George Bogle

George Bogle
Le Panchen Lama recevant George Bogle au Tashilhunpo, peinture de Tilly Kettle, 1775. Purangir serait figuré au centre

George Bogle (né le 26 novembre 1746 à Glasgow[1] - mort le 3 avril 1781 à Calcutta) est un aventurier et diplomate écossais, ambassadeur britannique au Tibet[2],[3].

Il est le deuxième fils d'un riche marchand de Glasgow, George Bogle de Daldowie, un des Seigneurs du Tabac, et d'Anne Sinclair, une dame de la petite noblesse descendant en droite ligne des rois Jacques Ier et Jacques II d'Écosse. Son père avait de très nombreuses relations parmi les membres de l'élite écossaise (propriétaires terriens, négociants et responsables gouvernementaux), de même que des contacts commerciaux dans tout l'Empire britannique[4]. Les Écossais de la petite noblesse dont George Bogle faisait partie furent à leur tour, au XVIIIe siècle, un élément clé de l'État britannique. Leur allégeance politique était souvent obtenue par le biais du clientélisme. En particulier, Henry Dundas était en mesure d'offrir aux cadets de la petite noblesse des occasions de carrière dans la Compagnie anglaise des Indes orientales. Cet élément joua un rôle important dans la carrière de George.

Émissaire de la Compagnie des Indes britanniques, il rencontre à Shigatse le 6e Panchen Lama, Palden Yeshe, avec lequel il se lie d'amitié. Il est le premier Britannique à établir des relations diplomatiques avec le Tibet et à tenter une reconnaissance par l'Empire chinois.

Il étudie la langue et les coutumes du pays et épouse une Tibétaine. Il meurt prématurément en 1781.

Sommaire

Formation et début de carrière

Il est né en 1747, et était le plus jeune de ses trois frères. Son frère aîné John Bogle a eu finalement une plantation en Virginie alors que son autre frère, Robert Bogle, après l'échec d'une aventure d'affaires à Londres (la maison d'importation “Bogle and Scott”), a établi une plantation de coton à la Grenade. Ces deux derniers étaient intimement impliqué dans le commerce des esclaves noirs. Ses quatre sœurs ont épousé dans leur réseau de la haute bourgeoisie des commerçants, des "lairds" et des avocats. Sa mère est morte quand il avait treize ans. L'année suivante, il s'est inscrit à l'Université d'Édimbourg où il a étudié la logique. Il a complété son éducation, quand il a eu 18 ans, à l'académie privée de Enfield, près de Londres. Puis, il a passé six mois à voyager en France. Son frère Robert l'a pris alors comme commis dans ses bureaux de Londres de Bogle and Scott où il a passé quatre ans comme caissier[5].

Inde

Par l'utilisation de son réseau famillila, il a obtenu un rendez-vous comme écrivain dans le Compagnie anglaise des Indes orientales (EIC). En 1770, à l'époque de la famine du Bengale de 1770, il a atterri à Calcutta, le centre de pouvoir britannique de l'Inde. Ses longues lettres, de même que ses écrits publiés dans des journaux montrent qu'il était un écrivain vif, amusant et perspicace. Les commentaires de ses collègues montrent qu'il a été un compagnon agréable, même amusant, si non parfois exubérant. Ces qualités ont influencé sans aucun doute Warren Hastings, le Gouverneur Général de l'EIC, quand il l'a nommé comme son secrétaire privé. Ses lettres montrent aussi, alors qu'il était conscient du soupçon général de corruption de l'époque (Hastings fut bientôt accusé de corruption), qu'il était déterminé de suivre son destin.

Émissaire au Bhoutan et au Tibet

En 1768, le Conseil des administrateurs à Londres recommanda à Calcutta de s'informer sur les possibilités de commerce de marchandises européennes au Tibet via le Népal. Mais, cette même année, la dynastie lamaïste de Katmandou, celle des Mallas, est renversée par les Gurkhas hindouistes du Népal occidental. En conséquence, le royaume du Bhoutan s'empare de celui du Sikkim et envahit l'État hindou du Cooch Bihâr, au nord du Bengale, dont le Rajah demande assistance à Warren Hastings, le gouvernement britannique à Calcutta, qui dépêche un bataillon d'infanterie indienne mettant en fuite et poursuivant jusqu'au Bhoutan les Bhoutanais, lesquels demandent l'intervention du 6e panchen-lama afin d'obtenir le retrait des britanniques. Fin 1773, 2 émissaires du panchen-lama, le Tibétain Padma et le gosain (moine errant) Purangir, apportent un message à Calcutta. Amical mais ferme, le panchen-lama y affirme que le Bhoutan étant un État vassal du Tibet, ce dernier s'estime attaqué. Il accompagne son message de riches présents. Warren Hastings en déduit que le Tibet est riche et qu'un commerce serait avantageux. Il ordonne le retrait des troupes indiennes et décide d'envoyer un émissaire britannique accompagnant Purangir pour discuter des relations anglo-tibétaines avec le panchen-lama[6]. Il a choisi alors Bogle pour aller en mission diplomatique et d'information pour explorer le territoire inconnu au-delà des frontières septentrionales du Bengale, incluant le Tibet, avec l'idée d'ouvrir des échanges commerciaux là-bas. Il y avait aussi un espoir d'établir de relations avec l'Empire chinois.

