Jean Boinod

Jean Boinod

Jean Daniel Mathieu Boinod, intendant militaire suisse puis français (29 octobre 1756 à Vevey, canton de Vaud (Suisse) - 28 mai 1842 à Paris).

Décrété de prise de corps par Berne pour avoir participé aux banquets de 1791, Boinod (alors appelé l'Américain) s'engagea à la Légion des Allobroges, y fut quartier-maître trésorier (1792), puis commissaire des guerres (1793). Il fait la campagne d'Égypte. Commissaire ordonnateur de l'armée d'Italie (1800), inspecteur aux revues (1800), inspecteur en chef en 1810 avec un prétendu grade de général. D'une probité exemplaire et fidèle à Napoléon, il le suivit à l'île d'Elbe comme administrateur. Inspecteur aux revues de la Garde impériale en 1815, il sera réduit à de modestes emplois sous la Restauration. Intendant militaire (1830-1832). Commandeur de la Légion d'honneur (1831), chevalier de la Couronne de Fer.

Biographie détaillée

Il fut d'abord imprimeur-libraire, entra au service le 13 août 1792, comme quartier-maître trésorier dans la légion des Allobroges. Commissaire des guerres provisoire, le 25 brumaire an II, et employé à l'armée de siège de Toulon au service de l'artillerie. C'est là que commencèrent ses relations avec Napoléon Bonaparte et que s'établit entre eux cette intimité qui résista à toutes les épreuves. Boinod ne fut pas compris dans l'organisation du 25 prairial an III[1].

Boinod fut nommé enfin commissaire des guerres titulaire, le 17 vendémiaire an IV, à l'armée d'Italie[2]

Boinod fit partie de l'expédition d'Égypte[3].

Nommé inspecteur aux revues le 18 pluviôse suivant, il se rendit à Bourg pour la levée et l'organisation des bataillons du train d'artillerie. Il alla ensuite, dans le Valais, afin de préparer à assurer les subsistances et tes transports pour le passage du Saint-Bernard.

II fit la campagne de l'an VIII, à l'armée d'Italie, en qualité d'ordonnateur en chef. Le 25 nivôse an X, il fut nommé inspecteur aux revues, attaché à la place de Besançon.

Boinod, dans l'inflexibilité de ses principes, fut le seul de la vieille armée d'Italie qui protesta par un vote négatif contre le consulat à vie. Le premier consul ne s'en montra point offensé, et le 12 vendémiaire an XII, il l'employa près la cavalerie des camps établis sur les côtes de l'Océan. Quelque temps après, quand le peuple dut se prononcer au sujet de l'érection de l'Empire, Murat remit au premier consul le vote des corps de cavalerie et lui dit qu'il y avait un seul opposant. « Quel est-il ? demanda-t-il vivement. —C'est l'inspecteur Boinod. — Je le reconnais bien là ; c'est un quaker. »

Le 4 germinal an XII, l'Empereur comprit Boinod sur la liste des membres de la Légion d'honneur. Boinod fit les campagnes de l'an XIV à la grande armée, et eut, le 21 juin 1806, l'inspection du 2e corps dans le Frioul.

Le 17 septembre suivant, l'Empereur l'attacha au ministère de la guerre du royaume d'Italie et écrivit au vice-roi : « Je vous envoie Boinod, laissez-le faire. »

Nommé chevalier de la Couronne de Fer et officier de la Légion d'honneur, il reçut en 1808 une mission importante en Dalmatie et s'en acquitta avec le plus grand succès[4].

Nommé inspecteur aux revues de l'armée d'Italie, le prince vice-roi lui confia (15 mai 1809) l'intendance générale de ladite armée en Allemagne. Inspecteur en chef, par décret impérial du 20 janvier 1810, il continua de servir à l'armée d'Italie.

