Henri De La Rochejaquelein

Henri De La Rochejaquelein

Henri de La Rochejaquelein

Henri de La Rochejaquelein
Henri de La Rochejaquelein
Surnom Monsieur Henri
Naissance 30 août 1772
près de Châtillon-sur-Sèvre
Mort au combat 28 janvier 1794 21 ans)
Nuaillé
Origine Français
Allégeance Royaume de France Royaume de France
Armée catholique et royale de Vendée Vendéens
Service 1790 - 1794
Conflits Guerre de Vendée
Faits d’armes Combat des Tuileries
Bataille de Thouars
Première Bataille de Fontenay-le-Comte
Bataille de Saumur
Bataille de Luçon
Bataille de Cholet
Bataille d'Entrammes
Bataille de Fougères
Siège de Granville
Siège d'Angers
Bataille du Mans
Famille Blason Famille La Rochejaquelein.svg La Rochejaquelein
Image : Henri du Vergier, comte de La Rochejaquelein par Pierre-Narcisse Guérin

Henri du Vergier, comte de La Rochejaquelein, né le 30 août 1772, à la Durbelière, près de Châtillon-sur-Sèvre (Poitou) et tué le 28 janvier 1794, à Nuaillé, est l'un des chefs de l'armée vendéenne au cours des batailles de la Révolution française.

Sommaire

Biographie

Origine

Fils du marquis de La Rochejaquelein, Henri de La Rochejaquelein naquit au château de la Durbelière, commune de Saint-Aubin-de-Baubigné, près de Châtillon-sur-Sèvre (aujourd'hui Mauléon dans le département des Deux-Sèvres, et fit ses études à l'école militaire de Sorèze. La Révolution française l'ayant surpris dès l'âge de seize ans, il ne suivit point son père dans l'émigration, et il crut pouvoir défendre le trône dans la Garde constitutionnelle du Roi Louis XVI où il fut appelé en 1791. La journée du 10 août 1792 trompa ses espérances[1].

Les premiers soulèvements

On le vit en effet, dans le Poitou, déplorer les suites du premier soulèvement de Bressuire, où les paysans royalistes venaient d'être défaits par les révolutionnaires. La Rochejaquelein se retira dans la terre de Clisson, près de Parthenay, chez le marquis de Lescure, son parent et son ami : unis tous deux par les mêmes sentiments, à peu près du même âge, ayant les mêmes intérêts, ils aspiraient secrètement au projet de participer au rétablissement de la monarchie qui menaçait ruine. Ils n'apprirent que par des bruits vagues le nouveau soulèvement du 10 mars 1793.

Statue de Henri de La Rochejaquelein au Musée des Augustins réalisé en 1895 par Alexandre Falguière

L'insurrection monarchiste

Ils flottaient entre l'espérance et la crainte, lorsqu'un paysan de Châtillon vint annoncer à la Rochejaquelein que les habitants des paroisses circonvoisines, impatients de se réunir aux insurgés, couraient aux armes et le demandaient pour chef.[2] Lescure veut le suivre. C'était livrer ses parents, ses amis et sa jeune épouse à la vengeance des républicains.

Accompagné de son guide fidèle et armé de deux pistolets, la Rochejaquelein arrive sur le théâtre de la guerre et rejoint Bonchamps et d'Elbée. Il apprend qu'une division ennemie pénètre dans la Vendée, et, n'écoutant que son courage, il veut arrêter le mouvement offensif des républicains, II accourt à Châtillon, à Saint-Aubin-de-Baubigné, où sont les propriétés de sa famille. À peine a-t-il paru que des milliers de paysans des Aubiers, de Neuil, de Saint-Aubin, des Echaubroignes, des Cerqueux de Maulévrier, d'Izernay, le proclament leur chef.

