Ideologie coloniale francaise

Ideologie coloniale francaise

Idéologie coloniale française

L’idéologie coloniale française est un système d’idées, de conceptions et de représentations visant à promouvoir et à défendre l’idée des colonies en France, et qui fournit une interprétation globale du monde impliquant certains points de vue et engageant à des normes et des directives d’action.

Les historiens considèrent qu'elle s'est construite progressivement, est née, a été validée et a existé dans des contextes particuliers, que l'on peut particulièrement rattacher aux évolutions de la France dans les relations internationales. Il ne s'agit donc pas de connaître les développements qu'a connus la politique coloniale française, étant ici entendue comme l’ensemble des mesures et les orientations décisionnelles des autorités françaises en Métropole en lien avec le sort de ses colonies outre-mer.

Sommaire

Création de l’Empire colonial

Voir aussi : Congrès de Vienne

Dans la période immédiate suivant la Révolution, le traitement des questions coloniales doit notamment se comprendre par le prisme de la guerre avec la Grande-Bretagne (et ensuite le Royaume-Uni) à partir de 1793 et la concentration de Napoléon sur l’affirmation de l’ensemble français, par l’expansion, l’extension de l’influence française hors des frontières et la proclamation de l’Empire. S’ensuit l’idée centrale de la conception de la nature du lien entre la France et les colonies qui est alors celle de l’assimilation : les colonies sont considérées comme parties de l’empire français. Cependant, la conception d’empire n’est pas encore celle de l’empire colonial, mais elle est liée à la politique expansionniste napoléonienne en Europe. En réalité, outremer, la politique vis-à-vis des colonies, manifestant une « volonté d’atteindre l’Angleterre en tous les points du globe »[1], révèle en fait un Napoléon qui se montre homme d’Ancien Régime, s’opposant à l’assimilation révolutionnaire, rétablissant l’esclavage. La quasi-disparition du domaine colonial français (conquêtes britanniques (Canada), abandon de possessions (vente de la Louisiane en 1803) et révoltes aux Antilles, indépendance d’Haïti en 1804) poursuit la crise qui n’est que précipitée en 1815[2]. Au sortir du Congrès de Vienne, ce sont moins les amputations territoriales (qui, tant en Europe qu’outremer, ne constituent pas le souci principal ni des assemblées révolutionnaires, ni, après l’épisode napoléonien, de Louis XVIII) que l’affaiblissement de la présence et de la puissance politique françaises, en Europe et outremer, qui donnent à la colonisation un nouveau visage, une nouvelle identité.

Le territoire : évolution d’une conception, vers l’expansionnisme impérialiste

Alors que la colonisation française – comme la colonisation en général – était surtout axée sur des motivations mercantilistes jusqu’à la fin de la Restauration, c’est un événement déclencheur qui donne à la colonisation française une nouvelle définition, axée sur la promotion et le soutien à la puissance politique de l’État, et où le territoire prend une importance nouvelle ; il s’agit de la prise d’Alger.

La prise d’Alger et la phase de transition

Voir aussi : Conquête de l'Algérie, origine française

Le 4 juillet 1830, suite à trois semaines d’invasion, la prise d'Alger sous la houlette du général de Bourmont et la reddition du dey Hussein Hodja (gouverneur sous autorité ottomane nominale) ne donna pas l’effet que la chancelante et très menacée monarchie de Charles X escomptait. Elle reçoit peu l’assentiment de la population et de la classe politique, plus préoccupées par les troubles internes et les luttes de classes à l’intérieur du pays, celles-là même que l’expédition d’Alger visait en réalité à canaliser vers l’extérieur[3], au-delà des motifs plutôt anecdotiques de cette expédition militaire. L’expédition est lancée à cause d’un coup de manche d’éventail (ou de chasse-mouche…) donné par le dey au consul de France en raison d’une sombre affaire de non-paiement de cargaisons de ravitaillement datant des années 1797 à 1800. Le dey ayant refusé d’adresser des excuses, l’expédition embarque le 23 mai 1830 avec à bord 37 000 hommes, 91 canons et 457 bâtiments navals. Même si au plan international la conquête d’Alger et de ports côtiers menace tant symboliquement que territorialement la présence et les intérêts britanniques sur la rive méridionale de la Méditerranée, le Royaume-Uni, déjà engagé dans des pourparlers somme toute assez peu vigoureux avec la France en vue d’une dissuasion, et préoccupé dans les années 1830 par les menaces plus grandes à l’équilibre comme les révolutions belge, italienne et polonaise, n’accorde plus à Alger un grand intérêt diplomatique.

Cette expédition se transforme après hésitations en guerre de colonisation. Même si l’on doit cela à une certaine bonne grâce accordée à la France au niveau diplomatique (voir plus bas), des considérations d’ordre interne ont sans doute joué un rôle plus important sur le cours des événements. Pour la monarchie de Juillet fraîchement installée, Alger constitue un legs plutôt encombrant et onéreux. L’administration des possessions françaises en Alger suscite un conflit parlementaire entre « colonistes », partisans d’une politique de prestige et d’expansion, et « anticolonistes », libéraux, opposés à l’expansion coloniale. La position des « colonistes » l’emporte, prévalence portée par l’affirmation d’une volonté de maintien et de développement de l’occupation française (1833). S’ouvre alors une période de transition où la question du territoire se pose en des termes différents : l’Alger est une contrée où la France et les Français doivent s’établir et moderniser.

