent les 4 500 hommes du général Dumoulin, qui les attendaient. En parfaite formation et bien positionnés, les républicains entamèrent des manœuvres d'encerclement. Boisguy, ne pouvant éviter le combat, tenta une attaque sur le flanc droit, mais les chouans, manquant de munitions, durent attaquer à la baïonnette et furent mis en complète déroute. Ils purent cependant se replier sur Parigné[3]. Environ cinquante chouans furent tués, et des centaines d'autres se dispecèrent. Le plan de Boisguy avait échoué, il ne commandait alors plus que 1 000 à 1 200 hommes n'ayant presque plus de munitions, désormais l'issue de la guerre semblait pliée.

Article détaillé : Bataille des Tombettes.

Nouvelle soumission de Boisguy

Le général Brune

Les derniers irréductibles se rendaient. Bourmont fit sa soumission le 4 février 1800, Frotté fit de même le 8 février mais fut fusillé par les républicains dix jours plus tard. Cadoudal se soumit le 13 février, Boisguy restait seul. Le général républicain Pilotte de La Barolière, excédé, déclara qu'il serait sans pitié si Boisguy ne se rendait pas dans les jours prochains. Ce fut Pontbriand qui, ayant déposé les armes le 13 février, informa Boisguy de la soumission du Morbihan et de Cadoudal et parvint à convaincre Boisguy de se rendre[3].

Dès lors, le 18 février, ils se rendirent tous deux à Rennes pour traiter avec le général Guillaume Marie-Anne Brune. Ce dernier offrit à Boisguy, au nom du Premier Consul, le grade de général de brigade dans l'armée républicaine mais Boisguy refusa. Pontbriand, à qui on offrit le grade de colonel, refusa l'offre également. Boisguy signa alors la paix, il demanda juste la levée du séquestre mis sur les biens de sa famille pour cause d'émigration. Boisguy et Pontbriand demandèrent ensuite à Brune, la liberté pour tous les prisonniers chouans détenus à Rennes, Fougères et Vitré[3].

Le lendemain, Brune invita les deux officiers chouans à dîner. Lors du repas, il réitéra sa proposition à Boisguy qui la refusa de nouveau, « Ce serait changer de parti, et je crois que l'honneur le défend » répondit-il[5]. Pontbriand remit ensuite à Brune la liste des chouans prisonniers. Ils étaient au nombre de 122 dont 92 détenus à Rennes. Boisguy exprima alors le désir d'aller lui-même porter l'ordre de libération à ses compagnons d'armes, ce que Brune accepta[5].

Vie sous l'Empire et la Restauration

L'Empire

Pour consulter un article plus général, voir : Premier Empire.

Par la suite, Boisguy vécut un moment à Rennes avant d'aller s'établir à Paris avec sa famille. Il tenta plusieurs fois d'obtenir la levée des biens de sa famille.

En 1800 eut lieu à Paris l'attentat de la rue Saint-Nicaise commis par Pierre Robinault de Saint-Régeant et Pierre Picot de Limoëlan, qui tentèrent d'assassiner Napoléon Bonaparte. Bien que Boisguy n'ait joué aucun rôle dans ce complot, ni n'en ait été, semble-t-il, prévenu, il fut malgré tout exilé à Reims à la demande de la police. Son frère Louis fut envoyé à Chartres, il fut un moment arrêté, puis relâché, mais malade à cause de sa vieille blessure au bras, il mourut en 1804.

Finalement en 1802, les Boisguy furent rayés de la liste des émigrés et purent récupérer leurs propriétés. Mais peu de temps après, près de Fougères, Pontbriand faillit être assassiné par des jacobins qui le confondirent avec Aimé du Boisguy. La mère de ce dernier décida alors de vendre le château et ses terres avant de partir vivre près de Reims. Au début de l'année 1805, Joseph Fouché manda chez lui Boisguy et lui renouvela encore l'offre d'entrer dans l'armée impériale, ce qu'il refusa une fois de plus désirant, dit-il, vouloir vivre tranquillement. Fouché permit ensuite à Boisguy de pouvoir désormais circuler librement, ce dernier retourna alors à Paris[3].

Le 1er avril 1805, à l'âge de 29 ans, Aimé Picquet du Boisguy épousa Adelaïde Geneviève Charton, née le 23 mars 1783 d'une famille anglaise établie à Paris [3]. De cette union naquirent deux filles Angélique Marie Camille, née le 4 mars 1806 et Bonne Adélaïde, née le 9 septembre 1811[3].

