Jacob Franck

Jacob Franck
Jacob Frank

Jacob Frank, ou Jakob Franck (1726-1791), fut un prétendant juif à la messianité à la suite de Sabbataï Tsevi.

Ses disciples firent sécession avec le judaïsme, et créèrent un mouvement empreint de christianisme, le frankisme.

Le développement du frankisme fut permis et facilité, d'une part, par les mouvements messianiques qui secouèrent le Judaïsme après Sabbataï Tsevi, et d'autres part les changements qui affectèrent les conditions socioéconomiques du judaïsme polonais.

Sommaire

Biographie

Contexte historique

Parmi ces précurseurs se trouve d'abord Sabbataï Tsevi ou l'hetman Bohdan Chmielnicki, chef des Cosaques.

Le culte mystique des Sabatéens d'Europe de l'Est était un mélange d'ascétisme et de sensualité : certains faisaient pénitence pour leurs péchés, pratiquaient parfois l'auto-mutilation, et portaient le "deuil de Sion" (toutefois, le terme d'"endeuillés de Sion" qu'on retrouve notamment dans la liturgie de Tisha BeAv fait référence à tous les Juifs.)
D'autres faisaient volontairement entorse aux strictes règles de pureté familiale caractéristiques du Judaïsme, et s'engageaient dans des voies pour le moins licencieuses.

Les mesures prises par les rabbins pour lutter contre l'hérésie lors d'un concile à Lemberg en 1722, ne portèrent que partiellement leurs fruits et de certains adeptes choisirent la clandestinité plutôt que la réintégration dans le giron du Judaïsme traditionnel. Le père de Jacob Franck présidait un tel cercle en Podolie, qui avec la Galicie fut un terreau fertile pour le sabbatéisme clandestin.

Conditions socio-économiques

L'épanouissement du mysticisme se produisit, comme souvent, dans un contexte de marasme socio-économique qui atteignit précisément les Juifs de Podolie et Galicie au cours de la première moitié du XVIIIe siècle.
La Pologne elle-même était sur le déclin, et les Haïdamak détruisaient la sécurité des personnes et de leurs biens dans beaucoup de centres de peuplement Juifs. Ce déclin toucha également les écoles rabbiniques, dont on a mentionné le rôle dans la limitation de l'expansion du mysticisme[réf. nécessaire].

Jacob Frank avant le Frankisme

Jacob Frank naît en 1726 à Korolowka, en Podolie (Podolia), sous le nom de Jacob Leibowitz (beaucoup d'orthographes de ce nom retrouvées). Son père fut du nombre des excommuniés pour cause de sabbatéïsme, et il émigra vers Czernowitz (Bucovine) en 1730, où l'influence des Sabbatéens Turcs était beaucoup plus présente.
Son fils manifesta donc une aversion pour tout ce qui tournait autour du Talmud.

Il fit de fréquentes incursions en Turquie, en tant que négociant itinérant d'habits et de pierres précieuses. C'est là qu'il fut nommé Frank, nom générique donné aux Européens par les autochtones. Il vécut surtout autour des centres du sabbatéisme : Izmir et Salonique.

Vers le début de la seconde moitié du XVIIIe siècle, il était intime avec les dirigeants du culte, et en adopta le culte mâtiné d'islam. Deux Sabbatéens (ou Dönme), fidèles d'Osman Baba, furent les témoins de son mariage en 1752. En 1755, il revenait en Podolie, rassemblait un groupe de disciples, et commençait à prêcher les révélations que lui communiquaient les fidèles du messie de Salonique. Dans leurs réunions secrètes, dirigées par Frank, on pratiquait à l'encontre des conceptions éthico-religieuses du Judaïsme orthodoxe. L'un de ces rassemblements à Landskron se terminant par un scandale, l'attention des rabbins fut attirée par cette nouvelle propagande. Frank étant étranger, il fut prié de quitter la Podolie, tandis que ses disciples étaient livrés aux tribunaux rabbiniques locaux.

Les Anti-Talmudistes

Au terme de ces auditions, les rabbins de Brody proclamèrent un puissant Herem (excommunication) envers tout hérétique impénitent, en rendant obligatoire pour tout Juif pieux de les débusquer et les exposer.
Les sectaires en question se rendirent auprès de Dembrowsky, évêque de Kamenetz-Podolsk, dont ils s'assurèrent la protection en lui racontant que la secte juive à laquelle ils appartenaient rejetait le Talmud et ne reconnaissait que le Zohar comme autorité, celui-ci admettant, disaient-ils, la vérité de la doctrine chrétienne de la Trinité. Le Messie-Libérateur qu'ils attendaient étaient, assuraient-ils, l'un des trois membres de la divinité, mais ils ne précisèrent pas que ce Messie était Sabbataï Tzvi. L'évêque prit sous son aile les "Anti-Talmudistes" ou "Zoharistes", comme les sectaires commençaient à se dénommer, et arrangea même une disputation entre ceux-ci et les autorités rabbiniques. À la suite de ces disputations, les Zoharistes furent déclarés vainqueurs, et les "Talmudistes" furent condamnés à payer une amende à leurs opposants, et à brûler tous les exemplaires du Talmud dans l'évêché de Podolie[réf. nécessaire].