La pacification de la plus grande Algérie est pourtant longue et difficile. Constantine, à l’est, est prise en 1837 ; la smala du grand rebelle de l’ouest, l’émir Abd el-Kader, n’est prise, opportunément, que le 16 mai 1843 ; le territoire n’est lui-même soumis que vers 1848, si l’on ne tient pas compte des poches de résistance aux alentours de Tizi-Ouzou, pourtant voisine d’Alger, qui ne s’inclinent que vingt-sept années après cette dernière, en 1857. Ceci dit, bien que longue et difficile, cette colonisation de l’Algérie se déroule dans un climat de transition où, de plus en plus, l’on colonise pour s’installer et développer. Il ne s’agit plus simplement de commerce, mais la colonisation prend progressivement la forme d’une colonisation de peuplement, d’acquisition et d’établissement des territoires colonisés en tant que réelles parties de la France : « C’est ce transport d’une population considérable, d’une population agricole, commerciale, industrielle… c’est cette transplantation d’une population mâle et femelle, formant familles, villages et villes que j’appelle la colonisation de l’Algérie. »[4] Il s’agit de concevoir ce qu’on appellerait un « lien ombilical » entre les deux rives de la Méditerranée, que l’Algérie devienne une partie intégrante de la France. La transition voit aussi le dépérissement du vieux système colonial : les révoltes antillaises revigorées par la nouvelle de la révolution de juillet 1830 ravivent le débat sur l’abolition de l’esclavage et conséquemment de la traite des Noirs en 1834, ce qui pousse à se préoccuper de la mise en valeur des colonies (préoccupation qui prend des proportions très importantes sous la Troisième République) ; on commence à commercer à échelle industrielle avec les comptoirs africains ; il y a un gain d’intérêt pour l’Extrême-Orient (ouverture de cinq ports en Chine en 1845).

Le Second Empire et la phase préimpérialiste

Si l’année 1848 évoque la complétion de l’invasion coloniale de l’Algérie, elle représente un tournant pour la politique coloniale française, et le début de la constitution du terreau de la fameuse idéologie coloniale française impérialiste. Le coup d'État du 2 décembre et la proclamation du Second Empire par Napoléon III (alias Louis Napoléon, neveu de Napoléon Ier) ouvrent une ère résolument tournée vers l’expansionnisme territorial. « Ce régime qui tripla l’étendue du domaine a sans doute écrit une page décisive de l’histoire coloniale française », écrivait encore Jean Martin en 1987[5]. Il faut rappeler que sur le plan des principes, l’expansionnisme du Second Empire ne fut pas toujours louable dans sa mise en pratique. Il n’en reste pas moins que c’est en cette période que des Français, pourtant loin de mettre sur pied une politique coloniale englobante ou clairement identifiable, sous l’autorité suprême – car pas forcément le commandement – d’un Napoléon III surtout intéressé par le prestige international, s’arrangent à utiliser au mieux les forces internes – et, moins souvent, internationales – pour mener à bien l’expansionnisme.

Les missions catholiques vers l’Extrême-Orient et l’Afrique jouent un rôle important, se rendant utiles aux expéditions d’explorateurs dans les terræ incognitæ et intensifiées à partir des années 1850, et servent aussi à apaiser les relations entre Napoléon III et le parti catholique brouillés sur la question de la politique italienne. L’idéologie des saint-simoniens influence les grandes lignes politiques de la colonisation, avec en particulier le poids de Prosper Enfantin, grand inspirateur de la politique algérienne du Second Empire. Enfantin, d’ailleurs, et Ferdinand de Lesseps sont à l’origine du percement à partir de 1854 du canal de Suez qui s’avère être une réussite et donne à la France une influence culturelle en Égypte (une influence politique trop grande étant certainement pour déplaire aux Anglais) qui néanmoins s’affaiblit dans les années 1880. Le support militaire se fait sans grand-peine sur le plan interne – il n’en est pas de même dans les relations entre la France et l’Allemagne bismarckienne – grâce au réarmement et à l’accroissement de la qualité des flottes et canonnières françaises, ainsi que grâce à la multiplication de stations navales dans quasiment toutes les régions où la France possédait des colonies. D’habiles manœuvres entamées en 1853 permettent à Joseph Lambert, commerçant et armateur à l’île Maurice, et à ses compagnons, d’obtenir pour la France, dès 1860, une grande influence sur Madagascar – en raison de changements dans la politique malgache, cette influence ne dure que jusqu’en 1863 – ; le tout dans une grande prudence de Napoléon III dans ses relations avec l’Angleterre. L’influence française grandit aussi aux Comores grâce à un trafic négrier qui se mit en place, poussé par les besoins en main-d’œuvre (paradoxalement, des besoins occasionnés par l’abolition de l’esclavage), dans les années 1860.

Cette expansion, qui n’est pas tellement le résultat d’une politique unie, donne néanmoins une « coloration » au colonialisme français, malgré tout concurrent au colonialisme britannique : les développements du colonialisme français manifestent une tendance impérialiste, en ce que celui-ci s’opère dans la recherche d’une influence décisive sur une région donnée, sous la forme d’un règne sans partage, pourvu qu’il n’empiète pas sur la domination d’une autre puissance européenne – surtout le Royaume-Uni.

L’enjeu économique

La colonisation française a dans ses débuts été menée pour diverses raisons, parmi lesquelles la raison principale était sans aucun doute le mercantilisme, notamment le commerce triangulaire qui faisait la fortune des ports de l’Atlantique. Après un changement conjoncturel défavorable aux colonies pendant la Révolution, c’est un changement de l’économie mondiale (pour le dire simplement, il s’agit de l’industrialisation) qui ne manque pas d’apporter son lot de répercussions sur le regard de la France sur ses colonies, colonies qu’elle ne décide pas d’appeler « empire colonial » par hasard.