Vers cette époque, l'armée vivait encore au moyen de réquisitions. Plusieurs des principaux habitants du pays ayant cru nécessaire de demander un abonnement, nommèrent une députation qui devait se rendre auprès de l'Empereur à l'insu de Boinod; mais celui-ci, en ayant eu connaissance, prit la poste et arriva à Paris un jour après les députés; ceux-ci déjà reçus par l'Empereur, lui avaient proposé un abonnement de 17 millions auquel il paraissait disposé à consentir. Le lendemain, Boinod accourut : « Je viens, dit-il, empêcher Votre Majesté de commettre une grande faute. » Et il expose ses projets[5].

Comme premier administrateur de l'Italie, il lui était alloué 12 000 francs par mois pour frais de bureaux. Après quelques mois de service, il reconnut que 6 mille francs lui suffisaient, et il remboursa le surplus au trésor.

Pendant qu'il était au ministère de la guerre du royaume d'Italie, l'Empereur mit à sa disposition des fonds qui ne furent pas tous employés; le reliquat se montait à une somme d'environ cent mille francs dont il voulut faire le versement au trésor ; mais l'Empereur s'y opposant, Boinod insista, affirmant que son traitement lui suffisait, et il réintégra les fonds dans la caisse publique.

Après le départ de Napoléon pour l'île d'Elbe, Boinod qui avait protesté contre l'Empire, courut se ranger à côté de son bienfaiteur, de son ami. Abandonnant sa position, compromettant son avenir, il se rend en Suisse, y installe sa femme et ses enfants, et après avoir traversé l'Italie, il s'embarqua incognito à Piombino sur une petite barque qui conduisait des ouvriers tanneurs à l'île d'Elbe.

Il débarqua, au mois d'août, à Porto-Longone ; l'Empereur s'y trouvait alors et fit à Boinod l'accueil le plus bienveillant. Le lendemain, un ordre du jour apprit aux troupes que M. Boinod était chargé en chef des services administratifs de l'île d'Elbe. L'Empereur le laissa maître de fixer lui-même ses appointements; ef celui qui aurait pu avoir des millions, ne voulut accepter que 3 000 francs, dont 900 francs furent consacrés à son secrétaire, et 600 à son domestique.

Rayé des contrôles du corps des inspecteurs aux revues, Boinod revint en France avec l'Empereur, et fut nommé inspecteur en chef aux revues de la garde impériale. On lui alloua 40 000 francs pour frais d'installation; mais la caisse d'un des régiments soumis à sa surveillance se trouvant à découvert d'une pareille somme, il envoya au chef du corps ces 40 000 francs en l'invitant à combler un déficit qu'il serait obligé de signaler.

Rayé de nouveau des contrôles après la seconde abdication, il fut admis à la retraite le 16 avril 1817, et se vit bientôt obligé d'accepter pour soutenir sa famille, le modeste emploi d'agent spécial de la Manutention des vivres de Paris, emploi qu'il exerça pendant douze ans. Il apporta dans ce service d'immenses améliorations qui produisirent d'importantes économies pour l'État, et une nourriture infiniment supérieure pour le soldat.

Après la révolution de juillet, nommé président de la commission des anciens fonctionnaires militaires, il donna sa démission de directeur des subsistances. Il reprit son rang comme intendant militaire dans le cadre d'active et fut nommé commandeur de la Légion d'honneur.

Admis de nouveau à la retraite le 27 mai 1832, il avait alors quarante ans de services effectifs, et pour toute fortune sa pension de retraite, son traitement d'officier de la Légion d'honneur, et les 50 000 francs auxquels se réduisit en réalité le legs que lui avait fait l'Empereur[6].

Cet homme mourut à Paris le 28 mai 1842. Le corps de l'intendance militaire, lui fit élever un modeste tombeau au cimetière du Montparnasse[7]

Il se signala par son habileté et son intégrité dans le service des subsistances militaires pendant les guerres de l'Empire, ce qui lui valut de figurer pour un legs de 100 000 francs sur le testament de Napoléon Ier par son troisième codicille du 21 avril 1821.

La 24ème promotion des commissaires de l'Ecole Militaire Supérieure d'Administration et de Management de l'Armée de Terre a été baptisée "Commissaire ordonnateur Boinod".