De son côté, la mère de Boisguy s'installa à Senlis.

La Première Restauration

Pour consulter un article plus général, voir : Première Restauration.

En 1814, l'Empire tomba et la monarchie fut restaurée. Le 30 décembre 1814, Aimé du Boisguy fut promu au grade de maréchal de camp. Le 10 janvier 1815, il se rendit à Rennes, à l'hôtel de la préfecture, pour une convocation des vétérans et des blessés et mutilés de guerre de la chouannerie. Boisguy avait été nommé à la tête d'une commission chargée de les indemniser. À la préfecture, d'anciens chouans convoqués furent d'ailleurs assaillis par des émeutiers impériaux ou jacobins. Boisguy se réfugia dans la préfecture et rejoignit le général Bigarré, mais celui-ci, bonapartiste, ne fit pas intervenir la troupe.

Les Cent-Jours

Pour consulter un article plus général, voir : Cent-jours.

Apprenant le retour de l'empereur, Boisguy voulut reprendre le combat et proposa ses services à la famille royale[27]. Mais face à la progression fulgurante de Napoléon et la fuite précipitée de Louis XVIII, Boisguy se décida à retourner combattre en Bretagne mais tomba malade peu avant son départ de Paris. Après l'arrivée de Napoléon à Paris le 20 mars, il fut arrêté et emprisonné à la prison de la Force, puis à la prison Sainte-Pélagie. En l'absence de leur chef, les chouans du pays de Fougères bougèrent peu lors de la chouannerie de 1815. Finalement, après la défaite définitive de Napoléon, Boisguy fut libéré le 3 juillet 1815.

La Seconde Restauration

Pour consulter un article plus général, voir : Seconde Restauration.

Le 9 mars 1816, Boisguy reprit du service et entra dans l'armée française[28]. Boisguy reçut alors le commandement du département des Ardennes. Il servit à ce poste à Mézières pendant toute la Restauration, il fut seulement nommé le 26 avril 1825 pour prendre le commandement militaire de la ville de Reims pour le sacre de Charles X[3]. La carrière militaire de Boisguy sous la Restauration fut assez tranquille, il ne participa à aucun conflit.

Il fut fait chevalier de la Légion d'honneur, le 18 mai 1820, puis officier le 1er mai 1821 et enfin commandeur, le 23 mai 1825[3].

Le 29 décembre 1824, sa fille Angélique Marie Camille se maria avec le marquis Nicolas William Wladimir Villedieu de Torcy et donna naissance à deux fils : René-Gaston et Aimé Raphaël Villedieu de Torcy. Sa seconde fille, Bonne-Adélaïde, épousa le comte Louis de Bonnay, le 15 octobre 1831, elle donna, elle aussi, naissance à deux fils; Albert-Joseph-Ange et Henri-Aimé[3].

Retraite de Boisguy

Charles X fut renversé le 29 juillet 1830 lors des Trois Glorieuses et la Monarchie de Juillet fut instaurée. Boisguy ne voulut pas servir le nouveau régime et le 7 août, il fut réformé pour refus de serment[29]. Il ne prit toutefois aucunement part à l'Insurrection royaliste dans l'Ouest de la France en 1832[3].

Aimé du Boisguy retourna alors vivre à Paris et s'établit avec sa femme, 2 rue du Tronchet.

Sa mort

Le 1er mai 1832, sa mère mourut à Senlis. Il perdit ensuite sa femme, le 21 novembre 1837.

Atteint de la goutte depuis plusieurs années, Aimé Picquet du Boisguy succomba à une nouvelle attaque de cette infection et mourut le 25 octobre 1839 à Paris, 2 rue Tronchet[3].

Il est enterré au cimetière de Picpus[3].

Voir aussi

Bibliographie

  • Marie-Paul Du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition Honoré Champion, Paris, 1904 (réimpr. La Découvrance, 1994) 
  • Toussaint Du Breil de Pontbriand, Mémoire du colonel de Pontbriand, édition Plon, Paris, 1897 (réimpr. Y. Salmon, 1988) 
  • Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissemnet de Fougères, 1989 
  • Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Editions, 1894 
  • Abbé Joseph Louet, La Chouannerie dans le Pays Fougerais, Rue des Scribes Editions, 1990 
  • Nathalie Meyer-Sablé et Christian Le Corre, La chouannerie et les guerres de Vendée, éditions Ouest-France, 2007 
  • Louis-Marie-Auguste-Fortune, comte d'Andigné de la Blanchaye, Mémoires du général d'Andigné, Plon, 1900 (réimpr. Y. Floch 1990) 
  • Etienne Aubrée, Le Général de Lescure, Librairie Académique Perrin, 1936 

