Henri Giraud (général)

Henri Giraud (général)
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Officier général francais 5 etoiles.svg Henri Giraud
Henri Giraud, en 1943.
Henri Giraud, en 1943.

Naissance 18 janvier 1879
Paris
Décès 11 mars 1949 (à 70 ans)
Dijon
Origine Drapeau de France France
Grade général d'armée
Années de service 1898 - 1946
Conflits Première Guerre mondiale
Guerre du Rif
Seconde Guerre mondiale
Commandement 4e régiment de zouaves
17e régiment de tirailleurs algériens
7e armée
9e armée
Distinctions Légion d'honneur
Médaille militaire
Officier général francais 5 etoiles.svg Henri Giraud

Parlementaire français
Mandat Député
Juin-novembre 1946
Circonscription Moselle
Groupe parlementaire Parti républicain de la liberté
IVe République

Henri Honoré Giraud[1], né le 18 janvier 1879 à Paris et mort le 11 mars 1949 à Dijon[2] (Côte-d'Or), est un général et homme politique français. Il est considéré comme l'une des principales figures de la Libération[2].

Une partie de la Résistance intérieure française, caractérisée par sa réticence à l'initiative d'une nouvelle rupture institutionnelle[3], se réclama de son patronage et de son inspiration, en particulier l'Organisation de résistance de l'armée (ORA) des généraux Frère, Verneau et Revers[4].

De juin à novembre 1943, il a été, avec le général de Gaulle, co-président du Comité français de la Libération nationale (CFLN).

Sommaire

Biographie

Les débuts

Henri Giraud, de souche alsacienne, est né à Paris. Il est diplômé de l'École militaire de Saint Cyr[2], en 1900 il rejoint un corps de troupe.

Première guerre mondiale

Il a servi en Afrique du Nord, jusqu'à son affectation en France, en 1914 lors de la Première Guerre mondiale, et y commande le 4e régiment de zouaves. Sérieusement blessé au combat du fait d'une pleurésie purulente, il est capturé le 30 août 1914 à la bataille de Guise[2], mais s'échappe deux mois plus tard de l'hôpital d'Origny-Sainte-Benoite avec le capitaine Charles Schmitt, et rentre en France par les Pays-Bas, grâce au réseau établi par le docteur Frère qui fut chirurgien à l'hôpital de Bruxelles[5].

Le 30 aout 1914 il rejoint La Haye et se met en correspondance avec le colonel Desprez, nouvel attaché militaire français[6]. Ce dernier l'envoie en Angleterre avec Charles Schmitt rencontré par hasard dans une gare aux Pays-Bas et y rejoint un ami, le capitaine Wallner, du service de renseignements français. Par la suite ils rejoignent la France sur le croiseur ramenant en France Théophile Delcassé ministre des Affaires étrangères avec M. Bark, ministre des Finances de Russie[7]. Il retourne au front et en 1917 il participe à la Bataille du Chemin des Dames et à la prise du fort de Malmaison[2],[8].

Giraud sert ensuite avec les troupes françaises à Constantinople durant l'expédition de Salonique, sous le général Franchet d'Esperey.

Guerre du Rif

Puis il est au Maroc sous les ordres du maréchal Lyautey et participe à la guerre du Rif[9]. Il est professeur à l'École de Guerre en 1927 et général de brigade en 1930[9].

En 1933 il est muté au Maroc pour y combattre la résistance berbère aux abords du Tafilalet et dans le djebel Sargho. Il obtient la Légion d'honneur.

Entre-deux-guerres

Il devient en 1936 commandant militaire de Metz, puis commandant de la 3e armée[9], à ce titre il est le supérieur hiérarchique du colonel de Gaulle, commandant le 507e régiment de chars de combat[9].

Bataille de France et captivité

Quand la Seconde Guerre mondiale commence, Giraud est membre du Conseil supérieur de la guerre. Il y désapprouve la tactique préconisée par le lieutenant-colonel Charles de Gaulle d'emploi offensif des blindés en formations groupées pour percer les lignes ennemies. Les carrières de Giraud et de de Gaulle se croisent à plusieurs reprises avant la guerre, notamment au commandement du 507e RCC à Metz par de Gaulle, au cours duquel Giraud commente, avec des sarcasmes, l'efficacité des chars de combat.