En mars 1793, il participe au soulèvement de la Vendée et devient un des chefs de l'armée vendéenne. La Rochejaquelein se met à leur tête et leur adresse cette courte harangue :

« Si mon père était parmi nous, il vous inspirerait plus de confiance, car à peine me connaissez-vous. J'ai d'ailleurs contre moi et ma grande jeunesse et mon inexpérience ; mais je brûle déjà de me rendre digne de vous commander. Allons chercher l'ennemi : si j'avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ;si je meurs, vengez-moi. »

Soulèvement de la Vendée

Henri de La Rochejaquelein au combat de Cholet, 17 octobre 1793, peinture de Paul-Émile Boutigny, Musée d'histoire de Cholet

Les Vendéens répondent par des acclamations et marchent aux républicains, qu'ils trouvent retranchés dans le cimetière des Aubiers. Ils investissent le bourg et attaquent en tirailleurs la division du général Pierre Quétineau. La Rochejaquelein les persuade que l'ennemi, à demi vaincu, commence à prendre la fuite. Aussitôt les Vendéens s'élancent sur les républicains, les dispersent et s'emparent de leur artillerie. La Rochejaquelein marche à l'instant sur Châtillon et sur Tiffauges. Là, se réunissant aux autres rassemblements royalistes, il partage avec eux les munitions qu'il vient d'enlever, et, par un premier succès, relevant son parti, il lui inspire une ardeur nouvelle. La défaite des Aubiers ayant décidé le général Quétineau à évacuer précipitamment Bressuire, le marquis de Lescure envoya l'ordre à plus de quarante paroisses de prendre les armes.[3] Le château de Clisson devint à l'instant une place d'armes et se remplit de soldats. Chaque rassemblement faisait un corps à part. Celui de la Rochejaquelein se réunit le plus souvent à la grande armée d'Anjou, qui, à cette époque, s'élevait à peine à 18 000 combattants, mal armés et sans organisation fixe.

Le 2 avril, La Rochejaquelein prit part au combat de Beaupréau, à la suite duquel les républicains, refoulés au delà de la Loire, restèrent pendant trois mois sans s'avancer dans le pays insurgé. La consternation se répandit à Angers, à Saumur et à Nantes. À l'attaque de Thouars, la Rochejaquelein, monté sur les épaules de Texier de Courlay, tire sur les assiégés, et tandis qu'on recharge ses armes, il arrache de ses mains les pierres des murailles et commence la brèche : toute l'armée républicaine mit bas les armes et se rendit à discrétion. À la Première Bataille de Fontenay-le-Comte, perdue par les royalistes, la Rochejaquelein commanda l'aile gauche. Peu de jours après, à la seconde bataille, il chargea avec la cavalerie, enfonça les bleus et acheva la déroute. À l'attaque de Saumur, le 7 juin, il enleva d'abord le camp retranché de Varrins ; et emporté par sa bouillante ardeur, au moment où l'on se battait encore à l'entrée de la ville, il met le sabre à la main, sa carabine en bandoulière, et suivi d'un seul officier (La Ville-Baugé), il s'élance à la suite des fuyards, pénètre dans les rues, s'avance sur la place de la Bhilange, brave les coups de fusil, abat lui-même plusieurs soldats républicains et renverse à ses pieds, d'un coup de sabre, un dragon qui, arrivé sur lui le pistolet à la main, venait de le manquer.

La prise de Saumur fut l'exploit le plus étonnant des Vendéens. En cinq jours de combats, ils avaient fait plus de 12 000 prisonniers, pris pièces de canon, des munitions considérables et le chef de la Loire.[4]

Pendant le siège de Nantes, qui fut moins heureux, la Rochejaquelein garda Saumur avec sa division, tant pour couvrir la Vendée que pour conserver l'une des plus importantes communications de la Loire. Après l'échec de Nantes, il vola à la défense du pays insurgé, qui était attaqué de nouveau. Il commanda l'aile droite à la bataille de Luçon, et, couvrant la retraite, il préserva l'armée royale et sauva les troupes d'élite.

Cet échec fut réparé le 4 septembre, jour où l'armée républicaine de Luçon, assaillie dans son camp retranché de Chantonnay, fut entièrement détruite. La Rochejaquelein avait tourné lui-même le camp pour l'investir et commencer l'attaque. Vers cette époque, la convention nationale ayant voté contre la Vendée une guerre plus énergique, la lutte devint si terrible que tous les combats antérieurs semblèrent n'en avoir été que le prélude.

La Rochejaquelein, renforçant la division de Bonchamp, emporta la position d'Erigné.[5] La Vendée allait être en péril par la concentration des armées républicaines : la Rochejaquelein, Stofflet et Lescure couvrirent Châtillon, mais sans succès.

