Gustave Paul Cluseret

Gustave Paul Cluseret
Général Cluseret 1823-1900, cliché pris pendant la Guerre de Sécession. Il porte, sur son uniforme de brigadier de l'armée nordiste, la croix de la Légion d'Honneur et la médaille de Crimée.

Gustave Paul Cluseret né à Suresnes le 13 juin 1823, décédé à Hyères le 21 août 1900 est un général et homme politique français. Sa tombe se trouve au cimetière de Suresnes.

Sommaire

Les premières années

Fils d’un colonel d’infanterie de l’armée royale[1], Gustave Cluseret entre à 18 ans à l’école de Saint-Cyr dont il sort officier deux ans plus tard. Lieutenant en 1848, sa carrière militaire connaît avec les événements de juin un infléchissement notable. Marquée par une évidente instabilité, elle lui donnera l’occasion de connaître une destinée aussi exceptionnelle que controversée.

Cluseret profite de la révolution de 1848 pour quitter le service régulier. Il devient commandant d’un bataillon de la garde mobile qui, sous les ordres de Louis Eugène Cavaignac, participe à la répression de juin. Il reçoit la croix de la Légion d'honneur pour avoir, selon ses propres propos, enlevé onze barricades et pris plusieurs drapeaux aux ouvriers insurgés, mais ces exploits ne lui évitent pas de se retrouver sans emploi après le licenciement de son corps.

Cluseret réintègre l’armée sans parvenir à conserver son grade précédent. Resté lieutenant, son parcours s’interrompt provisoirement en mars 1850 lorsqu'il fait l'objet d'un retrait d'emploi de la part de la République. Pour autant, le nouveau régime bonapartiste le remet en selle en lui offrant en février 1853 une entrée au 58° régiment d'infanterie de ligne et ensuite un commandement en Algérie en février 1854. Adjoint du futur général Chanzy, alors capitaine, Cluseret rejoint les affaires indigènes à Tlemcen dans les territoires nouvellement conquis par la France.

En 1855, il part en Crimée pour prendre part aux combats contre la Russie tsariste. Blessé deux fois, il est nommé capitaine pour sa bonne conduite au feu. De retour en France, il repart aussitôt en Algérie pour participer à la conquête de la Grande Kabylie. Attendant sa nomination au grade d’officier de la Légion d’Honneur, il apprend que l’Empereur Napoléon III l’aurait rayé de la liste pour ses opinions républicaines, ce qui provoque, selon ses dires, son départ définitif de l’armée régulière.

L'expédition des Mille, la Guerre civile américaine, l'aventure irlandaise

Après s’être adonné à divers travaux d’agriculture et surtout après avoir voyagé aux États-Unis, Cluseret cherche d’autres activités plus en rapport avec ses capacités et son tempérament.

L’expédition des Mille menée par Garibaldi en 1860 lui donne l’occasion de reprendre les armes. Il rejoint avec d’autres volontaires l’expédition des Deux-Siciles. Blessé au siège de Capoue, il est versé avec le grade de lieutenant-colonel à l’État-Major de l’armée italienne.

L’attrait de l’aventure et sans doute aussi l’ambition le poussent en janvier 1862 à rejoindre un autre théâtre de guerre. La sécession des États confédérés et la Guerre Civile qui s’ensuit, donnent en effet à Cluseret l’occasion de rejoindre l’état-major du général George McClellan, officier qu’il avait peut être rencontré en Crimée quand celui-ci y avait été envoyé en mission d’observation par le gouvernement fédéral.

Le jeune Napoléon américain a trois ans de moins que Cluseret, et commande l'Armée du Potomac, la plus grande unité de l’Union en ce début du conflit. Son organisation, sans doute appuyée sur l’expertise des étrangers qui ont rejoint ses troupes, reprend le modèle napoléonien de la Grande Armée avec ses divisions, ses brigades et ses effectifs.

Colonel, passé au service du général Frémont dont il commande l’avant-garde, Cluseret prend part à plusieurs engagements. Il reçoit, après sa participation courageuse à la bataille de Cross-Keys en juin 1862, le brevet de général de brigade au mois d’octobre suivant.

