Histoire de la culture du café

Histoire de la culture du café

Histoire de la culture du café

Fleur de caféier robusta

Le caféier est probablement originaire d'Éthiopie, dans la province de Kaffa, mais la question n'est pas absolument tranchée. La légende la plus répandue veut qu'un berger d'Abyssinie ait remarqué l'effet tonifiant de cet arbuste sur les chèvres qui en avaient consommé. Sa culture se répand dans l'Arabie voisine, où sa popularité a très certainement profité de la prohibition de l'alcool par l'islam. Il est alors appelé K'hawah, qui signifie revigorant. Les données archéologiques disponibles aujourd’hui suggèrent que le café n’aurait pas été « domestiqué » avant le XVe siècle : le processus d'élaboration de la boisson, long et complexe, explique peut-être la découverte tardive des vertus des graines de caféier, au premier abord peu attractives. Des découvertes récentes (1996) d’une équipe archéologique britannique, qui restent à confirmer, laissent entrevoir la possibilité d’une consommation ayant commencé dès le XIIe siècle, en Arabie.

Sommaire

Un essor dans tout le monde arabe, puis en Europe

Les musulmans introduisent le café en Perse, Égypte, Afrique du Nord et en Turquie, où le premier café, Kiva Han, ouvre en 1475 à Constantinople (actuellement Istanbul). La consommation de café prit son essor dans tout le monde arabe. On dénombre un millier de cafés au Caire en 1630.

Le café arrive en Europe aux alentours de 1600 par les marchands vénitiens. On conseille au pape Clément VIII d'interdire le café car il représente une menace d'infidèles. Après l'avoir goûté, ce dernier baptise au contraire la nouvelle boisson, déclarant que laisser aux seuls infidèles le plaisir de cette boisson serait dommage.

L'usage du café ne pénétra dans l'Europe occidentale qu'au milieu de la seconde moitié du dix- septième siècle. Il fit des progrès assez rapides, et pour y satisfaire il fallut également avoir recours, malgré leur grande cherté, aux fèves d'Arabie, qui reçurent alors des Européens le nom de café de Moka, parce que c'est de ce port de la mer Rouge qu'elles étaient exportées. Ces cafés arrivaient par Suez à Alexandrie où ils étaient pris par des navires de Venise, de Gênes ou de Marseille, pour être distribués dans toute l'Europe.

Vers les années 1650, des cafés ouvrent à Oxford et à Londres. Les idées libérales y naissent, les philosophes et lettrés s'y retrouvant, autour de pamphlets et libelles. En 1676, cette agitation incite le procureur du Roi à ordonner la fermeture des cafés, citant des crimes de lèse-majesté contre le roi Charles II. Les réactions sont telles que l'édit de fermeture doit être révoqué. On compte plus de deux mille cafés en 1700 au Royaume-Uni en pleine Révolution financière britannique. La célèbre compagnie d'assurances Lloyd's of London [1] est à l'origine un café fondé en 1688 : le Lloyd's Coffee House. La Bourse de Londres, dans sa version moderne, naît aussi dans un café, le célèbre Jonathan's Coffee-House, où se retrouvent les courtiers hollandais et où naît la première liste d'actions.

Les hollandais diffusent le moka dans les plantations d'Asie

En 1670, le premier café ouvre à Berlin. À Paris, le café Procope est le premier à ouvrir dans cette ville et, en 1686, on y invente une nouvelle manière de le préparer : en faisant percoler de l'eau chaude dans le café retenu par un filtre. Un monopole est consenti par le roi en 1692 à maître François Damame, bourgeois de Paris.

Marseille eut en France, jusqu'au commencement du dix-huitième siècle, le monopole de ce négoce, qui donnait les plus beaux bénéfices; mais dès 1710 il lui survint une concurrence redoutable de la part d'une Compagnie de commerce de Saint-Malo qui avait entrepris, et réussi à merveille, de chercher directement les cafés d'Arabie dans la mer Rouge, en doublant le cap de Bonne-Espérance[2].

Jusqu' à la fin du 17ème siècle, tout le café consommé en Europe arrive d'Asie. Le moka est importé à Ceylan en 1658 et à Java en 1696[3].

