Intouchable (dalit)

Intouchable (dalit)
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Une petite fille dalit en Andhra Pradesh, en Inde

Les intouchables, ou dalits, forment, en Inde, un groupe d'individus exclus du système des castes. (stricto sensu, ils sont considérés à proprement parler comme « hors du système des castes » au même titre que les populations aborigènes du pays ou les étrangers).

Depuis l'indépendance de l'Inde (1947), considérer un citoyen indien comme « intouchable » est interdit par la constitution de l'Inde[1]. Ils représentaient environ 170 millions de personnes en 1996[2] et peuvent aussi être appelés Harijan (« enfant de dieu », forme utilisée par Gandhi), mais préfèrent le terme de dalit qui signifie « opprimé ». L'appartenance à une caste est héréditaire, ce qui limite les possibilités d'ascension sociale.

Sommaire

Le système des castes

Article détaillé : Système de castes en Inde.

La société indienne est traditionnellement divisée en quatre grandes classes sanctionnées par la religion hindoue. Ces varnas (« couleurs » ou castes socio-religieuses, basées sur le métier et le rapport que l'on a au rituel védique et non sur la naissance) sont (par ordre de prestige décroissant) :

  • les brâhmanes (brāhmaṇa, ब्राह्मण, lié au sacré) : prêtres, enseignants, lettrés ;
  • les kshatriyas (kṣatriya, क्षत्रिय, qui a le pouvoir temporel, aussi - râjanya) : roi, princes, et guerriers ;
  • les vaisyas (vaiśya, वैश्य, lié au clan, aussi - ârya) : artisans, commerçants, agriculteurs et bergers ;
  • les sudras (śūdra, शूद्र, serviteur) : serviteurs.

Il n'y a pas de cinquième classe[3] : le concept d'« intouchabilité » n'est pas sanctionné par la religion hindoue, car aucun ouvrage sacré hindou n'en fait mention (certaines allusions trouvées dans les textes sont des extrapolations tardives)[4].

Mais en pratique, dans le système des castes (qui n'est pas sanctionné par l'hindouisme), ou jati (signifiant « naissances » ; ce sont les castes, celles qui sont, en Inde, au nombre de 4 600 environ, et qui déterminent par la naissance le métier que l'on fera, les règles que l'on devra suivre tout au long de sa vie), une grande partie de la population est exclue des quatre varnas, et relégués aux tâches dégradantes[5], ou très mal rémunérées, ou encore considérées comme impures d'un point de vue religieux : vidangeur, mendiant, boucher, pêcheur, chasseur, gardien de cimetière, sage-femme, etc.

Les individus constituant cette « non-caste », elle-même divisée en castes correspondant à leurs différents métiers, sont littéralement considérés comme « intouchables », que l'on ne peut et ne doit toucher. Ils sont par conséquent sujets à de nombreuses discriminations : contact interdit avec l'eau (et donc les puits) et la nourriture des autres castes, restrictions à la liberté de se déplacer et au droit à la propriété, etc[5].

Situation depuis l'indépendance

Jusqu'au milieu du XXe siècle, la simple vue ou le contact avec l'ombre d'un intouchable était source d'impureté pour un brahmane. Dans le cas d'un contact physique, cela pouvait se terminer par la mise à mort du hors-caste. De nos jours, dans les campagnes, ils subissent encore toutes sortes d'humiliations : les dalits ne peuvent pas utiliser le même puits[5] que les autres villageois ; ils résident en dehors du village, doivent enlever leurs chaussures dans les rues et rester debout dans les transports en commun, même si des places restent vides. Ils sont victimes de violences dont les récentes statistiques révèlent l'ampleur : chaque jour, deux intouchables sont tués et trois femmes dalits violées en moyenne[6]. En 2000, 43 % vivaient sous le seuil de pauvreté, alors que cette proportion est de 23 % pour l'ensemble de la population indienne[7].

« La situation des intouchables à Burj Jhabbe est la même que dans le reste de l’Inde. Comme dans la plupart des autres villages, pas un seul d’entre eux n’y possède des terres. Les fonds gouvernementaux destinés à améliorer leur sort sont usurpés par les membres du conseil du village, tous de caste supérieure. Ils vivent dans de petites huttes d’argile et de chaume. Ils sont employés comme journaliers dans les champs ou accomplissent des corvées pour des salaires de misère. Endettées, beaucoup de femmes doivent trimer pendant des années pour rembourser de petites sommes. Dans ce village relativement prospère, les dalits sont relégués dans une zone où il n’y a ni centre de santé, ni école, ni eau courante, ni toilettes[8]. »

L'éducation leur était interdite avant l'indépendance, ce qui oblitérait toute promotion sociale. Depuis, ils y ont accès, peuvent pratiquer toutes les professions et même devenir président du pays comme Kocheril Raman Narayanan, ce qui ne doit pas faire croire que la condition des intouchables ait fondamentalement changé : les traditions religieuses sont plus fortes que les lois du pays.

Pour tenter de sortir de leur condition, les dalits font souvent des conversions en masse vers le bouddhisme ou vers le christianisme, mais préfèrent le premier au second, d'une part parce que le premier a des racines dans la culture indienne, et d'autre part parce que le second perpétua longtemps dans les églises la ségrégation entre castes et hors-castes.

