Hornbostel

Système Hornbostel-Sachs

La classification Hornbostel-Sachs ou système Hornbostel-Sachs est la classification organologique la plus utilisée actuellement en organologie, en ethnomusicologie ou toute autre discipline qui demande une classification des instruments. Elle se veut une révision et une systématisation de la classification de Victor-Charles Mahillon (1841-1924), fondateur du Musée Instrumental de Bruxelles (créé en 1867), aujourd'hui devenu le mim, musée des instruments de musique. Mahillon s'était lui même inspiré d'une classification ancienne, qui daterait du I° ou II° siècle après J.C., issue d'un texte hindou, le Natyasastra de Bharata. Cette classification hindou distingue les instruments "tendus" (tada vadya) c'est à dire les instruments à cordes ; les instruments "recouverts" (annaddha ou avanaddha vadya) qui correspondent aux instruments à membrane ; les instruments "frappés" ou "solides" (ghana vadya) qui sont les percussions sans membrane ; et pour finir, les instruments "creux" (susira vadya) qui sont les instruments à vent. Mahillon, qui était en contact avec une collection importante d'instruments non européens, a cherché à trouver un système de classification qui puisse se baser sur l'instrument en lui même, en absence de données extérieures à la structure physique de ces instruments, telles que la provenance, la fonction, le mode de jeu, ect... La classification Mahillon s'est donc d'abord illustrée sur le champ de l'ethnomusicologie et de l'organologie extra-européenne, mais elle a permis aussi une étude beaucoup plus poussée des instruments européens.

Partant de ce travail remarquable pour l'époque, Curt Sachs (1881-1959) et Erich von Hornbostel (1877-1935) cherchèrent à éliminer certains défauts de la classification de V-C Mahillon, notamment le manque d'univocité pour les instruments. Pour faire simple, Mahillon classe par exemple le violon en instrument à cordes, ce qui est tout à fait logique. Cependant, il sera difficile de dire si l'instrument devra être classé ensuite en instrument à cordes "frottées" ou "pincées", le violon permettant ces deux modes de jeu. Mahillon, conscient de ce problème, essaya de justifier et clarifier son système en décrétant que seul l'usage "normal" de l'instrument compte pour la classification, cependant, il sera très difficile de déterminer cet usage "normal" pour un instrument exotique, dont la provenance, le mode de jeu et la fonction ne seront pas connus.

Pour éviter ce genre de problème, les deux musicologues allemands Hornbostel et Sachs réduisirent les critères de classification à des éléments de la structure des instruments. Ainsi, même lorsque le critère est le mode de jeu (idiophones et membranophones), il peut être déduit de la structure de l'instrument uniquement. En définitive, il devient possible de classer chaque instrument sur la base d'un simple examen de ses caractéristiques intrinsèques et en l'absence de toute autre donnée concernant son mode de jeu, sa fonction, sa provenance. Il s'agit donc d'une classification d'ethnomusicologue, concernant en tout premier lieu la musique et les instruments extra-européens, dont les informations sur leur(s) mode(s) de jeu, de fonctionnement sont souvent très succinctes.

Le problème de cette classification vient de sa force de systématisation. En effet, comme les critères se concentrent exclusivement sur des données uniquement physiques, perceptibles sur l'examen seul de l'instrument, toutes les autres données socio-musicales sont exclues du classement. Ainsi, on ne peut savoir si l'instrument est exclusivement à usage religieux, s'il n'est joué que pour une cérémonie particulière, ou encore s'il a une fonction primordiale dans les relations de groupe d'une culture primitive (communication par le biais de tambour, usage pour les danses sacrées, moyen de communion, identité nationale, ect...). En mettant de coté toutes réflexions sur le contexte culturel et sociologique des instruments, la classification Hornbostel-Sachs laisse une porte ouverte à la critique et à l'innovation. Elle laisse aussi une grande part d'insatisfaction pour les musicologues et organologues qui se concentrent exclusivement sur la musique européenne (organologie médiévale ou renaissance, organologie de l'époque Baroque, Classique ou Romantique). En effet, elle ne fait aucune distinction réelle entre des instruments aussi différents que le violon, la contrebasse, la guitare ou le luth, tous classés dans la même catégorie.