Le général Giraud, prisonnier de guerre, durant sa promenade quotidienne en Allemagne (date exacte inconnue).

Le 10 mai 1940, Giraud commande la 7e Armée qui doit, dans le cadre du plan Dyle-Bréda, atteindre le plus vite les Pays-Bas. Il parvient à retarder les troupes allemandes à Bréda le 13 mai. Plus tard, il prend le commandement de la 9e armée. Mais c'est lorsqu'il essaie de bloquer l'attaque blindée allemande par les Ardennes, qu'il est capturé par l'ennemi à Wassigny par le général von Kleist le 19 mai. Il est d'abord conduit près de Vervins, puis à Bonn avec son officier d'ordonnance, le lieutenant Tannery. Rapidement, il est envoyé seul en Silésie.

Il est interné au Kœnigstein[2] près de Dresde, employé au centre d'internement de haute sécurité pour les prisonniers de guerre de marque, nommé aussi « la Bastille de Saxe ». Son logement est composé de deux pièces, au second étage d'un bâtiment dominant à pic la cour intérieure, avec de petites fenêtres grillagées.

Lors de son arrivée, le commandant de la forteresse, le général Genthe, lui indique qu'il est emprisonné « en représailles, pour la conduite inqualifiable qu'a tenue en 1918 le maréchal Foch vis-à-vis du lieutenant-colonel von Gersdorf »[10].

La lettre de Giraud à ses enfants

Une célèbre lettre que le général Giraud captif en Kœnigstein adresse à ses quatre garçons et à ses filles en septembre 1940 est « largement diffusée »[11]. Le général de Gaulle, lui-même, participe à sa diffusion. Il en a, par exemple, adressé une copie au prince Félix Bourbon-Luxembourg en la préfaçant : « vous verrez ainsi que, dans sa captivité, le général Giraud est bien resté tel que nous l'avons connu »[11].

« Kœnigstein, septembre 1940
Je ne sais combien de temps je resterai ici, des mois, des années peut-être. Il est possible que je sois enterré à côté de mon ami Dame. Je suis prêt à tout : peu importe.
Je vous confie le soin de me remplacer dans une tâche sacrée, le relèvement de la France. Je vous interdis de vous résigner à la défaite, et d'admettre que la France puisse passer après l'Italie, l'Espagne ou la Finlande. Peu importe les moyens. Le but seul est essentiel. Tout doit lui être subordonné. [...] Au début, il ne s'agit pas de heurter de front un ennemi qui s'est assuré la possession de notre sol et nous a totalement désarmés. Stresemann a défini la méthode à employer : nous n'avons qu'à copier intelligemment.
En première urgence, la libération du territoire à l'intérieur des frontières qui nous sont laissés. Ensuite la reconstruction physique, morale et sociale. [...] En troisième lieu [...] pouvoir refaire une armée moderne. Ceci suppose un programme à exécuter, par qui de droit :
- les esprits sont faits en France ;
- l'instruction est faite aux colonies ;
- le matériel est fait à l'étranger.
Malgré tous les contrôles, un pareil programme est possible, le camouflage étant de règle. Rien ne ressemble au « service en campagne » comme l'instruction des scouts. Rien ne ressemble à un avion militaire comme un avion de transport. Un tracteur à chenilles n'a besoin que de sa cuirasse pour devenir un char, etc., etc.
Mais avant tout, que les esprits soient à la hauteur de leur tâche. Qu'ils veuillent être Français totalement. Que personne ne s'expatrie des pays occupés ou temporairement détachés : il s'agit d'y maintenir la pensée française. Mais que personne n'hésite à s'expatrier si on lui offre à l'étranger une situation où il peut être utile à la France. Vous tous [...] rappelez-vous qu'une bourrasque passe mais que la Patrie reste. Une Nation vit quand elle veut vivre. [...] Forcez les autres à penser comme vous, à travailler comme vous. Nous sommes sûrs du succès, si nous savons vouloir.
Résolution. Patience. Décision.
Général H. Giraud.[11] »

