Genus neutrum

Genus neutrum

Genre grammatical

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Le genre, en grammaire et en linguistique, est un trait grammatical permettant de répartir certaines classes lexicales (noms, verbes, adjectifs, etc.) en un nombre fermé de catégories (les plus courantes dans les langues indo-européennes étant masculin, féminin et neutre) répondant très vaguement à des critères liés au sexe, pour les mots représentants des animés.

Sommaire

Genre naturel, genre grammatical et accord

Dans la majorité des langues qui connaissent les oppositions de genres, il n'existe qu'un nombre réduit de classes lexicales susceptibles d'exprimer un genre : ce sont généralement le nom, le pronom, l'adjectif et le participe, plus rarement le verbe (selon les langues : arabe par exemple).

Parmi ces classes, une minorité possède un genre naturel, inné (et le plus souvent unique), tels le nom et le pronom : en allemand, Mann (homme) est masculin, Frau (femme) féminin et Kind (enfant) neutre.

Ces mots imposent leur genre à ceux qui, fléchissables, leur sont liés, comme les déterminants, l'adjectif ou le participe. On dit que ces mots s'accordent en genre avec tel autre mot, qui n'ont donc, isolément, pas de genre (bien qu'en pratique l'un des genre serve de genre non marqué ; en français, c'est le masculin singulier : on parlera de l'adjectif beau et non belle, on dira « le chat » pour désigner l'espèce et non seulement le mâle). Leur genre est donc grammatical : un dictionnaire ne pourra donc pas fournir, par exemple, le genre d'un adjectif. Au contraire, il indiquera le cas échéant les différentes formes prises selon les genres : dans un dictionnaire de français, on indiquera à l'entrée beau que son féminin est belle.

L'accord se fait entre mots de l'énoncé fortement liés par le sens : dans le beau chapeau et la petite ombrelle, l'adjectif beau s'accorde en genre avec chapeau, au masculin. Le deuxième l'adjectif, petit, est au féminin, accordé qu'il est avec ombrelle. L'accord s'est fait en accord avec le sens : c'est bien le chapeau qui est beau et l'ombrelle qui est petite.

Chaque langue possède ses règles d'accord : dans les langues classiques (latin, grec ancien) puis dans nombre de langues-filles (français, espagnol, etc.), quand un même terme doit s'accorder en genre avec plusieurs mots, c'est le masculin qui s'applique. On dira « ils sont grands » en parlant d'enfants parmi lesquels il y a au moins un garçon : ils se met au masculin, de même que grands. Les règles de l'arabe sont plus dépaysantes :

  • premièrement, le verbe s'accorde en genre à la 2e et à la 3e personne (grammaire) (alors qu'en français le verbe ne s'accorde pas avec le genre du sujet, sauf aux temps composés avec l'auxiliaire être). Notons qu'en arabe dialectal, par opposition à l'arabe classique, la 2e et la 3e personne du pluriel au féminin ne s'emploie pas ; elle est remplacée par celle du masculin ;
  • les adjectifs et les verbes s'accordant à un nom pluriel représentant un "non doué de raison" se mettent au féminin singulier.

Répartition des genres : arbitraire et logique

La répartition des genres est souvent arbitraire et non motivée (ce n'est donc pas une classification purement sémantique) : si mort (arrêt définitif des fonctions vitales) est un mot féminin en latin ou en français, il est masculin en allemand (der Tod) ou en grec ancien ὁ θάνατος (ho thánatos) et moderne ο θάνατος (o thánatos). De même, rien, dans la réalité, ne justifie que table soit féminin et tableau masculin : le signifié de ces mots n'est en effet aucunement lié avec la masculinité ou la féminité. De même livre (à lire) est masculin en français, neutre en allemand et féminin en russe (ainsi que dans toutes les autres langues slaves). L'apprentissage d'une langue à genres nécessite donc celui du genre des mots, qui n'est forcément pas le même d'une langue à genres à l'autre, voire d'un dialecte à l'autre (ex.: job est féminin en français québécois et masculin en français de France ; boutique est féminin en français standard et masculin en picard).