Il n'en reste pas moins qu'actuellement, le système Hornbostel-Sachs reste le plus utilisé car le plus scientifiquement stable et clair, malgré ses défauts relevés ci-dessus.

Nomenclature de la classification des instruments

La nomenclature, telle qu'elle fut publiée par Hornbostel et Sachs en 1914, compte 4 catégories : Idiophones, Membranophones, Cordophones et Aérophones. Il manquait à cette nomenclature une cinquième catégorie, donnée par les nouvelles recherches et les spéculations de l'époque sur l'usage de l'électricité dans la musique et sur les instruments. Curt Sachs en fit d'ailleurs le commentaire en 1940, et inséra la catégorie des Électrophones.

La classification fait usage d'un système de numérotation multi-décimale (le système Dewey) complétée par des suffixes désignant des caractéristiques additionnelles communes à toutes les familles.

Ex. : Le piano est désigné dans le système multi-numérique ainsi : 314.122-4-8

• 314 => Cithares planche
• 122 => Résonateur en forme de boîte (cithare boîte, cithare, tympanon, piano)
• -4 => Joué avec des marteaux
• -8 => à clavier

-4 et -8 sont des suffixe additionnels à la catégorie des Cordophones.

Ainsi, l'indice organologique de chaque instrument est comme sa carte d'identité au sein du système Hornbostel-Sachs. Il faut cependant préciser que, étant donnée une certaine complexité, ce système est assez peu utilisé, mais il permet de vite retrouver les caractéristiques premières d'un instrument à l'intérieur de la nomenclature. Il est cependant rare qu'on parle du piano comme le numéro 314.122-4-8 de la nomenclature Hornbostel-Sachs.

Pour la section de l'article qui suit, nous donnons le système de classification au complet, les indices suivant chaque titre et sous-titre étant les numéros qui figureront dans l'énoncé multi-décimal d'un instrument, classé selon le système Hornbostel-Sachs, comme vu ci-dessus. Une courte explication sera donnée pour chaque section principale. Des exemples et l'aire géographique la plus riche seront donnés dans la mesure du possible.

Idiophones (1)

Idiophones - le son est issu directement de la substance même de l'instrument, en raison de sa solidité et de son élasticité, sans avoir recourt à une mise en tension d'une quelconque partie de l'instrument. Ici la classification Hornbostel-Sachs prévoit 4 modes de jeu: percussion, pincement, frottement et souffle. Le pincement doit être imaginé dans le sens de pincer une corde d'un violon par exemple. Pour les idiophones, cela se concrétise sous la forme d'un pincement de lamelle, par exemple. Il est aussi fait distinction entre les idiophones frappés directement et indirectement. Dans le premier cas, le musicien frappe chaque coup qu'il veut porter sur l'instrument lui même (xylophone), tandis que dans le second cas, l'instrument est secoué ou raclé (maracasse). Les idiophones frappés indirectement ne produisent généralement pas de son à hauteur déterminée, ce qui est souvent le cas en revanche pour les idiophones frappés directement. L'usage des idiophones restent assez peu courant en musique européenne savante, mais sont plus fréquents en musique extra-européenne.

Idiophones frappés (11)

L'instrument est mis en vibration par percussion

Idiophones frappés directement (111)

Le musicien effectue lui-même les mouvements de percussion. Il importe peu que ce soit au moins d'un système intermédiaire, mécanique, clavier, corde, battant, ect...; ce qui est important, c'est que chaque coup peut être porté de manière individuelle et clairement définie, et que l'instrument lui-même soit prévu pour ce type de percussion.

Idiophones à concussion (111.1)

Deux ou plusieurs parties sonores sont entrechoquées.