Après avoir commandé diverses actions dans la vallée de la Shenandoah contre le général confédéré Thomas "Stonewall" Jackson, Cluseret démissionne en mars 1863. Il aurait été poussé au départ à la suite d’accusations de malversations portées contre lui mais aucune source ne permet de connaître avec exactitude les motivations de ces attaques. Quoi qu’il en soit, il se lance peu après dans le journalisme à New York. Son journal, The New Nation, prépare la campagne présidentielle du général Frémont, républicain radical opposé à la réélection du président Lincoln. L’abandon du candidat en novembre 1864 et le ralliement au sortant obligent Cluseret à changer ses plans.

De retour en Europe en 1867, avec l’appui des immigrants irlandais nombreux à New York, anciens combattants de la Guerre Civile, il se rend en Irlande pour soutenir le mouvement Fénian. Il dirige plusieurs actions armées relativement violentes (notamment l’attaque de Chester Castle en février 1867) qui lui valent de la part de la justice anglaise une condamnation à mort par contumace tandis qu’une partie de ses camarades est exécutée.

Le Délégué à la guerre de la Commune de Paris

Gustave Paul Cluseret

Ayant pu rentrer en France, Cluseret publie des articles dans le Courrier Français sur la situation américaine mais mène surtout une opposition décidée au Second Empire, effectuant des allers-retours avec les États-Unis, au gré des expulsions et des condamnations du régime. En 1868, il est interné à Sainte-Pélagie pour ses articles, publiés dans le journal qu’il a fondé, l'Art, avant d’être finalement banni du pays du fait de sa citoyenneté américaine, statut qui se révélera une protection efficace à maintes occasions. Ce court séjour en prison, durant lequel il fera la connaissance de Varlin, fera de lui un membre reconnu de l'Internationale.

Ses offres de services, lors du conflit franco-prussien qui débute en juillet 1870, sont refusées par le pouvoir. Il suit alors, selon ses propres mots, « la campagne en amateur ». La chute du régime le 4 septembre parait pour Cluseret l’occasion de jouer enfin le rôle politique de premier plan auquel il aspire. D’abord à Paris, puis à Lyon avec Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine, puis enfin à Marseille, il se démène avec le même insuccès, en dépit d’une appartenance à l’Internationale plusieurs fois mise en avant. Sans perdre espoir, il se présente aux élections législatives de février 1871. Cette tentative tourne court, comme celle du 26 mars organisée dans la capitale par la Commune de Paris. Pour autant, le nouveau pouvoir parisien, sans doute au titre de son expérience militaire, le nomme délégué à la guerre, ce qui fait de lui le chef de toutes les armées communalistes. Ce poste lui offre une notoriété suffisante pour être enfin élu au Conseil de la Commune par le Ier et le XVIIIe arrondissements lors des élections complémentaires du 16 avril.

Le rôle de Cluseret dans cette courte période – du 6 au 30 avril - est sujet à controverse. Certaines sources signalent son incompétence, d’autres son ambition teintée de malhonnêteté voire de déloyauté. Sa nomination prouve qu'il disposait de soutiens parmi les Communards. À l'inverse, certains lui sont très hostiles, en premier lieu Charles Delescluze. Il est patent que ses résultats, en termes d’action militaire, sont restés limités. Il y avait sans doute peu de points communs entre la guerre de siège menée à Paris et le conflit américain dont il tirait prestige et expérience. Il est révélateur de savoir qu’en dépit de sa position d’officier français, Cluseret ne quittera pas, comme le montrent les clichés pris à cette période, son frockcoat de Brigadier General à 16 boutons.

Ses détracteurs les plus fermes reconnaissent toutefois que la tâche était fort difficile, notamment à cause du partage complexe du pouvoir entre le Comité de Salut public, les groupes de soldats autonomes et l’état-major isolé tiraillé entre diverses factions politiques. Cette situation quasi insoluble menait à une direction incohérente. Une des décisions marquantes du général Cluseret, le service obligatoire des Parisiens, s’est révélée, selon certains historiens de la Commune, une mesure à double-tranchant. Les adversaires incorporés "de force" ne soutenaient pas le régime, alors même que l'objectif d'amélioration du rapport de force entre les deux armées ne sera jamais atteint. Plus encore, le manque de temps – la commune a duré 73 jours - a rendu toute décision stratégique aléatoire, mais surtout illusoire quant à ses effets réels sur un terrain en évolution rapide.