Le mercantilisme, dans la Restauration et au-delà

Dans un premier empire colonial morcelé qu’il reste à la France en 1815, le caractère vital des colonies pour l’économie se fait sentir en métropole. Le régime de l’Exclusif, aussi nommé système colonial, qui ferme législativement le marché extérieur des colonies au strict échange avec la métropole, aboli en 1791, est rétabli dès 1801. La conception de colonies au service du commerce français avait encore de beaux jours devant elle, ainsi que le rappelait le ministre des Colonies en septembre 1817 : « La fin qu’on s’est proposée en établissant des colonies étant essentiellement de favoriser et d’étendre le commerce de la métropole, ce serait un contresens ruineux que de rien tolérer qui peut augmenter le petit nombre de dérogations au régime de l’Exclusif. »[6] Cette idée fait alors la quasi-unanimité parmi les hommes politiques, à l’image de l’intervention cette même année du député Cotton sur la nécessité des colonies en tant que fournisseuses de denrées et débouché pour les produits métropolitains, face à ce qu’il voyait comme une fermeture des marchés des États européens : « […] bientôt les différents peuples n’auront rien à se fournir les uns aux autres. Le commerce extérieur sera tiré par les progrès mêmes du commerce et de l’industrie » [7].

Pourtant, c’est en cette même période que la France fait face à une profonde crise coloniale qui se répercute sur ces termes de l’échange entre colonies et métropole : la suppression de la traite ruinant les comptoirs sénégalais et engendrant la ruine progressive des cultures antillaises ; la concurrence du sucre de betterave sur le sucre de canne, conjuguée à un désintérêt pour l’esclavage en tant que ressource de production, ne faisant que s’alourdir le fardeau sur les Antilles ; le peu d’émigration vers les colonies que lui préfère l’exode rural en France ; tout cela ne sont qu’autant de facteurs qui donnent en France l’impression globale que les colonies sont peu utiles.[8]

Mis en forme par le Pacte colonial, l’Exclusif est supprimé en 1861, sous le Second Empire, au grand regret des protectionnistes qui réussissent en 1889 à remettre ce régime en vigueur, convainquant les députés avec la peur que l’indépendance économique ne pousse à l’indépendance complète, et dans un climat politique différent, tendant vers l’impérialisme (voir plus bas). La suppression de l’Exclusif en 1861 par Napoléon III rend aussi témoignage de la percée des théories libre-échangistes en France (déjà consacrées dans le traité de libre-échange de 1860), qui devait ouvrir les voies à la grande colonisation capitaliste moderne.

Libre-échange et capitalisme coloniaux

Voir aussi : Industrialisation (XVIIIe et XIXe siècles)

La prospérité économique et la stabilité des institutions, le développement du machinisme et de la grande industrie vont s’accélérant, ce qui fait ressentir le besoin d’un changement de régime économique. Napoléon III et son régime libéral s’en chargent sans trop de difficulté. « L’ancien système colonial était devenu obsolète. » [9] Déjà discréditée lors de l’abolition de l’esclavage, la colonisation mercantile s’efface derrière le libre-échangisme, un concept qui trouve un fondement idéologique non sans lien avec l’idéologie coloniale : la liberté commerciale est vue comme le pendant de la liberté individuelle, un pas vers la consécration de la liberté individuelle dans le cadre de l’expansion coloniale, et accessoirement dans la continuité de l’émancipation des Noirs qui avait été la visée de l’abolition de l’esclavage. La colonisation devient, elle aussi, peu à peu porteuse de valeurs nobles…

Pourquoi et comment de l’expansion coloniale avant 1871 : esquisse

L’expansion coloniale française avant 1871 est une colonisation en devenir, reflet d’une situation politique interne à la France, où le régime se cherche également, entre deux révolutions. Ce manque de stabilité provoque évidemment un manque de définition globale de ce qu’est ou doit être l’expansion coloniale. Le règne de Napoléon III témoigne d’ailleurs du fait que, même si les forces en faveur de l’expansionnisme sont bien présentes (prospérité économique, assurance logistique, personnages entreprenants), la complexité de la situation interne et des rapports de force internationaux (surtout vis-à-vis de l’Angleterre) ne permettent pas d’« activisme colonial » encadré par le pouvoir. Les observations transversales nous permettent néanmoins de dresser le constat d’une colonisation changeante, façonnée primo par le libre-échangisme et le libéralisme, et secundo par la volonté de prestige et d’expansion. Ces deux traits principaux ne donnent qu’une esquisse grossière, mais ce sont eux qui ont porté à des degrés fluctuants la volonté des acteurs français (partis et factions, personnages, chefs d’État) dans l’expansion coloniale de ce demi-siècle.

Il faut attendre la chute du Second Empire pour voir s’opérer le façonnage d’une idéologie au sens de « système d’idées, de représentations, de conceptions sociales, qui exprime des intérêts de catégories et groupes sociaux, [et] fournit une interprétation globale du monde tel qu’il est organisé et implique des points de vue, des normes de conduites et des directives d’action. » [10], consécutive à une mobilisation dirigée vers un « activisme colonial » à l’initiative de Jules Ferry ; mobilisation également nourrie par une prétention à l’accomplissement d’une mission de la population entière de la France, marquant ainsi un découplage définitif d’avec l’ancien mercantilisme, et détrônant sur le plan idéologique, mais ambigument (voir plus bas), une colonisation portée par des intérêts privés.

Du colon à l’émancipateur ou l’œuvre de la Troisième République

L’ordre établi par Vienne eut l’efficacité de rendre les Puissances européennes, et surtout la France, assez prudentes en ce qui relevait des menaces aux intérêts européens outremer ; les cas de l’Algérie et de Madagascar le montrent. Les choses changent pourtant avec la Troisième République, à cause de considérations liées à la situation internationale en Europe.