Le genre peut cependant grammaticalement représenter le sexe : le garçon, le porc, Albert (mots renvoyant à un référent masculin) ~ la fille, la truie, Albertine (mots renvoyant à un référent féminin). Ce cas de figure se limite principalement aux oiseaux domestiques et aux mammifères (parmi lesquels l'être humain donc aussi ses fonctions, métiers, prénoms, etc.) (c'est-à-dire à ce qui a un sexe), les autres êtres-vivants sexués ont un seul nom pour l'espèce et il est arbitrairement décidé s'il est masculin ou féminin. On parle alors d'un genre « logique ».

En allemand la correspondance entre genre grammatical et genre logique est assez faible : les trois genres peuvent être aussi bien employés pour les êtres animés que pour les êtres inanimés. De plus, une règle veut que tous les diminutifs soient neutres. « Mädchen » (« fille » au sens de Jeune personne féminine) et « Fräulein » (« Mademoiselle » en allemand) sont donc neutres. En conséquence, quand on dit « das Mädchen » dans une phrase et que l'on souhaite l'évoquer dans la phrase suivante avec un pronom, il est toléré d'employer sie (elle) mais la règle est d'employer es (pronom neutre).

L'anglais réserve le neutre aux êtres inanimés. Il y a cependant des exceptions, comme les bateaux qui peuvent être désignés par le féminin.

Indication du genre

Note : les transcriptions phonétiques, entre crochets, sont données en API. Les autres sont dans la transcription traditionnelle de la langue.

Pour indiquer le genre des mots, les langues disposent de plusieurs possibilités :

lexicales → pour une même notion donnée, il existe un lexème différent pour chaque genre :
  • toujours en français, les termes ayant un genre naturel correspondant à un sexe (masculin pour un mâle, féminin pour une femelle) et fonctionnant en couples appariés ont le plus souvent une forme unique par genre. Par exemple, le féminin de canard n'est pas *canarde mais cane. De même pour homme ~ femme, il ~ elle, celui-là ~ celle-là, sanglier ~ laie, verrat ~ truie, etc. ;

Les noms d'animaux alternants en genre ne sont pas plus d'une vingtaine en français, que les noms de personnes comme homme/femme font partie du groupe restreint des identificateurs de base comme frère/sœur ou fille/garçon. Le lexique français de la dénomination humaine est composé de milliers de noms alternants en genre soit extérieurement par l'article, un/une psychologue, soit par la finale, souvent suffixale, danseur/danseuse, directeur/directrice.

morphologiques → un morphème du mot indique son genre (commepersonnes, un suffixe) :
  • en français, pour la grammaire traditionnelle, le masculin est non marqué, c'est le féminin qui l'est, souvent par un -e écrit en fin de mot qui correspond à un « e caduc » permettant à la consonne finale, le cas échéant, de se faire entendre : petit [pəti] ~ petit-e [pətit(ə)], sorcier [soʁsje] ~ sorcière [soʁsjɛʁ] ; dans de nombreux cas, il n'existe oralement plus aucune différence entre les deux genres (fatigué ~ fatiguée). On trouve même des ambigüités graphiques : rapide sert au masculin et au féminin. On parle dans ce cas de mots ou de formes épicènes.

Cependant, un autre point de vue peut être adopté, si l'on prend en considération non pas quelques exemples mais tous les adjectifs et tous les noms communs de personne du lexique français. Pour les adjectifs, on constate alors que près de la moitié se termine par -e comme rapide,logique, optimiste, moins d'un quart sont différenciés par la seule présence ou absence de -e (vrai/vraie, clair/claire), le reste alternant par la finale dont la prononciation change selon le genre (voisin/voisine, actif/active). Hors exceptions comptées, pour les noms communs de personnes, un tiers environ qui se termine par -e alterne en genre par l'article (le/la collègue), 6% seulement alternent par présence absence de -e final (ami/amie, principal/principale). Pour le reste le masculin est marqué morphologiquement soit par une voyelle finale suivie d'une consonne muette (écolier, commerçant), soit par le suffixe -(t)eur(vendeur, acteur); pendant que le féminin est marqué morphologiquement par cette même consonne, sonorisée par le -e final, ou par les suffixes -euse ou -trice.[1],[2]

