Hubert-Joseph Henry

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Hubert-Joseph Henry, né à Pogny, dans la Marne en 1846, mort au fort du Mont Valérien en 1898, était un officier français qui a produit des faux documents visant à accuser et confirmer la condamnation d'Alfred Dreyfus.

Sommaire

Au service de l'armée

Issu d'une famille de cultivateurs, sergent major en 1870, deux fois prisonnier, deux fois évadé pendant le conflit franco-prussien, il gagne, sorti du rang, les galons de lieutenant. Ses notes de 1872 lui prédisent un avenir limité : « officier sans autre avenir que celui que lui donnera forcément l'ancienneté ».

Mais un tournant dans sa carrière se produit en 1875, lorsqu'il est nommé ordonnance du général de Miribel, chef de l'État-major, qui deviendra son protecteur. Il est affecté au ministère de la Guerre en 1879, à la section de statistiques (contre-espionnage). Il y côtoie alors Esterházy, qui sera reconnu plus tard comme le véritable traître de l'affaire Dreyfus.

À partir de 1886, il est nommé successivement en Tunisie, au Tonkin, puis enfin en Algérie, à Oran.

La découverte du bordereau

Cet article fait partie d'une série sur
l’affaire Dreyfus
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Documents
L’acte d'accusation·
Le bordereau · J'accuse...!

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Alfred Dreyfus · Mathieu Dreyfus ·
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Émile Zola

Articles connexes
Antisémitisme (en France) ·
Crises de la Troisième République

Catégorie
Affaire Dreyfus

En mai 1893, le commandant Henry revient à la section de statistique du service des renseignements français. Il sera rapidement l’adjoint du chef de bureau, Jean Sandherr, jusqu’en 1895.

Son travail consiste à surveiller l'activité des autorités allemandes, notamment en utilisant des agents doubles, parmi lesquels Marie Bastian, une femme de ménage employée à l’ambassade d’Allemagne. C'est elle qui lui confie, en septembre 1894, le fameux bordereau qui déclenche l'affaire Dreyfus. Adressé à l'attaché militaire Maximilien von Schwarzkoppen par un mystérieux inconnu, et rédigé en français, ce document contient des informations relevant du secret défense.

Une fois en possession du bordereau, Henry attend plusieurs semaines avant de le transmettre à ses supérieurs. On ignore s'il a alors reconnu ou non l’écriture de son ami Esterházy. En octobre, une enquête interne établit que le bordereau a été rédigé par Alfred Dreyfus, qui est arrêté quelques jours plus tard. Henry fournit alors l'information au journal La Libre parole, réputé pour son antisémitisme, qui titre le 1er novembre « Haute trahison. Arrestation de l’officier juif A. Dreyfus ».

Appelé à témoigner lors du procès à huis clos de Dreyfus en conseil de guerre, Henry accable le suspect : « Le traître que nous recherchions, c’est lui ! Je le jure ! » [1].

Le « petit bleu » et le « faux Henry »

En janvier 1896, Georges Picquart prend la direction du service des renseignements au détriment d’Henry, qui ambitionnait d’obtenir le poste. Méfiant et jaloux, ce dernier s'arrange pour que les documents récupérés par ses contacts, comme Marie Bastian, ne soient pas transmis à Picquart, malgré la demande expresse de celui-ci. En mars 1896, un agent du service récupère un télégramme (le « petit bleu ») dans lequel le diplomate allemand Schwartzkoppen informe le commandant Esterházy qu’il souhaite rompre ses relations avec lui, jugeant ses activités d’espionnage insuffisantes. Absent de Paris, Henry ne peut pas prendre connaissance de ce document. C'est donc Picquart qui le reçoit. Intrigué, il fouille les affaires d'Estherázy, et constate que l’écriture de ce dernier est la même que celle du bordereau de 1894.