Mais à la mort de Dembrowsky, les Anti-Talmudistes parvinrent à obtenir d'Auguste III de Pologne, (1733-1763) un édit garantissant leur sécurité.

Déclaration d'être le successeur de Sabbataï Tzvi

C'est à ce moment que Jacob Frank réapparut en Podolie avec un nouveau projet : il déclara être le successeur direct de Sabbataï Tzvi et Osman Baba, assurant à ses adhérents qu'il en avait reçu l'ordre du Ciel. Ces révélations prescrivaient également à Frank et ses disciples de se convertir au Christianisme, qui devait être une transition visible vers une future "religion Messianique". En 1759, les négociations en vue d'une conversion en masse au Catholicisme furent menées avec les plus hauts représentants de l'Église Polonaise[réf. nécessaire]; dans le même temps, les Frankistes essayaient d'obtenir une nouvelle discussion avec les rabbins.

Le baptême des Frankistes

Les rabbins attaquèrent durement leurs opposants. Après la disputation, les Frankistes furent priés de donner une preuve tangible de leur attachement au Christianisme ; Jacob Frank, qui était arrivé à Lemberg, encouragea ses fidèles à faire le pas décisif.
Le baptëme des Frankistes fut célébré dans l'église de Lvov, des membres de la szlachta polonaise jouant le rôle de parrains de baptême. Les néophytes prirent les noms de leurs parrains et marraines, et finirent par joindre eux-mêmes les rangs de la szlachta.

Lui-même fut baptisé le 17 septembre 1759 à Lvov, et confirmé le 18 novembre à Varsovie, son parrain n'étant autre qu'Auguste III. Le nom de baptême de Frank était Joseph (Józef).

Mais les Frankistes continuaient à se marier entre eux, et appelaient Frank saint maître ; il fut aussi découvert qu'en Turquie, Frank se faisait passer pour un Musulman[réf. nécessaire].
Il fut donc arrêté à Varsovie le 6 février 1760 et comparut devant le tribunal ecclésiastique pour fausse conversion au Catholicisme et dissémination d'une hérésie subversive. Frank fut reconnu coupable, et emprisonné dans le monastère de la forteresse de Częstochowa, de sorte à ne pouvoir communiquer avec ses fidèles.

La fin de sa vie

L'emprisonnement de Frank, qui dura 13 ans, lui donna une réputation de martyr.
Beaucoup de Frankistes s'établirent près de Czestochowa, et restaient en contact avec le saint maître, trouvant souvent accès à la forteresse. Frank leur donnait des discours et épîtres mystiques, où il insistait que la salvation ne pourrait se faire que dans la religion d'Edom, par laquelle il entendait une étonnante composition de christianisme et de sabbatéisme.

Après la première partition de la Pologne, Frank fut relâché en août 1772 par le général Russe Bibikov, qui avait occupé Czestochowa. Jusqu'en 1786, Frank vécut dans la ville moravienne de Brno, et s'entoura d'un grand nombre de disciples et de pélerins en provenance de Pologne. La motivation de certains n'était pas tant Jacob Frank que sa fille, Ève, qui joua alors un important rôle dans le culte. Dans sa cour de Brno, il entretenait une armée de 600 personnes, dont une partie provenant des Cosaques Juifs du prince Grigori Potemkine. Il reçut même la viste du futur tzar Paul Ier de Russie.

Accompagné de sa fille, Frank se rendit à plusieurs reprises à Vienne, et parvint à s'attirer les faveurs de la cour. Marie-Thérèse voyait en lui un propagateur du christianisme parmi les Juifs, et Joseph II lui-même aurait manifesté une inclination envers Ève Franck.[réf. nécessaire]
Néanmoins, il fut prié de quitter l'Autriche. Il se rendit alors à Offenbach, petite ville allemande, avec sa fille et sa suite, et y vécut comme un noble, grâce aux dons importants de ses adhérents de Pologne et Moravie.

A sa mort (1791), sa fille Ève devint la "sainte maîtresse" et dirigeante du culte. Bien que les pèlerinages des adhérents et leurs dons diminuent, Ève continua à mener grand train, et mourut en 1816, avec ses seules dettes pour couvertures.[réf. nécessaire]

Des agents frankistes tinrent un rôle dans la Révolution Française, comme Moïse Dobruchka, qui devint Jacobin sous le nom de Junius Frey. Beaucoup de Frankistes virent un Messie potentiel en Napoléon Bonaparte[réf. nécessaire].

Les Frankistes éparpillés en Pologne et en Bohême se transformèrent graduellement en véritables Catholiques, mêlant leur descendance à la population chrétienne avoisinante. Le culte disparut sans laisser la moindre trace dans le judaïsme.

Voir aussi


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