Guerres Balkaniques

Guerres Balkaniques

Guerres balkaniques

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Les guerres balkaniques ou guerres des Balkans sont des conflits qui ont éclaté dans les Balkans dans les années 1912 et 1913. Les peuples de l'Empire ottoman d'Europe ayant pris conscience de leur unité nationale secouent le joug turc et s'érigent en États. L'extrême morcellement des peuples rend le processus particulièrement difficile.

Sommaire

Contexte

Les guerres balkaniques sont à replacer dans un vaste contexte de montée des sentiments nationaux, dégénérant en nationalismes. Les concepts français et allemand d'identité nationale, définis au début du XIXe siècle allaient à l'encontre de la définition ottomane du millet qui accordait une certaine autonomie aux différents groupes culturels de l'Empire en général et des Balkans en particulier. Des nations balkaniques étaient déjà apparues, contre le concept ottoman du millet et selon les conceptions occidentales de la nationalité : la Serbie en 1803 et la Grèce en 1830. Ensuite, les unités nationales « par le fer et par le feu » de l'Italie et de l'Allemagne en 1871 avaient montré que la voie militaire était une solution pour atteindre le but national. Cependant, le but national que s'étaient fixé les différentes nations balkaniques variait et se contredisait. Souvent, un ancien grand État historique était la référence : l'Empire de Stefan Dušan pour la Serbie ; les royaumes de Siméon Ier ou d'Ivan Asen II pour la Bulgarie ou l'Empire byzantin de Basile II le Bulgaroctone (Tueur de Bulgares) pour la Grèce. La Macédoine se trouve à la croisée de ces trois États. La Bulgarie l'avait déjà obtenue lors du Traité de San Stefano, qui l'avait aussi créée, mais elle l'avait perdue dès le Congrès de Berlin[1].

La Macédoine

La Macédoine était peuplée de Grecs, de Bulgares, de Serbes, d'Albanais, de Turcs et de Valaques.

Statistiques comparées de la population macédonienne[2]
Estimation bulgare (1900) Estimation serbe (1900) Estimation grecque (1904) Estimation turque (1905)
Population totale 2 190 520 2 880 420 1 711 607 1 824 032
Bulgares 1 179 036 57 600 332 162 352 788
Grecs 225 152 n.c. 650 709 625 889
Serbes 700 2 048 320 n.c. n.c
Turcs 564 158 n.c. 634 017 745 155

Tous les pays avec des minorités ethniques dans la région essayaient d'y faire avancer le plus possible leurs intérêts. La Grèce et la Bulgarie y soutenaient des bandes de combattants irréguliers depuis les années 1890 : makedonomakhoi et andartes pour les Grecs et komitadjis de l'Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (ORIM) organisée en comités pour les Bulgares[3],[4],[5]. Un intense travail de propagande, création d'écoles ou d'orphelinats par exemple, était aussi mené. Des combats sporadiques avaient lieu entre komitadjis et andartes ; entre andartes et gendarmes turcs, mais principalement entre komitadjis et gendarmes turcs. Les exactions étaient nombreuses : pillages, incendies ou assassinats[6]. L’ottomanisation menaçait de faire regagner du terrain aux Turcs en Macédoine, ce que ne pouvaient accepter les autres pays balkaniques, d'autant plus qu'un nationalisme albanais commençait à faire valoir des revendications albanaises sur la région[7].

La révolution Jeunes-Turcs et la faiblesse ottomane

Manifestation contre le Sultan à Istanbul, 1908

La Révolution Jeunes-Turcs inquiéta les non-Turcs de l'Empire ottoman, ainsi que les pays voisins[8]. Les premiers espoirs suscités par cette révolution libérale qui avait promis l'égalité entre les différents groupes ethniques de l'Empire commençait à s'estomper devant la politique d’ottomanisation. La question de la Macédoine recommençait à se poser avec de plus en plus d'acuité[7].

Au même moment, l'Empire ottoman montrait sa faiblesse, malgré les mesures Jeunes-Turcs. L'Italie, qui se cherchait un empire colonial, avait attaqué et vaincu l'Empire ottoman et s'était emparée de la Libye et du Dodécanèse en 1911. Giolitti avait promis de rétrocéder ces îles à la Grèce, mais il n'en avait finalement rien fait. Si la Grèce ne se joignait pas au mouvement anti-ottoman qui se dessinait, elle risquait de se retrouver exclue du partage futur de la Macédoine, comme elle s'était vue refuser le Dodécanèse. Elefthérios Venizélos, alors Premier ministre en Grèce, hésitait en effet à attaquer ouvertement l'Empire ottoman, à cause des nationaux grecs présents partout sur le territoire de l'Empire et potentiellement à la merci de représailles ottomanes[8],[7].