Bataille de Cholet

Après la bataille de Cholet, où d'Elbée et Bonchamps succombèrent également, La Rochejaquelein était devenu le chef du parti royaliste. [6]

Le torrent des fuyards entraîna la Rochejaquelein jusqu'à Beaupréau. Devenu l'âme de son parti, ce jeune guerrier se vit engagé sous ces funestes auspices dans le passage de la Loire, qu'il désapprouvait. Sa première pensée fut de couvrir et d'assurer la retraite : il laissa d'abord une forte arrière-garde à Beaupréau, lui ordonna de se défendre et de se porter ensuite rapidement sur les bords du fleuve.

Le 18 octobre, 80 000 fugitifs avaient atteint Saint-Florent pour passer sur la rive droite. La Rochejaquelein et Lescure s'opposaient opiniâtrement à ce passage ou plutôt à cette fuite. La transmigration vendéenne fit renaître une armée royale qui, le 19 octobre, se trouva réunie tout entière à Varades, sur la rive droite.

Généralissime

Les généraux, n'ayant plus ni Bonchamps ni d'Elbée, sentirent la nécessité de se donner un commandant en chef qui eût la confiance générale. Lescure, blessé à mort, désigna la Rochejaquelein comme le seul capable de ranimer le courage des combattants de la Vendée. Tous les chefs le nommèrent, à l'unanimité, généralissime. Il est nommé général en chef de l'armée vendéenne catholique et royale. Il avait à peine 21 ans[7].

L'expédition en marche

Lorsque le plan de campagne eut été arrêté dans les conseils, que l'on se fut décidé à se porter sur d'abord sur Laval et sur Rennes, l'armée leva ses tentes. L'armée entière se mit en mouvement, le 20 octobre, pour une expédition sur les côtes de Bretagne, où les Anglais faisaient espérer des secours. Il fut décidé qu'on marcherait.

L'avant-garde était composée de 12 000 fantassins, soutenus de 12 pièces de canon, les meilleurs soldats et presque toute la cavalerie formaient l'arrière-garde ; entre ces deux corps cheminait un troupeau de femmes, d'enfants, de vieillards, qui s'élevait à plus de 50 000. [8]

La Rochejaquelein passa le gros des tirailleurs et deux pièces de canon en avant et les bagages au milieu de l'armée. Un corps républicain couvrait Laval. À huit heures du matin, le 22, le général en chef fit commencer l'attaque ; les républicains, ébranlés, furent bientôt entraînés par les fuyards ; la cavalerie vendéenne acheva de tout disperser.

Bataille d'Entrammes

Article détaillé : Bataille d'Entrammes.

La Virée de Galerne

Article détaillé : Virée de Galerne.

La Rochejaquelein, qui avait divisé son armée en trois corps, s'empara d'Ernée et de Fougères à la suite de deux attaques brillantes. Il prit ensuite la route de Dol au lieu de marcher sur Rennes. De Dol, il s'avança sur Pontorson et Avranches, afin de se porter sur Granville, que le gros de l'armée, formant à peu près 30 000 hommes, attaqua sans succès, la place étant hérissée de fortifications et défendue par une garnison exaltée et nombreuse. Les Vendéens, découragés, furent à la veille de se soulever contre leurs chefs ; demandant à grands cris à rentrer dans leur pays natal.

La Rochejaquelein rappela les détachements et se remit en marche. En s'éloignant du rivage, les royalistes perdirent à jamais l'occasion d'acquérir, par la jonction des forces anglaises avec eux, la consistance politique et militaire, qui pouvait les sauver. L'expédition que commandait lord Moira, contrariée par les vents, mit trop tard à la voile. Les distances, les éléments et la défense de Granville causèrent la ruine des royalistes.

Mais leur retraite jusqu'à la Loire fut marquée par des combats où éclatèrent de nouveau toute leur valeur et l'énergie de leurs chefs. Pontorson fut d'abord enlevé après un grand carnage. La Rochejaquelein, se dirigeant ensuite vers Dol, trouva sur les deux routes d'Antrain et de Pontorson deux armées républicaines qui marchaient à grandes journées pour lui couper la retraite. Il divise aussitôt ses forces pour faire face des deux côtés. Lui-même repousse d'abord Westermann sur Pontorson, tandis que sur la route d'Antrain d'autres chefs harcelaient diverses colonnes ennemies. On se battit pendant vingt-deux heures, du 16 au 17 novembre.