Notes et références

  1. Le général Bonaparte lui écrivait à ce sujet :
    « Je ne vous ai pas écrit, mon ami, parce que je n'avais aucune nouvelle agréable à vous donner. Vous n'êtes pas conservé commissaire des guerres: mais il est possible que cela change avant mon départ de Paris, qui ne sera pas encore d'ici à quelques décades. Donnez-moi de vos nouvelles. L'on est ici tranquille. Je vous envoie quelques numéros de la Sentinelle de Louvet. Les nouvelles du Midi sont toutes affligeantes ; l'escadre perd un vaisseau; l'armée d'Italie évacue les positions, les places intéressantes et perd son artillerie. Le magasin à poudre de Nice saute ; les terroristes nouveaux ont le dessus ; on égorge de tous côtés. Il faut espérer que bientôt un gouvernement ferme et mieux organisé fera cesser tout cela. Adieu, mon ami, écrivez-moi. « BONAPARTE. »
    Au bas de cette lettre, le général indiquait ainsi son adresse :
    « Au général Bonaparte, sous l'enveloppe du citoyen Casabianca, représentant du peuple, rue de la Michodière, rue 6. »
  2. Il y déploya tant d'intelligence, de probité et d'activité que le général en chef lui envoya une gratification de cent mille francs, Boinod lui écrivit : «Je ne te reconnais pas, citoyen général, le droit de disposer ainsi des deniers de la République. L'armée souffre ; je viens d'employer cette somme à ses besoins. » A cette même armée d'Italie, Boinod signe un marché ; mais il s'aperçoit que le fournisseur a trop d'avantage. Il lui dit : « Je vais faire casser le marché par le ministre, si tu ne me donnes un pot-devin! — Comment, vous, citoyen Boinod, un pot-de-vin! — Oui, moi, et je veux 30,000 francs. » Le fournisseur en prend l'engagement par écrit, et, sur le premier bordereau ordonnancé à son profit, Boinod écrit : « A déduire 30,000 francs que le fournisseur a promis de me donner, et qui appartiennent à la République. »
  3. Le 23 nivôse an VII, en signant sa commission de commissaire ordonnateur, le premier consul ajouta de sa main, en marge du mémoire de proposition : « II sera écrit au citoyen Boinod une lettre de satisfaction sur le zèle qu'il a toujours montré, sur son exacte probité, sur sa sévérité à empêcher les dilapidations, et cette lettre sera imprimée au journal officiel.
  4. Présenté pour le titre de baron lors de la création de la noblesse impériale : « Vous ne le connaissez pas, dit Napoléon en le rayant ; mais moi je le connais ; il refuserait. »
  5. « Je connais les ressources du pays ; chargez-moi de cette négociation et vous obtiendrez près du double. — J'ai confiance en vos lumières et en votre probité, M. Boinod; je vous donne mes pouvoirs, » lui dit l'Empereur. Le même jour, Boinod va trouver les députés qui se croyaient sûrs du succès; il les détrompe en leur disant : « L'Empereur n'a point donné son consentement. J'ai ses pleins pouvoirs ; vous ne traiterez qu'avec moi et sur les lieux. » De retour à Milan, il obtint trente-deux millions.
  6. Boinod était au nombre de ceux dont le captif de Sainte-Hélène disait : Si je n'avais eu que des serviteurs de cette trempe, j'aurais porté aussi haut que possible l'honneur du nom français. J'en aurais fait l'objet du respect du monde entier.
  7. Il lui consacra une médaille en bronze représentant ses traits avec cette inscription latine : Pure àcta œtas. Portant en exergue, sur le revers, les mots suivants : il eut l'insigne honneur de figurer sur le testament de Napoléon, et au milieu :
    À Boinod,
    Inspecteur en chef aux revues,
    Le Corps de l'intendance militaire.
    Siège de Toulon,
    Italie,
    Égypte,
    Allemagne,
    Île d'Elbe.

Source partielle

  • Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Jean Boinod » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878  (Wikisource)
  • « Jean Boinod », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail de l’édition]

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