L'évasion de Königstein

Un complot se forme pour le faire évader. Le général Mesny (assassiné par la suite du fait de son aide à l'évasion du général), le général Mast (qui prévient sa femme de son intention d'évasion), son ex-chef d'état-major, le général Baurès, le général Le Bleu, le général Joseph de Verdilhac et le seul colonel de la forteresse, l'aident à s'évader. Giraud prépare soigneusement son évasion pendant deux ans. Il pratique l'allemand et apprend par cœur une carte des abords de la forteresse. Le 17 avril 1942[2], il se laisse descendre le long de la falaise de la forteresse de montagne[9]. Il avait rasé sa moustache, s'était coiffé d'un chapeau tyrolien et voyage jusqu'à Schandau pour y rencontrer son contact du SOE. Par diverses ruses, il atteint la frontière suisse, après un périple rocambolesque de 800 km en chemin de fer, il arrive en Alsace le 19 avril 1942 et par la suite se rend à Vichy, en zone libre française[12].

L'évasion de Giraud est bientôt connue en France. Hitler, qui croyait que Giraud était l'auteur de Vers l'armée de métier (Charles de Gaulle, 1934)[12] entre dans une violente colère. Himmler ordonne à la Gestapo de l'assassiner. Pierre Laval[2] et Abetz essaient vainement et à plusieurs reprises de persuader Giraud de retourner en Allemagne[12]. Lors d'une entrevue avec Abetz à Moulins, à la Ligne de démarcation, Giraud déclare qu'il n'accepterait de rentrer en Allemagne qu'à une seule condition : que le Reich libère les 500 000 prisonniers mariés et pères de famille[13]. Cependant, il signe, le 4 mai 1942, une lettre au maréchal Pétain, dans laquelle il l'assure de sa volonté de ne pas aller à l'encontre de l'action de son gouvernement[9], promesse qu'il ne tiendra pas du fait qu'en juin 1942, le chef du Gouvernement, Pierre Laval, dans un discours radiodiffusé proclama « sa foi en la victoire de l'Allemagne ».

Giraud et l'opération Torch

La revendication du commandement de l'opération Torch

Giraud s'installe en zone libre, dans une propriété familiale où la police de Laval le fait surveiller, ce qui ne l'empêche pas de prendre des contacts avec diverses personnalités françaises et américaines, en vue d'une reprise de la guerre par l'armée d'armistice auprès des Alliés.

Lorsque les Alliés envisagent un débarquement en Afrique du Nord, leurs dirigeants, décidés à écarter de Gaulle après son échec de Dakar, et incertains de l'accueil que leur réserveraient les généraux vichystes, cherchent un général français prestigieux pour prendre le commandement de l'armée d'Afrique ; les Américains comptent sur les « comploteurs algérois[14] » et sur Giraud « pour rallier les troupes vichystes[14] ». Sur la suggestion de Lemaigre Dubreuil[15], qui avait servi sous ses ordres, des contacts sont pris par des agents consulaires américains avec le général. Celui-ci accepte de participer à l'Opération Torch à condition que le débarquement ait lieu simultanément au sud de la France et en Afrique du Nord et qu'il en soit le commandant en chef. On lui fait finalement admettre un débarquement qui aurait lieu en Afrique du Nord. Giraud désigne comme ses représentants sur place le général Mast à Alger et le général Béthouart au Maroc. Mais sa requête d'exercer le commandement inter-allié n'a pas de suite.

Quelques mois plus tard, grâce à l'appui du général Robert de Saint-Vincent[16], membre de l'Armée secrète, Giraud quitte secrètement la France, en vue de participer à l'opération Torch. C'est le HMS Seraph, un submersible britannique, qui l'embarque au Lavandou et le transporte à Gibraltar, le 7 novembre 1942. Il y apprend alors que le débarquement Allié en Afrique du Nord, qu'il avait demandé à diriger, sera commandé par le général Eisenhower[9]. Giraud impose à ce sujet à Eisenhower une longue discussion, arguant de son grade supérieur et du prestige de son pays. Le lendemain il est décidé que le général Eisenhower gardera le commandement en chef des troupes anglo-américaines, en cours de débarquement, jusqu'à ce que celui-ci soit achevé. Les troupes françaises ne recevront ensuite d'ordres que du général Giraud, compromis qui sera efficace par la suite pour toute la campagne de Tunisie[17].