Nicolas Witsen, d'Amsterdam [4], l'un des hollandais de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales a en 1690 importé le café d'Ethiopie pour l'acclimater en Indonésie à Batavia[5] avant de le cultiver aussi dans les années 1718 au Surinam qu'ils conquièrent en 1667.

Gabriel de Clieu offre un caféier à la Martinique en 1723

De là, la culture du café s'étend à la Guyane française voisine, puis à la Guadeloupe et à Saint-Domingue vers 1715. Louis XIV reçoit en 1714 à Marly un pied de caféier qui lui est envoyé par le bourgmestre d'Amsterdam, de Brancas. Le colonel d'artillerie de Ressons en avait ramené aussi en 1712 un autre pied d'Amsterdam[4]. En 1723, le capitaine d'infanterie Gabriel de Clieu emène un de ces pieds à la Martinique et le confie au colonel des milices Claude de la Garrigue de Survilliers. L'île en compte 2200 pieds en 1726 et le 7 novembre 1727, une terrible tempête détruit les cacaoyers, ce qui donne des terres disponibles pour les caféiers.

Le café est aussi cultivé en quantités commerciales à la Réunion, à partir de 1726. En 1728 c'est le chevalier Nicholas Laws qui l'acclimate à la Jamaïque. Le gouvernement anglais cherche à y activer la production en l'aidant de toutes sortes d'avantages fiscaux, alors qu'il tente à la même époque de taxer la culture du sucre. Les plantations furent situées sur les flancs du Pic du Mont-bleu, à une altitude de près de 2000 mètres, qui donnent des cafés d'une qualité exquise, le célèbre "Blue Mountain", dont les quantités produites aujourd'hui sont cependant insuffisantes pour emplir un cargo, d'où son prix élevé.

Saint-Domingue multiplie sa récolte par onze, contrôle 50 % de l'offre mondiale

C'est dans la partie française de l'île de Saint-Domingue que la production du café prit sa vraie dimension, grâce aux progrès dans le transport maritime, rendant son prix enfin abordable, et à la concurrence entre ports français au 18ème siècle. Vers 1790, il sortait annuellement 36 à 40 millions de kilos de Saint-Domingue, tandis que la Martinique et la Guadeloupe en livraient aussi de 7 à 8 millions chacune[6].

Saint-Domingue connut en particulier une "révolution du café" entre 1755 et 1789, quarante années qui virent sa production multipliée par onze, passant de sept à 77 millions de livres, soit la moitié de l'offre mondiale[7]. Cette progression se fait entièrement par défrichement, car durant une période assez proche (1763 à 1789), la production sucrière de Saint-Domingue a doublé pour atteindre 40% de l'offre mondiale[7].

Dans la partie plus centrale de Saint-Domingue, proche de la frontière espagnole, les colons français ont défriché le sommet des montagnes pour planter massivement des caféiers, ce qui qui a appauvri les sols et favorisé le ruissellement[8]. Ces colons avaient vendu leurs plantations de sucre aux espagnols après la guerre de sept ans et on utilisé l'argent pour acheter de nouvelles terres moins cher[9]. Dans les 5 années précédent la révolution, Saint-Domingue importe 28.000 esclaves par an, deux fois plus que dans la période 1766-1771[10]. Au cours de cinq années, l'exportation de coton augmente d'un tiers[9].

Calculée en quintaux, la production caféière de l'île atteint 950.000 pour la plupart réexportés. A Marseille, 90% du café réexporté part en Turquie[11]. En 1789, sur 39.000 tonnes de café importé en France, 34.000 viennent de Saint-Domingue, dont la production caféière rapporte presque autant que celle du sucre[7]. La production de coton rapporte 16,5 millions de livres, 60% de plus que celle d'indigo.

Cuba, et Mexique et bientôt le géant brésilien

En 1789, les colonies rapportaient 8 millions de sterling à la France et la moitié de ses exportations (contre 6 millions pour les Antilles anglaises dix ans plus tard, la Jamaïque ayant comblé une partie du vide). Une partie des planteurs de Saint-Domingue fuyant à la Jamaïque, celle-ci voit sa production de café passer d'un million de livres en 1789 à 34 millions en 1814, avant de revenir à 17 millions en 1834, en raison de la concurrence cubaine et brésilienne et des dégâts causés par la déforestation massive des zones montagneuses[12].

