Françoise-Marie Jacquelin

Françoise-Marie Jacquelin
Françoise-Marie Jacquelin
Portrait présumé de Françoise-Marie Jacquelin
Portrait présumé de Françoise-Marie Jacquelin

Surnom Madame La Tour
Naissance 1601 ou 1602
Probablement Nogent-le-Rotrou ou Le Mans
Décès 1645
Saint-Jean
Nationalité Royaume de France Royaume de France
Pays de résidence Flag of Acadia.svg Acadie
Profession Possiblement actrice ou femme d'affaires
Autres activités Mère de famille
Conjoint Charles de Saint-Étienne de la Tour

Françoise-Marie Jacquelin (née en 1602 en France, morte en 1645 à Saint-Jean, en Acadie), est la deuxième épouse de Charles de Saint-Étienne de la Tour. Mère d'un fils, elle est la première femme d'origine européenne à élever une famille au Nouveau-Brunswick. Elle est reconnue comme une héroïne acadienne pour sa défense du fort La Tour contre Charles de Menou d'Aulnay en l'absence de son époux. Plusieurs artistes se sont inspirés de sa vie, qui est pourtant méconnue.

Sommaire

Biographie

Origines et mariage

Le site actuel du fort La Tour.

Les origines de Françoise-Marie Jacquelin sont floues. Elle est née en 1601 ou 1602 en France[1],[2]. Selon Charles de Menou d'Aulnay, elle est la fille d'un barbier du Mans et devient actrice à Paris; selon d'autres sources, elle est plutôt la fille d'un médecin[2] et serait née à Nogent-le-Rotrou[1]. Il se peut aussi qu'elle soit femme d'affaires[1]. Aucune preuve ne confirme ces faits et il est plus probable qu'elle fasse partie de la petite noblesse[2]. La seule certitude à son sujet est qu'elle est huguenote[1].

En 1640, le représentant de Charles de Saint-Étienne de la Tour à La Rochelle, Desjardins Du Val, lui donne une demande de mariage, qu'elle accepte[2]. Charles de Saint-Étienne de la Tour (1593-1666), le fils de Claude de Saint-Étienne de la Tour, est probablement né en Champagne, en France[3]. Il arrive en 1610 en Acadie avec son père et fait du commerce[3]. Samuel Argall, de Virginie, attaque Port-Royal en 1613, tuant et expulsant plusieurs français mais Charles de La Tour et quelques autres décident de rester parmi les Micmacs; il épouse d'ailleurs une micmacque en 1625, qui lui donne trois filles[3]. La Tour devient gouverneur de l'Acadie en 1631 et construit le fort Sainte-Marie, ou fort La Tour, au site de l'actuelle ville de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick[3].

Le mariage est organisé à Port-Royal, en Acadie, en 1640[2]. Le couple s'établit ensuite au fort La Tour, à l'embouchure du fleuve Saint-Jean[2]. Elle donne naissance à un fils, devenant la première femme d'origine européenne à élever une famille dans le territoire correspondant aujourd'hui au Nouveau-Brunswick[2]. Il semble toutefois que son fils meurt en bas âge[3].

Participation à la guerre civile et mort

Une guerre civile fait alors rage entre son époux et Charles de Menou d'Aulnay, qui se disputent le contrôle de la colonie depuis la mort du gouverneur Isaac de Razilly en 1635; Françoise-Marie soutient son époux dès le mariage[4]. En 1642, elle force le blocus que d'Aulnay établit à l'embouchure du fleuve Saint-Jean. À son arrivée en France, elle en appelle de l'ordre du roi, d'après lequel son mari doit être arrêté et renvoyé en France pour répondre à l'accusation d'infidélité; elle reçoit la permission de ramener un navire de guerre et des provisions pour le fort La Tour[2]. Deux ans plus tard, elle retourne en France, où elle apprend que son mari est discrédité à la cour à cause des accusations portées par d'Aulnay[2]. Malgré l'interdiction de quitter la France, Françoise-Marie Jacquelin emprunte de l'argent à des amis et s'enfuit en Angleterre, où elle achète des vivres et affrète un navire. Le capitaine Bailey s'arrête en cours de route aux Grands Bancs de Terre-Neuve pour pêcher. Ensuite, le bateau est par d'Aulnay au large du cap de Sable mais Françoise-Marie se chache dans la cale. Le bateau arrive finalement à Boston après six mois de voyage. Françoise-Marie Jacquelin intente un procès au capitaine Bailey, autant pour le retard injustifié que pour son refus de la conduire à Saint-Jean comme convenu. Grâce aux £2 000 livres de compensation, elle affrète trois navires, avec lesquels elle réussit à forcer le blocus de d'Aulnay au fleuve Saint-Jean. Elle arrive finalement chez-elle à la fin décembre 1644[2].