La mission de Bogle a débuté son expédition en 1774 et était constitué outre lui-même, d'un chirurgien militaire Alexander Hamilton, de Purangir, et d'une escorte de serviteurs. Bogle a établi une très bonne relation personnelle avec Palden Yeshe le 6e panchen-lama et a passé six mois dans ses palais, attendant le fonte des neiges. Il a été très frappé par ses expériences, notant dans son journal, « Quand je considère le temps que j'ai passé dans les montagnes, cela ressemble à un conte de fée ». En effet, ce pourrait être la publication des comptes de son voyage qui a établi le mythe du Tibet comme Shangri-La. Bogle, incidemment, a aidé le Panchen Lama à composer sa célèbre Géographie d'Inde, la patrie du bouddhisme[7].

Bogle est accueilli dans la résidence du Panchen Lama, le guide spirituel du Tibet à l'époque, le 8e dalaï-lama étant trop jeune. Bogle et le Panchen Lama parlent tous deux l'hindoustani et purent discuter sans traducteur. Le Panchen Lama demande à Bogle si un conflit ne pourrait survenir entre la Russie et la Chine et songe à jouer dans cette éventualité un rôle de conciliateur, en tant que Lama[8].

Selon Hugh E. Richardson, Bogle aurait eu liaison avec une parente du Panchen Lama[9],[10], dont il devait avoir 2 filles qui furent plus tard élevées en Europe où elles se marièrent[11].

La mission au Tibet fut un succès diplomatique (mais non commercial), et a été représentée en 1775 par un tableau de Tilly Kettle, artiste peintre qui résidait à Calcutta, montrant Bogle en habits tibétains présentant une khata au Panchen Lama. Cette œuvre a été présentée par Hastings à George III et se trouve à présent dans la Collection Royale. Dans la reconnaissance de l'alliance avec le Tibet, les Britanniques ont donné un terrain de Calcutta à Purangir pour la construction d'un monastère bouddhiste, ce qui avait été demandé par le Panchen Lama. Ce temple, nommé Bhot Bagan, se situait à Howrah[12].

Ouvertures en Chine

Les espoirs pour une percée en Chine se sont reposés sur l'utilisation du Panchen Lama comme un intermédiaire avec l'Empereur de Chine Mandchou Qing, Qianlong, un dirigeant astucieux mais distant qui considérait le monde entier comme tributaire. En 1780, Lobsang Palden Yeshe s'est rendu à Pékin où il fut près d'obtenir un passeport pour Bogle. Qianlong lui a présenté une urne dorée pour l'usage dans les cérémonie de loteries et la bienveillance a semblé suggérer qu'un passeport ait été distribué. Cependant, il est mort de la variole peu de temps après son arrivée à Pékin. Certains auteurs suspectent qu'il ait pu être empoisonné[13],[9]. Ce ne fut pas avant 1793, qu'un émissaire britannique, George Macartney, fut, très sceptiquement, reçu par l'Empereur chinois.

Mort

L'année suivante, 1781, Bogle a glissé en sortant de son bain sur son toit à Calcutta et mort des blessures. Il n'avait jamais été marié, mais laissa derrière lui un fils, George, et deux filles, Martha et Marie, nées d'une mère tibétaine. Les deux filles ont été envoyées à la Maison de Daldowie, où elles ont été élevés incognito[14].

Il est enterré au cimetière de Park Street à Calcutta, sa tombe porte une simple dédicace à l'"Ancien Ambassadeur au Tibet."[15]

Les legs de la mission de Bogle

La mission de Bogle a des échos aujourd'hui. Le gouvernement chinois l'a utilisé sur les sites web officiels pour suggérer que la Grande-Bretagne ait reconnu la souveraineté chinoise sur le Tibet. Ils décrivent la rencontre du Panchen Lama comme une prosternation en soumission à la Chine. Les Tibétains affirment qu'il s'agissait de la rencontre entre un élève (l'Empereur) et un maître révéré (le Panchen Lama).

Dans les années 1930, le 9e panchen-lama affirma à un diplomate britannique alors en poste à Pékin qu'il l'avait rencontré dans son monastère. Le diplomate qui n'était jamais allé au Tibet apprit plus tard qu'il avait une ressemblance avec Bogle[16].