Le putsch du 8 novembre 1942

Quatre cents résistants en grande majorité juifs français déchus de leur nationalité, menés par le jeune José Aboulker (23 ans) occupent, dans la nuit du 7 au 8 novembre, les points stratégiques d'Alger, et arrêtent les plus hauts dirigeants civils et militaires vichystes, tels que le général Juin et l'amiral Darlan[18]. L'un de ces résistants lance de Radio-Alger un appel au nom du général Giraud[19], incitant à la rentrée en guerre et se terminant par la phrase « Un seul but la Victoire ». Celle-ci devient la devise de Giraud jusqu'à la Libération, et sert de titre à ses Mémoires.

À la suite de quoi, les régiments vichystes perdent leur temps à reconquérir Alger contre les résistants français, au lieu d'attaquer les forces de débarquement alliées sur les plages. Ainsi ces dernières peuvent-elles débarquer, encercler Alger presque sans opposition, et obtenir la reddition de la garnison vichyste à 17 h 30, le même jour.

Giraud n'arrive à Alger que le 9 novembre, dans l'après-midi. Il fait préalablement redécorer le sous-marin britannique qui le transportait pour lui faire arborer des couleurs françaises. En son absence, le général Clark avait commencé à traiter avec Darlan[9] pour obtenir la fin des combats à Oran et au Maroc. Giraud découvre alors que le jeu américain s'est resserré autour de Darlan, qui fait figure de carte politique maîtresse[20]. Les troupes françaises de Vichy combattent les forces alliées pendant trois jours, jusqu'à ce que l'amiral Darlan ait été obligé par Clark de leur ordonner un cessez-le-feu.

La situation politique en Afrique du Nord

L'alliance Giraud-Darlan

Le général Eisenhower, commandant en chef des armées alliées en Afrique du Nord, et le général Giraud commandant des Forces françaises (et « favori » des Américains), saluant les drapeaux des deux nations au quartier général des Alliés à Alger (1943).

Darlan, ayant alors pris la direction politique de l'Afrique française du nord et de l'A.O.F. avec le soutien de Roosevelt[21], nomme Giraud commandant de ses troupes. Giraud, après son refus de prendre part à l'opération Torch, avait sans doute perdu une bonne part de la confiance des Américains. Mais Darlan ne pouvait pas fédérer tous les mouvements sous son seul nom, vu son appartenance au gouvernement de Vichy, et son titre officieux de dauphin de Pétain. Darlan entreprend de maintenir le régime de Vichy, avec ses lois d'exclusion et ses camps de concentration. Le Comité national français de Londres refuse de reconnaître ce Haut-commissariat de France en Afrique.

Le 24 décembre 1942, Fernand Bonnier de La Chapelle assassine Darlan et Giraud insiste pour que Bonnier soit rapidement jugé[22]. Les membres vichystes du Conseil impérial l'élisent, sans opposition, haut-commissaire pour succéder à Darlan. Giraud garde alors le même adjoint que son prédécesseur, le général Bergeret, ancien ministre de l'Air de Pétain.

Simultanément, il fait rapidement ouvrir une nouvelle enquête sur le meurtre de Darlan. Il ordonne l'arrestation le 30 décembre 1942 de vingt-sept chefs de la résistance française du 8 novembre, dont Henri d'Astier de la Vigerie, qui avaient permis le succès du débarquement allié, et sont très fortement soupçonnés d'être impliqués dans l'assassinat de l'Amiral. Ils sont envoyés quelque temps en internement dans le Sahara.

Le Commandement civil et militaire d'Alger

Le général de Gaulle (à droite) serrant la main de Henri Giraud, devant Roosevelt et Churchill le 17 janvier 1943 lors de la conférence d'Anfa.

Suite à l'assassinat de Darlan, le général Giraud est nommé à la tête du Commandement civil et militaire d'Alger. Dans un premier temps, il maintient le régime de Vichy, y compris ses lois d'exclusion[9] auxquelles il trouve de nouvelles applications, en interdisant par exemple l'accès des officiers et soldats juifs aux unités combattantes de l'armée d'Afrique [23]. Il maintient aussi les internés de Vichy dans les camps de concentration du Sud.