Le seul grand enjeu géostratégique pour la politique coloniale de la France dans le Second Empire est l’unification des possessions coloniales ; l’immensité des territoires à conquérir et une colonisation non hostile aux autres puissances européennes permettent à la France de passer pour une puissance coloniale assez inoffensive outremer. Cette impression est renforcée lorsqu’est mise en exergue l’apparente faiblesse militaire et politique française lors de la guerre franco-allemande de 1870. À vrai dire, peu se soucient des colonies à l’intérieur du territoire français, et l’on ne manqua pas de se demander sérieusement « À quoi bon les colonies ? »[11] – un symptôme que Ch.-R. Ageron cible comme une « absence de motivations instinctives et de traditions contraignantes », et sur lequel rebondit le discours colonial. Loin des rives africaines et asiatiques, ce qui concentrait beaucoup les politiques était principalement l’Allemagne et la récupération après la défaite de Sedan.

La défaite de Sedan, l’amertume française et l’exutoire colonial

La défaite de l’armée française à Sedan en septembre 1870 marque profondément les orientations politiques de la France durant la IIIe République. Le traité de Francfort (mai 1871) sur lequel la défaite débouche, scellant le sort du territoire français en Europe ainsi que celui des relations franco-allemandes jusqu’en 1914, fait du « problème allemand » un sérieux sujet de préoccupation pour les hommes d’État. En termes géographiques, c’était elle, l’Allemagne, la réelle et constante menace. Pis encore, son développement démographique assurait aux Allemands un développement économique et militaire qui concurrençait continuellement la puissance française.

Surtout, dans l’opinion publique française, l’annexion de l’Alsace-Lorraine est vue comme une oppression des peuples, une injustice réalisée contre le vœu des populations. L’idée d’une revanche est présente, légitimée et entretenue : « Loin de jouer les agresseurs, la France n’aurait fait que réparer une violation du droit en reprenant les provinces perdues. »[12]

Bien que la question d’Alsace-Lorraine s’estompe fortement dès les années 1890, elle reste un point délicat qui ne cesse d’orienter la politique étrangère française, et rend très difficile un rapprochement entre les deux pays. En effet, le régime français étant fondé sur le suffrage universel, les hommes politiques ne pouvaient pas compter sur un effacement de ce facteur sentimental provoquant l’hostilité populaire des Français à l’égard des Allemands. L’idée d’une revanche ne s’éteint donc pas et, au contraire, continue à préoccuper les esprits et donne lieu au maintien de l’effort militaire en vue d’une guerre.

Le retard de l’industrie métallurgique française sur une Allemagne avec une production propulsée par l’abondance du bassin de la Ruhr et de la Lorraine annexée – ceci constituant un gros avantage pour la guerre moderne –, conjuguée à un ralentissement de la croissance démographique face au maintien allemand, finit par mettre en évidence l’incapacité française de se mesurer seule à seule avec l’Empire allemand. Par surcroît, l’isolement de la France face à l’Allemagne bismarckienne installea le sentiment que la politique de revanche acculait la France dans une impasse. Le nécessaire exutoire à cet acculement est trouvé dans le colonialisme. C’est ainsi que Jules Ferry, « un des premiers, comprit que le pays devait se tourner vers d’autres horizons. La solution de rechange, c’était la politique d’expansion coloniale qui devait permettre à la France de retrouver son rôle de puissance. »[13] C’est également l’avis partagé de façon encore plus convaincue par Léon Gambetta[14], opposant de l’Union républicaine aux conservateurs. Les conservateurs, parfois royalistes mais surtout cléricaux, ne sont pas particulièrement anticoloniaux : la ligne de fracture se trouve en réalité parmi les républicains, en matière coloniale, entre une tendance radicale, celle de Ferry, requérant des solutions immédiates aux questions, et une tendance « opportuniste » (Jean Ganiage), celle de Gambetta, qui estime que les expéditions coloniales doivent se lancer dès que l’opportunité s’en présente. Il va sans dire que la constitution d’une doctrine coloniale n’en devient que plus difficile à dégager. C’est par jeu de persuasion et de discours colonialistes orchestrés par le truchement des médias de masse – il s’agit avant tout de la presse, montant en force –, qu’une idéologie se constitue. Emportée par cette tendance, la colonisation française épouse progressivement la forme que les élites politiques veulent lui donner ; la colonisation devint avant tout affaire de députés et d’élites, et non vraiment l’affaire du peuple. Ressort dans cette période toute l’importance des forces parlementaires – ainsi que, de manière compréhensible, les forces élitistes – au cours de la réalisation de cette « œuvre de la Troisième République ».

Du discours colonial à l’idéologie coloniale

Nous avons eu l’occasion de constater que le discours colonial français avait déjà conduit la conquête de l'Algérie, ainsi que la politique algérienne de la France après coup. Avec la nouvelle donne franco-allemande depuis 1871, le discours colonial s’oriente nettement plus résolument vers le colonialisme. À ce titre, en 1874 Paul Leroy-Beaulieu publie De la colonisation chez les peuples modernes et devient une personnalité influant en faveur de l'expansion du second empire colonial français [15]. Mais le colonialisme de la IIIe République est de nature différente de celui auquel le parlement avait eu affaire aux jours de la victoire française en Algérie. La progression des idées colonialistes parmi les parlementaires est ici portée : primo, par la constitution d’un réel parti colonial, matière grise du discours colonialiste représentant une catégorie sociale identifiable ; secundo, par une disposition populaire à la revanche militaire face à l’Allemagne.