En 1995 la recherche du 11e panchen-lama a culminé avec la proclamation par le gouvernement tibétain en exil puis Pékin de 2 candidats enfant rival, et les officiels chinois ont présenté l'urne de Qianlong comme un symbole de légitimité et de souveraineté, le plaçant physiquement au cœur même de la mise en scène de leur cérémonie. Pendant ce temps, le candidat du Dalaï Lama a été placé en détention par les autorités chinoises. Il est décrit par les associations de défense des Droits de l'Homme comme le plus jeune prisonnier politique dans le monde. Personne ne sait actuellement où il se trouve[7],[16].

Bibliographie

  • Michael Taylor, Le Tibet - De Marco Polo À Alexandra David-Néel, Payot, Office du Livre, Fribourg (Suisse), 1985, (ISBN 2-82640-026-6)
  • (en) George Bogle, Alexander Hamilton et Alastair Lamb, Bhutan and Tibet : the travels of George Bogle and Alexander Hamilton, 1774-1777. Hertingfordbury : Roxford Books, 2002
  • (en) Clements R Markham, (editor), Narratives of the Mission of George Bogle to Tibet, and of the Journey of Thomas Manning to Lhasa, edited, with notes, and introduction and lives of Mr Bogle and Mr Manning. London 1876. Reprinted: New Delhi, Manjusri Pub. House, 1971.
  • (en) Kate Teltscher, 2004, Writing home and crossing cultures: George Bogle in Bengal and Tibet, 1770-1775 In : A New Imperial History: Culture, Identity and Modernity in Britain and the Empire, 1660-1840, edited by Kathleen Wilson, Cambridge University Press, Cambridge 2004. (ISBN 0521007968 et 9780521007962)
  • (en) Kate Teltscher, 2006, The High Road to China: George Bogle, the Panchen Lama, and the First British Expedition to Tibet, pp. 244-246. Farrar, Straus and Giroux, New York, (ISBN 978-0-374-21700-6)[16].

Notes et références

  1. Dictionary of Indian Biography, Ardent Media, p. 47
  2. Indian studies, Volume 12, Publisher Ramakrishna Maitra, 1971 « As rightly observed by Professor A. Grunwedel, the description of India given in this work is largely based on the reports of G. Bogle, the British Ambassador to Tibet, and his companion, A. Hamilton. »
  3. Léon Feer, Les voyageurs au Tibet
  4. Teltscher, Kate. (2006). The High Road to China: George Bogle, the Panchen Lama and the First British Expedition to Tibet, p. 26. Bloomsbury, London, 2006. (ISBN 0374217009 et 978-0-7475-8484-1); Farrar, Straus and Giroux, New York. (ISBN 978-0-374-21700-6)
  5. Teltscher, Kate. (2006). The High Road to China: George Bogle, the Panchen Lama and the First British Expedition to Tibet, p. 27. Bloomsbury, London, 2006. ISBN 0374217009; ISBN 978-0-7475-8484-1; Farrar, Straus and Giroux, New York. ISBN 978-0-374-21700-6
  6. Michael Taylor, Le Tibet - De Marco Polo À Alexandra David-Néel, Payot, Office du Livre, Fribourg (Suisse), 1985, (ISBN 2-82640-026-6), p. 68-70
  7. a et b Fraser Newham, Asia Times review of Teltscher’s book
  8. Michael Taylor, Le Tibet - De Marco Polo À Alexandra David-Néel, Payot, Office du Livre, Fribourg (Suisse), 1985, (ISBN 2-82640-026-6)
  9. a et b Roland Barraux, Histoire des Dalaï-Lamas - Quatorze reflets sur le Lac des Visions, Albin Michel, 1993; réédité en 2002, Albin Michel (ISBN 2226133178)
  10. Jean Dif, Chronologie de l'histoire du Tibet
  11. Roland Barraux, Histoire du Népal: le royaume de la montagne aux trois noms, 2007, Editions L'Harmattan, 2007, (ISBN 2296034918 et 9782296034914), p. 69
  12. Toni Huber, The holy land reborn: pilgrimage & the Tibetan reinvention of Buddhist India
  13. Lea Terhune, Karmapa: the politics of reincarnation
  14. Kate Teltscher (2006). The High Road to China: George Bogle, the Panchen Lama and the First British Expedition to Tibet, pp. 234-235; 252-253. Bloomsbury, London, 2006. (ISBN 0374217009 et ISBN 978-0-7475-8484-1), Farrar, Straus and Giroux, New York. (ISBN 978-0-374-21700-6)
  15. Dawning of the Raj, The New York Times, « a sarcophagus with a simple dedication to the "Late Ambassador to Tibet." »
  16. a, b et c Patrick French, Diplomatic baggage

Lien interne

Liens externes


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