Le maintien du régime dans un territoire libéré met rapidement les Alliés dans l'embarras, surtout Roosevelt, vertement critiqué par son opinion publique largement favorable à De Gaulle. En février 1943, Roosevelt envoie Jean Monnet à Alger pour seconder Giraud au sein du Commandement civil et militaire. Monnet convainc Giraud que l'aide militaire des américains dépend de la démocratisation du régime, et le mène à l'abandon progressif de la législation de Vichy[24]. Le 14 mars 1943, Giraud prononce ce qu'il qualifie lui-même ironiquement de « premier discours démocratique de sa vie », rédigé par Monnet. Il y renie Pétain et la Révolution nationale, et annonce l'abrogation des lois antisémites, mais aussi celle du décret Crémieux qu'il juge « discriminatoire » [25],[26].

Giraud obtient alors l'équipement de plusieurs divisions françaises en matériel américain[2] et l'Armée d'Afrique participe à la campagne de Tunisie.

Les négociations avec de Gaulle

Pendant les premiers mois de 1943, De Gaulle et Giraud négocient une alliance souhaitée par les Alliés, mais ne trouvent pas à s'entendre sur l'organisation politique à mettre en place. Dans un premier temps l'immobilisme semble profiter à Giraud, soutenu par Roosevelt, et la situation semble nettement basculer en faveur de De Gaulle lorsque Jean Moulin, délégué général en France du général de Gaulle, transmet à Londres un télégramme (daté du 8 mai 1943, il est reçu le 14) dans lequel il annonce la création du Conseil national de la Résistance et qui confirme que l'ensemble des mouvements de résistance reconnaissent le général de Gaulle comme chef de la Résistance, n’admettront jamais sa subordination au général Giraud, et réclament l’installation rapide d’un gouvernement provisoire, sous la présidence du général de Gaulle, le général Giraud devant être le chef militaire.

Giraud invite alors de Gaulle à venir en Algérie, où ils formeront le Comité français de la Libération nationale qu'ils co-présideront initialement.

Le Comité français de la Libération nationale (CFLN)

Le maintien des désaccords au sein du CFLN

En juin 1943, il devient avec Charles de Gaulle l'un des co-présidents du Comité français de la Libération nationale (CFLN)[9], destiné à unir la totalité des forces françaises en guerre. Mais la collaboration des deux généraux au sein de cet organisme est jalonnée de différends parfois graves, à l'occasion desquels Giraud, chaque fois qu'il est mis en minorité, se réclame du soutien personnel des autorités américaines. En juillet 1943, Giraud commet l'erreur de se rendre longuement aux États-Unis, permettant à de Gaulle de multiplier les ralliements en son absence.

Par la suite, de Gaulle consolide sa position politique aux dépens de Giraud, qui doit quitter le CFLN le 9 novembre, tout en restant commandant en chef, lors de l'alignement de la composition du Comité sur celle de l'Assemblée consultative provisoire.

L'affaire Pucheu

Pierre Pucheu, ancien ministre de l'Intérieur de Pétain, a fui la France à travers l'Espagne et a écrit à Giraud, qu'il avait préalablement rencontré à Lyon[27], pour demander à venir au Maroc s'engager comme officier de réserve dans une unité combattante[28]. Giraud lui a donné son accord par une lettre du 15 février 1943, à condition que Pucheu prenne un nom d'emprunt et s'abstienne de toute activité politique[28]. Il lui a fait adresser à cet effet un sauf-conduit par l'un de ses collaborateurs, le colonel Malaise[28]. C'est ainsi que Pucheu est arrivé, au début de mai 1943, en Afrique du Nord[28]. Suite au non-respect des deux conditions formelles posées par Giraud à l'ancien ministre, et afin d'empêcher toute agitation en Afrique du Nord à la fin de la campagne de Tunisie[29], le Général le fait placer en résidence surveillée le 12 mai 1943[30],[28]. Pucheu lui adresse alors une seconde lettre, de protestation cette fois, à laquelle il n'obtient pas de réponse[28].