La Rochejaquelein, dont le cheval fut blessé, donna partout des preuves d'une haute valeur et fit surtout admirer ce coup d'œil qui distingue les plus grands capitaines. Cette bataille ne peut se comparer qu'à celle de Laval. Les royalistes, réunis en masse, poursuivirent continuellement l'armée républicaine, la forçant sur tous les points à fuir dans le plus grand désordre.

Le 21 novembre, la Rochejaquelein occupa Ernée et le lendemain Mayenne, d'où il se dirigea sur Laval, Le 27, il sortit de Laval et marcha sur la Flèche, où il séjourna jusqu'au décembre. Le conseil vendéen y décida qu'on attaquerait Angers sans retard. L'attaque d'Angers, qui commença le 5, ne fut pas plus heureuse que celle de Granville. Les chefs, au désespoir de ce dernier échec et indécis sur leur marche, prirent la route du nord, tournant le dos à la Loire et n'osant rentrer dans la Vendée par les Les Ponts-de-Cé, dont les approches étaient défendues. L'armée royale se porta sur la Flèche par Baugé : arrivée devant la Flèche, elle trouva le pont sur la rivière du Loir coupé et la ville au delà défendue par une forte garnison. Placée ainsi entre la rivière et l'armée républicaine qui marchait pour la combattre de nouveau, sa position était effrayante. La Rochejaquelein prend alors un parti décisif : il remonte la rivière à la tête de cavaliers choisis, dont chacun portait un fantassin en croupe, et, trouvant un gué près d'un moulin, il passe le premier sur une chaussée couverte d'eau : le reste suit, surprend et culbute la garnison ; il s'empare du faubourg, s'y retranche et rétablit le pont. La ville est prise, et la Rochejaquelein, par son action d'éclat, sauve l'armée.

La bataille du Mans

Le 10 décembre, il se remet en marche et s'avance vers le Mans, espérant y trouver des vivres et des amis ; car l'armée, accablée de privations, était aux abois. S'étant rendu maître du Mans, il y passa tranquillement la journée du 11 ; mais le lendemain il : fut attaqué sur les trois routes du sud par toutes les forces républicaines, qui avaient pour chef le général Marceau. On sait que la bataille du Mans, livrée le 13 décembre, fut en quelque sorte le tombeau de l'armée vendéenne. Là commença du moins sa dissolution. La Rochejaquelein, voyant la bataille perdue, s'était efforcé, pour éviter un massacre général, de mettre quelque ordre dans la retraite. Il rassembla le peu de cavaliers qu'il rencontra sur son passage et gagna la route de Laval, la seule qui fût encore libre, elle était couverte de fuyards ; il en rallia un assez grand nombre et pénétra le soir même dans Laval avec ces débris.

La retraite

Le lendemain, il arrive à Craon avec sa troupe fugitive, que les républicains harcelaient et dont il pressait la retraite. Ses soldats, livrés à une sombre inquiétude, marchent nuit et jour, espérant traverser la Loire à Ancenis. Le 15, il occupe Pouancé et le lendemain Ancenis, où il entre le premier sans éprouver de résistance. Il n'y avait là ni bateaux ni pontons, et la rive opposée était au pouvoir de l'ennemi.

Sur l'autre rive, on aperçoit quatre barques chargées, dont on espérait s'emparer et se servir. La Rochejaquelein s'offre d'aller lui-même reconnaître l'autre rive. Il se jette, avec Stofflet et La Ville-Baugé, dans un batelet enlevé d'un étang voisin, et qu'on avait chargé sur un chariot. Toute l'avant-garde suit des yeux ce frêle bateau, portant la Rochejaquelein[9]. Une attaque subite des républicains force les Vendéens de renoncer à leur entreprise. On vit alors se disperser les restes malheureux de cette armée qui soixante jours auparavant, maîtrisait la Loire, envahissait le Maine et la Bretagne. La plupart de ces fugitifs allèrent périr dans les champs de Savenay (22-23 décembre 1793).