Création de la Ligue balkanique

Elefthérios Venizélos

Cette situation, ainsi que l'avancée austro-hongroise dans les Balkans avec l'annexion de la Bosnie-Herzégovine dès 1908, poussa les États de la région à essayer de s'entendre, au moins dans un premier temps. Tout un « réseau » de relations, d'accords et d'ententes pas toujours ni bien finalisés ni même rédigés se mit en place. Le premier accord fut signé le 7 mars (22 février calendrier julien) 1912 entre la Serbie et la Bulgarie. Les deux États ne s'entendaient pas, mais ils ne pouvaient rien refuser à leur protecteur, la Russie, qui les poussa à signer un traité d'alliance contre l'Empire ottoman et l'Empire austro-hongrois qui prévoyait un partage de leurs territoires européens (Thrace pour la Bulgarie, Kosovo et Albanie pour la Serbie et partage nord-sud de la Macédoine arbitré par le tsar). Le Monténégro signa des conventions avec la Serbie et la Bulgarie. La Grèce, quant à elle, avait des accords, non écrits, avec la Serbie et le Monténégro. Le fait que les accords n'aient pas été mis noir sur blanc ne posait pas de problème, puisque les revendications de ces trois États n'entraient pas en conflit. Le problème était de fermer le cercle, entre la Bulgarie et la Grèce qui s'affrontaient, indirectement depuis vingt ans en Macédoine. Cependant, chaque pays avait besoin de l'autre pour défaire l'Empire ottoman : la Bulgarie avait la plus forte armée et la Grèce avait la seule marine. Le Premier ministre grec Elefthérios Venizélos finit par convaincre ses interlocuteurs à Sofia en suggérant de renvoyer la question du partage du butin à après la victoire. L'accord fut signé le 16 mai 1912 (julien) complété le 22 septembre (julien). Il s'agissait avant tout d'un accord défensif valable trois ans, dirigé contre l'Empire ottoman, et donc peu précis quant au partage des territoires en cas de victoire. La Bulgarie était persuadée de l'incapacité de l'armée grecque. Elle était donc aussi persuadée qu'elle pourrait très rapidement s'emparer de la majeure partie de la Macédoine, au détriment de son alliée. Le mois suivant, en juin 1912, l'alliance gréco-serbe fut finalement mise par écrit[9],[10],[11],[12],[13].

La Roumanie n'entra pas dans la Ligue balkanique car Venizélos avait exprimé de grandes réticences à l'entrée de ce pays dans l'alliance contre les Ottomans[14].

La Première Guerre balkanique

Forces en présences

La Ligue balkanique est formée de la Serbie et de la Bulgarie auxquelles viennent s'ajouter la Grèce et le Monténégro. Elle bénéficie de l'appui de la Russie qui est son principal allié. Face à la Ligue, l'Empire Ottoman est diminué à l'issue de son conflit avec l'Italie.

La guerre

Une tentative française de maintenir la paix échoue. Fin octobre 1912, l'Empire ottoman, attaqué sur plusieurs fronts, recule. Salonique est tombé aux mains des Grecs, l'Albanie est perdue et les Ottomans doivent abandonner une bonne partie de leurs territoires balkaniques. Ils demandent l'armistice début décembre mais la guerre continue du côté grec. En janvier 1913, une conférence organisée à Londres par la France échoue du fait de la reprise des combats sous l'impulsion d'extrémistes turcs. Devant les nouvelles victoires alliées, l'armistice demandé par la Turquie le 19 avril 1913 est signé. En mai, une nouvelle conférence prive l'Empire de ses possessions européennes et organise leur répartition entre les membres de la Ligue après la signature le 30 mai 1913 du traité de Londres. La Bulgarie souhaite obtenir la part du lion, elle domine la majeure partie de la Macédoine. Ce partage qui ne satisfait pas tout le monde est à l'origine d'un nouveau conflit.

La Deuxième Guerre balkanique

La Bulgarie conteste le partage de la Macédoine et l'accès à la mer dont rêve la Serbie est bloqué sous la pression autrichienne, par la création d’une Albanie indépendante. Aux Serbes se joignent les Grecs puis les Roumains et les Turcs. Fin juillet 1913, les nouveaux alliés contrent les attaques bulgares et remportent la victoire. Un nouveau partage est alors effectué le 10 août 1913 : la Bulgarie perd une grande partie de son territoire et de ses acquis de la Première Guerre, qui sont partagés entre les vainqueurs. Parallèlement, l'Empire ottoman retrouve Andrinople. La Roumanie récupère la Dobroudja.

Conséquences

Les divers pays engagés dans le conflit dépensèrent 590 millions de francs-or pour la Serbie ; 100 millions pour le Monténégro ; 467 millions pour la Grèce ; et 1,3 milliard pour la Bulgarie. Les chiffres ottomans sont impossibles à estimer. Il en est de même pour les victimes ottomanes, estimées à 100 000 morts et blessés[15].