Peu après, le 30 mai[31], de Gaulle arrive à Alger et constitue avec Giraud le Comité Français de la Libération nationale dont il prend progressivement le contrôle. La liberté de la presse alors rétablie permet aux journaux gaullistes et communistes de dénoncer ouvertement ceux qui ont collaboré avec l'ennemi[32]. C'est ainsi qu'une campagne est lancée contre Pucheu par le journal clandestin « Combat »[32] le 15 mai 1943, puis relayée en force par les médias communistes[32]. C'est alors que le CFLN décide de procéder à l'épuration des collaborateurs[32], et de faire traduire Pucheu devant un tribunal militaire, le 4 mars 1944. Bien que contre la mise en accusation de Pucheu qu'il considère comme prématurée[33], Giraud est désigné, en tant que Commandant en chef, pour signer l'ordre d'arrestation de l'ancien ministre, conformément à la décision à majorité du CFLN[28],[30].

Par la suite, appelé par la défense à déposer au procès Pucheu, Giraud explique ses engagements envers l'accusé, ainsi que leur violation lors de sa mise en résidence surveillée[28] : il explique qu'étant en captivité en Allemagne jusqu'en 1942, il n'avait pas eu connaissance de ce que Pucheu avait fait en tant que ministre de l'Intérieur sous le gouvernement de Vichy, et qu'il n'avait alors aucune raison de refuser à un Français, souhaitant reprendre le combat contre l'Allemagne, le droit de servir dans l'Armée française[33]. Il raconte ensuite comment Pucheu s'est fait reconnaître malgré les conditions qu'il avait reçues et justifie alors la violation de ses engagements, avançant le fait qu'en pleine bataille de Tunisie, qui était « indécise », il ne pouvait tolérer aucune agitation à l'arrière[33]. En réalité, la campagne de Tunisie n'était pas indécise, car celle-ci se termina le 13 mai 1943, le lendemain de la mise en résidence surveillée de Pucheu. Il invoque en deuxième raison avoir reçu des informations relatives à la responsabilité de Pucheu dans des exécutions d'otages, qu'il ne pouvait alors vérifier[33]. Après la sentence du Tribunal Militaire, Giraud demande à de Gaulle, au motif que le procès Pucheu est un procès politique et que les preuves et témoins n'ont pu être réunis en Afrique du Nord, de commuer la peine ou bien de surseoir à l'exécution jusqu'à l'arrivée en France, ce que celui-ci refuse au nom de la raison d'État. Pucheu est alors passé par les armes au polygone de tir d'Hussein Dey[34].

Le débarquement en Corse

Dès décembre 1942, les premiers contacts entre l'Afrique du Nord et la Corse s'établissent, par les raids du sous-marin "Casabianca", sous les ordres du commandant L'Herminier. Le 1er janvier 1943, le général Ronsin, chef des Services spéciaux, envoie en Corse le commandant de Saulle. Le 5 février 1943, deux agents viennent remplacer de Saulle, et organisent sur place le débarquement de 45 mitraillettes et de 60000 cartouches. En avril, le Capitaine Colonna débarque comme délégué militaire de Giraud pour coordonner l'action des groupes de résistance tandis qu'à Alger, une unité spéciale, le bataillon de choc, est formée sous la direction du commandant Gambiez. Fin juillet, le "Casabianca" dépose 15 tonnes de munition aux Agriats ; au début de septembre, il débarque 5 tonnes de matériel antichars aux portes d'Ajaccio, et récupère Giovoni, le chef du Front National, - qui est le principal mouvement de résistance corse - appelé en consultation par Giraud à Alger. En même temps, des avions anglais effectuent des parachutages de matériel sur les 64 terrains que Colonna a dispersés dans l'île[35].

C'est alors que le 9 septembre 1943, Giraud reçoit un télégramme de la Résistance corse ainsi libellé : « Ajaccio s'est soulevé. On se bat à Bastia », qui réclamait de l'aide. Giraud a cette phrase sur-le-champ : « Les braves gens ! On ne peut pas les laisser tomber. » et décide de prévenir le général de Gaulle. Il passe outre au général Eisenhower, dont les plans n'intègrent pas la libération de la Corse, et envoie les forces françaises régulières disponibles prêter main-forte aux insurgés corses.

Le 13 septembre 1943, Giraud mène le débarquement en Corse avec succès, en liaison avec les résistants corses[36]. En trois semaines, la Corse est libérée Mais il laisse, à l'issue de cette opération, le Front national, groupe de résistance à orientation communiste, prendre le contrôle de l'île. Ce qui fait encourir à Giraud les critiques de l'ensemble des commissaires. Il perd la co-présidence du CFLN[9] en novembre 1943, tout en restant le commandant en chef des forces françaises. Après plusieurs incidents, Giraud a définitivement perdu la confiance du Comité, notamment lorsqu'il lui a caché jusqu'à la dernière minute son projet de libération de la Corse[9].