Note et références

  1. (parfois orthographié Bois-Guy)
  2. Situé à l'angle de la rue Nationale et de la rue Jean-Jacques-Rousseau.
    Billé, Javené, Parcé dans la tourmente révolutionnaire, Marcel Hodebert.
  3. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w , x , y , z , aa , ab , ac , ad , ae , af , ag , ah , ai  et aj Un Chouan, le général du Boisguy, Du Breil de Pontbriand
  4. Photos du château du Boisguy [1] [2]
  5. a , b , c , d , e , f  et g Mémoire du Colonel de Pontbriand
  6. Les parlementaires insurgés rapportèrent que le conseil avait failli écrire sur le traité: "Ceci n'est pas un engagement."
  7. Les prisonniers de Malagra d'Etienne Aubrée
  8. a  et b Mémoire du général d'Andigné
  9. Dans le district de Fougères les administrateurs républicains imputèrent aux chouans ou à des brigands les meurtres d'environ 127 personnes, de juillet 1794 à décembre 1796. Parmi lesquels : six administrateurs, quatre militaires (dont deux capitaines), seize femmes et un ou trois enfants. Les victimes allait du dénonciateur au simple patriote, les administrateurs étaient également particulièrement visés. Toutefois certains de ces assassinats furent en fait commis par des faux chouans, voire même parfois par des soldats républicains, d'autres encore furent motivés par des raisons personnelles, parfois sans rapport avec la guerre. Il y eut aussi des exactions commises par l'armée républicaine, mais le nombre des victimes n'est pas connu.
    Christian Le Boutellier, La Révolution dans le pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères.
  10. Toussaint du Breil de Pontbriand écrivit :
    « On apprit bientôt qu'une armée de 15 000 hommes arrivait par la Normandie et qu'elle avait déjà dépassé Vire. Elle entra à Fougères au milieu du mois d'août 1794, et fut aussitôt dispersée en cantonnements dans les paroisses royalistes de cet arrondissement et les soldats logés et nourris chez l'habitant; d'autres troupes arrivaient en même temps du côté de Mayenne, en sorte que le pays s'en trouva entièrement couvert. On assure qu'il y eut pendant quelques jours jusqu'à 28 000 hommes dans le pays de Fougères.
    Du Boisguy se vit encore obligé de disperser ses troupes. Comme cette masse de soldats étaient étrangers au pays, la plupart de ceux de du Boisguy reprirent leurs travaux des champs vivaient dans leurs familles avec les républicains ; les autres se tinrent cachés avec leurs chefs. Du Boisguy défendit toute hostilité et engagea les habitants à bien recevoir les soldats chez eux ; il pensa qu'ils y étaient pour peu de temps.
    Les premiers jours, toutes les campagnes furent couvertes de colonnes mobiles et de patrouilles très fortes qui se croisaient en tous sens de nuit et de jour, mais elles firent peu de mal, car les officiers voyant le pays tranquille, firent bientôt cesser ce service pénible et les soldats ne trouvant de résistance nulle part, se contentaient de boire et de manger chez les habitants, mais ils ne les maltraitaient pas. Il n'y avait que ceux qui étaient voisins des paroisses patriotes qui continuaient d'être victime de la férocité des gardes territoriales, qui venaient chez eux et excitaient les soldats contre leurs hôtes, mais ces derniers montraient plus d'humanité et souvent on les vit les protéger et forcer les gardes territoriales de se retirer. Aussi on entendit les patriotes se plaindre de l'esprit qui régnait dans cette armée, qui, selon eux, était plus amie qu'ennemie des royalistes. Cet état de chose dura environ six semaines, le pays était chargé d'un grand fardeau, mais il jouit pendant ce temps d'une espèce de tranquillité. Les soldats avaient presque partout aidé les habitants à faire leurs récoltes et tous vivaient en bonne intelligence lorsque, vers le 20 septembre, l'ordre arriva subitement de lever les cantonnements, parce que l'armée avait une autre destination »