Pertes humaines[16]
Pertes bulgares Pertes serbes Pertes grecques Pertes monténégrines
Première guerre balkanique (morts) 14 000 et
19 000 de maladie
36 550 5 169 2 836
Première guerre balkanique (blessés) 50 000 55 000 23 502 6 602
Deuxième guerre balkanique (morts) 18 000 et
15 000 de maladie
9 000 et
5 000 de choléra
2 563 240
Deuxième guerre balkanique (blessés) 60 000 36 000 19 307 961
Les modifications territoriales suite aux guerres balkaniques

À l'issue de ce nouveau conflit, les territoires balkaniques reçoivent un découpage arbitraire qui ne tient pas toujours compte des populations et des nationalités. Fin 1913, un certain nombre de pays ne sont toujours pas satisfaits des frontières établies et nourrissent une véritable haine à l'égard de leurs voisins. De plus, certains pays occidentaux sont pris dans l'engrenage. La Russie jette toujours un œil intéressé sur les détroits alors que la Serbie fait grief à l'Autriche de lui avoir enlevé la Bosnie-Herzégovine. Ajoutés à cela les mécanismes de la Triplice et de la Triple-Entente, le moindre incident dans les Balkans est susceptible de déclencher un conflit généralisé. C'est ce qui se produisit le 28 juin 1914.

Guerre aérienne

Lors des guerres balkaniques, on peut noter l'une des premières utilisations de l'arme aérienne, pour l'observation et le bombardement de Belgrade par des aviateurs bulgares.

Le 6 février 1913, un avion grec survola la flotte ottomane dans les Dardanelles et lâcha quelques petites bombes qui manquèrent leur objectif. Cependant, cet événement peut être considéré comme la première attaque aéronavale de l'histoire[17].

Annexe

Liens internes

Lien externe

Bibliographie

  • (en) An Index of events in the military history of the greek nation., Hellenic Army General Staff, Army History Directorate, Athènes, 1998. (ISBN 960-7897-27-7)
  • (en) Richard Clogg, A Concise History of Greece, Cambridge UP, Cambridge, 1992 (ISBN 0-521-37-830-3).
  • (fr) Joëlle Dalègre, Grecs et Ottomans. 1453-1923, de la chute de Constantinople à la disparition de l'Empire ottoman., Études grecques, L'Harmattan, 2002, (ISBN 2747521621)
  • (en) Richard C. Hall, The Balkan Wars 1912-1913. Prelude to the First World War., Routledge, Londres et New York, 2000. (ISBN 0415229464)
  • (fr) Nicolas Svoronos, Histoire de la Grèce moderne, Que sais-je ?, PUF, 1964.
  • (fr) Marc Terrades, Le Drame de l'hellénisme. Ion Dragoumis (1878-1920) et la question nationale en Grèce au début du XXe siècle., L'Harmattan, 2005 (ISBN 2747577880) 
  • (fr) Apostolos Vacalopoulos, Histoire de la Grèce moderne., Horvath, 1975. (ISBN 2-7171-0057-1)
  • (en) C. M. Woodhouse, Modern Greece. A Short History., Faber et Faber, Londres, 1999. (ISBN 0571197949)

Articles :

  • (fr) Dimitris Michalopoulos, Attitudes parallèles : Éleuthérios Vénisélos et Take Ionescu dans la Grande Guerre., Institut de recherches sur Éleutherios Vénisélos et son époque, 2005. (ISBN 960-88457-3-4)
  • (fr) Raphaël Schneider, « Les guerres balkaniques (1912-1913) », Champs de Bataille., no 22, juin-juillet 2008.

Notes

  1. R. C. Hall, op. cit., p. 1-3.
  2. J. Dalègre, op. cit., p. 205.
  3. R. Clogg, op. cit, p. 74-75.
  4. N. Svoronos, op. cit., p. 81-82
  5. M. Terrades, op. cit., p. 102-103.
  6. A. Vacalopoulos, op. cit., p. 200-202.
  7. a , b  et c R. Clogg, op. cit., p. 79.
  8. a  et b A. Vacalopoulos, op. cit., p. 215.
  9. A. Vacalopoulos, op. cit., p. 215-216.
  10. Index, p. 92.
  11. R. Clogg, op. cit., p. 81.
  12. C. M. Woodhouse, op. cit., p. 190-191.
  13. R. C. Hall, op. cit., p. 9-13.
  14. D. Michalopoulos, Attitudes parallèles., p. 22.
  15. R. C. Hall, op. cit., p. 135 et 138.
  16. R. C. Hall, op. cit., p. 135.
  17. R. C. Hall, op. cit., p. 65.
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