L'affaire des services secrets

Giraud, par la suite, conserve à son usage exclusif l'ex-service de renseignements de Vichy, indépendamment du CFLN. Comme, avant novembre 1942, les membres de ce service se sont essentiellement consacrés à la chasse aux résistants[37], il parait difficile de les laisser maintenant opérer en France occupée, sans contrôle du CFLN.

Le CFLN doit donc retirer à Giraud son poste de commandant en chef des forces françaises. Giraud refuse alors d'accepter le poste d'inspecteur général des armées qui lui est proposé, et choisit de se retirer.

La tentative d'assassinat

Le 28 août 1944, alors que le CFLN, devenu Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) est installé à Paris, Giraud survit à une tentative d'assassinat à Mostaganem (département d'Oran)[2] de la part de l'un des soldats indigènes de sa garde[réf. nécessaire]. Blessé, il ne peut assister aux célébrations qui accompagnent la libération de la France.

L'après-guerre

Giraud est élu en juin 1946 à l'Assemblée constituante française comme représentant du Parti républicain de la liberté[2], et participe aux discussions sur l'élaboration de la Constitution de la Quatrième République, mais finalement sans l'approuver[2]. Il est resté membre du Conseil supérieur de la Guerre jusqu'au 15 décembre 1948 et reçut la médaille militaire, le 10 mars 1949[2], pour son évasion et ses états de service à Alger de 1942 à 1944.

Il publie deux livres de souvenirs, Mes évasions, en 1946, et Un seul but, la victoire 1942-1944, en 1949.

Henri Giraud meurt à Dijon le 11 mars 1949, à l'âge de 70 ans. Il repose aux Invalides.

Il est le grand-père de l'historien et journaliste Henri-Christian Giraud.