    Toussaint Du Breil de Pontbriand, Mémoire du colonel de Pontbriand, 1897 
  11. Le 13 novembre 1794, Hoche écrivit :
    «  Je fais ce qu'on appelle la guerre aux chouans. Les drôles de gens ! On ne les voit jamais. »
  12. Notamment Charles Brottier et Duverne de Presle
  13. a  et b Mémoires du colonel de Pontbriand, d'après le récit du lieutenant républicain Marcel capturé par Boisguy
  14. Peu de jours après, Boisguy aurait reçu une lettre du lieutenant Marcel, écrite avec l'autorisation du général Hoche. D'après le lieutenant, Hoche avait paru extrêmement mortifié de l'idée qu'avait les frères Boisguy qu'il eût voulu les faire fusiller ; il lui avait dit: « J'estime le courage dans mes ennemis même, je ne voulais les arrêter que parce que c'était le seul moyen qu'il y eût de pacifier le pays de Fougères ; mon projet était d'offrir du service au cadet, qui n'est pas émigré, j'aurais renvoyé l'autre en Angleterre. »
    Mémoires du colonel de Pontbriand
  15. « Malheureux soldats, est-ce que vous ne vous lasserez point de servir des scélérats et des régicides qui, non contents de vous avoir arrachés des bras de vos pères et mères qui avaient un besoin urgent de votre secours, vous mènent vous faire égorger ! Car comment voulez-vous que des hommes mal chaussés et exténués puissent combattre des hommes robustes et ne manquant de rien et doublement forts par la bonté de leur cause ? Malheureux, sachez que vous n'êtes pas les seuls, que les auteurs de vos jours ne sont plus que vous. Ils n'existaient que par vos bras : on les leur arrache. Ils sont donc réduis à la plus affreuse misère; sans la générosité des chouans, dans le sang desquels vous désirez vous plonger, il y aurait longtemps qu'ils auraient terminé leur malheureuse existence. Eh bien ! ces chouans vous offrent encore leurs bras, venez les joindre, ils vous recevront en frères, vous pouvez en être sûrs. La moitié du bataillon des Côtes-du-Nord que nous avons avec nous vous dira que nos soldats se sont même dépouillés pour les couvrir. Il est temps que vous ouvriez les yeux si vous ne voulez pas vous enfoncer dans l'abîme. La moitié de vos camarades désertent et prennent aussitôt les armes contre vous. La République ne peut plus recruter. Elle perd journellement des hommes par le feu, plus encore par les maladies. La marine est totalement à bas : elle n'a plus de matelots, le peu de vaisseaux qui restent ne peuvent sortir des ports sans devenir la proie des Anglais. Voyez actuellement quels moyens elle a de résister. Sauvez-vous, mes amis, nous vous en conjurons, venez nous joindre et nous partagerons la gloire de remettre Louis XVII sur le trône.
    signées : Aimé Picquet du Boisguy, chef des royalistes de Fougères, et Hay de Bonteville. (affichée le 16 juillet 1795)
    Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Théodore Lemas  »
  16. Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissemnet de Fougères, 1989 
  17. «  Pour qui, pour quoi, portez-vous les armes ? Est-ce pour rétablir vos seigneurs, leurs droits féodaux, la dîme, les corvées personnelles, la gabelle, les impôts et billot, etc., etc. ? [...] Vous protégez vos bourreaux, et vous vous armez contre ceux qui veulent vous rendre à vos droits naturels ! [...] Valeureux défenseurs de l'État, c'est principalement à vous qu'il appartient de faire respecter et de chérir le régime républicain. N'oubliez jamais que, si vous devez détruire l'ennemi armé, vous devez aussi protéger l'innocent, accueillir le faible et respecter la propriété de tous. »

    Lazare Hoche
    La chouannerie et les guerres de Vendée, Nathalie Meyer-Sablé et Christian Le Corre, éditions Ouest-France

    « Habitants de ces contrées malheureuses,vous croyez-vous plus braves que ces Vendéens dont le passage de la Loire aurait fait trembler tous autres qu'eux ? Quels sont vos chefs ? Possèdent-ils les talents de d'Elbée, l'aménité de Bonchamps, le courage de Stofflet, l'activité, les ruses et les connaissances locales de Charette ? Vous n'êtes pas à moitié armés, vous ne devez vos armes qu'à des trahisons, à des connivences qui ne vont plus exister, vos agents étant ou arrêtés ou poursuivis. Eh bien, en admettant que vous ayez des armes, des munitions, que vos chefs ne soient pas d'ignorants flibustiers, en admettant que votre valeur égale celle des Vendéens, pourquoi ne seriez-vous pas vaincus et désarmés comme eux ? Prenez-y garde : les légions approchent, hêtez l'instant du repentir... »

