Gratte-ciels (Villeurbanne)

Gratte-ciels (Villeurbanne)

Gratte-ciel (Villeurbanne)

Les Gratte-Ciel de Villeurbanne sont un ensemble architectural situé dans la commune de Villeurbanne dans le Rhône. C'est le seul cas existant dans le monde d'une cité ouvrière constituant un centre-ville. Le site a été observé (et est observé) internationalement et est constitué d'une architecture qui est une des inspirations du style architectural stalinien.

Les Gratte-Ciel de Villeurbanne
Le Répit de l'Agriculteur, œuvre de Pendariès
La mairie de Villeurbanne, qui fait partie de l'ensemble des Gratte-Ciel

Sommaire

Histoire

La construction du quartier Gratte-Ciel à Villeurbanne est demandée par le maire Lazare Goujon, un médecin qui succède à Jules Grandclément autre médecin. Le maire souhaite construire un vrai centre symbolique de Villeurbanne pour sa population. Il convient aussi de montrer que Villeurbanne n'est pas Lyon et que c'est une commune à part entière. La ville de Lyon a effectivement annexé plusieurs communes avoisinantes (Croix-Rousse, Vaise, la Guillotière,...) et l'annexion que l'on veut imposer à Villeurbanne à la suite de la redéfinition en 1852 des limites départementales du Rhône et de l'Isère[1] a toujours été source de conflit entre les deux communes : Lyon s'était approprié en faisant passer une loi en 1894 la partie du Parc de la Tête d'or située sur la commune de Villeurbanne.

Le maire avait participé à la fondation d'une Maison du peuple rue Magenta. Pour résoudre de façon associative les problèmes de logement de la population qui augmente très rapidement dans la ville, son groupe du Parti socialiste aide les Habitations à bon marché, et le « Cottage social ». En 1925, Lazare Goujon, un an après son élection, obtient le don d'environ 20 000 m2 de terrain (dans le même esprit que que ce qui est fait pour les Hospices civils de Lyon), puis en acquiert 30 000 autres, dans des conditions avantageuses. Le financement de l'opération de construction de 1700 logements prévus est fait en créant la Société Villeurbannaise d'Urbanisme avec un capital partagé entre la municipalité et des entrepreneurs de bâtiment de Villeurbanne et de Lyon qui n'en sont pas exclus.
Le choix a été posé d'une structure constructive de gratte-ciel inventée par les américains pour abriter une cité ouvrière d'environ 1500 logements et d'en faire le centre-ville. C'est la première réalisation en Europe de bâtiments de cette hauteur, elle reste le point de mire de tous les spécialistes de l'époque car elle est construite en pleine crise économique, et les chantiers sont alors très rares. Villeurbanne est une cité industrielle, principalement peuplée par des ouvriers souvent originaires d'Italie ou d'Espagne.

Le quartier le plus important de la ville à l'époque de la décision est situé autour de la place Grandclément, aménagée en 1835 et il est excentré sur le Sud de la commune. La démarcation entre Villeurbanne et Lyon passe par une construction contemporaine et imposante. Le bâtiment de mairie d'alors est une grosse bâtisse bourgeoise. En se construisant un centre à part entière avec un Palais du Travail et un Hôtel de ville digne de ce nom qu'entourera la nouvelle cité ouvrière pour familles , la ville de Villeurbanne se démarque de Lyon et met fin à toutes les tentatives de rattachement (géopolitiques) de sa voisine. L'architecte qui définit le nouveau centre est Môrice Leroux, il est autodidacte et son architecture est d'avant garde. Il s'inspire de l'urbanisme avancé présent dans d'autres villes[2] et fait une œuvre originale. Pour des raisons d'image de marque, la municipalité choisit l'architecte Robert Giroud Prix de Rome 1922 après le concours portant sur l'hôtel de ville qui est bâti entre 1930 et 1934.

L'opération de construction rendue publique est particulièrement suivie par les journaux. Des cartes postales sont éditées. Il reste quelques films retraçant l'opération.

Le changement de municipalité à Villeurbanne et sa radicalisation idéologique comportant l'absence d'approbation du modèle urbain et social qui venait d'être mis en place apportera déboires et procès à Môrice Leroux et à la Société Villeurbannaise d'Urbanisme menacée de dépôt de bilan[3].

La cité eut des difficultés à se terminer et à se remplir d'occupants avant la 2e guerre mondiale : la construction qui donne le vertige par la hauteur en dissuade beaucoup, l'expression « cage à lapins » est déjà utilisée par les détracteurs.

La cité-centre est cependant dynamisée dans la deuxième moitié du XX siècle dans son quartier parce que Villeurbanne perd son caractère de ville de deuxième zone. (Entre autres lorsqu'elle évacue dans les années 1970 les taudis et le bidonville du Tonkin occupés par les nécessiteux et les immigrés qui sont relogés en banlieue : cet espace proche est rasé pour constituer une zone d'habitation moderne recevant des activités administratives décentralisées de Paris et est aménagé conjointement à La Doua devenue une zone d'enseignement supérieur sur les anciens territoires militaires. Le métro est construit avec sa première ligne qui relie le centre de Villeurbanne au centre de Lyon et ses gares.)