D'Aulnay lance une attaque contre le fort au début 1645, ce qui échoue[2]. La Tour se rend ensuite à Boston pour y demander l'aide des Anglais puisqu'il ne reçoit pas de ravitaillement de la France, laissant Françoise-Marie Jacquelin à la tête de ses 45 hommes durant son absence[2]. D'Aulnay apprend la nouvelle par des déserteurs et arrive au fort le 13 avril à la tête de 200 hommes[2]. Françoise-Marie, déterminée à défendre le fort, renvoie l'émissaire de D'Aulnay[2]. Une bataille s'ensuit, d'une durée de trois jours[2]. À Pâques, au quatrième jour de combat, les bombardements créent une brèche dans le parapet du fort[2]. D'Aulnay débarque avec une partie de ses hommes, armés de deux cannons; selon la tradition orale, le mercenaire d'origine suisse Hans Vanner laisse les troupes de D'Aulnay ramper jusqu'aux fortifications pendant que les défenseurs dorment où célèbrent la messe pascale[2]. Quoi qu'il en soit, les troupes de Françoise-Marie sont alertées par le bruit et engage un combat au corps à corps, qui cause de lourdes pertes dans les deux camps[2]. D'Aulnay promet qu'il accordera « quartier à tous » si Françoise-Marie Jacquelin capitule, ce qu'elle fait, considérant la situation désespérée[2]. Les récits discordants et teintés de partis pris empêchent de connaître avec précision la suite des événements; les écrits de certains auteurs comme Nicolas Denys considérés impartiaux par les historiens concordent pourtant sur plusieurs points[2]. Selon ceux-ci, D'Aulnay oublie sa promesse, ignore les clauses de la capitulation et fait arrêter tous les survivants de la garnison[2]. Une potence est aussitôt montée et tous les prisonniers, sauf vraisemblablement André Bernard, qui accepte d'être bourreau, sont pendus, pendant que Françoise-Marie Jacquelin est forcée de regardée la scène, une corde attachée à son cou; elle meurt trois semaines plus tard[2].

D'Aulnay meurt accidentellement en 1650, causant une guerre de succession entre Emmanuel Le Borgne, Charles de Saint-Étienne de la Tour et Nicolas Denys[5]. La Tour épouse la veuve de D'Aulnay à la fois pour tenter de réconcilier les deux familles, de rétablir la paix et pour reprendre ses possessions[6].

Représentation dans la culture

Images externes
Tableau d'Adam Sherriff-Scott sur le site de la Passerelle de l'histoire militaire du Canada
Autre tableau d'Adam Sherriff-Scott sur le site Historica.ca
Françoise-Marie Jacquelin défendant le fort Saint-Jean contre D'Aulnay (Charles William Jefferys).

La majorité des auteurs lui donnent le nom de Madame La Tour bien qu'elle ne portait pas ce titre de noblesse puisque, selon la mode en France à l'époque, elle signait toujours de son nom de jeune fille, soit Françoise-Marie Jacquelin[7].

Françoise-Marie Jacquelin est représentée comme une héroïne dans la culture[7]. Son biographe George MacBeath la décrit, en 2000, comme l'héroïne la plus remarquable des débuts de l'histoire acadienne[2]. L'historien William Francis Ganong affirme que la bataille du fort La Tour est l'événement le plus tragique de toute l'histoire du Nouveau-Brunswick[2].

Les principaux romans qu'elle a inspirée sont Le roman d'une Parisienne au Canada (1640-1650), publié en 1927 par le Français Maurice Soulié, et A Daughter of France : A Story of Acadia, écrit par Eliza F. Pollard au début du XXe siècle. Herménégilde Chiasson a réalisé un documentaire à son sujet en 1987[7]. Emma Haché écrit la première pièce de théâtre sur Françoise-Marie Jacquelin, L'horizon à s'en crever les yeux, en 2004[7]. Plusieurs peintres ont représenté Françoise-Marie Jacquelin, dont Charles William Jefferys avec Madame La Tour Defending Fort St.Jean et Meeting of Francoise Marie Jacquelin and Charles de la Tour. Adam Sherriff-Scott l'a entre autres représentée l'épée à la main devant le fort puis la corde au cou forcée de regarder ses hommes se faire pendre. Le sculpteur Albert Deveau l'a représentée, avec son époux et D'Aulnay, au port de Saint-Jean. Le Musée du Nouveau-Brunswick à Saint-Jean possède une toile du XVIIe siècle, longtemps considérée comme le véritable portrait de Françoise-Marie Jacquelin[7]. En 2006, elle fait l'objet d'une émission radiophonique dans la série De remarquables oubliés, diffusée sur la Première Chaîne de Radio-Canada[1].

Notes et références

  1. a, b, c, d et e http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia%3D/Medianet/2006/CBF/DeRemarquablesOublies200610102000_m.asx
  2. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w et x George MacBeath, « Jacquelin, Françoise-Marie (Saint-Étienne de La Tour) » sur Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Université de Toronto/Université Laval, 2000. Consulté le 11 avril 2011
  3. a, b, c, d et e George MacBeath, « Saint-Étienne de La Tour, Charles de » sur Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Université de Toronto/Université Laval, 2000. Consulté le 11 avril 2011
  4. Nicolas Landry et Nicole Lang, Histoire de l'Acadie, Sillery, Septentrion, 2001 (ISBN 2894481772), p. 26-32 
  5. Jean Daigle (dir.), L'Acadie des Maritimes : études thématiques des débuts à nos jours, Moncton, Centre d'études acadiennes, Université de Moncton, 1993 (ISBN 2921166062), partie 1, « L'Acadie de 1604 à 1763, synthèse historique », p. 7 
  6. Daigle (1993), op. cit., p. 8.
  7. a, b, c, d et e Françoise-Marie Jacquelin : une femme exceptionnelle au Nouveau-Brunswick au 17e siècle sur 400e anniversaire de la présence française au Nouveau-Brunswick: Regards historiques. Consulté le 11 avril 2011

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens et documents externes


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