    Lazare Hoche, mars 1796
    Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Théodore Lemas
  18. Le général républicain Auguste Julien Bigarré écrivit à propos de l'adjudant-général Bernard :
    « Quand il sortait à la tête des troupes sous son commandement, et, qu'il parvenait à rencontrer ces bandes faisant la désolation des villes et des campagnes, il prévenait les soldats qu'ils eussent à lui rapporter les oreilles des hommes qu'ils tueraient, leur promettant de leur accorder une récompense. À la suite d'une battue générale qu'il fit faire dans la forêt de Landéan, et que lui, Bernard, commandait en personne, il rentra à Fougères couvert des habits sacerdotaux d'un curé, qui fut pris les armes à la main, et précédé de la croix de l'église que déservait ce prêtre, à laquelle croix était pendues quarante paires d'oreilles coupées aux têtes des ennemis qui succombèrent dans cette action. »
    Etienne Aubrée, Le Général de Lescure, Librairie Académique Perrin, 1936 
  19. Boisguy éprouvait quelques ressentiments envers Puisaye. Ainsi lorsque Frotté envoya un jour un message à Boisguy pour lui demander d'obtenir un entretien avec Puisaye, Boisguy lui donna la réponse suivante : « Je ne l'ai pas dans ma poche ».Marie-Paul Du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition Honoré Champion, Paris, 1904 (réimpr. La Découvrance, 1994) 
  20. La chouannerie et les guerres de Vendée, Nathalie Meyer-Sablé et Christian Le Corre, éditions Ouest-France
  21. Dans ses mémoires, Toussaint du Breil de Pontbriand donna description de l'évènement, cette version, la seule détaillée, a fort probablement été racontée à Pontbriand par du Boisguy lui-même.
    « Du Boiguy s'était mis en route pour Poillé, accompagné du capitaine Poirier, dit Sans-Chagrin. Après les affaires des jours précédents, il ne croyait pas qu'il eût de colonnes républicaines dans le pays, et il marchait sans défiance. Du Boisguy n'était armé que de son sabre, avec un seul pistolet à l'arçon de sa selle ; Sans-Chagrin avait une carabine et un sabre. En arrivant près de Montours, ils furent bien surpris de rencontrer, au détour d'un chemin, la tête d'une longue colonne d'infanterie qui les accueillit par une décharge à vingt pas. Du Boisguy riposta d'un coup de pistolet, mais ne pouvant, vu la condition du terrain, retourner sur ses pas, il franchit une barrière fort haute, qui se trouvait à sa droite ; le capitaine le suit et traverse avec lui au galop une assez vaste pièce de terre, qui était terminée par un fossé et une large douve, que le cheval de du Boisguy refusa de sauter. Il fut forcé de l'abandonner ; le capitaine passa et poursuivit jusqu'au bout d'un autre champ, où il se trouva un obstacle qui l'arrêta et le força également de sauter à terre. Du Boisguy lui dit « Donne-moi la main, courons, et surtout ne te démoralise pas, nous nous sauverons ensemble ». Ils étaient suivis de près par plusieurs chasseurs de la Montagne (c'était le nom du corps qu'ils avaient rencontré), ils traversèrent encore trois autre pièces de terre, mais Poirier, n'en pouvant plus, lâcha la main de du Boisguy, en lui disant: « Adieu mon général, je suis un homme mort », « Adieu mon pauvre Sans-Chagrin », lui dit du Boisguy.
    Parmi la foule des soldats qui les suivaient de près, il y en avait un qui courait avec tant d'agilité que du Boisguy, craignant d'être pris, jeta d'abord ses épaulettes et sa croix de Saint-Louis dans un champ de blé, puis, peu après, sa veste, son chapeau et son gilet; il répandit sur la route ce qu'il avait d'argent dans l'espoir de l'arrêter; il lui restait d'autres armes qu'un petit poignard qu'il tenait à la main. Le chasseur qui le poursuivait courait si bien qu'il put encore tirer trois coups de fusil sur lui. Déjà, ils avaient parcouru plus d'une demie-lieue, quand ils arrivèrent à un champ nouvellement labouré; du Boisguy le traversa en entier en sautant trois sillons à la fois, ce qui lui donna de l'avance sur le chasseur; enfin il arriva à une ferme nommé La Boucadière, où il vit quelques jeunes gens qu'il appela à son secours: Tirez dessus, leur cria-t-il, il est seul, les autres sont à un demi-quart de lieue derrière lui. Le chasseur de la Montagne eut peur à son tour, et s'arrêta pour attendre ses camarades; il était temps, car du Boisguy n'en pouvait plus, et ce ne fut qu'avec l'aide de ces jeunes gens qu'il se trouva enfin en sûreté. Il eut un fort vomissement de sang et fut plusieurs jours à se rétablir.