  • en grec ancien, on peut identifier assez facilement le genre de certains mots : au nominatif singulier, les mots en -ος (consulter Déclinaisons du grec ancien) sont le plus souvent masculins (mais il existe de nombreux neutres appartenant à un autre modèle de déclinaison), ceux en , -ᾱ ā ou -ᾰ -a féminins et ceux en -ον -on neutres. Dans d'autres cas, une voyelle longue dans la dernière syllabe au nominatif signale un masculin ou un féminin, par opposition à la même voyelle brève qui indique un neutre : ἀληθής alēthḗs (masculin et féminin) ~ ἀληθές alēthés (neutre), « vrai » ; en revanche, à certains cas la désinence ne permet pas de connaître le genre : à l'accusatif, un mot en -ον -on pourrait être masculin ou neutre ; au génitif pluriel des mots de la troisième déclinaison, la désinence -ων -ōn sert aux trois genres.
  • en français, les noms ne permettent pas toujours de savoir s'ils sont masculins ou féminins. Arbre pourrait être l'un ou l'autre. Le déterminant un dans un arbre indique cependant que le mot est bien masculin (au féminin, on aurait une). L'allemand fonctionne aussi souvent selon le même principe : dans schönes Kind, c'est l'adjectif schön mis au neutre de la déclinaison forte (suffixe -es) qui joue ce rôle tandis que Kind ne laisse rien présager de son genre. Avec un nom masculin, on aurait eu schöner et au féminin schöne.


Langues sans genres

De nombreuses langues non indo-européennes, comme le basque, le finnois, l'estonien, le turc ou le hongrois, ne connaissent pas la catégorie du genre, bien que des oppositions puissent être marquées par les pronoms. En mandarin, elle est indiquée, à l'écrit seulement, par le pronom personnel de 3e personne (masculin : 他/féminin : 她) et, rarement, à la 2e (on distingue le masculin, le féminin, les animaux et le reste ; seule l'opposition masculin/féminin/autres est réellement productive ; à la 2e personne, l'opposition ne concerne que le masculin/féminin). La langue parlée ne fait cependant aucune distinction.

Certaines langues construites, comme le lojban ou le kotava ne marquent pas non plus le genre. En espéranto le genre n'est pas marqué, mais la distinction mâle/femelle se fait pour les êtres vivants de sexe déterminé, le sexe masculin étant la valeur par défaut tandis que le sexe féminin est marqué par le suffixe -in-.

Mots ayant les deux genres

En français, il existe des mots ayant les deux genres, le genre dépendant de l'utilisation. Par exemple, amour, délice et orgue sont masculins lorsqu'ils sont au singulier et généralement féminins lorsqu'ils sont au pluriel (exemple : des amours tumultueuses).

Nombre de genres

Certaines langues, comme le latin, l'allemand ou le slovène possèdent trois genres : le masculin, le féminin et le neutre. D'autres, comme le français, en possèdent deux : le masculin (qui sert aussi de neutre) et le féminin. D'anciennes langues indo-européennes tel le latin ou le grec ancien laissent comprendre qu'en indo-européen commun l'opposition de genre concernait surtout une opposition du type animé (ce qui vit) ~ inanimé (ce qui ne vit pas) : en effet, dans de nombreux cas le masculin et le féminin sont identiques et s'opposent ensemble au neutre. C'est d'ailleurs la seule opposition en hittite.

Cette dichotomie animé ~ inanimé se retrouve dans des langues modernes comme le danois, le suédois, ou le norvégien. On parlera alors d'une opposition entre le genus commune (masculin/féminin) et le genus neutrum. Le français connaît dans de rares cas une telle opposition : les pronoms cela (ça), en et y, par exemple, ne servent qu'aux inanimés. Par exemple : « Jean me plaît » → « il me plaît » ~ « boire du thé me plaît » → « cela (ça) me plaît » ; « je parle de Jean » → « je parle de lui » ~ « je parle de ma passion pour le thé » → « j'en parle » (noter que dans les cas de thématisation par dislocation dans un registre courant, « j'en parle souvent, de lui » est tout à fait compréhensible) ; « je pense à Jean » → « je pense à lui » ~ « je pense à la déclaration de revenus » → « j'y pense »), de même que le pronom relatif quoi (« je ne sais qui » ~ « je ne sais quoi »).