La place fermée en arrière de l'hôtel de ville a été initialement la place du Nouvel Hôtel de Ville. Elle a été nommée ensuite en 1932 place Albert Thomas. Puis place maréchal Pétain en 1941. Ensuite place de la Libération en 1945. Elle est devenue place du docteur Lazare Goujon en 1966. Cette place rassemble la population pour les tirs de feux d'artifice du 14 juillet tirés depuis l'hôtel de ville. Et sur l'avenue Henri Barbusse se déroulent les défilés des arts de la rue qui sont prisés à notre époque.

La construction

La construction débute en 1927, pour s'achever en 1934.

C'est l'architecte Môrice Leroux architecte autodidacte qui se charge de l'aménagement de la zone de 5 hectares dite des Gratte-Ciel autour de ce qui deviendra l'avenue Henri Barbusse de 300 mètres de long et 28 mètres de large. L'ensemble est composé des immeubles d'habitation en quatre groupes d'immeubles à terrasses, de l'hôtel de ville (dont l'architecte de réalisation est Robert Giroud ) dernier construit qui ferme en définitive l'avenue, du Palais du Travail ( hygiène et culture pour le peuple ), d'un central téléphonique, d'une centrale de chauffage urbain et industriel. La perspective de l'avenue donne finalement sur l'hôtel de ville et son parvis. L'espace donné aux piétons est aussi important que celui donné à la circulation automobile sur l'avenue.

L'ensemble des immeubles d'habitation et le Palais sont à structure constructive métallique et remplissage en briques alvéolaires. Les habitations comprennent les deux tours de 19 étages et quatre groupes d'immeubles d'habitation barres de 9 à 11 étages découpés en redans leur donnant des formes de tours accolées. Les circulations intérieures sont très soignées et monumentales, les corps des escaliers sont mis en valeur par des verrières selon la tendance moderne affirmée à l'époque.

Le Palais qui reprend l'esprit véhiculé par la Maison du Peuple comporte un dispensaire, des douches, une piscine, des salles de réunion, un théâtre. La première pierre est posée en 1928 par Albert Thomas.

La place fermée en arrière de l'hôtel de ville est constituée par celui-ci et le Palais du Travail, elle est encadrée sur les cotés par les deux rues issues de l'avenue contournant l'hôtel de ville donc par des habitations qui se poursuivent et par le central de téléphone. Elle comporte deux bassins sur une grande surface dont un bassin initialement de piscine découverte et une pergola en béton dans le style qu'affectionnait Tony Garnier. Les bassins sont actuellement réduits et devenus bassin de fontaine très bas.

L'Hôtel de ville prévu sur le plan général de Môrice Leroux est conçu par Robert Giroud gagnant au concours. C'est au départ une œuvre comportant la transition de flux entre la place et l'avenue Barbusse par un porche. Le bâtiment sera en fait modifié par la municipalité et l'entrée est déterminée par un escalier extérieur marquant la rupture entre les deux espaces, le bâtiment se verra surmonté par un beffroi de 65 m, signal jugé ostentatoire par certains (cette nouvelle formulation fait associer quelque fois[4] son architecture à de l'architecture totalitaire sans fondement précis). Robert Giroud est un architecte partageant les vues architecturales de Môrice Leroux selon certains et s'en différenciant selon d'autres : l'hôtel de ville est pourvu d'une forte colonnade en béton.

La construction a été particulièrement médiatisée.

Ce projet est typique du « socialisme municipal » avec une mise en application des principes de solidarité en société par un urbanisme opérationnel de cité ouvrière : le chauffage est collectif, les terrasses permettent de communiquer, les appartements petits sont aménagés avec le confort le plus moderne de l'époque (ascenseurs, eau chaude, cuisine électrique, gaine ménagère...). La construction est faite par des coopératives ouvrières (L'Avenir pour le gros œuvre et l'Union pour le second œuvre). Les locaux commerciaux font partie des immeubles, les abords constituent une zone de promenade et de chalandise aménagée d'arbres.

Dans ce secteur mité d'usines, de terrains vagues, de petites propriétés, le périmètre de l'opération est obtenu sans expropriations. Les parcelles qui ont été construites récemment sont maintenues. Les immeubles d'une dizaine d'étages sont donc édifiés à coté de petits pavillons (ces derniers disparaitront pour constituer à partir de la période 1970 une urbanisation sur le côté Ouest très dense et aussi haute que les Gratte-Ciel). La zone est découpée par la rue Anatole France qui n'est pas perpendiculaire à l'avenue Henri Barbusse fournissant l'axe de développement, aussi les immeubles sont de configuration semblable mais pas strictement identique, la continuité est cependant parfaitement réussie.