La fin

La Mort de Henri de La Rochejaquelein, peinture de Alexandre Bloch

Cependant la Rochejaquelein, suivi de Stofflet, La Ville-Baugé, de Langerie et d'une vingtaine de soldats qui avaient aussi gagné la rive gauche à Ancenis, fut surpris par une patrouille, qui le chassa des bords du fleuve et dispersa son détachement. Resté avec ses trois compagnons d'armes, il s'enfonça dans l'intérieur du pays, errant la journée entière dans une solitude effrayante, n'apercevant partout que des traces de dévastation et ne rencontrant sur ses pas aucun être vivant. [10] Pendant deux jours, ils ne vécurent que du pain enlevé aux soldats qui tombaient isolément sous leurs coups. À mesure qu'ils pénétraient vers Châtillon, la Rochejaquelein retrouvait de ses partisans. Son unique désir était de combattre encore à leur tête. [11]

Laissant tout à la Providence, il traverse de nuit la ville de Châtillon où les républicains avaient un poste, ne répond pas au qui vive de la sentinelle, échappe au péril à force d'audace et, arrivé près de Saint-Aubin-de-Baubigné, retrouve sa tante, madame de la Rochejaquelein, qui était cachée dans une métairie voisine. Il passe trois jours avec elle et n'en reçoit que des paroles pleines de fermeté.

Les ruines du château de la Durbelière, que les républicains avaient livré aux flammes, lui servirent d'asile. Le bruit de son arrivée et quelques indices sur le lieu de sa retraite l'exposèrent aux perquisitions d'un détachement qui vint fouiller ce château : il ne s'y déroba qu'en se tenant couché sur l'entablement des murs encore debout de la façade principale.

C'était ainsi que, bravant les dangers, il préparait tout pour reprendre les armes. Instruit que Charette vient d'entrer dans le haut Poitou, il se porte à sa rencontre, voulant concerter avec lui les opérations qu'il médite.[12]

C'était au moment même où les républicains réprimaient violemment les troubles dans la Vendée. Le général Étienne Jean-François Cordellier-Delanoüe, commandant l'une des colonnes, eut trois engagements sérieux avec la Rochejaquelein, qu'il ne put entamer. Le chef vendéen, voyant grossir l'orage, se replia sur la forêt de Vezin pour s'assurer une retraite. Là, s'étant mis sur la défensive, il fit construire dans la forêt des baraques, où il se cantonna avec ses meilleures troupes, après avoir établi un poste sur la route de Cholet. Instruit de tous les mouvements de l'ennemi, il revint au même plan qu'on avait suivi pendant son absence et se borna, pendant le reste de l'hiver, à couper les communications des républicains, à enlever leurs patrouilles, leurs escortes et surtout leurs munitions. Il s'empara ainsi de plusieurs convois. Dans une rencontre imprévue, il prit un adjudant général sur lequel il trouva l'ordre de donner des sauf-conduits aux paysans vendéens, de se saisir ensuite de tous ceux qui en seraient porteurs et de les fusiller indistinctement. La Rochejaquelein se hâta de faire afficher cet ordre barbare dans toutes les paroisses environnantes. Les paysans indignés, n'ayant plus aucune sûreté, se réunirent à lui en plus grand nombre. Se voyant en état de sortir de la forêt, il reparaît à la tête d'un rassemblement et menace tour à tour les divers cantonnements qui l'environnent. Serré de près par le général Cordellier, il élude d'abord le combat, assaillit ensuite ce général à plusieurs reprises et obtient quelques succès. Bouillant et impétueux, il harcèle sans cesse son ennemi, qu'il tient en échec.[13]

Depuis sa rentrée dans la Vendée, il semblait pressentir la chute de son parti et ne pas vouloir lui survivre. Le 4 mars, Nuaillé près Cholet fut témoin de sa dernière expédition. La garnison de Cholet étant sortie pour incendier ce bourg, la Rochejaquelein l'attaqua au moment où elle y mettait le feu. Entourés par les Vendéens, plusieurs soldats périrent dans les flammes ; d'autres s'élancèrent à travers les rangs ennemis.[14]

La Rochejaquelein, qui s'avance à cheval, veut les interroger, malgré les représentations des officiers de sa suite, qu'il laisse derrière lui. L'un des deux grenadiers[15], qui vient d'entendre prononcer le nom du général royaliste, décide d'agir ; et, tandis que la Rochejaquelein se penche pour recevoir de lui son arme, le grenadier l'ajuste et tire à bout portant, avant d'être lui-même tué quasi-instantanément par des officiers. La balle frappe le front de la Rochejaquelein, qui tombe et expire aussitôt (le 28 janvier 1794).

La tombe

Le corps de la Rochejaquelein fut enseveli à la même place où il avait été atteint d'un coup mortel. Afin que son cadavre ne soit pas identifié, son compagnon Nicolas Stofflet lui enleva ses vêtements et lui taillada le visage à coups de sabre en sanglotant: j'ai perdu ce que j'avais de plus cher au monde.