Notes et références

  1. Biographie sur le Centre régional résistance et liberté de Thouars
  2. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Sa fiche sur le site de l'Assemblée nationale
  3. Ou « Vichysto-résistants », expression utilisée par Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, en 1997, dans Vichy, 1940-1944, éd. Perrin, Paris, 1997 ; rééd. Perrin, coll. « Tempus », 2000 et 2004, 374 p. (ISBN 978-2-262-02229-7), p. 355-357. Depuis l'expression a été assez souvent reprise par Azéma et Denis Peschanski, « Les vichysto-résistants », communication au colloque « Guerre, collaboration, résistance : un demi-siècle d’historiographie française », Tel-Aviv, du 17 au 19 mai 2005, par Robert Belot, La Résistance sans de Gaulle, Fayard, 2006, 668 p. (ISBN 2213629544) et par Henry Rousso, L'Express no 2871 du 13 juillet 2006.
  4. Jean-Pierre Azéma, Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, op. cit.,p. 356.
  5. Giraud (général), Mes évasions, Hachette, 1946.
  6. Giraud (général), Mes évasions, op. cit., p. 83.
  7. Giraud (général), Mes évasions, op. cit., p. 94.
  8. « L comme La Malmaison (fort) », sur Dictionnaire du Chemin des Dames, consulté le 28 mars 2010.
  9. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l « La galerie des portraits – Henri Giraud (1879–1949) », sur charlesdegaulle.be.
  10. Giraud (général), Mes évasions, op. cit., p. 102.
  11. a, b et c Mchèle Cointet, De Gaulle et Giraud : l'affrontement (1942-1944), Perri, 2005, pages 9 & 10
  12. a, b et c Marc Ferro, Pétain, éd. Fayard, Paris, 1987, 789 p. (ISBN 2213018332 et 978-2213018331) ; rééd. Hachette littérature, coll. « Pluriel », Paris, 2009, 789 p. (ISBN 978-2-01-270518-0), p. 394-398.
  13. Giraud (général), Mes évasions, op. cit., p. 188.
  14. a et b Jean-Pierre Azéma, Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, op. cit., p. 87.
  15. Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, « Le premier complot d'Alger (7-8 novembre 1942) », éd. Librairie Académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, p. 211, 218-219.
    Nota : les références de Robert Aron sont (citées p. 213 et 222) : Robert Murphy, Un diplomate parmi les guerriers, éd. Robert Laffond (titre original : Diplomat among warriors) ; les Mémoires du général Mast ; Chamine, Suite française, tome I, « la conjuration d'Alger », Albin Michel, 1946 ; Danan, L'exercice du pouvoir en A.F.N du juin 1940 à novembre 1942, Mémoire D.E.S de Science politique ; «  Témoignages verbaux ou documents particuliers recueillis dans les archives familiales ».
  16. Notice Robert de Saint-Vincent, in Les Justes de France, Mémorial de la Shoah, 2007, p.190. ISBN:2-9524409-4-8
  17. Basil Henry Liddell Hart, Histoire de la Seconde Guerre mondiale, Marabout, 1985, p. 325.
  18. Michel Ansky, Les Juifs d'Algérie, 1950
  19. Basil Henry Liddell Hart, Histoire de la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 332.
  20. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, p. 368-369.
  21. Jean-Pierre Azéma, Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, op. cit., p. 90-92.
  22. Renée Pierre Gosset, Expédients provisoires, Fasquelle, Paris, p. 397.
  23. Note de service no 12/1 du 15 novembre 1942 du général d'armée Giraud, commandant en chef des Forces terrestres et aériennes et note de service no 40C.MAGP/CAB. du 30 janvier 1943 du général Prioux.
  24. Jacques Cantier, L'Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, pages 378-379
  25. André Kaspi, La Mission de Jean Monnet à Alger, mars-octobre 1943, Volume 2 de Publications de la Sorbonne: Série internationale, Éditions Richelieu, 1971, p.101
  26. Il faut attendre son éviction en octobre pour que le décret Crémieux soit rétabli et que la citoyenneté française soit restituée aux Juifs d'Algérie
  27. Pour lui présenter son « rapport à Pétain » du 15 octobre 1942, cf. Robert Aron, infra, p. 290.
  28. a, b, c, d, e, f, g et h Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, éd. Librairie Académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, chap. « Procès et exécution de Pierre Pucheu », p. 291-293.
  29. Henri Giraud, Un seul but LA VICTOIRE Alger : 1942-1944, éd. Julliard, Paris, 1949, p. 267-268.
  30. a et b Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – L'Unité : 1942-1944 (tome II), éd. Plon, Paris, 1956 ; rééd. Le Livre de Poche (Historique), 1963, 511 p. (texte intégral), p. 219-220.
  31. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – L'Unité : 1942-1944, op. cit., p. 126.
  32. a, b, c et d Marc Ferro, Pétain, op. cit., p. 599-560.
  33. a, b, c et d Déposition du Général Giraud au procès Pucheu, 7 mars 1944.
  34. Lettre du 17 mars 1943 du Général Giraud au Général de Gaulle, et Lettre du 23 mars 1943 du Général de Gaulle au Général Giraud.
  35. Henri Giraud, Un seul but LA VICTOIRE Alger : 1942-1944, éd. Julliard, Paris, 1949, p. 243-247.
  36. « Septembre 1943, la libération de la Corse », sur le site cheminsdememoire.gouv.fr, consulté le 24 novembre 2008.
  37. Rapport du colonel Rivet, sur les arrestations de patriotes réalisées par son service, en 1941.

Sources et bibliographie

Reportages

  • Renée Pierre Gosset, Expédients provisoires, Fasquelle, Paris.
  • Jacques Granier, Un Général a disparu, Presses de la Cité, Paris, 1971.

Ouvrages scientifiques

Mémoires des principaux protagonistes

  • Général Giraud, Mes évasions, Julliard, Paris, 1946.
  • Général Giraud, Un seul but : la victoire, Alger 1942-1944,, Julliard, Paris, 1949.
  • Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, 3vol.  :
    • L'Appel : 1940-1942 (tome I), éd. Plon, Paris, 1954.
    • L'Unité : 1942-1944 (tome II), éd. Plon, Paris, 1956.
    • Le Salut : 1944-1946 (tome III), éd. Plon, Paris, 1959.

Liens externes

Biographies des députés de la IVe République > Henri GIRAUD, Assemblée nationale

Annexes

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