Sur cette seconde observation, on tendrait à dire que la construction de l’idéologie coloniale française, qui suit un schéma situationnel dans une large mesure, s’est réalisée sur une toile de fond pathologique, assimilable à un complexe d’infériorité vis-à-vis de l’Allemagne, et conférant accessoirement un apparent sentiment d’exiguïté dans les frontières de l’Hexagone. Les contrées à coloniser comme l’Afrique occidentale devenaient accessoirement – et accessoirement seulement – des arènes pour redorer le blason français lorsqu’il était terni sur le Vieux Continent.

Cette remarque veut servir de base pour l’argument suivant : bien que Jules Ferry, devenu président du Conseil en 1880, soit aujourd’hui encore l’une des figures de proue de l’expansion coloniale sous la IIIe République, il est surprenant que sa personnalité et son parcours politique eussent pu lui attribuer autant de force parlementaire. Le régime de démocratie imposait une certaine assise populaire à une politique expansionniste, qui deviendrait impérialiste. On est donc, pour ainsi dire, forcé de penser que cette subite résolution coloniale de la France laisse envisager en filigrane un « retournement de l’esprit public »[16] qui aurait rencontré les intérêts d’un Ferry dont le leadership était marqué par le prestige et la grande politique[17]. C’est à cette assise populaire, importante lorsque l’on songe à une idéologie, qu'il est intéressant de se focaliser. Laquelle a-t-elle été ?

Le « parti colonial » ou le façonneur d’idéologie

Selon Charles-Robert Ageron, le parti colonial est « un comité de notables dirigé par des parlementaires et s’efforçant d’exercer une action politique. Mais ce parti était original en ce qu’il recrutait dans toutes les familles de pensée et qu’il n’avait pas d’ambitions électorales. »[18]

Le parti colonial ne manque pas de ressentir comme aigre la supériorité allemande. Le principal moteur intellectuel du parti colonial est constitué par le mouvement géographique (animé par les membres des sociétés de géographie) qui conquiert alors avec succès « tout un peuple de lecteurs modestes »[19]. En effet, le mouvement géographique qui attire l’intérêt du public[20] notamment pour être parvenu à faire de la géographie en 1872 une matière scolaire, est tout naturellement stimulé par la volonté coloniale : « C’est le nord-ouest de l’Afrique […] que nous devons choisir pour le principal théâtre de nos recherches et de nos explorations »[21], écrivait-on déjà en 1873. Seulement, avec l’idée en tête qu’il fallait réformer la manière de faire de la géographie pour la rendre plus pratique, et donc plus populaire pour le soutien à l’expansion coloniale. Ainsi,

« La supériorité allemande dans son approche des sciences était vue comme une partie des raisons sous-jacentes à leur victoire, et la science de la géographie, tout spécialement dans le sens pratique de sa description du terrain, des ressources, et de la topographie, semblait avoir une application évidente en temps de guerre. La popularisation et la praticité devinrent les mots d’ordre des réformateurs alors qu’ils recherchaient à refaire leur science, qu’ils voyaient comme étant devenue trop théorique, académique, et lourde. » [22]

Vivement actif dans la promotion, le couronnement et la popularisation des explorateurs, le mouvement géographique champignonne dans une forme issue de cette réforme, celle de la « géographie commerciale ». Le mouvement en vient à se marquer profondément par les intérêts économiques de l’expansion coloniale ; ainsi observe-t-on une refonte dans l’adhésion à plusieurs grandes sociétés géographiques, allant jusqu’à 66 % de membres venant d’un contexte commercial à Bordeaux entre 1872 et 1879[23]. À côté de cela, le versant politique du mouvement capote, telle la Société française de Colonisation qui est « un feu de paille […] entraîné dans le discrédit de l’idée coloniale qui suivit la chute de Jules Ferry »[24]. Il ne reste donc que l’importance du « groupe de pression » que forme le parti colonial, alimenté en idées par les membres des sociétés géographiques.

Cette dépendance du discours colonial vis-à-vis des intérêts situationnels ne cesse de se vérifier. La chose n’est certes pas nouvelle, si l’on garde à l’esprit que ce sont bien souvent les commerçants de la Méditerranée (principalement Marseille) qui ont été les plus activistes dans le colonialisme depuis le début du XIXe siècle. La différence se joue ici sur l’entraînement des valeurs républicaines dans la volonté colonialiste du parti colonial, désormais teintée de capitalisme et d’« esprit d’entreprise ».

Du colon à l’émancipateur : « colonialisme républicain » ; quelle traduction en termes politiques ?

Il serait opportun ici de se pencher en quelques lignes sur la validation idéologique du colonialisme français renouvelé, ainsi que les extensions qui ont suivi dans les faits et dans les relations internationales.

L’influence importante du parti colonial, ayant épousé le républicanisme, lui rend nécessaire pour populariser ses idées de valider une idéologie à l’intérieur des frontières. Les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité entre les peuples sont invoquées. Les conditions pour une idéologie – au sens de M’Bokolo : catégorie sociale, interprétation du monde, points de vue, normes et directives d’action – sont réunies.