Il fut inhumé plus tard après qu'un métayer aura indiqué le lieu de sépulture provisoire, dans l'église de Saint-Aubin de Baubigné dans les Deux-Sèvres, avec ses deux frères: Louis et Auguste du Vergier de La Rochejaquelein.

Le Héros de la Vendée

Les royalistes et les républicains donnèrent des regrets à la mémoire de ce héros de la Vendée. Henri de la Rochejaquelein était d'un tempérament robuste ; il maniait un cheval avec grâce ; il était passionné pour la chasse et les exercices violents ; il avait l'œil vif, le nez aquilin, la mine guerrière ; il semblait né pour les combats. À peine âgé de vingt ans, il montrait le germe de tous les talents de l'homme de guerre. Dans les conseils, il ouvrait toujours l'avis le plus sage, mais il était trop modeste pour jamais s'en prévaloir au contraire, il cédait volontiers à l'opinion des chefs dont la maturité semblait annoncer plus de lumières et d'expérience.[16] Mais, dans les dangers, tous recouraient à lui, tous réclamaient ses ordres. N'ayant d'autre instinct que celui de la guerre, il fut étranger à la politique ; et, tel que nos anciens preux, il semblait appartenir aux temps héroïques de la chevalerie. Hors des combats, il s'abandonnait à l'enjouement et à la gaieté de son âge, ne développant son grand caractère que dans les moments décisifs. Sa physionomie était pleine de douceur et de noblesse. Ses yeux, naturellement vifs, devenaient si ardents et si fiers au milieu des combats que son regard semblait alors le coup d'œil de l'aigle. Tel fut cet illustre chef, à vingt-deux ans généralissime d'une armée qui venait d'être créée, et remportant en dix-huit mois seize victoires dans les circonstances les plus difficiles où une armée puisse se trouver.