Les améliorations

La situation des dalits s'est malgré tout améliorée au cours du XXe siècle. Ceux qui, au début du siècle dernier, pouvaient perdre la vie sous prétexte que leur ombre venait toucher le corps d'un brahmane, grâce au bénéfice de l'alphabétisation et au mécanisme des discriminations positives, trouvent aujourd'hui leur force dans l'organisation politique.

Tous les Indiens sont égaux devant la loi en vertu de l’article 15 de la constitution indienne qui interdit toute discrimination basée sur la caste, le sexe, le lieu de naissance ou la religion ; et de l’article 16 qui abolit l’intouchabilité. Le père de cette constitution, Bhimrao Ramji Ambedkar, était lui-même dalit.

La politique de discrimination positive des quotas - 24,5 % des postes dans la fonction publique, les collèges et les universités sont réservés aux intouchables - leur a donné un poids politique du fait de leur nombre.

Ainsi, en Uttar Pradesh, le Bahujan Samaj Party, le parti politique des dalits est parvenu au pouvoir et s'y est maintenu un an et demi, permettant l'intégration de hauts fonctionnaires dalits dans l'administration de l'État. L'école, qui est en Inde gratuite et ouverte à tous, permet à certains intouchables d'accéder à une situation sociale qu'il leur aurait été difficile - voire impossible - d'obtenir avant l'indépendance. Cependant, de nombreux dalits, surtout les filles, ne vont pas à l'école... mais certaines sont formées pour devenir agents de santé de village, elles enseignent l'hygiène aux habitants des villages, mettent les bébés au monde, soignent les malades et sauvent des vies. Il y a 120 agents de santé de village du Comprehensive Rural Health Project (CRHP) en Inde. Fondé en 1970, le CRHP (également appelé « Jamkhed », du nom de la ville où se situe son siège) fournit des soins préventifs aux pauvres qui, sinon, n'en disposeraient pas. Le projet a permis d'aider 300 villages et 500 000 personnes dans l'État du Maharashtra. La ville de Jamkhed dispose d'un hôpital qui fonctionne avec un budget minime mais qui fait partie intégrante du projet du CRHP et renforce la crédibilité des agents de santé de village. L'hôpital du projet traite tous les cas, à l'exception d'un petit pourcentage de problèmes médicaux plus compliqués.

Personnalités dalits

Voir aussi

Lecture conseillée

  • Rohinton Mistry, L'Équilibre du monde
  • Narendra Jadhav, Intouchable - Une famille de parias dans l'Inde contemporaine, aux éditions Hachette littératures, 2005, ISBN 2-01-279262-6. Histoire romancée d'une famille d'intouchables, de 1920 à 2000, ayant vécu l'élan moderniste du Dr Babasaheb Ambedkar.
  • Marc Boulet, Dans la peau d'un intouchable
  • Madhau Kondvilker, Le journal d'un intouchable, Éditeur L'Harmattan, Coll. de l'A.C.I.A.D.
  • Robert Deliege, Les Castes en Inde aujourd'hui, Presses universitaires de France, Paris, 2004
  • Robert Deliege, Les intouchables en Inde, des castes d'exclus, Imago, Paris, 1995
  • Viramma, Josiane et Jean-Luc Racine, Une vie paria. Le rire des asservis, Terre Humaine, Poche, 2001 (1re éd. : Terre Humaine, Plon, 1995)

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « La Constitution de l’Inde indépendante ayant officiellement aboli l’intouchabilité et interdit toute discrimination de caste »

    Satish Deshpande, « Castes et inégalités sociales dans l'Inde contemporaine », dans Actes de la recherche en sciences sociales, no 160, 2005, p. 98-116 [texte intégral (page consultée le 27-03-2010)] 
  2. En Inde, les "intouchables" ont survécu à un dispositif légal quasi complet sur Le Monde. Consulté le 28 novembre 2009
  3. « Brâhmanes, Kshatriyas, et Vaïshyas sont les "deux fois nés" (dvija, ce qui constitue la connaissance du Véda), mais la quatrième varna, les shoûdras, n'ont qu'une seule naissance. Il n'y a pas de cinquième varna. » Manavadharmashâstra, L X, 4
  4. L'HINDOUISME, une introduction, de Dharam Vir Singh, SURABHI PRAKASH. Si on accepte l'hypothèse de la théorie de l'invasion aryenne, on obtient grossièrement l'organisation suivante de la société indienne : les trois premiers varnas, celles des « deux fois né », correspondent alors aux groupes constitués de l'envahisseur indo-européen, groupes que l'on retrouve dans les zones où les Indo-européens se sont implantés. Le quatrième varna regroupe, dans ce cas, les membres des civilisations pré-aryennes comme celle de la civilisation de la vallée de l'Indus ou des Dravidiens du sud de l'Inde, et les intouchables quant à eux, non civilisés, correspondent aux aborigènes de l'Inde, les habitants originels, impurs car non-hindouisés. Mais aujourd'hui, la grande majorité des archéologues rejette la théorie de l'invasion aryenne.
  5. a, b et c Les intouchables en Inde sur Dinosaria. Consulté le 28 novembre 2009
  6. L'Express, 3 mai 2004
  7. "Dalits, femmes et exclus de la société indienne se retrouvent à Bombay", lemonde.fr
  8. Amit Sengupta, « Bant Singh chante la révolte des intouchables », dans Courrier international n°834, 26/10/2006, [lire en ligne]

Wikimedia Foundation. 2010.

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