Remplacé par Louis Rossel le 1er mai, Cluseret est incarcéré à Mazas à la suite de la perte du fort d’Issy, laissé sans troupes par décision des chefs des Fédérés, ce qui est reproché au délégué à la Guerre. Cluseret répond à l’accusation de trahison par de multiples plaidoyers écrits qui resteront évidemment sans effets. La chute de la Commune, le 24 mai, lui donne la possibilité de s’enfuir et d’échapper aux rigueurs de la répression versaillaise, à l’inverse de son collègue Rossel fusillé le 28 novembre.

L'exil, la députation sous la III° République

Condamné à mort le 30 août 1871 par le tribunal militaire de Satory, Cluseret passe en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis pour revenir ensuite en Europe. Etabli en Suisse en 1872 non loin du peintre Gustave Courbet dont il est l'ami et qui lui enseigne alors l’art de la peinture, il écrit dans divers journaux britanniques avant de rejoindre les Balkans du côté de la Turquie, acteur et spectateur du conflit qui embrase alors cette région.

La loi d’amnistie en juillet 1880 lui permet de rentrer en France mais la violence de ses articles lui vaut encore une fois de subir les rigueurs de la justice et l’exil. Cluseret consacre alors son temps à la peinture, au point de pouvoir en 1884 présenter dans une galerie de la rue Vivienne plus d’une centaine de tableaux, de gravures et de pastels, d’une facture assez correcte comme on peut en juger aujourd’hui[2].

En 1887, à 64 ans, Cluseret publie ses Mémoires. Il y justifie son action tout en critiquant assez violemment ses anciens compagnons de lutte. L’année suivante, il est élu député du Var, classé à l’extrême gauche. Régulièrement réélu sous l’étiquette socialiste révolutionnaire[3], il participe une dernière fois aux élections en 1898, réussissant à vaincre de justesse son adversaire, Stroobant, émissaire du Parti ouvrier français.

Avec Cluseret, c’est un des députés les plus anti-dreyfusard de France qui est alors envoyé à la chambre représenter le département du Var, offrant un syncrétisme étonnant de positions radicales au plan politique – ses plus fermes soutiens sont les ouvriers des chantiers navals de La Seyne, il prône la création d’une retraite pour les paysans indigents – et d’antisémitisme virulent mâtiné d’une xénophobie absolue[4]. Il meurt à Hyères le 21 août 1900.

Personnage inclassable, discutable par beaucoup de ses engagements, Gustave Paul Cluseret reste cependant un témoin essentiel, par les aspects extraordinaires, au sens propre, de sa destinée, d’un XIXe siècle français qui prépare et annonce les contradictions politiques et sociales du siècle suivant.

Notes

  1. Le père de Cluseret, Antoine François, né à Saint Germain en Laye le 3 février 1789 de parents - Jean et Jeanne Colas - bourgeois de la ville, s'est engagé dans la Garde Impériale en février 1807. Sergent en 1809, il passe sous-lieutenant en 1811 puis lieutenant l'année suivante. Ayant fait toutes les campagnes napoléoniennes (Espagne, Allemagne, Hollande), il est blessé puis fait prisonnier à Mojaisk (Borodino) en 1812. Après son retour en France en 1814, il est capitaine en 1817 alors en garnison au 4° régiment d'infanterie de la Garde Royale. Chevalier de la Légion d'Honneur en 1825, puis promu chef de bataillon, il est fait officier en 1841 étant colonel du 55° régiment de ligne à Caen. Antoine Cluseret décède le 19 mai 1847.
  2. La correspondance de Courbet, en exil, évoque un "portait du général Cluseret", un moment détenu par Paul Durand-Ruel, qui n'a jamais été retrouvé. L'exemplaire découvert dans les années 1920 n'étant pas, selon les spécialistes, l'oeuvre du maître.
  3. En 1888, 1893, 1898.
  4. Il collabore à La Libre Parole d' Édouard Drumont.

Œuvres

Memoires, 2 tomes, Jules Lévy, Paris, 1887.

Sources

Alphonse Bertrand, la chambre de 1893, Librairies-Imprimeries réunies, Paris, 1893.

Alphonse Bertrand, la chambre de 1898 à 1902, Société française d'Édition d'Art, Paris, sd.

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