• 111.11 => Bâtons à concussion (Vietnam, Inde, Îles Marshall)
• 111.12 => Plaques à concussion (Chine, Inde)
• 111.13 => Gouttières à concussion (Burma)
• 111.14 => Récipients à concussion. Un faible creux dans la surface d'une plaque compte comme récipient.
  • 111.141 => Castagnettes. Récipients naturels ou creusés artificiellement.
  • 111.142 => Cymbales. Le rebord est recourbé.

Idiophones à percussion (111.2)

L'instrument est frappé par un objet non sonore (main, bâton, mailloche) ou contre un objet non sonore (corps du musicien, sol)

• 111.21 => Bâtons à percussion
  • 111.211 => Isolés (Japon, Vietnam, Balkans; triangle)
  • 111.212 => Groupés, Plusieurs bâtons de hauteurs différentes forment un instrument unique (xylophones)

• 111.22 => Plaques à percussion
  • 111.221 => Isolés (Église orthodoxe)
  • 111.222 => Groupés (lithophones chinois, métallophones)

• 111.23 => Tubes à percussion
  • 111.231 => Isolés (tambour à fente, cloche tubulaire)
  • 111.232 => Groupés (tubaphone, xylophone tubulaire)

• 111.24 => Récipients à percussion
  • 111.241 => Gongs. La vibration est la plus forte près du centre. L'instrument est suspendu par ou posé sur son pourtour.
    • 111.241.1 => Isolés (Sud et Est de l'Asie)
    • 111.241.2 => Groupés (carillons de gongs, Sud-Est de l'Asie)
  • 111.242 => Cloches. La vibration est la plus faible près du centre, pour où il est suspendu ou sur lequel il est posé.
    • 111.242.1 => Isolés
      • 111.242.11 => Déposés. La coupe est placée sur la paume de la mains ou un coussin (Vietnam, Japon, Chine; gong bouddhiste)
      • 111.242.12 => Suspendues, frappées de l'extérieur ou de l'intérieur
    • 111.242.2 => Groupés (carillons)
      • 111.242.21 => Déposés (ensemble de gongs himalayens)
      • 111.242.22 => Suspendues, frappées de l'extérieur ou de l'intérieur

Idiophones frappés indirectement (112)

La percussion résulte d'un mouvement du musicien, mais ce mouvement ne consiste pas à frapper. L'instrument fait entendre des clusters de sons, plutôt que des sons individuels.

Idiophones secoués (112.1)

Ce sont les hochets

• 112.11 => Suspendus. Les objets sonores perforés sont montés ensemble et secoués pour s'entrechoquer. (harpe éolienne)
  • 112.111 => À cordes. Les objets sont enfilés sur un lien (colliers ou bracelets de coquillages)
  • 112.112 => À bâtons. Les objets sont enfilés sur un bâton ou un anneau (sistre à anneaux)

• 112.12 => À cadre. Les objets sonores coulissent dans des ouvertures d'un cadre sonore, ou non sonore (angklung, sistre à barreaux)
  • 112.121 => Suspendus (bouclier de danse à anneaux)
  • 112.122 => Coulissant. Les objets non sonores coulissent dans des ouvertures d'un cadre sonore, ou les objets sonores coullisset dans un cadre non sonore (angklung, sistre à barreaux)
  • 112.123 => Récipients. Les objets sonores s'entrechoquent à l'intérieure d'un récipient, ou les objets non sonores frappent les parois d'un récipient sonore. Dans certains cas, les objets qui s'entrechoquent sont fixés à l'intérieur du récipient, par exemple à un filet qui l'entoure.

Idiophones raclés (112.2)

L'instrumentiste provoque un mouvement de raclement par lequel un objet non sonore frappe les dents successives d'un objet sonore dentelé, ou inversement. ce groupe ne doit pas être confondu avec celui des idiophones frottés (13)!