A Cuba, les exportations de café sont passé de zéro avant 1789 à 10000 tonnes en 1810 et 20000 dans les années 1820, le Brésil ne lui prenant sa place de leader mondial que dans les années 1830[13].

Le café commence à être cultivé dans d'autres colonies anglaises, en particulier à Ceylan, mais les plantations sont ravagées par une maladie et sont finalement remplacées par des plantations de thé. Les cafiers de l'île de Ceylan et ceux des Nilgherries de l'Inde anglaise, appartiennent à ces excellentes races montagnardes, ainsi que la majeure partie de ceux du Yémen qui, dans leurs vallons élevés, essuient parfois des nuits très froides sans que les cafés de Moka laissent d'être les meilleurs du monde.

La culture du café s'est ensuite étendue aux colonies espagnoles, dont Cuba le Mexique et l'Amérique centrale entre 1748 et 1790.

Le premier cafier cultivé au Brésil, le fut dans le jardin d'un couvent de moines franciscains, non loin de Rio de Janeiro qui le présentèrent au vice-roi Lavrado, en 1774. Celui-ci les distribua à des colons, et l'on établit çà et là de petites plantations qui ne s'agrandirent ou se multiplièrent qu'à partir de 1813, après l'abolition du blocus continental en Europe.

Voir aussi

Bibliographie

  • Monographie du café par G.-E. Coubard d'Aulnay
  • Le Café et la Santé par Gérard Debry
  • Les Nouvelles-Frances par Philip P. Boucher

Références

  1. (en)Article Lloyd's of London sur Wikipedia anglophone
  2. http://books.google.fr/books?id=XBsbAAAAYAAJ&dq=%22histoire%20du%20caf%C3%A9%22&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&pg=PA13&output=text
  3. http://books.google.fr/books?id=ONLB_VpKx24C&pg=PA5&dq=%22histoire+du+caf%C3%A9%22&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=mHDGSeyEEJ3CMqa_je0N#PPA11,M1
  4. a  et b http://books.google.fr/books?id=WqQUAAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=%22histoire+du+caf%C3%A9%22&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=mHDGSeyEEJ3CMqa_je0N#PPA37,M1
  5. http://books.google.fr/books?id=U9N4klnqs7sC&pg=PA244&dq=%22histoire+de+Pernambouc%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=1&as_miny_is=2009&as_maxm_is=12&as_maxy_is=2009&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=vUrGSYynOoyuMs2VnO0N#PPA300,M1
  6. http://books.google.fr/books?id=XBsbAAAAYAAJ&pg=PA18&dq=%22histoire+du+caf%C3%A9%22&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&output=text
  7. a , b  et c http://books.google.fr/books?id=gthmSIe2E8EC&pg=PP1&dq=%22nombre+d%27esclaves%22+martinique+1659&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=gAjISeD0NZPMNcfEgO0N#PPT1,M1
  8. http://books.google.fr/books?id=U9N4klnqs7sC&pg=PA244&dq=%22histoire+de+Pernambouc%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=1&as_miny_is=2009&as_maxm_is=12&as_maxy_is=2009&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=vUrGSYynOoyuMs2VnO0N#PPA288,M1
  9. a  et b http://books.google.fr/books?id=-raLpbD-7twC&pg=PA84&lpg=PA84&dq=saint-domingue+coton+butel&source=bl&ots=PHCBvuZmP8&sig=NO3B6jo-NS8l4sW-vpORtv8Up4M&hl=fr&ei=L33OSb_NBomOjAfokuneCQ&sa=X&oi=book_result&resnum=1&ct=result#PPA83,M1
  10. http://books.google.fr/books?id=vF4k-6TH-FsC&pg=PA91&dq=production++coton++million+livres+mississipi&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=JnvOSYWkLIyENO6I4ecL#PPA142,M1
  11. http://books.google.fr/books?id=vF4k-6TH-FsC&pg=PA91&dq=production++coton++million+livres+mississipi&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=JnvOSYWkLIyENO6I4ecL#PPA142,M1
  12. http://books.google.fr/books?id=eVWWt5VWYgIC&pg=PA318&dq=tons+sugar+domingue+jamaica&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=0pbsSdqdFIHANqm-nPkH
  13. http://books.google.fr/books?id=Fo8sNp8GJs8C&pg=PA93&dq=tons+coffe+cuba&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=oZnsSZLbOqDCM5_6yKEB
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