L’idéologie est adaptée à la situation pour être validée. Ainsi la liberté des peuples hisse au-dessus du colonialisme français la bannière de la libération des peuples opprimés, libération due à l’affirmation de la fraternité entre les peuples, vieille d’une ère napoléonienne révolue ; l’idéal de libération faisait frémir les puissances conservatrices en Europe depuis au moins le début du siècle. Mais la France n’avait rien à craindre, il s’agissait de l’Afrique. Les prétentions coloniales ne concernaient encore que des territoires qui étaient considérés res nullius, Tunisie, Sénégal, et bientôt Haute-Volta, Guinée, Côte-d’Ivoire, Dahomey, Gabon, Congo français et de nombreux autres territoires qui pour la plupart ont formé jusqu’en 1914 l’Afrique occidentale française et l’Afrique équatoriale française, et constituent aujourd’hui la majorité des pays francophones d’Afrique occidentale et équatoriale. Les cas du Maroc et de l’actuel Sahara occidental sont d’exception[25]. Les autres puissances n’étaient pas explicitement menacées. Nul besoin n’était, par ailleurs, d’établir sérieusement que les peuples africains étaient opprimés : le traitement, même traître, des comptes-rendus des explorateurs semblait suffire à convaincre les parlementaires du bien-fondé de la volonté libératrice française. Il arrivait cependant souvent que les explorateurs ramènent des récits attestant d’organisations politiques élaborées, au sein desquelles l’oppression des peuples par une forme quelconque de tyrannie n’était nullement affirmée[26]). Divers auteurs rattachent cette méthode à une classique rhétorique de guerre visant à discréditer l’adversaire — adversaire que les peuples en question étaient effectivement, lors des guerres coloniales[27]

L’établissement et l’annexion effective des territoires « libérés » par l’autorité française est une autre question : pourquoi coloniser des peuples prétendus égaux ? La réponse est simple, mais est sûrement atypique de la rhétorique républicaine française : il ne s’agissait pas de peuples égaux, mais de peuples inférieurs. Les avis scientifiques — trempés de darwinisme social — à l’appui, la popularisation massive, dans les médias, de peuples et de sociétés exotiques mais inférieures aux Blancs[28], revêtait la France d’une mission plus belle encore, si belle qu’elle convainc le parlement de la nécessité d’une entreprise coloniale sous le drapeau tricolore : l’émancipation des peuples. La France libère non seulement les peuples du joug de la tyrannie, mais les émancipe pour en faire des citoyens, citoyens qu’ils n’étaient sûrement pas, et aspiraient certainement à devenir. L’émancipation des peuples est le porte-étendard d’une colonisation à visage humain, par distinction par rapport aux concurrents européens – qui pourtant possédaient aussi, dans les idéologies coloniales, leurs Marianne[29]. Au moment de la Conférence de Berlin sur le partage des colonies en Afrique, en février 1885 – témoignant de la survivance d’un système du concert en décrépitude –, cette présomption de supériorité, en contradiction avec les droits de l’homme et le principe d’égalité des hommes et des peuples, fondements même de l’identité de la France républicaine, posait sérieusement problème dans les enceintes parlementaires françaises et mettait à mal l’unité de position que la France devait exprimer à la Conférence ; elle fut donc soigneusement évitée. Il y a là un dilemme, qui n’est pas neuf (voir plus bas), mais qui injectait un problème d’ordre existentiel dans l’idéologie coloniale française.

« L’idée inégalitaire d’une primauté naturelle des Blancs, qualifiés de “race supérieure” par rapport aux Noirs, Jaunes et autres “sauvages”, s’accommodant mal de l’affirmation des droits de l’homme, ce n’est pas en s’appuyant essentiellement sur une argumentation théorique que les défenseurs d’une telle contrefaçon ont réussi à l’imposer. Leur démonstration tenant du sophisme, la seule manière d’y parvenir était de suggérer que cette hiérarchie est d’une évidence tellement éclatante que l’on n’a pas même besoin de la démontrer. C’est en contournant le débat de 1885, bien mal engagé pour eux, que les tenants de cette théorie ont pu faire en sorte qu’elle finisse par apparaître comme une vérité d’évidence. »[30]

Le versant économique de la colonisation, auquel le parti colonial tenait beaucoup (voir plus haut), fait ressurgir diverses questions et achève de transformer le modèle économique pour les colonies françaises. Un Exclusif d’un genre nouveau est recréé, avec la progression dès le début du XXe siècle du concept de « mise en valeur » des colonies, sacralisant le libre-échangisme comme mode économique. La méthode d’implantation en Afrique occidentale se concentre sur une réplication de l’exemple algérien[31] (voir plus haut), avec une installation, une modernisation et une exploitation du terrain. La discordance entre les intérêts des colonialistes français, majoritairement économiques, et les idéaux mis en avant, ceux du républicanisme dominant, est manifeste. Gilles Manceron résume assez bien cette contradiction dans le chef du parti colonial :

« Constitué, le 15 juin 1892, par quarante-deux députés, il en compte cent vingt l’année suivante et, tandis qu’un groupe analogue se forme au Sénat en 1898, près de deux cents en 1902. Pendant toute la [IIIe] République, ce groupe, qui fournit, entre 1894 et 1899, cinq des sept ministres des Colonies, comptera les hommes politiques les plus en vue du régime, recrutés sans exclusive dans tous les partis politiques, hors les communistes. Il épouse, bien évidemment, le discours républicain dominant, mais à la manière de ces colons du club Massiac sous la Révolution, dont Milscent disait en 1794, dans Le Créole patriote, qu’ils ont “le langage du républicanisme sur les lèvres” pour proposer la “subversion des principes et la conservation des privilèges”. »[32]

Ainsi, le colon devient émancipateur, mais aussi entrepreneur.

L’importance de l’économie dans l’expansion coloniale française, accentuée par la sorte de lobby économique que constitue, pour une grande part, le parti colonial, est réellement à l’origine des conflits coloniaux, surtout entre la France et l’Angleterre dans l’ouest de l’Afrique et avec l’Allemagne en Afrique centrale et équatoriale. On peut sans doute considérer ce paramètre parmi les origines de la Première Guerre mondiale.

Un paradoxe, un dilemme… Une colonisation qui ne « tourne pas rond »

On peut tenter, avec la brièveté qui incombe, de se risquer à une évaluation critique de traits dominants de l’idéologie coloniale française avec les développements survenus dans la politique coloniale française. Nous retenons deux traits.