Alors que l'épouse d'Alfred Dreyfus demande une révision du procès, Henry adresse le 2 novembre 1896 à ses supérieurs un document qu'il prétend avoir récupéré à l’ambassade d’Allemagne et qui accuse ouvertement Dreyfus de trahison. Ce document, qu'il a en fait lui-même réalisé, est connu sous le nom du « faux Henry ». Il s’agit d’un montage de textes divers, retouchés et imités, qui visait à prouver que le diplomate italien Panizzardi, s’adressant à Schwartzkoppen, décrivait Dreyfus comme un traître à la France : il demande à son correspondant de ne pas révéler qu’il était en relation avec « ce juif ».

Dans sa lancée, Henry compose de nouveaux faux pour accréditer la culpabilité de Dreyfus. Les motivations de Henry ont largement été débattues. Selon les uns, il aurait agi sous la pression de l’État-major. « Il a écrit un faux, en présence des agissements du colonel Picquart, pour sauver l’armée qui se trouvait dans une impasse terrible par la mauvaise foi de ses ennemis », déclarera son épouse lors du procès de Rennes en 1899. Selon les autres, parmi lesquels Jean Jaurès, Henry souhaitait s’attirer les bonnes grâce de sa hiérarchie en lui apportant des pièces décisives dans l’espoir d’être récompensé par sa nomination à la tête du service des renseignements : « Les choses allèrent ainsi. À peine le colonel Henry eut-il mis sous les yeux de ses chefs la pièce fausse qu’il fut nommé chef du service des renseignements ».

En effet, en 1897, Henry accède enfin à la direction du service de renseignement. Il s'inquiète des découvertes de son prédécesseur, Picquart, et décide, avec le commandant du Paty de Clam, de prévenir Esterházy des soupçons qui pèsent contre lui. En échange de la protection de l'État-major, ils lui demandent de rédiger un document destiné à incriminer à nouveau Dreyfus. Henry s'empresse de le communiquer à la presse.

L'accusation ne manquera pas d'utiliser le « faux Henry » lors du procès Zola qui se déroule du 7 au 23 février. Picquart, contre lequel est entamée une procédure de réforme, est convaincu de l'innocence de Dreyfus et du rôle machiavélique de Henry. Les deux hommes s’affrontent en duel à l’École militaire.

Les aveux

Il faudra attendre juillet 1898 et l'initiative du nouveau ministre de la Guerre, Godefroy Cavaignac, qui veut clore à tout prix le dossier, pour que l’État-major prenne enfin conscience de la véritable nature du « faux Henry ». Le 30 août, le colonel Henry avoue son forfait à Cavaignac. Henry est arrêté et emprisonné au fort du Mont Valérien. Le lendemain, il se tranche la gorge au rasoir dans sa cellule[2]. Cavaignac démissionne. Esterházy s’enfuit en Angleterre. L’opinion commence alors à douter de la culpabilité de Dreyfus.

Les antidreyfusards, eux, font de Henry un de leurs héros. La Libre Parole d'Édouard Drumont lance une souscription pour donner à la veuve du lieutenant-colonel Henry les moyens de poursuivre en diffamation Joseph Reinach, à la suite d'un article publié le 7 novembre 1898 dans Le Siècle. Parmi les souscripteurs, on compte Jean Lorrain, Pierre Louÿs, Paul Valéry, Maxime Weygand, et Henry Gauthier-Villars. En septembre 1898, Charles Maurras publie un éloge d'Henry dans le quotidien catholique La Gazette de France, évoquant « ce serviteur héroïque des grands intérêts de l'État, ce grand homme d'honneur. »

Notes et références

  1. cité par Henri Guillemin dans la préface à J’accuse ! La vérité en marche, d’Émile Zola, ed. 1988
  2. Le chef d'escadron Walter, commandant du Mont-Valérien, « Annonce du suicide du lieutenant colonel Henry » sur dreyfus.culture.fr, 31 août 1898, Document militaire, Centre historique des Archives nationales. Consulté le 31 août 2008

Sources

  • Compte-rendu du procès Dreyfus devant le conseil de guerre de Rennes, 1899.
  • Les Preuves de Jean Jaurès, 1898
  • Jean-Denis Bredin, L'Affaire, Paris, Fayard, 1993 (1re édition 1981) (ISBN 2-260-00346-X)
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