• 112.21 => Bâtons raclés. Un bâton dentelé est raclé par une tige.
  • 112.211 => Sans résonateur (Amérique du Sud, Afrique Centrale, Inde)
  • 112.212 => À résonateur Asie Orientale)

• 112.22 => Tubes raclés (Sud de l'Inde)

• 112.23 => Récipients raclés (Amérique du Sud, Afrique Centrale)

• 112.24 => Roues raclées, crécelles. Une roue dentée, dont l'axe sert de manche, et une languette fixée à un cadre qui tourne librement sur le monche. Lorsque le cadre est mis en mouvement, la languette frappe l'une après l'autre les dents de la roue (Europe, Inde)

Idiophones fendus (112.3)

Deux ou plusieurs baguettes souples, liées à une extrémité; les baguettes s'entrechoquent à l'autre extrémité (Chine, Malaisie, Balkans, Iran)

Idiophones pincés (12)

Des lamelles fixées à une extrémité sont fléchies puis lâchées pour vibrer librement.

Idiophones pincés en forme de cadre (121)

La lamelle vibre dans le cadre.

• 121.1 => Cricri. La lamelle est sculptée à la surface d'un fruit creux qui sert de résonateur, cette catégorie est le plus souvent idioglotte (Mélanésie).

• 121.2 => Guimbarde. La lamelle est fixée sur un cadre, la bouche du musicien sert de résonateur
  • 121.21 => Idioglottes. La lamelle est sculpté dans le cadre lui même, sa base reste solidaire du cadre (inde, Indonésie, Mélanésie)
  • 121.22 => Hétéroglottes. La lamelle est fixée ou collée sur le cadre
    • 121.221 => Isolés (Europe, Inde, Chine)
    • 121.222 => Groupés. Plusieurs guimbardes de différentes hauteurs sont groupés pour former un instrument unique (Aura)

Idiophones pincés en forme de peigne (122)

les lamelles sont liées à une planche ou découpées dans une planche comme les dents d'un peigne.

• 122.1 => Hétéroglottes. Les lamelles sont côte à côte.
  • 122.11 => Sans résonateur (lamellophones (sansa) sur planche)
  • 112.12 => Avec résonateur (lamellophones sur récipient)

• 122.2 => Idioglottes (boites à musique européennes)

Les lamelles sont pincées par des pointes sur un cylindre ou un disque.

Idiophones frottés (13)

Tiges (131)

• 131.1 => Isolées (inconnu à ce jour)
• 131.2 => Goupées
  • 131.21 => À friction directe. Les tiges elles-mêmes son frottées.
  • 131.22 => À friction indirecte. Des tiges frottées transmettent leur vibration à d'autres auxquelles elles sont fixées (euphon de Chladni)

Plaques (132)

• 132.1 => Isolées (inconnu à ce jour)
• 132.2 => Groupées (Nouvelle Orléans)

Récipients (133)

• 133.1 => Isolées (carapace de tortue, Brésil)
• 133.2 => Groupées (harmonica de verre)

Idiophones soufflés (14)

Tiges (141)

• 141.1 => Isolées (inconnu à ce jour)
• 141.2 => Goupées (Äolsklavier)

Plaques (142)

• 142.1 => Isolées
• 142.2 => Groupées (Piano Chanteur)

Suffixes additionnels pour la classe des Idiophones

• -8 => à clavier
• -9 => mécanique

Notes et références

Article rédigé à l'aide du cours de licence 2° année de Mr Nicolas Meeùs, des articles Idiophone, Membranophone, Cordophone, Aérophone et Electrophone extraits de The New Groove Dictionary of Musical Instruments, London, Macmillan, 1984 (ISBN 0-333-37878-4 ou ISBN 978-0-333-37878-6) et du site Ethnomusicologie.net.

(à venir, la nomenclature complète du système Hornbostel-Sachs)

Liens

Site du musée des instruments de musique de Bruxelles, dont Mahillon fut le premier conservateur.

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