D’abord, le paradoxe entre, d’une part, le colonialisme libre-échangiste, réalisé sur le terrain par la « mise en valeur » et la promotion d’entreprises mutuelles, un processus défenseur de valeurs individualistes ; et d’autre part, l’ouverture à une colonisation émancipatrice, défenderesse de valeurs universalistes (par définition transcendantes aux intérêts privés). On ne saurait que trop voir une correspondance avec ce qui caractérise l’idéologie selon la définition que nous avons choisie, à savoir, que les points de vue impliqués dans l’idéologie coloniale expriment inévitablement des intérêts de catégories et groupes sociaux, et non pas un universalisme républicain.

Mais il y a plus qu’un simple caractère d’incompatibilité paradoxale entre le dit et le fait. On ne tarde pas, non plus, à concevoir un certain malaise entre les concepts de France républicaine et de colonialisme français. À la suite du paradigme réaliste qui dans le champ de la théorie des relations internationales théorisait le dilemme du canon et de l’identité, il nous faut ici rendre compte de ce que nous devrions appeler le dilemme de la colonisation et de l’identité. Une première expression de ce dilemme dans l’histoire française nous est bellement donnée par Gilles Manceron, qui rappelle la bataille argumentaire, parlementaire et d’opinion publique qui opposa les « colonistes » de la Révolution et les premiers parlementaires tenant mordicus à l’abolition de l’esclavage et à l’abandon du colonialisme, à la fin du XVIIIe siècle.[33] Le slogan qui animait les anticolonistes, « périssent nos colonies plutôt qu’un principe », représentait bien cette contradiction fondamentale entre le principe de la colonisation et le principe de la République à la française. Il n'est pas difficile de voir que cette contradiction a poursuivi la France jusqu’aujourd’hui, et, bien qu’elle ne constitue pas l’apanage de la « Patrie des droits de l’homme », catalyse les mouvements panafricains et antifrançais face aux traces laissées par l’idéologie coloniale française orientée vers la spoliation matérielle, l’exploitation économique, la domination politique et culturelle et le racisme[34].

La droite et la gauche françaises et l'idéologie coloniale

La droite fut d'abord anti-colonialiste

Contrairement aux idées reçues, la droite française était d'abord, dans les années 1880-1890, farouchement opposée à l'entreprise coloniale en Afrique. Pour elle, la France devait choisir entre la "Revanche", impératif patriotique, et l'expansion coloniale, chimère détournant les Français de la "ligne bleue des Vosges". Les énergies qui se dissiperaient dans l'aventure coloniale devaient être orientées vers les provinces perdues. Cet anticolonialisme nationaliste fut incarné par Paul Déroulède. Pour lui, jamais les colonies ne pourraient offrir une compensation à la perte de l'Alsace et de la Lorraine et c'est dans ce sens qu'il répondait à Jules Ferry : « J'ai perdu deux sœurs, et vous m'offrez vingt domestiques ». Quelques années auparavant, en 1884, devant le Sénat, le duc de Broglie, sénateur monarchiste orléaniste et ancien président du Conseil affirma face aux postulats de Jules Ferry que « les colonies affaiblissent la patrie qui les fonde. Bien loin que de la fortifier, elles lui soutirent son sang et ses forces. »

Une large fraction de la droite resta hostile à l'Empire colonial comme le futur Général de Gaulle dès avant 1914.

La gauche a longtemps été colonialiste

Le 25 juillet 1885, Jules Ferry déclare devant la Chambre : "Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures.". Quarante ans plus tard, Léon Blum affirmait pour sa part, toujours devant la Chambre : "Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture, et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l'industrie". Ces citations sont autant de preuves d'un tendance qui aura duré jusqu'à la fin de la IVe République.