A l'entrée Nord de ce quartier se trouve une sculpture réalisée par Pendariès, le Répit de l’Agriculteur, plus connu sous le raccourci "Répit" : Lazare Goujon, le maire de l'époque remarque une œuvre à Paris et souhaite en avoir une pour sa ville[5]. La pièce, plus grande que son original, sera installée en 1932.

Aujourd'hui

L'hôtel de ville est inscrit à l'Inventaire supplémentaire des monuments Historiques en 1991. En 1993, une Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP) vise à protéger l'ensemble du quartier des Gratte-Ciel. Ce classement préconise une valorisation des espaces de circulation par la création de cheminements piétonniers et l'harmonisation des devantures commerciales.

Le Palais du travail qui héberge le TNP est en cours de rénovation complète en 2009 (mise aux normes, accès aux handicapés). Sa situation et son usage public ne l'ont pas transformée en bourse du travail syndicale.

La place du docteur Lazare Goujon a été rénovée en 2006.

Les appartements des Gratte-Ciel restent la propriété de la Société Villeurbannaise d'Urbanisme fondée par Lazare Gougon devenue une société d'H.L.M. Ils sont très majoritairement des T1 et T2 mais ils sont pour quelques-un repris parce qu'hors-normes et fusionnés en appartements plus grands, le système de construction le permettant facilement par ses cloisons non porteuses.

Une synagogue a été construite rue Malherbe en 1963-1964 , adossée à un des immeubles. Elle est l'œuvre d'un groupe de jeunes allemands de R.D.A. sous la direction de l'architecte R. Carpe au titre des réparations morales et matérielles des crimes nazis. Elle accueille la population juive qui s'est installée sur le quartier au dernier quart du XXe siècle.

Dans le prolongement de l'avenue Henri Barbusse se situe la cheminée du Parc du Centre. Dans la conception urbaine de la mairie actuelle, le développement du centre ville est prévu sur le même axe que le centre nouveau de 1930, en un prolongement de l'avenue et une extension urbaine d'édifices moins hauts que le centre devenu historique et préservé.

Le quartier constitue le véritable centre-ville de Villeurbanne. De nombreux commerces se pressent sur l'axe central, constitué par l'avenue Henri Barbusse, et sur son extrémité Nord par le cours Emile Zola. Cette zone est recherchée actuellement et draine ses badauds acheteurs sur un grand périmètre d'immeubles collectifs alors que dans sa première période les pas de porte dans la cité des Gratte-Ciel ont peu été recherchés : L'hypermarché Carrefour situé à proximité a été un des premiers de cette génération de magasins à s'installer dans cette situation (et déclaré le plus rentable de France pour cette société période 1990, source L.S.A). L'aspect mixité bien vécue des populations (selon leur religion, leur race, leur pays d'origine) est déclaré facteur des plus attrayants actuels. Le commerce correspond à l'achat d'impulsion ordinaire des zones piétonnes. Il faut citer, outre certaines marques nationales, la présence d'un des établissements du brasseur lyonnais, le Ninkasi.

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Ce site est desservi par la station de métro : Gratte-Ciel.

Bibliographie

Anne-Sophie Clémençon, avec Edith Traverso et Alain Lagier, Les gratte-ciel de Villeurbanne, éditions de l'imprimeur, 2004 
Bernard Jadot, Des nouvelles des Gratte-ciel, Editing éditeur, 1994 
Marc Riboud, Images de Villeurbanne-Images des Gratte-ciel, Fondation nationale de la photographie éditeur, 1985 
Joëlle Bourgin, Charles Delfante, Villeurbanne: une histoire de Gratte-ciel, Editions lyonnaises d'art et d'histoire, 1993 
Les Gratte-ciel ont cinquante ans: Villeurbanne est en fête, SEDIP éditeur, 1984 
Philippe Videlier, Gratte-ciel, Editions la passe du vent, 2004, 222 p. (ISBN 2-84562-073-X) 

Notes et références

  1. La fusion de Villeurbanne dans Lyon n'a toujours pas aujourd'hui disparu de tous les esprits (politique de la Droite locale) malgré la constitution de la COURLY de 1969 devenue Grandlyon.
  2. Il s'inspire de Karl Marx Hof à Vienne selon C. Delfante dans « L'Atlas historique du GrandLyon ».
  3. Cf cette "réponse du Guichet du Savoir". (Lazare Goujon sera toutefois réélu en 1947)
  4. La façade du bâtiment a été utilisée dans des films pour figurer le décor de scènes se passant en U.R.S.S.
  5. L' autre "répit" plus célèbre existe, le Répit du Travailleur, sculpté en 1907 par Pendariès pour la ville de Paris, Marie de Paris - 11ème Arrondissement - Square Jean-Pierre Timbaud

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