Le slovène connaît aussi la distinction entre l'animé et l'inanimé mais exclusivement dans le cadre du masculin. On pourrait alors parler de quatre genres en cette langue : masculin animé, masculin inanimé, féminin et neutre. Le polonais possède cinq genres: masculin personnel, masculin animé impersonnel, masculin inanimé, féminin, neutre. La distinction entre eux se manifeste en morphologie et syntaxe. En ces deux langues slaves, plusieurs cas marquent une désinence différente et les adjectifs s'accordent avec les substantifs selon que l'objet est animé (personnel) ou inanimé (impersonnel) :


masculin traduction
animé inanimé
personnel impersonnel
polonais To jest
dobry nauczyciel.
To jest
dobry pies.
To jest
dobry ser.
C'est un bon professeur
/un bon chien/du bon fromage.
Widzę
dobrego nauczyciela.
Widzę
dobrego psa.
Widzę
dobry ser.
Je vois un bon professeur
/un bon chien/du bon fromage.
Widzę
dobrych nauczycieli.
Widzę
dobre psy.
Widzę
dobre sery.
Je vois des bons professeurs
/des bons chiens / des bons fromages.
slovène To je
dober učitelj/dober pes.
To je
dober sir.
C'est un bon professeur
/un bon chien/du bon fromage.
Vidim
dobregaučitelja/dobrega psa.
Vidim
dober sir.
Je vois un bon professeur
/un bon chien / du bon fromage.


En polonais, les masculins personnel et impersonnel animé sont confondus au singulier, et les masculins impersonnel animé et inanimé sont confondus au pluriel.

Plus éloignée, une langue comme le nahuatl n'oppose aussi que les animés aux inanimés ; fait notable, seuls les animés varient en nombre. Les langues algonquiennes, dont le cri, possèdent des genres animé et inanimé, qui démontrent cependant la même distribution arbitraire que le genre en français ; par exemple, le mot cri mi:nis (« petit fruit ») est inanimé, mais le mot ospwa:kan (« pipe ») est animé.

Des langues africaines, enfin, comportent un nombre beaucoup plus important de classes sémantiques pouvant être considérées comme des sortes de genres. Elles sont le plus souvent indiquées par les préfixes de classe.

Genres et sexes, connotations des genres

Comme on l'a vu le genre n’a en principe rien à voir avec le sexe. Il n’en reste pas moins que dans les langues qui possèdent un genre, ce genre recoupe l’opposition de sens mâle-femelle quand il s'agit d'être animés sexués (dont les êtres humains). De là la représentation de l’opposition masculin-féminin comme renvoyant à la répartition des sexes, une représentation qui est lourde de conséquences sur le plan social (occultation du rôle joué par les femmes sur la scène publique, résistances psychologiques à la candidature à des postes offerts au masculin, etc.)

Voir les articles :

Aux États-Unis, le poids du politiquement correct incite certains auteurs à employer le féminin à propos d'une personne dont le sexe est indéterminé dans le contexte (le lecteur ou la lectrice, un auteur quelconque hypothétique, etc.) :

EX : When you find value assumptions, you know pretty well what a writer or speaker wants the world to be like – what goals she thinks are most important ; but you do not know what she takes for granted (...)[3]

Autre anecdote. Marc Wilmet signale que « le traducteur de Brassens en tchèque a buté sur la difficulté insoluble que gorille y est du genre féminin. » [4] (alors que dans la chanson concernée, Le gorille est présenté de manière très sexuée).

Notes et références

  1. Edwige Khaznadar, Le féminin à la française, L'Harmattan, 2002
  2. Voir aussi : http://www.langue-fr.net/spip.php?rubrique23
  3. "Lorsque vous rencontrez des présupposés de valeur, vous savez fort bien à quoi un auteur ou un orateur voudrait que le monde ressemble – quels sont les objectifs qu'elle considère comme les plus importants ; mais vous ne savez pas ce qu'elle tient pour acquis (...)". M. Neil Browne, Stuart M. Keeley, Asking the Right Questions, A Guide to Critical Thinking, Pearson / Prentice Hall, 2007.
  4. Marc Wilmet, Grammaire critique du français, 3e éd., Duculot, Bruxelles, 2003, 23 cm, 758 p. (ISBN 2-8011-1337-9) 

Voir aussi

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