    Le pauvre capitaine Poirier fut pris; il dit aux Républicains, pour ralentir leur poursuite, qu'il était le général du Boisguy. Ils le conduisirent au bour de La Selle-en-Coglès, où il fut fusillé. Il mourut en criant Vive le Roi.
    Ce capitaine fut extrêmement regretté de du Boisguy et de tous ses camarades; il était d'une intrépidité peu commune, ne quittait presque jamais son général, et se plaçait toujours devant lui aux endroits les plus périlleux; il n'avait que vingt ans, et, depuis 1793, il avait toujours eu les armes à la main.
    Le chasseur revint avec la veste, le chapeau et le sabre de du Boisguy, qui furent portés en triomphe, le soir même, à Fougères, où le bruit de sa mort se répandit aussitôt.La nouvelle en fut transmise à Paris et publiée par les journaux.
    Le lendemain, les jeunes gens de la ferme de la Boucadière retrouvèrent dans les blés ses épaulettes et sa croix de Saint-Louis, qu'ils lui rapportèrent aussitôt.
    Les Chasseurs de la Montagne étaient au nombre de douze cents et faisaient partie d'une demi-brigade commandée par le général Gentil, envoyée de Normandie pour renforcer la garnison de Fougères. »
  22. Christian Le Boutellier, La Révolution dans le pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, 1989
  23. À Fougères, les autorités républicaines de la ville organisèrent une fête patriotique pour célébrer la mort de Boisguy, malgré le fait qu'Hédouville eut démenti sa mort quelques jours plus tôt.
    Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissemnet de Fougères, 1989 
  24. Christian Le Boutellier, La Révolution dans le pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissemnet de Fougères, 1989.
  25. Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, p.581.
  26. Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, p.582
  27. 16 mars 1815
    « Monseigneur,
    Mon nom et mon dévouement vous sont connus. À 15 ans, j'ai pris les armes pour la cause du trône. Je supplie Votre Altessse Royale de m'accorder un commandement dans les volontaires qui doivent former votre avant-garde. Connaissant bien la guerre de partisans que j'ai faite pendant les guerres de l'Ouest, c'est dans ce genre de service que je crois pouvoir être le plus utile au Roi. Je suis avec un profond respect, Monseigneur, de Votre Altesse Royale, le très humble et fidèle seviteur.
    Picquet du Boisguy, Maréchal de camps. »
    Marie-Paul Du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition La découvrance, 1904 (réimpr. 1994) 
  28. 12 août 1815
    « Monseigneur,
    J'ai 39 ans et depuis l'âge de 15, je sers sa Majesté, toujours sous les armes, en prison ou en surveillance. J'ai moi-même formé et organisé les légions royales de Fougères et Vitré, fortes de 7 000 hommes, je les ai commandées dans près de 300 combats. J'aurais encore commandé dans cette dernière campagnes les forces royales d'Ille-et-Vilaine, mais, étant tombé malade au départ du Roi, je fus arrêté en cet état et conduis, par ordre de M. Réal, dans les prisons de Paris, où je fus détenu jusqu'au retour de Sa Majesté. Je brûle du désir de servir mon maître. Je demande à être employé dans sa garde suivant mon grade. Je puis répondre qu'aucun Français ne servira sa Majesté avec plus de zèle et de dévouement.
    Picquet du Boisguy, Maréchal de camps »
    Marie-Paul Du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition La découvrance, 1904 (réimpr. 1994) 
  29. Mézières, 12 août 1830. « Monsieur le Préfet,
    J'ai l'honneur de vous informer que M. le baron Nicolas, appelé à me remplacer, prendra à partir de demain, le commandement de la subdivision des Ardennes . Permettez-moi de vous exprimer, M. le Préfet, avant de vous quitter, mes regrets de voir cesser nos relations de services, et à celles d'amitié, il m'est agréable de de penser que l'éloignement n'y portera aucune atteinte et qu'elles se continueront toujours.
    Picquet du Boisguy »Marie-Paul Du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition La découvrance, 1904 (réimpr. 1994) 
Bon article
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