Notes et références

  1. Ce fut alors que, s'éloignant de la capitale, il dit :
    « J'irai dans ma province, et bientôt l'on entendra parler de moi. »
  2. « L'honneur m'appelle, s'écrie le gentilhomme vendéen, et je vole aux combats ! »
  3. Il était déjà même à cheval, lorsqu'il vit arriver plusieurs cavaliers bride abattue, s'annonçant aux cris de Vive le roi ! C'était la Rochejaquelein qui, mettant pied à terre, s'élança dans les bras de son ami en criant : « Je vous ai donc délivrés ! »
  4. Quand la Rochejaquelein jeta les yeux sur ces immenses trophées : « Savez-vous, dit-il à l'un de ses officiers qui le voyait pensif, quel est celui qui est le plus étonné de nos succès? » Comme on hésitait à lui répondre : C'est moi ajouta-t-il.
  5. Il donnait ses ordres dans un chemin creux, lorsque des tirailleurs, s'avançant sur lui, le frappèrent d'une balle qui lui cassa le pouce ; il tenait un pistolet, et sans le quitter, il dit à ceux qui, le voyant couvert de sang, témoignaient de l'inquiétude : Je n'ai que le pouce cassé ! Toutefois, il resta sur le champ de bataille ; mais sa blessure le força de quitter l'armée le lendemain.
  6. «Cette armée de la Haute-Vendée, dit M. de Chateaubriand, jadis si brillante, maintenant si malheureuse, se trouvait resserrée entre la Loire et l'armée républicaine qui la poursuivait. Pour la première fois, une sorte de terreur s'empara des paysans ; ils apercevaient les flammes qui embrasaient leurs chaumières et qui s'approchaient peu à peu; ils ne virent de salut que dans le passage du fleuve. En vain les officiers voulurent les retenir; en vain La Rochejaquelein versa des pleurs de rage, il fallut suivre une impulsion que rien ne pouvait arrêter. Vingt mauvais bateaux servirent à transporter sur l'autre rive de la Loire la fortune de la monarchie. On fit alors le dénombrement de l'armée ; elle se trouva réduite à 30,000 soldats; elle avait encore 24 pièces de canon, mais elle commençait à manquer de munitions et de cartouches.
  7. Aussi modeste que brave, il s'était dérobé aux regards de l'armée. On le cherche, on le trouve, les yeux mouillés de larmes, protestant qu'il ne se croit pas digne du généralat ; qu'il n'a ni-assez de talent, ni assez d'expérience pour remplir des fonctions à la fois si honorables et si difficiles ; que ce n'est guère à vingt ans qu'on peut tour à tour présider aux combats et aux conseils avec la même fermeté ; mais l'armée entière, ne songeant qu'aux qualités héroïques de la Rochejaquelein, le proclame. Il parcourt aussitôt toute la ligne, qui fait entendre les cris répétés de Vive le roi ! Vive la Rochejaquelein ! .
  8. La Rochejaquelein paraissait à la tête de l'armée, monté sur un cheval que les paysans avaient surnommé le Daim, à cause de sa vitesse.
  9. Déjà au milieu du fleuve, il tenait par la bride son cheval qui le traversait à la nage : le batelet, sans direction, flotte, s'enfonce, revient sur l'eau et, après une demi-heure de lutte contre le courant, parvient enfin au bord opposé, au moment où l'armée, qui arrivait successivement, commençait à construire des radeaux pour tenter aussi le passage.
  10. Après vingt-quatre heures d'anxiété et de fatigues, ils parvinrent à une métairie habitée. Là on les accueille ; le fermier leur offre un repas frugal. A peine ont-ils pris quelque nourriture, que, cédant à l'irrésistible besoin du repos, ils se jettent tout habillés sur une meule de paille. Bientôt leur hôte accourt les avertir de l'approche d'une patrouille et les conjure avec instance de fuir au plus vite :
    « Ami, lui répond la Rochejaqueîein, lors même que nous devrions périr ici, on ne nous arracherait pas au sommeil qui nous accable et qui nous est encore plus nécessaire que la vie. Retire-toi et laisse à la Providence le soin de notre conservervation.. »
    Les républicains survinrent et, accablés aussi de fatigue, s'endormirent auprès des quatre Vendéens, de l'autre côté de la meule. A la pointe du jour, la Rochejaqueîein, éveillé par ses trois compagnons d'armes, s'éloigne en toute hâte et, s'enfonçant avec eux dans les bois, se dérobe à l'ennemi.
  11. Tourmenté du souvenir amer de la défaite du Mans, de la fatale et récente séparation de son armée, il était abîmé de désespoir et ne cherchait que les occasions de mourir les armes à la main.
  12. Mais, peu content de l'accueil de ce chef, qui, le quittant, lui dit : Je pars pour Mortagne ; si vous voulez me suivre, je vous ferai donner un cheval. - Moi vous suivre, répond fièrement le généralissime de la Yendée, sachez que je suis accoutumé à être suivi moi-même, et qu'ici, c'est moi qui commande. En effet, 800 Vendéens abandonnèrent le même jour le chef du bas Poitou et reconnurent la Rochejaquelein pour leur général.
  13. Ce jeune guerrier, qui, après la défaite du Mans, s'était écrié :
    « Que ne suis-je mort au champ d'honneur ! »
    s'était souvent battu en capitaine expérimenté dans les combats précédents mais navré de la malheureuse issue de l'expédition d'outre-Loire, il ne montrait plus que la témérité d'un soldat.
  14. La Rochejaquelein les poursuivit avec acharnement ; et, voyant derrière une haie deux grenadiers qui échappaient à sa cavalerie :
    « Rendez les armes, leur dit-il : je vous fais grâce. »
    Tous deux se jettent à genoux comme pour l'implorer.
  15. Au nombre de ces derniers se trouvait un grenadier qui, désespérant d'échapper à la cavalerie, s'était caché derrière un buisson; on le fit remarquer à La Rochejaquelein : Voilà un bleu, dit-il, que je veux voir de plus près. Le grenadier se voyant découvert, avait déjà mis en joue un cavalier du groupe qui s'avançait vers lui, lorsque, entendant nommer le général, il changea la direction de son fusil et ajusta l'imprudent qui continuait d'avancer. Au moment où La Rochejaquelein allait saisir le grenadier, celui-ci lui fit sauter la cervelle et tomba presque aussitôt percé de coups. Une fosse fut creusée sur le lieu même, et l'on y jeta les deux cadavres.
  16. « Décidez, disait-il, et j'exécuterai. »

Source partielle

  • « Henri de La Rochejaquelein », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail de l’édition] (Wikisource)
  • « Henri de La Rochejaquelein », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail de l’édition]
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