Voir aussi

Notes et références

  1. Jean Burhaut, 1996, « FRANÇAIS (EMPIRE COLONIAL) », p 777, col. II
  2. Bien que la France ne souffrît pas de pertes coloniales à l’issue du Congrès de Vienne – les colonies n’étant pas vraiment le souci des Quatre en 1815 –, l’atteinte portée à la puissance politique de la France à Vienne procure à la question coloniale une certaine indéfinition, qui demandait de celle-ci qu’elle fusse de nouveau axée.
  3. Jean Martin, 1987, L’Empire renaissant, pp 121–129 ; Claude Roosens, 2001, Les relations internationales de 1815 à nos jours, p 120.
  4. Colonisation de l’Algérie de Prosper Enfantin, cité par Charles-Robert Ageron, 1978, France coloniale ou parti colonial ?, p 19.
  5. Jean Martin, ouvrage cité, p 163.
  6. Cité par Ch.-R. Ageron, op cit., p 10.
  7. Ibid., p 11. L’argument est habilement repris par Jules Ferry dans les années 1880–1890.
  8. Jean Burhaut, 1996, « FRANÇAIS (EMPIRE COLONIAL) », p 777, col. II et III.
  9. Martin, ouvrage cité, p 170. Italiques ajoutés.
  10. Elikia M’Bokolo, 2004, Le panafricanisme au XXIe siècle, p 2.
  11. Charles-Robert Ageron, ouvrage cité, p. 43.
  12. Jean Ganiage, ouvrage cité, p. 15.
  13. Ibid., p. 20.
  14. Gilbert Comte rappelle son cynisme (sic) dans une lettre qu’il adressa à Juliette Adam, son amie intime : « L’Algérie ne nous suffit pas… Si, à un moment donné, nous ne happons pas notre part de colonies, l’Angleterre, l’Allemagne s’en saisiront… » Et Comte de commenter que « le tribun connaît suffisamment bien ses compatriotes pour savoir qu’il ne s’assurera de leur confiance qu’à condition de leur procurer, quelque part dans le monde, la revanche militaire impossible encore contre l’Empire allemand. Les conquêtes, justement, offrent un exutoire. » (Gilbert Comte, 1990, L’Empire triomphant, p. 35.)
  15. passage extrait du livre De la colonisation chez les peuples modernes.
  16. Formule empruntée à Gilbert Comte, ouvrage cité, p. 37.
  17. Voir notamment Jean Ganiage, ouvrage cité, p. 43.
  18. Charles-Robert Ageron, ouvrage cité, p. 131.
  19. Ibid., p. 132.
  20. Comte affirme que le nombre d’adhérents à « la vieille Société de géographie de Paris » était passé de 780 à 2000 en l’espace de sept années, soit entre 1873 et 1880. (Gilbert Comte, ouvrage cité, p. 37.)
  21. Cité par Charles-Robert Ageron, ouvrage cité, p. 132.
  22. William H. Schneider, 1982, An Empire for the Masses, p. 22. Traduction ad hoc.
  23. D’après un tableau dressé par William H. Schneider, ouvrage cité, p. 28.
  24. Charles-Robert Ageron, ouvrage cité, p. 133.
  25. Voir Genicot et al, 1997, Atlas historique, planches 54-B et 54-D.)
  26. Lire notamment William H. Schneider, ouvrage cité, pp. 48 et suiv. et Crocker, 1947, On Governing Colonies, pp. 13 et suiv. (« Africa and the Africans »).
  27. Voir notamment Jean Ganiage (1968), Gilbert Comte (1990) et Gilles Manceron (2003).)
  28. Gilles Manceron (2003) consacre un chapitre interpellant (chap. 6, pp. 117–137) à ce qu’il désigne comme la « construction du sauvage ». Il pointe la création d’un « nouveau sens commun » de l’identité « sauvage » des peuples colonisés au travers de la raillerie et comme relevant du « bon sens », une prétendue infériorité portée à son comble y compris dans la Chambre des députés par Jules Ferry en personne (mars 1884) dans sa méthode de la dérision pour « susciter l’adhésion de son auditoire à une politique visant à nier [ici] aux Malgaches tout droit en tant que peuple et toute dignité en tant que nation, et à faire disparaître son État. Rendre ridicule est une étape pour exclure de l’humanité. » (p. 119) L’auteur parle également de « zoos humains » en référence à l’exposition universelle de Paris en 1889 et d’autres, mettant en scène des « jardins zoologiques » (sic) exposant des groupes autochtones aux colonies, selon lui un comparable déni d’humanité.
    William H. Schneider (1982) dédie plus de cent pages à la description de cette popularisation d’un Empire colonial émancipateur de populations inférieures à la « race blanche » à travers les affiches, les médias de masse (surtout les journaux à sensation comme Le Temps ou, surtout, Le Petit Journal) et expositions en France, qui fit de la caricature de la presse populaire une image officielle (et tamponnée par l’État français) des Africains.
  29. Crocker, ouvrage cité, pp. 58 et suiv : notamment le désir prétendu du roi des Belges Léopold II, proclamant vouloir voir la Belgique « civiliser l’Afrique ».
  30. Gilles Manceron, ouvrage cité, p. 117.
  31. But explicitement avoué par Jules Ferry au milieu des années 1880, notamment selon ses propres propos à la Chambre des députés rapportés par Gilles Manceron, ouvrage cité, p. 119.
  32. Gilles Manceron, Marianne et les colonies, p. 197.
  33. Gilles Manceron, ouvrage cité, pp. 45–62.
  34. Il s’agit des traits inspirateurs du panafricanisme, cités par M’Bokolo, ouvrage cité, p. 3.

Bibliographie

Ouvrages généraux

  • « FRANÇAIS (EMPIRE COLONIAL) », 1996, Jean Burhaut, dans Jacques Bersani (dir.), Encyclopædia Universalis. Paris : Éd. Encyclopædia Universalis, t. 9, pp. 776–783.
  • Raoul Girardet, L'idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, 1972.

Monographies

Charles-Robert Ageron, 1978, France coloniale ou parti colonial ?. Paris : PUF. Coll. « Pays d'Outre-mer ».

Gilbert Comte, 1990, L’Empire triomphant. 1871–1936. Paris : Denoël, t. 1, 390 pp. Coll. « L’Aventure coloniale de la France ».

Léopold Genicot, et al., 1997, Atlas historique. Les grandes étapes de l’Histoire du Monde et de la Belgique. Bruxelles : Didier Hatier.

Gilles Manceron, 2003, Marianne et les colonies. Une introduction à l’histoire coloniale française. Paris : La Découverte.

Jean Martin, 1987, L’Empire renaissant. 1789–1871. Paris : Denoël, 330 pp. Coll. L’Aventure coloniale de la France ».

Elikia M’Bokolo, 2004, Le panafricanisme au XXIe siècle. Inédit, 49 pp. Document présenté lors de la Première Conférence des Intellectuels d’Afrique et de la Diaspora (Dakar, du 6 au 9 octobre 2004) – version non aboutie.

Claude Roosens, 2001, Les relations internationales de 1815 à nos jours. Louvain-la-Neuve : Éd. Bruylant Academia. Coll. « Pédasup ».

William H. Schneider, 1982, An Empire for the Masses. The French Image of Africa, 1870–1900. Londres : Greenwood Press.

Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser Exterminer Fayard, 2005

Robert Louzon Cent ans de capitalisme en Algérie 1830-1930 Acratie

Liens internes

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